Je citerai l’exemple concret d’un établissement de Grenoble, où des mesures spécifiques ont été prises. Des repas copieux avec féculents sont servis le lundi, car beaucoup d’élèves ne prennent pas de repas structurés le week-end. Aussi, les rations servies le lundi sont importantes, et il n’y a guère de restes.
Mes chers collègues, quelle que soit votre appartenance politique, vous conviendrez avec moi que l’état des lieux est accablant. Malgré cela, l’actualité a été émaillée ces dernières années de récits de communes ayant refusé le droit d’accès aux cantines scolaires à des élèves sous prétexte que l’un des parents n’exerçait pas ou plus d’activité professionnelle. Or, avec la forte poussée du nombre de demandeurs d’emploi, le problème est malheureusement devenu d’une importance croissante.
De plus, le refus d’accès à la cantine discrimine les enfants et leur famille, car il peut mettre en évidence leurs difficultés matérielles et noircir ainsi le regard qui est porté sur elles.
Le temps de restauration scolaire, au-delà de l’atout qu’il représente pour la santé, peut par ailleurs être considéré comme un temps éducatif important dans la vie des élèves.
Fréquemment, les communes qui n’accueillent pas les enfants de chômeurs invoquent la prétendue disponibilité de ces derniers. Toutefois, la recherche d’un emploi implique un investissement en temps, et les chômeurs ont une obligation de disponibilité dans la recherche d’un travail, obligation qui conditionne leur inscription ou leur maintien sur les fichiers de Pôle emploi.
Après avoir abordé l’aspect humain, qui me semble déterminant, j’en viens à l’aspect plus juridique.
D’une part, la restauration scolaire n’est bien sûr pas une compétence obligatoire des communes, mais, quand celles-ci en ont décidé la création, il s’agit alors d’un service public annexe au service public de l’enseignement. Dès lors, la restauration scolaire est soumise au principe d’égalité auquel le Conseil constitutionnel reconnaît, depuis 2013, une valeur constitutionnelle et qui impose l’égalité des usagers devant le service public.
D’autre part, la jurisprudence administrative est constante sur ce sujet.
Ainsi, le 13 novembre 1993, le tribunal administratif de Versailles a jugé que « l’accès des élèves à la cantine scolaire ou leur maintien au sein de ce service ne peut être subordonné à la production par les parents de documents qui ne sont pas nécessaires à la bonne marche du service » – en l’occurrence une attestation de travail de l’employeur – et que « l’exigence d’un tel document instaure, pour l’accès à la cantine scolaire, une discrimination entre les élèves suivant que leurs parents ont un emploi salarié ou non […] et porte ainsi atteinte au principe d’égalité entre les usagers du service public ». La même position a été adoptée par le tribunal administratif de Marseille le 25 novembre 1995.
Le Conseil d’État a quant à lui confirmé cette jurisprudence le 23 octobre 2009. Dans le même sens, le Défenseur des droits de l’époque, Dominique Baudis, rappelait en 2013 l’interdiction de discrimination dans l’accès à la restauration scolaire, une opinion aujourd'hui partagée par le nouveau Défenseur des droits, Jacques Toubon.