D’abord, j’ai été interrogé tout à l’heure sur l’avenir du PSD, le projet stratégique de la douane. Ce projet est mis en œuvre. Devra-t-il être abandonné ? Non ! Devra-t-il être infléchi ? Oui !
J’ai demandé hier à l’intersyndicale et à la direction générale des douanes qu’elles travaillent ensemble à une adaptation ou à une « mise en perspective » – c’est l’expression que vous avez utilisée, monsieur Gattolin – du PSD, en tout cas à l’élaboration d’un volet complémentaire relatif à la sécurité.
Posons les questions que se posent nombre de nos concitoyens, ainsi que la plupart d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Faut-il autoriser le port d’armes en dehors des heures de service ? Faut-il doter les douaniers d’armes de long calibre ? Dans quelles conditions, dans quelles proportions ?
Nous devons réfléchir ensemble à ces questions. Mais le Gouvernement n’entend pas le faire seul : il souhaite le faire dans le dialogue. Le dialogue social n’est pas toujours facile à la douane – c’est un fait assez connu, qu’il faut savoir reconnaître. Nous avons passé du temps hier, avec les représentants des personnels, à aborder ces différentes questions.
Deuxième point sur lequel je souhaite vous répondre – il n’est d’ailleurs pas sans lien avec le premier : il s’agit de la question du format de nos actions de contrôle des frontières et de celle des infrastructures afférentes.
On peut en penser du bien, ou pas : le fait est que nous nous sommes adaptés à Schengen, ce qui veut dire que nous avons supprimé des postes de douane.
Je cite souvent cet exemple : il existe, entre Thionville et Luxembourg – le flux y est énorme –, un poste-frontière très important, situé à Zoufftgen. Nous avons pendant des années discuté avec le Grand-Duché de Luxembourg – ces problèmes doivent par définition se régler à l’échelon international – afin de détruire les bâtiments qui étaient utilisés par les douanes. Il s’agissait d’éviter les ralentissements pour les 85 000 frontaliers qui y passent tous les jours.
Nous avons fini par le faire. Aujourd’hui, lorsque l’on assigne soit des douaniers soit des agents de la police aux frontières, à cet endroit, ils n’ont plus rien : pas d’infrastructures, pas d’aire de dégagement pour isoler et contrôler une voiture, un poids lourd, par exemple.
J’ai moi-même visité, deux jours après les attentats, des postes-frontières situés à la frontière franco-belge, sans d’ailleurs que ces visites donnent lieu à médiatisation. J’ai pu constater, en discutant avec les personnels présents, que les plus jeunes d’entre eux ignoraient parfois jusqu’au lieu exact de la frontière ! Les anciens savent où ils ont le droit d’aller ; ils connaissent les lieux où, à cinquante mètres près, ils ont le droit, ou pas, d’engager une procédure judiciaire. Mais ce n’est pas toujours le cas des plus jeunes.
C’est l’ensemble de cette problématique qu’il nous faut donc revoir. Et c’est précisément ce que nos concitoyens ont parfois des difficultés à comprendre. Ils notent que, en définitive, nous effectuons des contrôles, mais que nous ne contrôlons pas tout le monde, et que les frontières ne sont pas non plus fermées. D’autres se plaignent que nous les embêtons, qu’ils passent la frontière tous les jours pour aller travailler et perdent une demi-heure, à l’aller comme au retour, dans les ralentissements.
Au nom de la sécurité, beaucoup le comprennent ; mais beaucoup aussi sont ceux qui nous renvoient aux reportages de journalistes qui sont parvenus à passer cinq fois la frontière, avec une grosse valise dans le coffre de leur voiture, sans que personne les contrôle – vous en avez sans doute entendu parler.
La réalité, c’est qu’il s’agit là, pour nous, d’une véritable priorité : nous y mettons des moyens supplémentaires, matériels et humains, et le plus de sérieux possible.
Mais nous refusons de nous laisser aller à des propos qui seraient irresponsables : nous renforçons massivement les contrôles, mais les frontières ne sont pas hermétiquement fermées. Elles ne l’ont d’ailleurs jamais été, y compris avant Schengen.