Intervention de Michel Savin

Réunion du 3 décembre 2015 à 9h30
Loi de finances pour 2016 — Sport jeunesse et vie associative

Photo de Michel SavinMichel Savin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2016 est un budget que je qualifierai « de budget en trompe-l’œil ». Une nouvelle fois, monsieur le ministre, vos propositions budgétaires ne répondent ni aux enjeux ni aux attentes du monde sportif et associatif.

La seule augmentation significative concerne le budget consacré au service civique. Sur ce point, si nous partageons tous l’objectif de tout faire pour aider la jeunesse à trouver un emploi, nous ne pouvons nous satisfaire de votre constat lorsque vous déclarez : « Le chômage recule chez les jeunes, ces bons résultats sont la conséquence des efforts menés par le Gouvernement et la majorité depuis trois ans. »

En effet, si les jeunes en service civique disparaissent, temporairement du moins, des statistiques des demandeurs d’emploi, via ce dispositif financé à coups de centaines de millions d’euros d’argent public, leur situation reste d’une grande précarité. Il est donc, à mes yeux, exagéré de le présenter comme le remède miracle à la problématique du chômage des jeunes. Nous ne pouvons, en effet, nous contenter d’emplois précaires dont la rémunération oscille entre 400 euros et 600 euros par mois, pour une durée de contrat comprise entre six et douze mois.

Se pose la question de la pérennité de ces emplois aidés. Quelles perspectives offre-t-on réellement à ces jeunes ? Les aide-t-on ainsi à s’orienter, à développer de nouvelles compétences et à se dessiner une carrière dans laquelle ils pourront s’épanouir ?

Avant de doubler les crédits affectés au service civique, il serait indispensable de disposer d’un bilan beaucoup plus précis des contrats signés en 2015.

Le service civique ne risque-t-il pas de devenir une solution par défaut vers laquelle seront orientés nos jeunes, faute de mieux ? Il incarne aujourd’hui presque à lui seul la politique du Gouvernement à destination de l’emploi des jeunes. À mon sens, la montée en puissance du service civique démontre le cuisant échec du Gouvernement durant ces cinq dernières années en matière d’emploi des jeunes.

Le service civique pose la même problématique que les contrats aidés, notamment les emplois d’avenir : une fois encore, le secteur non marchand est le pourvoyeur d’emplois très provisoires pour les jeunes. Plusieurs études, dont celle qui a été publiée en juillet dernier par l’INSEE, ont démontré l’inefficacité des contrats aidés conclus dans le secteur non marchand, lesquels peinent à fournir des formations utiles et de réels débouchés. C’est pourtant la voie quasi exclusive que vous vous entêtez à poursuivre !

Il faudrait en priorité – nous sommes nombreux à le penser ! – se pencher sur les causes du mal qui touche notre jeunesse, en redonnant du sens à nos formations pour lutter contre l’échec scolaire, qui nourrit un chômage massif des jeunes. À titre personnel, je préférerais que l’on oriente une partie du montant de ces contrats supplémentaires en direction du développement de l’alternance et de l’apprentissage. L’alternance doit être promue comme une voie d’excellence qui agit comme un véritable tremplin vers l’emploi.

J’en viens maintenant au programme 219 « Sport ».

Depuis votre arrivée au pouvoir, vous nous annoncez, monsieur le ministre, une grande loi sur le sport. Les années passent, les budgets se succèdent et, malheureusement, rien n’a réellement changé sur les enjeux importants de la gouvernance, du financement et de l’évolution de l’économie du sport.

Bien sûr, nous en sommes tous conscients, la situation budgétaire est compliquée. Bien sûr, chaque ministère doit faire des efforts. Mais si vous voulez faire de la jeunesse votre priorité, comme le rappelle régulièrement le Président de la République, il ne faut pas nous proposer une baisse des crédits, comme c’est le cas dans ce budget si on l’examine à périmètre constant.

En effet, lorsque nous comparons le budget pour 2016 à celui de 2015, les crédits accordés à la promotion du sport pour le plus grand nombre baissent de 2, 5 %, tandis que ceux qui sont dévolus au développement du sport de haut niveau sont en recul de 600 000 euros. Quand je parle de budget en trompe-l’œil, en voilà un exemple concret !

Vous nous annoncez une augmentation de 6, 2 millions d’euros pour le sport de haut niveau entre 2015 et 2016 mais, pour être juste et transparent, si l’on veut comparer ces deux budgets à périmètre constant, il convient de retirer les mesures nouvelles, à savoir 5 millions d’euros prévus pour les médaillés des jeux Olympiques de Rio et 1, 8 million d’euros inscrits pour la protection des sportifs de haut niveau, soit, au total, 6, 8 millions de mesures supplémentaires. En comparaison des 6, 2 millions que vous annoncez, il s’agit donc bien d’une baisse de 600 000 euros sur ce budget. Il serait intéressant de savoir quelles politiques seront impactées par ces baisses.

Si le Sénat a adopté, je le rappelle, la proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale, il est hors de question que cette avancée importante se fasse au détriment d’autres actions.

J’évoquerai une autre baisse, celle des crédits attribués au Centre national pour le développement du sport, le CNDS, qui passent de 270 millions à 264 millions d’euros, alors même que le nombre de projets subventionnés par cet établissement a déjà été divisé par deux en cinq ans.

Les collectivités locales, fortement impactées par la baisse importante des dotations de l’État, se voient une nouvelle fois pénalisées, ce qui va retarder et même, dans certains cas, annuler des investissements sportifs attendus par les pratiquants et les bénévoles, qui représentent la vitalité du mouvement sportif.

Je note également que le budget de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, l’INSEP, diminue de 2, 2 millions d’euros. Il est tout à fait regrettable de gripper la capacité d’investissement de cet outil national au service des sportifs de haut niveau, dont les qualités et les atouts ne sont plus à démontrer.

Quant aux moyens dédiés aux fédérations, s’ils sont stables dans la présentation que vous en faites, ils restent incertains, car une réserve de précaution de 8 % est prévue, qui ne peut s’imputer que sur le chapitre des conventions d’objectifs. À la suite du transfert aux régions des centres de ressources, d’expertise et de performances sportives, les CREPS, le budget dédié aux fédérations semble donc destiné à servir de nouvelle variable d’ajustement du programme.

Cette situation a incité le rapporteur spécial Didier Guillaume à déposer un amendement visant à rétablir les crédits visés par la réserve de précaution grâce au transfert de 4, 8 millions d’euros de l’Agence du service civique vers les conventions d’objectifs des fédérations. Je souscris totalement à cette démarche et je la prolongerai, en proposant la remise à niveau des divers postes, dont je viens d’indiquer qu’ils étaient en baisse dans le présent budget.

J’estime que le domaine du sport, qui ne représente que 0, 2 % du budget de la nation, n’a pas à pâtir des mesures d’affichage du Gouvernement.

J’apporterai des rectificatifs en recourant à la même source de financement que notre rapporteur spécial, c’est-à-dire au travers des crédits importants prévus pour le développement du service civique.

En comparaison avec les 300, 4 millions d’euros réservés à la montée en charge du service civique, la part que je proposerai de prélever reste modeste – 12, 6 millions –, et je tiens à préciser que le principe d’une participation de tous les acteurs à la réduction du déficit public est maintenu dans mon amendement, les montants indiqués ayant été calculés en ce sens.

Mes chers collègues, notre assemblée doit envoyer un signal fort de soutien aux acteurs du sport dans notre pays. Pour cela, il n’est pas concevable de réduire un budget, qui est déjà le parent pauvre de celui de l’État depuis de nombreuses années.

Vous l’aurez compris, l’adoption de cet amendement de rétablissement des crédits du programme « Sport » conditionnera le vote de notre groupe sur la mission.

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