Intervention de François Molins

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 9 décembre 2015 à 9h20
Suivi de l'état d'urgence — Audition de M. François Molins procureur de la république près le tribunal de grande instance de paris et Mme Camille Hennetier vice-procureur au parquet anti-terroriste du tribunal de grande instance de paris

François Molins, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris :

La section antiterroriste du parquet de Paris est composée de neuf magistrats et dirigée par Mme Camille Hennetier. Ces effectifs peuvent en réalité se multiplier : certains des 132 magistrats que compte le parquet de Paris peuvent venir en renfort sur des affaires exceptionnelles, comme les attentats de janvier ou du 13 novembre ; la mobilisation de magistrats supplémentaires permet de dégager une force vive suffisante.

Le vendredi 13 au soir, nous avons très vite compris, dès 21h30, ce qui se passait. J'ai immédiatement activé la cellule de crise, ce qui a mobilisé 35 magistrats figurant sur une liste établie au préalable, appelés à rejoindre immédiatement la section anti-terroriste du parquet de Paris. Il s'agissait d'assurer la coordination des services - direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), sous-direction antiterroriste (SDAT) de la direction centrale de la police judiciaire et direction régionale de la police judiciaire de la Préfecture de police de Paris -, la sécurité juridique des actes et la direction de l'enquête. Plus de 800 enquêteurs de la police judiciaire ont été mobilisés, auxquels s'ajoutent ceux de la DGSI. Il fallait coordonner les investigations et donner ou obtenir les autorisations nécessaires aux géolocalisations, aux perquisitions de nuit ou aux interceptions téléphoniques.

Cette cellule de crise a fonctionné jusqu'au mercredi 25 novembre, de jour comme de nuit. Ainsi avons-nous pu faire face aux urgences de la conduite de l'enquête et du traitement des victimes.

Les magistrats sont rassemblés dans une salle dédiée, dite salle de crise, sous la conduite d'un chef de salle qui répartit le travail entre eux : analyse des procès-verbaux, contact avec les enquêteurs, synthèses des auditions, sachant que plus de 800 témoins ont été entendus, rédaction des réquisitions, etc. Le tempo a été dicté par les évènements. Rapidement, nous avons identifié la plupart des membres des trois commandos grâce à l'exploitation des données téléphoniques et à la police technique et scientifique (ADN, empreintes digitales, etc.).

Nous avons décidé, le dimanche 15 novembre, de former une équipe commune d'enquête avec la justice belge, ce qui a été formalisé le 16 novembre. Une source nous a mis sur la piste d'Abaaoud, que nous soupçonnions depuis le début d'être l'instigateur des attentats. Nous avons suivi sa cousine Hasna Ait Boulahcen, avec laquelle il avait rendez-vous le mardi. Nous ne pouvions plus prendre de risques : il fallait l'interpeller sans délai mais il pouvait aussi s'agir d'un piège. Une fois l'appartement conspiratif identifié, la SDAT a demandé au RAID de l'assister pour aller le chercher. Vous connaissez la suite.

Avec l'assaut contre l'appartement conspiratif et l'interpellation du logeur, Jawad Bendaoud, nous arrivions au terme de l'enquête de flagrance. Celle-ci, d'une durée de huit jours, est renouvelable une fois. Le placement de M. Bendaoud en garde à vue a débouché sur l'ouverture d'une information judiciaire confiée à six juges d'instruction. Il a été mis en examen et placé en détention provisoire. Le dossier est désormais entre les mains des juges d'instruction.

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