Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 3 décembre 2015 à 22h00
Loi de finances pour 2016 — Budget annexe : publications officielles et information administrative

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le temps qui m’est imparti, je n’aborderai que trois points.

Premièrement, l’augmentation des crédits destinés à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, par rapport à ceux qui étaient dévolus à la Commission nationale des interceptions de sécurité, est absolument indispensable ! Je félicite le Gouvernement d’avoir abondé ces crédits.

Je continue de m’interroger sur la décision de faire participer des parlementaires à la CNCTR. Ils sont parfaitement légitimes, mais l’expérience de nos collègues révèle le temps considérable qu’exige cette fonction.

Il est clair que la protection des libertés individuelles par le contrôle constitue le pendant des mesures intrusives et de sécurité contenues dans la loi sur le renseignement. Toute la crédibilité du dispositif tient au fait que le contrôle sera effectif. Or les moyens de la feue CNCIS étaient indigents. Il faut le dire, ce qui n’enlève rien à la grande qualité des trois personnalités qui y siégeaient. Les moyens étaient indigents, j’y insiste !

Si l’on souhaite mettre en œuvre le contrôle, ce qui est absolument indispensable, il faut des moyens. Le Gouvernement les a donnés ; il faudra sans doute les renforcer durant les prochaines années.

Deuxièmement, je souhaite aborder la lutte contre la radicalisation. J’ai lu, dans les deux excellents rapports qui viennent de nous être présentés, que le service d’information du Gouvernement, le SIG, était désormais chargé de la déradicalisation et du déploiement sur internet d’un discours de contre-radicalisation. L’information figure dans les rapports de nos commissions, elle doit donc être vraie !

Cette action est bénéfique, mais je m’interroge sur la cohérence du dispositif. En 2013, personne ne parlait de la radicalisation en France – ou alors, quelques rares personnes ! En 2014, on a pris conscience du problème, plus tardivement que d’autres pays d’Europe. Aujourd’hui, tout le monde en parle.

Je me suis attaché à évaluer la cohérence entre les actions du SIG et celles des autres ministères, notamment celui de l’intérieur. Je ne prendrai qu’un seul exemple : j’ai reçu une circulaire signée du ministre de l’intérieur et du ministre en charge de la ville, elle est datée du 2 décembre – c’est-à-dire hier. Or elle ne fait aucunement référence à la responsabilité du SIG, comme si elle était inconnue. Un effort de cohérence me paraît donc nécessaire.

Par ailleurs, autant les outils d’intervention sur internet sont souhaitables, autant tout simplisme doit être évité. Lorsqu’un être humain est plongé dans ce désastre morbide – ou mortifère ! –, il ne faut pas croire qu’il ne suffira que de quelques clips pour l’aider à en sortir… Il faut imaginer une procédure au plus près du terrain et des personnes, qui doit être mise en œuvre avec d’importants moyens humains. Je ne peux malheureusement développer ce sujet plus avant.

Je dirai un mot du troisième point que je souhaitais aborder et qui concerne les sondages.

M. Anziani évoque cette question à la page 35 de son rapport pour avis. Je vous invite à vous y référer. Il montre que des progrès ont été faits par rapport à une époque antérieure, sur laquelle je ne reviendrai pas et où les sondages, commandés par telle ou telle autorité publique, étaient sujets à caution. Les choses ont évolué dans le bon sens, mais, en lisant cette page du rapport, on voit que des efforts peuvent encore être accomplis.

Je vous rappelle d’ailleurs que le Sénat, dans sa sagesse habituelle, a adopté à l’unanimité une proposition de loi, il y a quelques années, pour réformer la loi de 1977 sur les sondages, archaïque et dépassée, qui ne correspond plus du tout à la réalité ! Aujourd’hui, on peut encore publier des sondages sans même indiquer la marge d’erreur ou l’intervalle de confiance. Il faut donc revoir cette loi.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes chargé des relations avec le Parlement. Trouvez-vous normal que, depuis trois ans, une proposition de loi portant sur un tel sujet soit toujours en instance ? La vie politique vit de sondages du matin au soir et du soir au matin ! Avec l’élection présidentielle, ceux-ci vont encore prospérer. Ne serait-il pas sage qu’une proposition, votée à l’unanimité par le Sénat, soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale dans le délai le plus proche possible ? Ce serait une bonne chose, en particulier pour nos concitoyens, car la nouvelle loi s’appliquerait à tout le monde, tant au SIG, qui fait un meilleur usage des sondages que par le passé, qu’à l’ensemble des autres personnes concernées.

Monsieur le président, pour conclure, je vous indique que le groupe socialiste votera, bien entendu, les crédits de la mission.

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