Intervention de Éric Doligé

Réunion du 3 décembre 2015 à 15h00
Loi de finances pour 2016 — Outre-mer

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait de très nombreuses années que je suis avec grand intérêt la mission « Outre-mer ». Je dois dire que ma déception est constante eu égard aux attentes qui sont les miennes. Mon agacement n’est pas dirigé contre vous, madame la ministre : j’en veux au système, qui ne prend pas en compte la réalité des outre-mer.

Nous votons régulièrement les crédits de l’outre-mer, mais nous le faisons uniquement parce qu’ils permettent de maintenir à flot nos territoires. Néanmoins, progressivement, leur situation régresse et s’aggrave. Une lecture attentive des observations rédigées par les rapporteurs spéciaux, nos collègues Nuihau Laurey et Georges Patient, fait apparaître leur légitime inquiétude.

Naturellement, madame la ministre, vous expliquez la baisse de 3, 1 % des autorisations d’engagement de cette mission par la nécessité de contribuer à l’effort national.

On peut également constater que le programme « Emploi outre-mer », qui mobilise les deux tiers des crédits, voit ses autorisations d’engagement baisser de 2, 2 %. Est-ce que la situation de l’emploi est satisfaisante outre-mer ? La réponse est clairement négative. Le taux de chômage, notamment des jeunes, y est dramatique ; il va nécessairement empirer. Nos amis d’outre-mer nous parlent régulièrement de ce problème du chômage des jeunes.

Je rappelle à mon tour, après plusieurs collègues qui sont intervenus ce matin dans le débat consacré à la jeunesse, que le Président de la République a fait de celle-ci la priorité de son quinquennat. Au travers de ce que nous constatons dans nos outre-mer, nous voyons clairement que cette priorité n’est pas à l’œuvre.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des éléments sur l’évolution de la situation de l’emploi des jeunes ? Pouvez-vous nous expliquer comment sont inclus dans la courbe nationale du chômage les chiffres de l’outre-mer ? J’ai le sentiment que, là encore, on isole les outre-mer. Il y a 260 000 chômeurs de catégorie A qui sont très souvent oubliés dans les statistiques nationales…

Après l’emploi, passons au logement. Les engagements dans ce domaine ne sont jamais tenus ; les objectifs ambitieux annoncés ne sont jamais atteints. La dette vis-à-vis des bailleurs sociaux ne sera naturellement pas apurée, en raison de la baisse de la ligne budgétaire unique.

Dans un autre domaine, l’objectif fixé par le Président de la République de doter le Fonds exceptionnel d’investissement ne pourra être atteint si l’on en juge par les chiffres annoncés. C’est, là aussi, une déception, et c’est encore un engagement qui ne pourra être tenu.

Autre sujet majeur, la défiscalisation, qui représente une dépense fiscale de 3, 8 milliards d’euros. Ce levier essentiel pour l’investissement privé outre-mer est à nouveau mis à mal. Le Gouvernement va encore introduire de l’insécurité en modifiant le terme des différents dispositifs. Je sais bien que quelques ouvertures ont été faites à l’Assemblée nationale. Il faut impérativement donner un horizon clair aux investisseurs et reporter à 2025 les évolutions, même si une révision des règles européennes doit avoir lieu en 2020.

Il faut surtout tenir compte des délais réels d’étude et de réalisation des projets. Chacun sait, sauf, peut-être, l’administration centrale, que, si le délai est court – ici, le terme est fixé à 2017 –, l’investisseur ne prend pas le risque. En effet, l’investissement qu’il serait prêt à accompagner ne peut être ni étudié ni réalisé en raison du long cheminement des dossiers et de l’accumulation des délais administratifs. La prorogation d’une année seulement, telle que vous la proposez, est donc incompatible avec l’utilisation du dispositif pour la majorité des projets.

J’ai déjà évoqué ici l’aspect ubuesque du fonctionnement des agréments et de leur bureau parisien. Cela mériterait une mission de contrôle de la commission des finances. Il faut que les agréments puissent se faire localement, de manière à bien « coller » aux réalités. Savez-vous que les investissements productifs ont baissé de 60 % entre 2011 et 2015, en conséquence des incertitudes permanentes sur la pérennité des règlements ?

Permettez-moi, madame la ministre, de changer de thème et de dire ici quelques mots de l’accord conclu entre l’Union européenne et le Vietnam sur le sucre. Vous avez dû, comme Stéphane Le Foll et Matthias Fekl, recevoir un courrier à ce sujet de Michel Magras, président de notre délégation à l’outre-mer.

Comme beaucoup de mes collègues ultramarins, je suis en colère. Nous sommes à l’aube d’accepter de sacrifier tout un pan d’une filière qui permet à nos économies de La Réunion et des Antilles de maintenir la tête hors de l’eau. Si les sucres spéciaux sont soumis à la concurrence du fait d’un mauvais accord, nous participerons à la destruction de trois économies insulaires. Nous attendons de connaître votre action sur ce dossier et vos attentes à l’échelon européen.

Une des raisons pour lesquelles nos outre-mer souffrent tient à la complexité normative qu’ils doivent subir au quotidien. Comment voulez-vous que nos territoires, qui sont en compétition avec ceux de leur zone géographique, à plusieurs milliers de kilomètres de l’Europe, puissent être compétitifs ? Les normes européennes qui leur sont appliquées sont autant de boulets et n’ont bien souvent aucun sens. Elles freinent les programmes de construction. Le prix du logement social est trop élevé. Les contraintes foncières et topographiques liées à l’insularité entraînent un surcoût dans les investissements en termes de voirie, de réseau et d’aménagement.

Madame la ministre, faites comprendre à nos administrations que les normes nationales doivent être adaptées aux territoires. Le traitement des eaux usées ne peut être soumis aux mêmes normes en Polynésie qu’en métropole. Nous allons mener un travail de fond sur ce sujet des normes, en espérant que nous serons entendus.

Madame la ministre, nos territoires ultramarins sont très divers.

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