Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la mission que nous allons examiner regroupe les interventions spécifiques de l’État dans l’ensemble des collectivités d’outre-mer.
Cette mission présente deux particularités.
La première est celle de concerner des territoires très éloignés, très différents les uns des autres, caractérisés par des histoires, des évolutions statutaires et des problématiques de développement diverses. L’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie n’est en rien comparable à celle de Mayotte et la Guyane, le plus grand département français avec une superficie terrestre de près de 84 000 kilomètres carrés, est tout sauf comparable à la Polynésie française, dont l’étendue océanique est aussi vaste que l’Europe.
Au-delà de cette diversité, la seconde particularité de cette mission relève de la pluralité de ses modalités d’intervention. En effet, les crédits de la mission « Outre-mer » sont affectés à des opérations toutes plus variées les unes que les autres : la baisse du coût du travail, la continuité territoriale, le logement social, la formation professionnelle ou encore le financement des investissements publics.
Cette double particularité de la mission « Outre-mer » témoigne d’une gestion spécifique, un peu à part, de ces territoires de la France éparpillés sur tous les océans.
Comme je l’ai indiqué, chacun de ces territoires a une histoire, un cheminement statutaire, une situation économique et sociale qui lui sont propres. Mais tous nos territoires d’outre-mer connaissent aujourd’hui un retard économique et social important, voire très important avec l’Hexagone. C’est un fait qui n’est contesté par personne. Tous les indicateurs objectifs, que ce soit le PIB par habitant ou encore l’indice de développement humain, pointent du doigt le décalage de niveau de développement existant avec l’Hexagone.
C’est ce contexte qu’il est nécessaire d’avoir présent à l’esprit à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
C’est un budget classique, pour ne pas dire traditionnel qui nous est proposé.
Dans un contexte budgétaire toujours tendu, l’outre-mer, comme d’autres missions, participe à l’effort national de maîtrise de nos dépenses publiques. Ainsi, pour 2016, les crédits de la mission enregistrent, en autorisations d’engagement, une diminution de 3, 1 %, pour s’établir à 2, 079 milliards d’euros, alors que les crédits de paiement progressent très légèrement, de 0, 3 %, et s’élèvent à 2, 062 milliards d’euros.
Par-delà ce relatif maintien des crédits, plusieurs évolutions ou réformes méritent d’être plus précisément analysées.
Le premier point concerne la poursuite de la réforme du dispositif d’exonérations de charges sociales, principale intervention de la mission, pesant pour plus de la moitié des crédits.
Cela fait suite à une première réforme intervenue en 2014 avec un recentrage du dispositif sur les bas salaires. Bien que compréhensible dans sa philosophie, cette nouvelle modification du dispositif est ressentie comme un « coup de rabot » supplémentaire, alors que l’emploi présente une situation singulièrement dégradée dans l’ensemble des territoires d’outre-mer, avec des taux de chômage particulièrement élevés, supérieurs à 20 %, notamment s’agissant des plus jeunes.
Une stabilisation de ce dispositif est aujourd’hui impérative pour permettre aux entreprises d’avoir une visibilité suffisante dans leur politique de recrutement.
Dans le domaine de la formation professionnelle, l’objectif fixé en 2009 de 6 000 places en service militaire adapté, ou SMA, ne sera pas atteint en 2016, mais plutôt en 2017. Ce léger retard n’entame en rien la qualité et l’efficacité d’un dispositif d’insertion professionnelle au terme duquel les trois quarts des volontaires obtiennent un contrat de travail ou un stage qualifiant.
La mise en place des nouveaux contrats de plan État-région, ou des contrats de projets pour les collectivités d’outre-mer, est une nécessité. Ils sont essentiels à la modernisation des équipements en outre-mer. Néanmoins, une sous-dotation de ces nouveaux contrats est déjà constatée. En Polynésie française notamment, le nouveau contrat de projets signé en 2015 a été doté de 22, 7 millions d’euros en autorisations d’engagement, au lieu des 30 millions d’euros prévus au contrat. Pour 2016, une même sous-dotation de plus de 25 % est constatée, remettant en cause les projets prévus et planifiés parfois de longue date.
Il sera donc absolument nécessaire, madame la ministre, de compléter les crédits prévus cette année et les années suivantes pour respecter la signature de l’État et donner de la visibilité à ces projets.
Toujours sur la question des dotations, il est impossible pour un parlementaire de la Polynésie française de ne pas évoquer la baisse de la dotation globale d’autonomie de 4 millions d’euros prévue dans le PLF pour 2016.
Cette baisse de la DGA, la troisième en trois ans, constitue un reniement de la signature de l’État et, en tout état de cause, une mesure inacceptable pour les élus polynésiens s’agissant d’une dotation très symbolique de l’après-nucléaire, tout particulièrement à la veille des cinquante ans du premier tir atomique, effectué le 2 juillet 1966.
Cette décision budgétaire inique, faisant fi de l’engagement de l’État pris à l’issue des essais et du caractère particulièrement sensible du sujet, est clairement une erreur. Je vous remercie, madame la ministre, consciente du trouble provoqué, d’avoir courageusement pris l’engagement devant l’Assemblée nationale d’effectuer une compensation équivalente sur vos crédits de gestion, sans altérer les équilibres budgétaires de la mission. Un amendement visant à supprimer la fixation de ce nouveau montant dans l’article 57 quinquies rattaché à la présente mission sera proposé par cohérence avec l’engagement que vous avez pris.
Enfin, l’objectif de doter le fonds exceptionnel d’investissement de 500 millions d’euros d’ici à 2017, objectif initialement fixé par le Président de la République, semble désormais impossible à atteindre, compte tenu des crédits prévus pour 2016.
Les rapporteurs spéciaux de la mission « Outre-mer » qui ont effectué récemment à La Réunion un contrôle budgétaire sur ce dispositif rappellent l’importance de ce fonds exceptionnel d’investissement, qui constitue souvent un complément de financement essentiel aux collectivités pour concrétiser des projets publics de toute nature.
Au-delà de ces crédits purement budgétaires, il importe de rappeler que les dépenses fiscales, au travers des mécanismes de défiscalisation, constituent aujourd’hui le principal levier d’investissement en faveur du développement économique de l’outre-mer.
Le choix initial du Gouvernement d’aménager sous conditions le terme prévu de ces dispositifs était nécessaire mais insuffisant, de l’avis unanime des acteurs économiques et de nombreux élus. Je me félicite donc que l’Assemblée nationale, grâce à une mobilisation de nombreux parlementaires, et avec l’accord du Gouvernement, ait procédé à une modification de l’article 43 du projet de loi de finances afin de porter ces dispositifs jusqu’en 2020 pour les départements d’outre-mer, et 2025 pour les collectivités d’outre-mer.
Mes chers collègues, l’écart de développement économique et social entre les outre-mer et la métropole est un sujet fondamental dont nous devons impérativement nous emparer pour réduire ces inégalités qui sont tout simplement contraires à l’esprit de la République.
Mais, dans le cadre de cette mission, et dans un contexte budgétaire toujours difficile, la relative stabilité des crédits qui sont proposés et les inflexions positives adoptées s’agissant du dispositif de défiscalisation, essentiel à nos collectivités, plaident pour une adoption des crédits de la mission « Outre-mer » – sous réserve, pour ce qui me concerne, de l’adoption de l’amendement relatif à l’article 57 quinquies visant au maintien du niveau de la dotation globale d’autonomie, pour les raisons que j’ai développées précédemment.