Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 8 décembre 2015 à 14h30
Dématérialisation du journal officiel de la république française — Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe du RDSE est d’autant plus enclin à voter ces deux textes portant dématérialisation du Journal officiel de la République française que la proposition de loi qui nous revient de l’Assemblée nationale via la CMP a retenu son amendement, adopté par la commission des lois du Sénat.

Cet amendement, je le rappelle, prévoyait que lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. Il nous avait semblé, en effet, que cette disposition non seulement répondait à un vrai problème – l’existence de territoires oubliés de la révolution informatique, le fait que tous nos concitoyens ne nagent pas avec la même aisance dans le fleuve numérique –, mais éviterait aussi un refus de principe d’une modernisation pour une fois souhaitable et possible.

Que cette proposition de bon sens et de faible coût ait, au départ, reçu un accueil fort tiède du Gouvernement et de ses supporters m’a, je l’avoue, quelque peu surpris.

Parmi les objections, une seule était à mon sens réellement fondée : le risque d’abus de cette procédure, les maniaques désœuvrés ne manquant pas. Le texte final, en prévoyant que « l’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique », y a apporté une réponse satisfaisante.

Les autres objections m’ont laissé rêveur : le terme « administration » serait trop « général », m’a-t-on dit. La proposition de loi n’entraînerait pas de changement par rapport à la situation actuelle où l’administration est destinataire de 90 % des abonnements papier – quant aux autres, ma foi, qu’ils fassent comme ils peuvent… Il serait inutile de prévoir ce recours individuel, le Journal officiel n’étant pas disponible en kiosque ; pour le lire, il est déjà nécessaire de recourir à internet ou de se rendre à la mairie, qui se fera un plaisir de vous en délivrer la photocopie…

Happy end, donc !

Cet examen de passage réussi par le premier texte examiné, et probablement adopté, selon la procédure prévue à l’article 47 ter de notre règlement lève-t-il pour autant toutes les réserves à l’encontre de cette procédure ? Malheureusement non !

Pas plus que la réduction des temps de parole en séance, allant parfois jusqu’au ridicule – comme nous avons pu l’apprécier lors de l’examen du projet de loi de finances –, le transfert du pouvoir législatif de la séance publique, où tous les parlementaires peuvent exercer leur pouvoir d’initiative et intervenir, à une commission ne va pas dans le sens d’une revalorisation du Parlement. Il contribue plutôt à sa transformation en un théâtre où sont validées des décisions prises dans la coulisse. L’essentiel est d’aller le plus vite possible…

Certes, des précautions ont été prises, notamment le fait que cette procédure ne puisse être utilisée sans le consentement unanime des groupes. Mais, que je sache, un parlement est composé de parlementaires et non de groupes. On l’oublie un peu trop !

Je ne crains pas que, dans un avenir proche, soient examinés selon cette procédure d’autres textes que consensuels ; mais, au train où vont les choses, rien ne dit qu’il en sera toujours ainsi. Les rapports Jospin, Balladur et dernièrement Bartolone-Winock, pour ne parler que des dernières années, de même que, je dois le dire, certaines évolutions de notre règlement ne sont pas là pour me rassurer.

Même cet essai réussi n’est pas totalement rassurant dès lors que l’on entre dans le détail de la discussion : la dématérialisation du Journal officiel est-elle seulement une banale question technique et financière ou une question politique essentielle : la possibilité d’accès de tous à la loi ? Est-ce une question simple ou compliquée ?

Si, pour moi, il est évident que tous les citoyens ne sont pas égaux devant l’accès à l’information numérisée, j’ai constaté, à l’occasion de l’examen de ces propositions de loi, que cette évidence n’était pas partagée par tout le monde.

Si cette expérience réussie est un encouragement à continuer, c’est aussi une invitation à ne pas confondre vitesse et précipitation, le détail et l’essentiel.

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