Intervention de Sylvie Robert

Réunion du 3 décembre 2015 à 9h30
Loi de finances pour 2016 — Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public

Photo de Sylvie RobertSylvie Robert :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Julien Green écrivait : « Un livre est une fenêtre par laquelle on s’évade. »

Actuellement, s’il est indéniablement nécessaire d’agir, de faire face et front commun, il est tout autant indispensable de préserver l’imaginaire et la création, ces moments où l’esprit se trouve transporté hors du tumulte pour mieux réfléchir ou rêver.

Le livre a cette force, capable à la fois de faire rompre instantanément avec le réel, mais aussi de plonger la conscience encore plus intensément dans le réel. Chaque livre a son univers et sa portée, comme chaque lecteur a ses goûts et sa sensibilité. Mais comme l’exprime Antoine Albalat avec limpidité, « un livre qu’on quitte sans en avoir extrait quelque chose est un livre qu’on n’a pas lu ».

Ce désir d’évasion, de réflexion et de compréhension est symbolisé par la dynamique du marché du livre. Après plusieurs années difficiles, dues, entre autres choses, à la percée du numérique, les ventes se sont stabilisées autour de 422 millions d’ouvrages en 2014, dont près d’un quart de littérature. L’année 2015 devrait être une année encore plus faste, grâce à l’accroissement des ventes d’essais politiques et philosophiques, voire de romans.

Il est évident que le climat présent, marqué par l’incertitude ou l’absurde, amplifie le besoin de comprendre ce qui est encore intelligible.

Dans ce contexte, le soutien à la filière du livre, composée de multiples acteurs, est absolument essentiel. Il convient, notamment, de veiller à la situation du Centre national du livre, le CNL. En tant qu’opérateur de l’État, il encourage la création, l’édition et la diffusion des œuvres.

Or la baisse des recettes du CNL pourrait, à terme, fragiliser ses actions pourtant reconnues, en particulier en matière de numérique. C’est pourquoi la mission confiée à l’Inspection générale des affaires culturelles, l’IGAC, ainsi qu’au Contrôle général économique et financier est primordiale et pourrait permettre de dégager plusieurs solutions pour pérenniser le modèle économique du CNL.

Par ailleurs, les librairies indépendantes constituent un maillon caractéristique de la chaîne du livre, participant activement au rayonnement de la culture en France. La preuve en est un réseau singulièrement dense : 2 500 librairies, dont plus de 500 disposent d’un label de qualité « librairie indépendante de référence ». Elles jouent un rôle essentiel dans nos territoires et dans l’économie de proximité.

En difficulté depuis le début des années 2000 et l’explosion de la vente en ligne, les librairies indépendantes ont vu leur part de marché s’éroder : moins de 1 % des achats s’effectuait en ligne en 2000, contre 18, 5 % en 2014. Cependant, le plan de soutien mis en œuvre l’an passé, qui vise notamment à faciliter l’accès au crédit bancaire et à conforter les aides directes versées par le CNL, a eu l’effet escompté, ce qui a permis d’endiguer cette tendance.

À l’avenir, en vue de renforcer le poids des librairies indépendantes dans l’économie locale et d’améliorer leur taux de rentabilité, des pistes pourraient être étudiées. À ce titre, la mission commune d’information du Sénat sur la commande publique, à laquelle j’ai participé, préconise de faire passer le seuil de mise en concurrence sur les marchés publics de 25 000 euros à 40 000 euros d’ici à trois ans. Les librairies seraient ainsi mieux protégées et leur place dans les circuits courts consolidée. Cette mesure constituerait déjà une avancée.

Outre le soutien à la filière du livre, le développement de la lecture publique est un axe majeur de la politique de l’État et des collectivités territoriales. Inciter à la pratique de la lecture, essayer de donner le goût du livre, lutter contre l’illettrisme sont des enjeux à la fois éducatifs et civiques, donc forcément démocratiques.

Dans cette perspective, le quasi-doublement de l’enveloppe allouée aux contrats territoires-lecture, les CTL, constitue une avancée. Ces contrats, qui prennent la forme de partenariats pluriannuels entre l’État, les collectivités et, éventuellement, des structures associatives permettent de mener des actions ciblées, surtout dans les quartiers prioritaires, mais aussi dans les zones rurales.

En essayant de combler les zones blanches et de toucher un public qui peut être empêché d’accéder aux espaces de lecture ou qui n’y a pas accès, les CTL sont un instrument important au service de la lecture publique et, par-delà, de l’éducation, de l’insertion et de la justice sociale.

En l’espèce, je suis convaincue que les bibliothèques – vous savez mon attachement à ces structures ! –, espaces modernes de libertés et de solidarités, lieux de vie, incarnations du vivre ensemble, ont un rôle croissant à jouer. Je ne peux que me réjouir de la création d’une part fonctionnement au sein du concours particulier de la dotation générale de décentralisation, la DGD, qui, espérons-le, favorisera la réalisation de projets ayant pour finalité d’améliorer l’amplitude horaire des bibliothèques.

Le programme 313, qui a trait à la contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique, est également un élément important de la vie culturelle des territoires. À cet effet, les crédits affectés au Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale ont pour objet de contribuer au secteur radiophonique de proximité, qui fait vivre le débat, le pluralisme et le lien social. Pour 2016, le montant est maintenu à la même hauteur qu’en 2015, soit 29 millions d’euros. C’est une bonne chose. Toutefois, nous restons vigilants sur la question de la banque de programmes Sophia, mes collègues en ont déjà parlé, dont on ne connaît pas à ce jour l’avenir.

En parallèle, à la suite de l’expérimentation concluante menée cette année, un fonds de soutien aux médias de proximité a été créé et doté de 1, 5 million d’euros. Ces médias, de taille modeste, souvent fragiles, dirigés vers un public jeune, sont de plus en plus nombreux. Ils sont très utiles à la démocratie locale. Veillons donc à les maintenir !

Enfin, la diversité culturelle est aussi fonction de la pluralité des acteurs. Je prendrai un seul exemple. Dans le domaine de l’industrie culturelle, et plus spécifiquement de la musique enregistrée, existent de nombreuses TPE et PME indépendantes, aux modèles économiques très différents, qui maillent nos territoires. Pour les soutenir, le crédit d’impôt est important. Il sera prolongé jusqu’à la fin de l’année 2018, ce qui est une bonne chose.

Pour conclure, je dirai que la volonté du Gouvernement de promouvoir la diversité culturelle en apportant des garanties aux divers acteurs et en stimulant le tissu économique local est vraiment à saluer, peut-être plus encore aujourd'hui qu’hier, face aux phénomènes importants de concentration observés dans le secteur des industries culturelles. Car la diversité, quelle qu’elle soit, ne se décrète jamais. Il faut savoir créer les conditions de son existence, mais aussi de son développement.

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