Intervention de Georges Patient

Réunion du 3 décembre 2015 à 15h00
Loi de finances pour 2016 — Outre-mer

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » comporte deux programmes, dont les intitulés résument bien ses principaux objectifs. Le programme 138 concerne le maintien et la création d’emplois ainsi que l’amélioration de l’employabilité des populations ultramarines. Le programme 123 a pour finalité d’améliorer les conditions de vie outre-mer en facilitant l’accès au logement, à la santé et à l’éducation. Deux priorités du Gouvernement, tant les données socioéconomiques sont pour le moins inquiétantes dans ces domaines !

Les écarts sont, en effet, très significatifs avec la métropole, avec un PIB très nettement inférieur et la persistance d’un fort taux de chômage, puisque 24, 1 % des actifs sont au chômage dans les départements d’outre-mer, contre 9, 9 % en métropole, les jeunes étant les principales victimes. En effet, plus de la moitié des actifs de moins de vingt-cinq ans sont au chômage. Autres données, on assiste, dans bon nombre de départements d’outre-mer, à une augmentation de la mortalité infantile et l’on constate des retards scolaires toujours aussi importants.

Nous sommes donc encore bien loin de l’égalité réelle, alors que l’on a trop souvent tendance à considérer les outre-mer comme les enfants gâtés de la République.

Le coût des outre-mer, puisqu’il est chiffré exceptionnellement dans un document de politique transversale, ce qui n’est pas le cas pour les régions métropolitaines, est de 14, 5 milliards d’euros. Il représente 3, 9 % des dépenses prévues pour l’ensemble du budget de l’État, alors qu’il concerne 4, 05 % de la population française.

Certes, les crédits de la mission qui nous sont présentés sont relativement stables par rapport à l’an dernier : 2 milliards d’euros, soit 14, 5 % de l’effort budgétaire global de l’État pour les outre-mer, avec une ventilation peu différente au niveau des programmes et des actions.

Il s’agit donc d’un budget dans la continuité, mais qui ne traduit pas de réelle et forte volonté de doter les outre-mer d’un véritable développement économique, notamment grâce à des mesures de soutien à la compétitivité des entreprises.

Il y a pourtant urgence à dynamiser très fortement notre développement et à veiller à la création d’emplois, afin d’éviter les crises sociales à répétition.

Il est ainsi regrettable que la principale mesure d’économie de ce budget résulte d’une nouvelle réforme du dispositif d’exonérations de charges, découlant de l’article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Dans ce contexte de persistance d’un très haut niveau de chômage, cette réforme, qui fait déjà suite à un premier recentrage de ce dispositif sur les bas salaires intervenu en 2014, n’est pas pertinente.

Certes, vous souhaitez compenser cette mesure par la montée en charge des dispositifs du pacte de stabilité et de sa déclinaison spécifique outre-mer, en particulier grâce à un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi majoré à 9 %, mais il me semble que le choix de la stabilité aurait été préférable.

Madame la ministre, il est encore temps pour le Gouvernement d’agir dans le bon sens, en répondant positivement à des amendements que mes collègues et moi-même déposerons dans le but de préserver et sanctuariser les dispositifs spécifiques aux entreprises ultramarines.

En ce qui concerne plus particulièrement mon département d’origine, la Guyane, il continue d’avoir, en dépit de ses importantes ressources, le PIB le plus faible des quatre vieilles colonies.

J’insisterai, une fois de plus, sur notre impatience de voir enfin sortir le « pacte Guyane », annoncé par le Président de la République lors de sa venue, à la fin de l’année 2013. Récemment, le Premier ministre l’a annoncé pour janvier 2016 Mais comment est-il élaboré ? Y aura-t-il une implication des acteurs locaux ? La réflexion sur une demande d’attribution à la Guyane d’un statut de zone franche sociale est-elle menée ? Sera-t-elle prise en compte ?

S’agissant du logement, là encore, les avancées sont modestes dans votre budget. Le plan logement outre-mer 2015-2020, qui fixe un objectif annuel de 10 000 logements construits ou réhabilités, est certes une initiative louable, mais on peine à en voir la traduction budgétaire pour 2016, alors que les autorisations d’engagement consacrées à la ligne budgétaire unique sont maintenues à leur niveau de 2015 et que les crédits de paiement sont en diminution.

Se pose également la question de la répartition de cet instrument par collectivité : alors que des sous-consommations peuvent être constatées dans certains territoires, des situations de très grande tension existent dans d’autres... C’est le cas en Guyane, où les opérateurs peinent, pour cause d’insuffisance de crédits sur la LBU, à satisfaire une demande exponentielle.

Je regrette également que, hors mesures de périmètre, les dotations spécifiques destinées à certaines collectivités soient en baisse de 4, 7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 5, 6 millions d’euros en crédits de paiement. Ces dotations permettent, pourtant, des investissements importants dans les infrastructures scolaires en Guyane et à Mayotte et sont indispensables pour le fonctionnement de la collectivité de Polynésie.

Pour autant, le tableau que je viens de dresser ne doit pas masquer certains points positifs.

Tout d’abord, on ne peut que se féliciter de la stabilisation des crédits de paiement consacrés au service militaire adapté, le SMA, dont on connaît les résultats très positifs en matière d’insertion professionnelle. Ces crédits permettront l’accueil de 6 000 jeunes volontaires d’ici à 2017. C’est une bonne nouvelle, qui mérite d’être rappelée.

S’agissant des contrats de plan État-régions et des contrats de projets et de développement, la stabilisation des autorisations d’engagement et l’augmentation des crédits de paiement devraient permettre d’accompagner la montée en puissance de la nouvelle génération de contrats.

Enfin, l’augmentation des moyens consacrés à la formation en mobilité, dont les autorisations d’engagement s’élèveront à près de 42 millions d’euros et les crédits de paiement à près de 37 millions d’euros, permettra à davantage d’étudiants et de salariés d’avoir accès à des formations qui ne sont pas dispensées chez eux.

En définitive, ces crédits ne permettront certes pas aux outre-mer de rattraper leur retard économique et social vis-à-vis de l’Hexagone, mais ils ont le mérite de préserver l’essentiel.

Aussi, c’est en responsabilité, eu égard à la situation financière contrainte que nous connaissons, que je proposerai d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer » sans modification.

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