Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que tous les Français sont appelés à consentir des efforts pour que le budget de la Nation puisse être bouclé, le Gouvernement a fait le choix de la réforme pour sauvegarder l’essentiel de la mission « Outre-mer », à savoir les axes prioritaires du programme 123 : le soutien à la commande publique, l’investissement des entreprises, la formation des jeunes, la mobilité.
Je vous remercie non seulement de vos observations, mais aussi du vote que vous allez émettre majoritairement en faveur des crédits de la mission « Outre-mer », conscients que le budget que nous vous présentons aujourd’hui est le meilleur possible dans les circonstances actuelles.
Ainsi, bien que la réduction de 1 milliard d’euros des dépenses prévue dans le présent projet de loi de finances s’applique à l’ensemble des ministères, vous avez pu constater, pour la mission « Outre-mer » plus particulièrement, que nous sommes parvenus à sauvegarder l’essentiel, notamment en crédits de paiement. Le budget du ministère a été intégralement préservé en CP pour 2016, et fait même l’objet d’une progression, certes modeste, puisque les crédits de paiement passent de 2, 017 milliards d’euros en 2015 à 2, 018 milliards d’euros en 2016.
Nous avons donc fait le choix de préserver les priorités essentielles de notre action en faveur des outre-mer.
À cet égard, le budget pour 2016 est, en premier lieu, celui de la relance de la commande publique. Pour être régulièrement interpellés sur ce thème – je le suis moi-même en Guyane –, nous savons bien que la commande publique joue un rôle primordial dans les outre-mer, pour le secteur du BTP, notamment.
Aussi avons-nous pris des mesures en faveur du logement.
Premièrement, nous avons maintenu les crédits de la LBU à 247 millions d’euros en autorisations d’engagement au titre de 2016.
Deuxièmement, nous avons obtenu l’extension du nouveau crédit d’impôt pour la défiscalisation dans le logement social aux opérations de rénovation des logements locatifs sociaux de plus de vingt ans situés en zone éligible à la politique de la ville. Le champ d’application de cette mesure est vaste, puisqu’il couvre la remise aux normes techniques des bâtiments, la protection antisismique, ainsi que le désamiantage.
Certains d’entre vous ont attiré mon attention sur le plafonnement du crédit d’impôt : aujourd’hui fixée à 20 000 euros, l’aide de l’État serait trop faible. Bien entendu, nous sommes prêts à étudier ce dispositif avant d’envisager toute évolution des curseurs.
Troisièmement, une modification du cadre législatif a été votée à l’Assemblée nationale pour lever l’obligation de financer par la LBU la construction d’immeubles destinés au prêt locatif social : il s’agit de pouvoir désormais utiliser l’aide fiscale à l’investissement pour ces opérations. Autrement dit, nous avons assoupli de manière significative les critères de mobilisation de l’aide fiscale dans le secteur du logement social.
Ensuite, nous avons mis en place en 2015 une réforme importante en matière de continuité territoriale : nous donnons la priorité au passeport-mobilité études et au passeport-mobilité formation professionnelle, face à la progression incontrôlée des dépenses de continuité tout public.
Cette réforme, qui est maintenant entrée en application, est en effet dans l’intérêt des populations. L’exemple de La Réunion n’est pas significatif : si les dépenses de l’État en faveur de la continuité territoriale ont sensiblement diminué là-bas, cela s’explique simplement par la mise en place d’un dispositif beaucoup plus favorable par la région.
Pour sa part, le Gouvernement considère qu’allouer des crédits à la formation professionnelle et aux personnes les plus fragiles est plus judicieux que de permettre à chacun de voyager à sa guise !
Tout cela se fera naturellement sans diminuer l’ensemble des prestations de la continuité territoriale, politique dont les crédits s’élèveront en 2016 à plus de 33 millions d’euros.
Le budget des outre-mer assure aussi le maintien des enveloppes consacrées à la politique contractuelle, avec plus de 260 millions d’euros en autorisations d’engagement. Les contrats de plan État-région, comme vous le savez, ont été signés ou sont en bonne voie de l’être. Je réaffirme ici la volonté du Gouvernement d’accompagner les collectivités dans cette voie. J’en profite pour rassurer les élus de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française : il n’y aura pas d’année blanche dans l’exécution des contrats de développement.
Deux autres outils d’accompagnement des collectivités figurent aujourd’hui dans le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » : le Fonds exceptionnel d'investissement, le FEI, et les crédits consacrés à la bonification des prêts accordés par l’AFD, l’Agence française pour le développement. Là encore, nous pouvons nous réjouir d’arbitrages qui ont été favorables à l’outre-mer, avec le maintien des autorisations d’engagement et la progression des crédits de paiement pour ces deux instruments.
Le soutien à la commande publique, c’est également l’appui apporté par l’État à la construction des équipements scolaires. Les enveloppes de crédits pour la Guyane et Mayotte seront là encore maintenues, tout comme seront maintenus les crédits affectés aux constructions scolaires dans le second degré en Nouvelle-Calédonie.
Pour rester dans le Pacifique, j’ai bien entendu les réserves émises par M. Nuihau Laurey. Il faut néanmoins observer que 12 millions d’euros de mesures nouvelles seront consacrés au soutien de la politique de protection sociale en Polynésie française. Ces crédits manifestent un retour de l’État dans un secteur où il n’intervenait plus depuis plusieurs années.
Plusieurs d’entre vous ont abordé le problème du traitement de l’aide fiscale à l’investissement. Nous nous sommes vraiment battus sur ce point, car nous connaissons l’importance de ces dépenses fiscales pour les économies des outre-mer : cette aide contribue en effet au financement d’environ 2 milliards d’euros d’investissements dans les départements et les collectivités d’outre-mer.
Le dispositif est prorogé jusqu’au 31 décembre 2020 dans les départements d’outre-mer et jusqu’en 2025 dans les pays et territoires d’outre-mer. Cette différence de délais entre les PTOM et les DOM tient au fait que seuls les départements d’outre-mer sont dans l’obligation de respecter un règlement communautaire qui n’est applicable que jusqu’en 2020. On peut toujours proposer plus, mais nous devons continuer de nous inscrire dans le strict respect des règlements européens. Aujourd’hui, je considère qu’il s’agit de la bonne formule.
En revanche, nous avons déposé un amendement pour que la prorogation jusqu’à 2025 applicable aux PTOM vaille de façon généralisée pour l’investissement productif et le logement social.
S’agissant des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer », nous avons préservé les moyens du service militaire adapté. Tous les élus s’accordent pour se féliciter des bons résultats du SMA sur nos jeunes « décrocheurs ». Je vous indique d’ailleurs, monsieur Laufoaulu, que le Gouvernement a pris des mesures pour réserver un contingent du SMA aux jeunes wallisiens. Vous avez donc été entendu, et votre souhait prouve que ce service est partout plébiscité.
L’année 2016 sera aussi celle du changement de statut de LADOM, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité : ce changement permettra de mettre en cohérence la forme juridique de LADOM et ses missions. Cette agence est le principal outil pour lutter contre le chômage des jeunes ultramarins, et nous y tenons.
Puisque vous avez évoqué le soutien aux entreprises et défendu la nécessaire stabilité des aides qui leur sont versées, j’insiste sur le fait que le Gouvernement poursuit sa politique d’accompagnement des TPE. En 2016, nous prendrons des initiatives en matière d’aides au premier emploi, grâce à la signature d’une convention avec la Caisse des dépôts et consignations. Nous chercherons également à mobiliser les réseaux au service de la création d’emplois, notamment pour les TPE.
J’en viens maintenant à la réforme des exonérations de charges sociales : il est vrai que l’enveloppe de la compensation de ces exonérations a diminué de 3 % mais, compte tenu des efforts demandés à chacun et de la mise en place du CICE, j’estime que cette très faible baisse peut être largement supportée par les entreprises.
Cela est d’autant plus vrai que le taux du CICE passera à 9 % en 2016 et que les entreprises de moins de 11 salariés conserveront l’intégralité de l’aide pour les salariés qui perçoivent jusqu’à 1, 4 SMIC, avec un régime de taux progressivement dégressifs jusqu’à 2, 3 SMIC.
Parler, dans ces conditions de « trappe » à bas salaires, c’est porter une appréciation assez originale : un salaire de 3 000 euros n’est pas un bas salaire, mais un salaire raisonnable, qui se situe plutôt dans la fourchette haute des salaires perçus par nos concitoyens. Je récuse donc l’argument.
Comme nous l’avons rappelé, pour les secteurs exposés, nous comptons encore améliorer le dispositif. Ce sont donc au total plus de 200 millions d’euros d’allégements du coût du travail qui profiteront aux entreprises ultramarines en 2016.
J’entends beaucoup plaider pour la stabilité des aides et leur reconduction d’une année sur l’autre. Mais quand on modifie un dispositif pour l’améliorer – comme c’est le cas ici –, les entreprises devraient plutôt se féliciter du changement !
J’ai également entendu les inquiétudes exprimées par plusieurs d’entre vous sur l’évolution de la DGF. Je considère pourtant que nous avons su limiter les dégâts. Aujourd’hui, on demande un effort financier à toutes les collectivités. Or il me semble que la progression sensible de l’enveloppe consacrée à la péréquation, au sein du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, est de nature à compenser la baisse de la DGF pour les communes ultramarines.
S’appuyant sur le rapport du sénateur Georges Patient, le Gouvernement a par ailleurs décidé d'exclure l’octroi de mer des recettes réelles de fonctionnement des 112 communes des quatre DOM qui supportent la contribution au redressement des finances publiques. Cette mesure représente un allégement de 13 millions d’euros pour ces communes, ce qui est, là encore, une manière d’atténuer l’effort exigé des communes en outre-mer.
Nous ne pouvons pas totalement exclure les départements et collectivités outre-mer de l’effort de solidarité exigé des autres collectivités, même si tout le monde peut comprendre que les outre-mer, compte tenu de leur situation, sont en droit de fournir un effort moins important.
Monsieur Laurey, je partage votre sentiment : il est plus que temps de lutter contre les retards qui perdurent entre les outre-mer et la métropole. C’est d’ailleurs le fil conducteur de la politique que mène mon ministère. Ainsi, monsieur le rapporteur spécial, nous avons tenu compte de la nécessité d’un rattrapage quand nous avons élaboré les contrats de plan État-régions, dont vous avez souligné l’importance pour le développement économique des outre-mer.
Par ailleurs, j’ai bien compris que vous n’étiez pas d’accord avec ma proposition de compenser en gestion l’écart de 4 millions d’euros sur la DGA. Je m’en suis pourtant déjà expliquée plusieurs fois. Votre collègue Lana Tetuanui m’a interrogée ici même sur le sujet, il y a peu.
À ce jour, le Gouvernement a pourtant toujours tenu parole lorsqu’il a été question de prendre en considération la situation de la Polynésie française : nous avons fourni plus d’efforts pour cette collectivité que ne l’ont fait les gouvernements précédents. Nous avons même tenté de rétablir tout ce que ces gouvernements avaient défait !
Je vous l’ai déjà expliqué, monsieur Laurey : si nous prenions ces 4 millions d’euros non pas sur les crédits de la DGA, mais sur ceux du contrat de projets de la Polynésie française, ce ne sont pas 4 millions d’euros en CP qui seraient supprimés, mais 16 millions d’euros en AE ! Il n’est pas dans l’intérêt de la Polynésie française de choisir cette option : ce serait pour elle renoncer à un certain nombre d’opérations qui lui seraient pourtant utiles.
Cela étant dit, monsieur le rapporteur spécial, si vous tenez absolument à procéder ainsi, faites-le ! Seulement, vous perdrez 16 millions d’euros. La solution préconisée par le Gouvernement, je le répète, est dans votre intérêt. Si vous n’êtes pas d’accord avec cela, supprimons 16 millions d’euros de crédit et n’en parlons plus !