Dans un cas, il y a un cap ; dans l’autre, il y a une liste, un inventaire. Nous ne pouvons pas réussir dans ces conditions.
Cette stratégie doit être redéfinie avec l’État, bien sûr, mais aussi avec les agriculteurs, les industriels et, désormais, les régions, qui sont les autorités de gestion du deuxième pilier. À cet égard, je rappelle que le deuxième pilier représente 1, 4 milliard d’euros par an, à comparer aux quelque 7, 7 milliards d’euros – je cite les chiffres de mémoire ! – du premier pilier.
Permettez-moi maintenant de formuler une observation plus particulière sur le secteur laitier, qui doit, lui aussi, redevenir compétitif.
À cette fin, nous avons voté hier, à l’approche de la fin des quotas laitiers, la création des organisations de producteurs et la contractualisation.
Je n’ignore pas que les agriculteurs ont appréhendé cette nouvelle approche avec une certaine circonspection, l’individualisme étant souvent chez certains, pour ne pas dire chez beaucoup, une seconde nature. Pourtant, lorsqu’ils veulent se regrouper, ils savent « jouer dans l’excellence ». C’est précisément la coopération agricole française que tout le monde connaît.
Je maintiens donc qu’il nous faut travailler dans ces deux directions. Les organisations de producteurs, les OP, doivent atteindre une taille critique. Leur pouvoir a été renforcé dans le domaine juridique : sur le plan européen, avec le « paquet lait » et, sur le plan national, avec la possibilité d’engager des actions de groupe. Mais ce pouvoir doit être maintenant renforcé par un effet de masse, c'est-à-dire par leur taille, une taille qui doit atteindre un seuil de crédibilité leur donnant un pouvoir de renégociation suffisant, et je reprends là les termes de la Commission européenne elle-même.
Je sais que les industriels transformateurs ne sont pas toujours très favorables à l’idée d’OP de bassin. Ce n’est pas la même chose de négocier avec une OP qui représenterait 500 ou 1 000 producteurs que de négocier avec une OP qui en représenterait dix fois plus. L’enjeu est pourtant bien là.
Chacun doit ainsi faire un effort. Les éleveurs doivent se regrouper et les transformateurs doivent l’accepter. Ils l’accepteront d’autant plus facilement que les OP sauront être force de propositions et qu’elles sauront offrir aux industriels des ouvertures, des engagements, de la qualité, de la régularité, une sécurité… En clair, l’OP est un espace et elle doit se présenter comme une force de concertation, voire d’opposition, plutôt que de confrontation.
Concernant les contrats, la France a choisi que leur durée soit de cinq ans. La nouvelle génération de contrats doit se renégocier l’année prochaine. De même que pour les OP, les éleveurs étaient plutôt réticents à l’égard de la contractualisation.
Deux éléments permettraient de donner des ouvertures.
D’un côté, il importe d’associer, d’une façon ou d’une autre, la grande distribution qui est, qu’on le veuille ou non, le décisionnaire final. Les enseignes doivent s’engager dans la contractualisation, avec les précautions d’usage s’agissant de l’Autorité de la concurrence, mais il est clair qu’elles doivent être dans la boucle de la contractualisation.
D’un autre côté, les éleveurs ne seront satisfaits par la contractualisation que si les clauses de prix sont améliorées. Il me semble impératif d’inclure dans les contrats des références à certains index, ceux-ci renvoyant à l’évolution de paramètres liés aux coûts de production. Je sais que quelques grands industriels y sont prêts, mais cette innovation aura plus de chance de réussir si tous les industriels acceptent d’évoluer.
La proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire n’est qu’une étape. Il faudra alors réfléchir collectivement aux contours d’une nouvelle politique agricole commune. Une PAC qui ne serait plus ni politique, ni agricole, ni commune perdrait toute sa légitimité. La France doit y penser maintenant pour être prête à agir demain. Or demain, c’est 2020 ; c’est donc très proche.