… à tout administré de demander la communication papier d’un extrait du Journal officiel l’intéressant a fait beaucoup débat. Il a notamment été argué que cette mesure pourrait présenter le risque de donner lieu à une éventuelle guérilla procédurale prenant la forme de demandes de reproduction d’une page en milliers d’exemplaires en vue de provoquer la paralysie de l’administration. Pour illustrer cette hypothèse, l’un de nos éminents collègues de la commission des lois a pris l’exemple, évidemment fictif, de possibles manœuvres de ce type exécutées par de dangereux écologistes lors de débats environnementaux.
Prêter ce genre de pensée à des défenseurs de l’environnement, c’est bien mal les connaître. Disons-le clairement, si certaines formes de recours, parfois discutables, voire abusives sont actionnées par certains de nos concitoyens, c’est bien souvent parce que nos procédures de concertation en amont des décisions prises ne sont pas toujours à la hauteur de celles qui ont cours chez beaucoup de nos voisins européens.
Améliorer l’accès à l’information officielle est une chose, mettre en œuvre la concertation et le débat public en amont des choix faits par les pouvoirs publics en est une autre. Je ne suis pas certain que le classement de notre pays à cet égard soit aussi flatteur que celui qui concerne l’e-administration.
J’arrête là ma réflexion sur les formes que peut prendre l’expression citoyenne, car j’ai bien noté que les membres de la commission ont exprimé leur pusillanimité en limitant ce droit à reproduction en reprenant la formule de la loi du 17 juillet 1978 sur les demandes abusives.
L’autre remarque que je souhaite faire concerne la fracture numérique et, de façon plus large, la question de l’accès équitable à la connaissance que chaque citoyen français doit avoir de ses droits et de ses obligations. J’insiste de nouveau sur cette problématique, que j’ai déjà soulevée lors de la discussion budgétaire sur la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Dans la volonté actuelle de faire du tout-numérique, on oublie trop souvent que les Français ne possèdent pas tous un ordinateur et, surtout, que les usages communs d’internet sont loin de correspondre à tous les potentiels technologiques offerts par ce nouvel outil.
Savoir aller trouver l’information pertinente dans la jungle d’internet, où se confondent vraies et fausses informations, informations institutionnelles et communications commerciales, n’est pas donné à tout le monde. Les moteurs de recherche supposés nous aider en la matière sont souvent vérolés par le business du référencement qu’ils ont eux-mêmes développé. D’ailleurs, il n’existe pas, à ma connaissance, d’étude sérieuse permettant d’évaluer le ranking, ou le classement, des sites institutionnels dans l’ordonnancement des références proposées par le moteur de recherche en position ultra-dominante dans notre pays. C’est bien dommage, car elle nous fournirait un bon indicateur de performance de nos administrations publiques en matière de diffusion d’information au sein de la sphère internet.
Pour autant, si je me félicite du processus de dématérialisation du Journal officiel, que nous allons adopter, je ne pense pas qu’il soit pertinent de l’appliquer systématiquement et sans discernement à tous les actes de la vie citoyenne. Je pense en particulier aux projets de dématérialisation des cartes d’électeur ou du matériel de propagande électorale. Après l’utilisation de machines à voter, qui remplacent dans de nombreuses villes le vote papier, ces projets reviennent de manière récurrente.
Je me permets de vous rappeler que le développement de cette technique était censé garantir plus de fiabilité lors des opérations de dépouillement des votes. Or, comme le constate le dernier rapport portant sur les municipales de 2014 de l’Observatoire du vote, les résultats électoraux issus des bureaux de vote équipés d’un ordinateur de vote présentent davantage d’incohérences que ceux provenant des bureaux de vote équipés de simples urnes. Les écarts constatés ne peuvent être imputés à la nouveauté, puisque, dans les communes étudiées, les dispositifs de vote électronique sont en usage depuis huit à dix ans. Cet exemple montre bien que le recours aux nouvelles technologies doit être considéré au cas par cas.
Pour conclure sur le sujet qui nous occupe, j’indique que le groupe écologiste votera naturellement en faveur de ces textes.