Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 3 décembre 2015 à 9h30
Loi de finances pour 2016 — Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public

Fleur Pellerin, ministre :

Je pense à l’organisation du travail et à la lutte contre la précarité, ou à la réforme des formations musicales, sur laquelle j’ai été parfaitement claire au mois d’avril dernier.

C’est un COM responsable, car nous prenons nos responsabilités d’actionnaire, en accompagnant financièrement Radio France, par un surcroît de ressources publiques à hauteur de 25 millions d’euros sur trois ans et une dotation en capital de 55 millions d’euros, afin que soit – enfin ! – achevé le chantier de réhabilitation que vous aviez décidé.

Nous restaurons ainsi un équilibre économique durable pour cette grande maison de service public qu’est Radio France, sans altérer les missions qui sont les siennes, et dans le respect des salariés, dont chacun reconnaît l’engagement en faveur du service public.

En outre, nous engageons une réforme des aides à la presse, après les accords Schwartz ; j’ai eu l’occasion de présenter les grandes lignes de cette réforme hier en conseil des ministres.

Au cours de l’année 2016, une commission entreprendra un travail approfondi de reclassification pour déterminer quels titres de la presse magazine ont vocation à entrer dans la catégorie de « la presse de la connaissance et du savoir » et quels titres relèvent de la « presse de loisirs et de divertissements ».

À l’issue de ce travail, l’État continuera de soutenir La Poste à hauteur de 119 millions d’euros, pour permettre à toutes les familles de presse de bénéficier de tarifs aidés. Mais les hausses tarifaires appliquées par La Poste pour la période 2017-2022 connaîtront des niveaux différenciés : 0 % pour les quotidiens à faibles ressources publicitaires ; 1 % pour la presse d’information politique et générale ; 3 % pour la presse de la connaissance et du savoir ; et 5 % pour la presse de loisirs et de divertissements, ces taux étant hors inflation.

Notre préoccupation constante a été de trouver le point d’équilibre entre la nécessité d’accorder l’aide publique en priorité à la presse, qui participe au débat citoyen, sans fragiliser pour autant un secteur dont nous connaissons tous les faiblesses économiques.

Cet échéancier à cinq ans doit donner aux éditeurs la visibilité dont ils ont besoin.

Je précise que, en 2016, pendant cette année de transition nécessaire à la reclassification des titres, la hausse des tarifs postaux pour les magazines n’excédera pas 3 %, hors inflation.

Par ailleurs, monsieur Abate, nous travaillons également sur le conditionnement des aides à la presse, en particulier des aides directes, par le biais des conventions-cadres que nous nous apprêtons très prochainement à signer de nouveau avec les éditeurs.

Cette réforme ambitieuse doit nous permettre de réorienter une partie de notre aide vers l’innovation et la création de nouveaux médias – l’avenir du pluralisme se joue aussi dans la capacité à faire éclore de nouveaux acteurs de l’information –, ainsi que de soutenir les marchands de journaux, qui sont, vous le savez, en très grande difficulté.

Chaque année, 1 000 marchands de journaux disparaissent. Nous ne pouvons accepter cette dégradation qui affecte la filière de la presse dans son ensemble, notamment les 25 000 marchands qui se battent chaque jour pour que les journaux arrivent au plus près de leurs lecteurs sur l’ensemble de notre territoire.

Je dirai un mot également sur la TVA.

Je souhaite rappeler l’attachement du Gouvernement au maintien du taux super-réduit de la TVA sur l’ensemble de la presse, imprimée et en ligne.

Il s’agit là d’une mesure de soutien transversale à la presse, quel qu’en soit le contenu. C’est un vrai choix politique qui n’est pas fait partout en Europe : certains pays distinguent, je le rappelle, les taux sur la base des contenus et de la périodicité.

Le Gouvernement se félicite de l’annonce récente de la Commission européenne quant à la prise en compte de la révolution numérique pour l’alignement des taux de TVA sur la presse. Nous appuyons donc le souhait de faire évoluer la directive TVA dès 2016, dans le sens de la neutralité fiscale, quel que soit le support concerné.

Toutefois, il demeure nécessaire que nous restions mobilisés, d’une part, pour concrétiser cette évolution en obtenant l’adhésion de tous les États membres et, d’autre part, pour en préciser au mieux le contenu.

Nous continuons donc de mener une œuvre de conviction auprès de nos partenaires sur la question de la substituabilité entre la presse en ligne et la presse écrite. Nous sommes bien évidemment attentifs à l’évolution des procédures fiscales engagées contre Mediapart et Arrêt sur images. Le résultat ne peut pas consister à tuer tel ou tel site, mais la loi fiscale doit s’appliquer.

J’évoquerai maintenant les ressources du Centre national du livre, un sujet qui nous préoccupe tous et qui a été évoqué par M. Hervé, Mme Mélot et Mme Bouchoux.

Compte tenu de la baisse des ressources du CNL, des choix budgétaires stratégiques seront opérés à la fin de l’année 2015 par l’établissement pour élaborer son budget pour 2016, qui sera présenté au conseil d’administration, le 11 décembre prochain.

À ce stade, je vous informe du dépôt d’un amendement tendant à élargir l’assiette de la taxe sur l’édition aux livres numériques dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

Cette mesure d’ajustement constitue une mise en cohérence de cette taxe avec les évolutions de l’activité éditoriale. Elle ne permettra pas, toutefois, de restaurer les niveaux de recettes à hauteur du plafond. C’est pourquoi je souhaite que l’année 2016 soit consacrée à l’examen des possibilités d’amélioration durable des ressources du CNL.

Concernant le livre, je profite de l’occasion pour dire un mot sur l’interdiction de la gratuité des frais de port. Ce sujet me semble important, notamment parce que les commentaires sur la loi encadrant les conditions de la vente à distance des livres tendent souvent à mettre en cause le travail du Parlement.

Initialement, cette proposition de loi avait pour ambition de réguler les frais de port, afin non seulement d’en empêcher la gratuité, mais également d’imposer aux opérateurs de les tarifer au prix coûtant. Je n’ai pas besoin de revenir ici sur le diagnostic ayant conduit à cette initiative politique pour restaurer l’équilibre de la loi relative au prix du livre. Mais permettez-moi de rappeler que, par rapport au texte initial, dont la mise en œuvre aurait été très délicate, la loi qui a été adoptée a considérablement évolué, à la faveur d’un travail exemplaire accompli de concert par le Gouvernement et le Parlement.

L’élément important de ce rééquilibrage concerne l’interdiction, dorénavant, de pratiquer le rabais de 5 % lorsque le livre est expédié à l’acheteur. C’est dans cette disposition que réside l’impact économique majeur de la loi.

Le Sénat a souhaité introduire également une interdiction de gratuité totale des frais de livraison, mais en assumant le caractère symbolique de cette mesure. Dès lors, il est inexact de dire que l’esprit de cette loi a été détourné.

En effet, quand bien même certains opérateurs facturent des frais de livraison à un centime d’euro, acheter un livre en boutique revient aujourd'hui moins cher que de se le faire livrer. D’ailleurs, la bonne tenue des ventes en librairie montre que cette réforme, conjuguée au service incomparable offert par le libraire au lecteur, a contribué à la grande résilience du secteur. J’ajoute que la part de marché des librairies indépendantes a augmenté de 0, 5 % en 2014, ce qui est également un très bon signe.

L’ambition du Gouvernement pour la mission « Médias, livre et industries culturelles » consiste aussi à soutenir la création, la diversité et le renouvellement, en particulier pour ce qui concerne la musique.

Après l’augmentation du plafond de la taxe affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, le CNV, en 2015, le Gouvernement a prorogé le crédit d’impôt phonographique au titre des dépenses engagées pour l’enregistrement de nouveaux talents. Cet effort, qui bénéficie en particulier aux TPE, les très petites entreprises, et aux PME, représente 11 millions d’euros.

Nous accompagnons également davantage les organismes de soutien à l’export, en augmentant d’un demi-million d’euros les crédits que nous leur consacrons.

Nous pérennisons enfin le Fonds de soutien à l’innovation et à la transition numérique, dans la continuité des plans conduits en 2014 et en 2015.

Les députés ont enrichi ces mesures, en adoptant un crédit d’impôt pour le spectacle vivant, destiné à soutenir les tourneurs et les producteurs. S’y ajoutera, je l’évoquais samedi dernier, la création d’un fonds d’urgence pour aider les structures du spectacle vivant, qui connaissent des difficultés depuis les événements du 13 novembre dernier. À cet égard, le Gouvernement vient de déposer un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2015, afin de permettre la mise en œuvre effective de ce fonds, qui sera hébergé par le CNV.

L’Assemblée nationale a également amélioré le dispositif du crédit d’impôt pour la création audiovisuelle, en portant le plafond à 30 %.

Avec la réforme du crédit d’impôt cinéma, nous sommes désormais outillés pour soutenir massivement la création. Je suis fière d’être la ministre de la culture qui apporte ces moyens nouveaux à la création audiovisuelle et cinématographique !

Quant aux dépenses fiscales, monsieur le rapporteur spécial, les services du ministère de la culture et de la communication vous ont fait parvenir une réponse très détaillée au questionnaire que vous nous aviez adressé. Des éléments complémentaires sont également fournis par la direction de la législation fiscale. Aussi, j’estime que toutes les réponses vous ont été apportées en matière de chiffrage et d’évaluation des dépenses fiscales.

L’ambition du Gouvernement est encore et toujours de rendre la création et les industries culturelles plus accessibles à tous.

Le financement du fonds de soutien aux médias de proximité sera pérennisé à hauteur de 1, 5 million d’euros : ces médias apportent un regard différent sur l’actualité et contribuent de façon essentielle au lien social sur les territoires.

Les contrats territoire-lecture, qui ont fait leurs preuves en termes d’amélioration de l’accès de nos concitoyens au livre, seront dotés de 1 million d’euros supplémentaires.

Enfin, comme l’a annoncé le Président de la République, le Gouvernement a proposé de mobiliser la dotation générale de décentralisation pour les bibliothèques, afin de soutenir les projets d’extension ou d’évolution des horaires d’ouverture des bibliothèques, en vue de les adapter aux modes de vie des Français. Je remercie une nouvelle fois Sylvie Robert du travail qu’elle a réalisé pour nous accompagner dans cette réflexion.

Dans la période difficile que nous traversons, nous avons plus que jamais besoin d’une création dynamique, d’une presse qui a les moyens de son action, d’une vie culturelle accessible à tous. C’est la condition pour que la culture puisse jouer pleinement son rôle – celui de créer du commun – dans une société en proie au doute, dont les besoins en la matière sont aujourd’hui immenses.

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