Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont frappés du sceau de l’incertitude. Leur montant global stagne, voire régresse légèrement.
En effet, si l’ensemble des dépenses dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l’audiovisuel public augmente de 0, 46 %, cette hausse ne compense pas l’effet de l’inflation, qui devrait s’établir, cette année, à 1 %. Il s’agit donc d’un budget gelé.
Surtout, ce budget pourrait se révéler des plus fragiles, en l’absence de réformes structurelles.
Cette incertitude se retrouve dans chaque programme et dans le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
En matière de presse, nous ne pouvons que saluer les nouveaux mécanismes fiscaux créés par la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, en particulier le dispositif dit « Charb », adopté grâce à notre collègue Philippe Bonnecarrère, qui permet aux particuliers de déduire de leur impôt sur le revenu les dons aux associations œuvrant en faveur du pluralisme de la presse.
Toutefois, comme l’a très justement souligné Patrick Abate, rapporteur pour avis de la commission de la culture, l’incertitude qui pèse sur les tarifs postaux applicables à la presse au-delà du 31 décembre 2015 jette un discrédit sur l’ensemble du programme dédié à celle-ci.
Dans ce flou, la nouvelle diminution drastique des crédits d’aide au transport postal inscrits dans la mission « Économie » assombrit les perspectives. On ne sait même pas si un nouvel accord sera conclu ou si l’on s’achemine vers l’instauration d’une relation commerciale ordinaire entre La Poste et les éditeurs de la presse.
Une autre incertitude concerne l’Agence France-Presse. Si nous ne pouvons que nous réjouir du classement du contentieux communautaire la concernant, nous considérons que la dotation, stable, qui lui est allouée ne réglera pas ses difficultés à investir, compte tenu de l’absence de fonds propres qui la caractérise et du niveau d’endettement qui est le sien. Notre collègue Philippe Bonnecarrère avait déjà signalé ce problème dans son rapport sur la loi de modernisation du secteur de la presse.
L’incertitude demeure pour ce qui concerne le programme « Livre et industries culturelles ».
On pense immédiatement aux errements du chantier de rénovation du quadrilatère Richelieu, dont le budget dérape et dont on ne sait même pas comment les finitions seront financées. Même le budget du site principal de la Bibliothèque nationale de France, qui concentre l’essentiel des crédits du programme, n’est pas bordé, puisque la maintenance de ce site ne cesse de produire des frais en cascades.
Le financement du Centre national du livre pourrait lui aussi ne plus être assuré à terme, du fait de l’érosion de la dotation, assise sur le produit de la taxe sur les appareils de reproduction ou d’impression et de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision, qui est allouée à celui-ci et dont le montant est désormais inférieur à 30 millions d’euros.
Nous savons que l’heure est à la réflexion sur ce sujet, puisqu’une mission commune à l’Inspection générale des affaires culturelles et au Contrôle général économique et financier, le CGEFi, a été constituée pour comprendre l’affaiblissement du rendement des taxes affectées au Centre national du livre. Nous espérons que cette mission portera vite ses fruits, de manière que le financement du Centre national du livre puisse être rénové dès le prochain exercice budgétaire.
En outre, le sort de la HADOPI est en pur trompe-l’œil. Je connais bien le sujet, pour avoir cosigné, avec ma collègue Corinne Bouchoux, au nom de la commission de la culture, un rapport d’information sur l’avenir de la HADOPI.
On nous présente l’augmentation, pour 2016, de la dotation de la Haute Autorité comme un progrès notable. Il est vrai que le montant alloué passe de 6 millions d’euros à 8, 5 millions d’euros ; mais ce n’est là qu’apparence : il faut bien comprendre que, après deux années d’asphyxie budgétaire, l’institution voit, en réalité, son budget sanctuarisé à un niveau très faible, puisqu’elle ne dispose plus d’aucun fonds de réserve dans lequel elle puisse puiser.
Le Gouvernement doit choisir entre, soit supprimer ouvertement la HADOPI, ce à quoi nous nous opposerons, soit lui donner les moyens de fonctionner, quitte à la rénover – mais quand, et au travers de quel texte législatif ? Nous avons formulé dans notre rapport des propositions en ce sens. En l’absence de choix clair, le devenir de la Haute Autorité demeure une totale inconnue. Là aussi, c’est l’incertitude qui prévaut.
Hélas ! l’incertitude entoure également tout le financement de l’audiovisuel public.
La situation financière de Radio France demeure très fragile. Son déficit se creusera en 2016. Par quel tour de passe-passe devrait-il ensuite se résorber ? Faute de réformes sur les méthodes de travail et sur les effectifs, les conditions du retour à l’équilibre, fixé à 2018, demeurent un mystère.
Dans le rapport qu’elle a consacré à ce sujet en avril dernier, la Cour des comptes a mis en évidence des dysfonctionnements et formulé des propositions. Ces dernières seront-elles suivies d’effets ?
En l’absence de cap clairement défini, il n'y a rien d’étonnant à ce que les personnels s’inquiètent, comme l’a montré le mouvement de grève exceptionnel, de vingt-huit jours, qui a été décidé au printemps dernier.
J’en terminerai par France Télévisions. Là encore, l’incertitude est également des plus préoccupantes. Cette incertitude pèse sur le périmètre du groupe, sur les attentes de l’actionnaire par rapport aux programmes et, surtout, sur le financement, puisque, d’une part, la situation de l’entreprise reste structurellement déficitaire et, d’autre part, la réforme de la redevance est une fois encore ajournée – sine die, si j’ai bien compris.
Cette réforme de la redevance est indispensable ; chacun en a bien conscience aujourd’hui.
Cette année, la contribution à l’audiovisuel public augmentera peu, compte tenu de la faiblesse de l’inflation. Toutefois, même si nous ne sommes pas hostiles, par principe, à une augmentation plus franche du montant de cette contribution, qui demeure l’une des moins élevées d’Europe, nous considérons que le véritable enjeu n’est pas là.
L’enjeu, selon nous, réside dans la réforme de l’assiette de la contribution. En effet, compte tenu de l’évolution des modes de consommation des usages audiovisuels, une contribution assise sur les postes de télévision est devenue totalement obsolète. Le décrochage est inévitable. Tout le monde le sait. Au reste, cela s’est déjà produit chez certains de nos voisins européens… Cependant, le Gouvernement se refuse toujours à réformer l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public.
À l’instar de ce qu’ont préconisé nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans leur rapport adopté par la commission de la culture en septembre dernier, nous soutenons la mise en place d’une contribution forfaitaire universelle, sur le modèle allemand.
Au lieu de cela, le Gouvernement a pour sa part choisi d’augmenter la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, la faisant passer de 0, 9 % à 1, 2 % du chiffre d’affaires, pour un rendement de 75 millions d’euros.
Nos rapporteurs parlent d’une politique de Gribouille. Nous les rejoignons. L’augmentation du taux de la TOCE pénalisera le secteur de la téléphonie mobile, dont les tarifs augmenteront, alors même que le produit actuel de la taxe suffirait à compenser les pertes de recettes publicitaires de France Télévisions, s’il lui était effectivement affecté dans sa totalité, conformément à son objet initial.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC s’opposera à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».