Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » traduisent la reconnaissance de la nation envers celles et ceux qui ont eu le courage d’affronter les épreuves de l’histoire. Nous savons tous, sur les travées de cet hémicycle, que, au-delà des légitimes et nécessaires indemnités versées à nos anciens soldats et aux victimes de persécutions lors de la Seconde Guerre mondiale, cette mission est devenue indispensable à l’entretien du lien mémoriel entre la nation et l’armée.
L’État consacre un peu moins de 1 % de ses dépenses au financement de l’effort à destination des anciens combattants, soit près de 3, 51 milliards d’euros, dépenses fiscales incluses. L’essentiel de cet effort est néanmoins matérialisé par cette mission, dotée de 2, 61 milliards d’euros.
Cela a été dit, la baisse des crédits de 4, 9 % constatée cette année n’a rien à voir avec l’assainissement de nos finances publiques. Elle est principalement liée à la disparition progressive de nos anciens combattants, qui sont les principaux bénéficiaires des dépenses d’intervention prévues par cette mission. Au sein des associations d’anciens combattants, outre la diminution progressive des effectifs – à titre d’exemple, la Fédération nationale André Maginot aurait perdu près de 10 000 membres l’année dernière –, on trouve de plus en plus de nouveaux membres anciens militaires, mais qui n’ont pas connu l’épreuve du feu.
Notre rapporteur spécial, Marc Laménie, explique dans son rapport que, en dépit de cette baisse, le volume des crédits reste à la hauteur des enjeux et s’adapte mécaniquement à l’évolution démographique de la communauté du souvenir combattant.
Je crois, pour ma part, que nous abordons un véritable tournant dans la définition des objectifs stratégiques de la mission. Le temps passant et emportant avec lui nos anciens combattants, les témoins de notre histoire sont de moins en moins nombreux. La transmission de notre mémoire nationale et la préservation du lien entre l’armée et la nation sont indissociables de leurs piliers traditionnels que sont nos anciens combattants. Toutefois, ces piliers ont besoin d’être consolidés à mesure que le temps passe. Cela est devenu cruellement vrai des anciens combattants de la Première Guerre mondiale, et ce le sera dans quelques années de ceux de la Seconde.
Nous ne pouvons pas laisser les générations futures et actuelles dans l’ignorance du tribut payé par notre pays et par l’ensemble de l’Europe. C’est pourquoi la question des commémorations tend à devenir cruciale, car elles sont nos meilleurs outils pour parvenir à combler le vide laissé par la disparition des témoins directs de notre passé.
Le Président de la République et le Gouvernement ont lancé, dès juillet 2014, à l’occasion du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, ce qui est sans doute le plus grand cycle commémoratif de notre histoire.
Je tiens à saluer cette initiative, historique tant par sa durée – plus de quatre années de commémorations prévues – que par son champ, qui ne se limite pas à notre seul pays. Toute l’Europe participe à ce vaste mouvement de commémoration, à une époque où, depuis la disparition de Lazare Ponticelli, en 2008, nous n’avons plus de témoins vivants de la Grande Guerre.
Il semble raisonnable de dire que, au regard du bilan des opérations et des cérémonies conduites depuis juillet 2014, ce cycle de commémoration est un véritable succès. Plus de 2 000 projets ont été labellisés depuis juillet 2014, dont des centaines d’expositions sur l’ensemble du territoire et la publication de près d’un millier d’ouvrages spécialisés.
Au-delà de ces chiffres, ces premières commémorations ont été un vrai succès populaire, que ce soit sur les sites de la Première Guerre mondiale ou sur ceux de la Seconde.
Pour 2016, près de 23 millions d’euros de crédits sont prévus au titre l’action 02 du programme 167, dédiée à nos politiques de mémoire. Bien que ces crédits diminuent de 5 % par rapport à 2015, du fait de la clôture des cérémonies pour le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils contribueront au financement de deux vastes cycles de commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale liés à deux des plus terribles batailles de notre histoire : la Somme et Verdun.
Concernant la bataille de la Somme, une saison spéciale est prévue dès le mois de février 2016 afin de rappeler la dureté de cet affrontement qui a vu les lignes des belligérants se fracasser les unes contre les autres.
Je rappellerai simplement qu’avec 141 jours de combats et près d’un million de pertes humaines, cette bataille fut l’une des plus meurtrières de l’histoire. Devant de tels chiffres, devant un tel bilan, on ne peut qu’être stupéfait, mais comment rendre un tel événement compréhensible par les générations à venir ? Il est de notre devoir d’élus de veiller à ce que notre politique mémorielle demeure vivante et dynamique, afin de ne pas exclure nos jeunes de ce récit que nous devons à nos morts.
En tant que sénateur de la Meuse, vous comprendrez également que je porte une attention toute particulière à la préparation des commémorations de la bataille de Verdun.
Verdun demeure le symbole ultime d’une guerre de positions implacable. En dépit de son bilan accablant, avec 300 jours de combats et 600 000 morts ou disparus, Verdun a également su s’imposer, dès 1984, comme le symbole de la réconciliation franco-allemande.
La commémoration du centenaire de cette bataille donnera lieu en 2016, dans le département de la Meuse, à de très nombreuses opérations préparées depuis plusieurs mois en liaison avec la mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, présidée par le général Irastorza, qui fait un excellent travail, et le conseil départemental. Le label « Verdun 2016 » permettra ainsi de mettre en évidence les événements les plus notables qui viendront rythmer l’année, les célébrations internationales du 29 mai constituant le point d’orgue de ce cycle.
Aussi ne puis-je que me féliciter que, à cette occasion, le mémorial de Verdun soit inauguré par le Président de la République, François Hollande, en présence de la Chancelière allemande, Angela Merkel, et de vous-même, monsieur le secrétaire d'État.
L’enjeu de ces commémorations est fondamental pour mon département, comme pour la transmission de la mémoire nationale. Nous observons en effet une diversification de l’origine des visiteurs. Il y a traditionnellement une forte affluence de visiteurs allemands ; depuis quelques années, nous accueillons de plus en plus de visiteurs américains ou asiatiques, ce qui prouve la diffusion et l’internationalisation de la mémoire de la Grande Guerre.
L’année 2016 sera principalement consacrée à la requalification des forts de Vaux et de Douaumont, ainsi que de la Voie sacrée.
Nous avons également pour objectif, à l’horizon 2018, de conduire des cérémonies pour commémorer les événements de l’Argonne et du saillant de Saint-Mihiel, sans oublier, bien évidemment, les commémorations du centenaire de l’armistice, qui seront l’aboutissement de ces quatre années d’engagement de la nation pour le souvenir de nos morts et des guerres passées.
Toutefois, cet effort national pour le centenaire ne saurait s’arrêter brutalement en 2018. Nous avons besoin de relais dans la transmission de la mémoire nationale au moyen d’une politique ambitieuse de commémoration. Cette politique sera difficilement amplifiée par l’État, du fait de sa situation financière. Elle sera également difficilement soutenue par nos territoires, qui connaissent une trajectoire financière tout aussi délicate.
Il existe toutefois des moyens innovants pour atteindre nos objectifs, au travers de l’éducation et du tourisme historique. À ce titre, j’ai engagé avec notre collègue Yves Daudigny, lorsque nous étions présidents de nos conseils généraux respectifs, une action spécifique en vue de faire inscrire au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO l’ensemble des sites mémoriels de la guerre de 1914-1918 situés sur les territoires national et européen. Vous avez d’ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, largement encouragé et soutenu cette entreprise.
C’est à la fois une forme de reconnaissance du travail effectué par le passé, une reconnaissance de la spécificité de ces lieux et une incitation forte pour nos visiteurs à venir découvrir notre histoire.
Il est en effet fondamental que notre mémoire nationale s’incarne dans des lieux dédiés et ouverts au public. C’est une forme incontournable de transmission de notre mémoire. Cette dimension semble évidente pour des sites comme Verdun ou les grandes nécropoles nationales, liés à des conflits qui se sont déroulés sur notre propre sol.
La problématique est différente en ce qui concerne nos soldats disparus lors d’opérations extérieures. Ces opérations, qui sont de véritables guerres, paraissent lointaines et abstraites à nombre de nos concitoyens. Aussi est-il important que nos soldats ayant participé à des OPEX bénéficient de la même reconnaissance que les autres anciens combattants.