Intervention de Jackie Pierre

Réunion du 9 décembre 2015 à 14h30
Compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jackie PierreJackie Pierre :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur fond de guerre des prix, accentuée par une concurrence féroce des États membres de l’Union européenne, aggravée par la surproduction, l’effondrement des cours mondiaux, l’embargo russe et la fin des quotas laitiers, les principales filières de l’élevage français subissent depuis de nombreux mois des difficultés conjoncturelles et structurelles sans précédent.

La dimension des exploitations agricoles et leur niveau de compétitivité, face, notamment, aux exploitations allemandes, la multiplication des normes, des labels, la volatilité des prix des matières premières et l’annonce de la fin des quotas laitiers avaient conduit de nombreux exploitants à investir au cours de ces dernières années, pour augmenter leur production et leur cheptel. Ces investissements n’ont pas produit les effets escomptés en termes de niveau des revenus et encore moins en termes de stabilité. Les prix pratiqués, nous le savons, ne prennent pas en compte les coûts de production.

Dès le mois de juin dernier, le Sénat, via sa commission des affaires économiques, s’était ému de cette situation auprès de M. le ministre de l’agriculture et n’avait pas manqué de relayer les vives et légitimes inquiétudes de nos agriculteurs, directement menacés dans leur existence.

Durant la même période, sous l’égide du Gouvernement, les professionnels de la grande distribution et de l’industrie de transformation s’étaient accordés sur une revalorisation progressive du prix payé au producteur, à savoir une hausse du prix d’achat de la viande au kilo, renouvelée chaque semaine jusqu’à couvrir les coûts de production.

Comme vous le savez, mes chers collègues, la mise en œuvre difficile de cet accord n’a pas été de nature à dissiper les inquiétudes des éleveurs de porcs et de bovins – lait et viande –, et a, au contraire, cristallisé leur mécontentement.

La crise s’aggrave et prend en effet une tournure inédite : environ 30 000 exploitations agricoles sont proches du dépôt de bilan ; des résultats d’exploitation continuent de diminuer – la baisse était déjà évaluée à 33 % pour les exploitations porcines entre 2013 et 2014 et à 17 % pour les élevages bovins allaitants – ; des retards dans les investissements sont notamment recensés pour la filière porcine ; et près de 80 000 emplois directs sont menacés.

Dès le début du mois de juillet dernier, M. le président du Sénat, Gérard Larcher, s’est emparé du dossier et a décidé, en lien avec le président Jean-Claude Lenoir et notre collègue Jean Bizet, d’organiser, le 16 juillet dernier, une conférence agricole consacrée aux filières porcine, bovine et laitière, en présence de représentants de la profession agricole, de distributeurs et de transformateurs, pour aborder les questions conjoncturelles, mais également les enjeux plus structurels de la filière agroalimentaire.

Le Sénat a également mis en place un groupe de travail chargé de formuler des propositions en vue d’un allégement des normes applicables à l’agriculture, et des propositions de simplification de la politique agricole commune ont été adressées à la Commission européenne.

Au même moment, l’embargo russe, qui affecte déjà la filière agricole européenne depuis un an, a été reconduit en représailles aux sanctions occidentales prises contre Moscou à la suite de la crise ukrainienne. La fermeture du marché russe aux principaux partenaires européens a eu une incidence directe sur les stocks, qui ont dû trouver d’autres débouchés, ce qui a ainsi contribué, malheureusement, à un effondrement des cours et des prix.

Dans le courant du mois de septembre, les agriculteurs ont obtenu du Gouvernement une « année blanche » pour les dettes bancaires, un moratoire sur les nouvelles normes environnementales et un plan d’investissement s’élevant à 3 milliards d’euros sur trois ans. De son côté, la Commission européenne a annoncé, lors du conseil ministériel convoqué pour répondre à la crise que traverse le monde agricole, le déblocage de 500 millions d’euros au titre de l’aide d’urgence, notamment en direction des producteurs laitiers.

Parallèlement à ces mesures d’urgence, le Sénat a poursuivi son travail d’audition et de concertation, dont la présente proposition de loi est la traduction concrète.

Elle tend à promouvoir une vision régulée des secteurs qui participent de la souveraineté alimentaire de notre pays au travers de trois objectifs principaux : établir des relations plus justes et plus transparentes du producteur au consommateur ; faciliter l’investissement et une meilleure gestion des risques financiers en agriculture ; et alléger les charges des entreprises agricoles.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’enjeu n’est pas, ici, de démontrer que les dispositions qui ont été prises, le plus souvent dans l’urgence, par le Gouvernement sont insuffisantes. Cette démarche serait aussi inefficace qu’inutile.

L’enjeu est de redonner – enfin ! – de la compétitivité à notre agriculture et à notre filière agroalimentaire.

L’enjeu est de permettre à nos agriculteurs et à nos éleveurs de vivre décemment et équitablement de leur travail.

L’enjeu est d’utiliser tous les leviers d’action qui relèvent du législateur national pour – enfin ! – définir une stratégie, une vision, un avenir à celles et à ceux qui font vivre chaque jour nos territoires et notre agriculture française.

Enfin, l’enjeu est de permettre à notre pays de redevenir chef de file de l’agriculture européenne.

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