Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, selon une tradition déjà bien ancrée s’agissant de gains de productivité autorisés par l’usage des technologies nouvelles, la Direction générale des finances publiques, comme l’ensemble des services du ministère de l’économie et des finances, subit de nouveau une sensible réduction de ses effectifs. Ce sont en effet 2 130 emplois budgétaires qui seront supprimés l’an prochain, faisant suite à des coupes claires équivalentes dans les effectifs lors des années 2015 et 2014, mais également depuis plusieurs décennies désormais.
Tout se passe comme si, depuis le grand mouvement revendicatif qui avait animé les services financiers de l’État à la fin des années quatre-vingt, les gouvernements successifs n’avaient eu de cesse de faire du ministère des finances et de ses fonctionnaires les victimes « privilégiées » de sa politique de ressources humaines, qu’elle se soit appelée révision générale des politiques publiques ou modernisation de l’action publique.
Nous en connaissons tous les effets : ce sont ces multiples perceptions qui ont fermé dans les territoires, ces files d’attente interminables devant les centres des finances publiques lorsque se déroulent les campagnes « impôt sur le revenu » ou « impôts locaux ».
Notons à ce propos que la dernière période, avec l’inscription, parmi les contribuables des impositions locales, de plusieurs dizaines de milliers de foyers qui en étaient jusqu’ici dispensés – nous reparlerons de cette situation lors de l’examen de l’article 33 octies –, a confiné de ce point de vue à l’asphyxie même des nouvelles méthodes de gestion des moyens matériels et humains de la DGFIP.
L’expérience nous a rappelé de fait que, en dernière instance, lorsque l’on vote des dispositions législatives et fiscales à effets secondaires ou systémiques, il se trouve à la fois des contribuables pour en subir les conséquences sans comprendre et des fonctionnaires pour essayer de les aider à s’en sortir... Nous devrions de temps en temps, je pense, réfléchir un peu plus avant à la complexité de notre droit fiscal – de mon point de vue bien plus illisible, par exemple, que le droit du travail – et aux trésors d’imagination que nous développons parfois pour accroître cette complexité.
De manière plus générale, et sans revenir au fond sur l’ensemble des sujets, notre groupe ne peut se satisfaire du traitement imposé aux services financiers de l’État.
La mission essentielle d’instruction, de collecte et de recouvrement de l’impôt ne peut être confiée qu’à la seule administration fiscale. En effet, c’est celle qui dispose de la neutralité, de la compétence, de l’expérience, du sens de l’intérêt général nécessaires, et même indispensables, pour accomplir cette mission déterminante dans tout pays civilisé. On ne saurait oublier, d’ailleurs, que les deux prélèvements fiscaux et sociaux qui souffrent de la façon la plus évidente des effets de la fraude sont la taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations sociales, c’est-à-dire des prélèvements pour lesquels le rôle de l’entreprise n’est pas secondaire en termes de collecte et de recouvrement. On aura également observé que la fraude à l’impôt sur le revenu et celle touchant l’impôt de solidarité sur la fortune concernent, de manière générale, les éléments de revenu et de patrimoine dont la valeur ou le montant ne peuvent être fondés que sur la bonne foi du redevable.
La lutte contre la fraude fiscale, dont nous considérons plus que jamais qu’elle doit constituer une priorité de l’action publique, nécessite, de mon point de vue, des moyens matériels et humains significatifs. Or je doute que ces moyens soient forcément laissés à disposition, en raison de la logique de réduction des effectifs qui affecte depuis trop longtemps les services déconcentrés du ministère des finances.
Les montages de plus en plus complexes des très grands groupes pour tenter d’éluder l’impôt appellent au renforcement de la technicité et de la compétence des services. Ils appellent, de même, la prise de mesures particulières pour protéger ceux qui agissent en « lanceurs d’alerte » face à certaines pratiques se situant au-delà des limites de la légalité.
Pour lutter contre ces montages, nous devons enfin, sans rien céder de notre détermination, mettre en œuvre, toutes les mesures favorisant la transparence dans les gestions privées et publiques.
Permettez-moi de souligner une étrangeté : personne ne soutient la fraude fiscale, mais certains pensent tout de même que le reporting pays par pays des activités de nos banques et de nos grands groupes est une mesure qui créerait une distorsion de concurrence défavorable pour les entreprises françaises...
Pour l’heure, nous ne voterons pas les crédits de cette mission, et ce d’autant moins que les amendements déposés par la majorité de la commission des finances ne risquent aucunement de les rendre plus acceptables.