Intervention de François Molins

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 9 décembre 2015 à 9h20
Suivi de l'état d'urgence — Audition de M. François Molins procureur de la république près le tribunal de grande instance de paris et Mme Camille Hennetier vice-procureur au parquet anti-terroriste du tribunal de grande instance de paris

François Molins, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris :

Mieux vaut prévenir un crime qu'avoir à le punir, et la prévention est consubstantielle au travail du parquet et des services de renseignement. Reste que personne n'a pu empêcher les attentats de novembre. Quelle que soit la valeur des services, leur action trouve ses limites lorsque les intéressés ne sont pas sur notre territoire. Cela appelle sans doute une réflexion sur le partage du renseignement entre États, qui est trop souvent fonction de la qualité des relations diplomatiques.

Parmi les auteurs des tueries, l'un avait bénéficié d'un contrôle judiciaire, qu'il avait violé, et faisait l'objet d'un mandat d'arrêt. Il a quand même pu se rendre en Syrie, puis revenir en Belgique, puis en France... Autre limite : il est plus facile de se fondre dans la masse de migrants. Les membres du commando du Stade de France ont débarqué à Leros parmi les 190 réfugiés syriens. D'autant plus que Daech a volé un important lot de passeports vierges syriens, sur lesquels il suffit de coller une photo. Notre responsabilité est de renforcer la sécurité - mais le risque zéro n'existera jamais, même si cela peut être difficile à entendre.

Les chiffres de la surveillance sont en croissance exponentielle : 680 personnes sont mises en cause dans nos procédures judiciaires d'enquêtes et d'informations, contre moins de 500 il y a deux mois. Nous constatons cependant depuis septembre une stabilisation du nombre d'individus impliqués dans le djihad irako-syrien et suivis par les services de renseignement. Après une augmentation régulière, il oscille depuis trois mois entre 1 750 et 1 780 personnes. Nous délivrons des mandats d'arrêt, lesquels permettent d'éviter la case police - ce qui impose de les réserver à des dossiers complets - et des mandats de recherche. Or ceux-ci ne figurent pas au Système d'information Schengen (SIS), tous les États n'ayant pas le même instrument juridique. Les services de renseignement sont donc dans une logique de judiciarisation. Ceux qui reviennent, certains par la Turquie, sont systématiquement cueillis. Des progrès sont à faire au niveau européen pour croiser les systèmes, d'autant qu'il y a des zones de porosité. Je pense à la Belgique qui compte, rapporté à sa population, un nombre de djihadistes plus important que la France. Il nous faut mieux suivre les migrations, les voyages en avion, avec le PNR, l'objectif étant de prévenir. C'est l'avantage de l'AMT, qui nous donne les moyens d'intervenir en amont.

Certains avaient qualifié Merah de « loup solitaire ». Je n'utilise plus ce terme. Nous sommes face à une forme de terrorisme low cost. Les terroristes agissent soit sur la base d'instructions précises de Syrie, sous supervision, ou de mots d'ordre généraux, comme à San Bernardino, dans une forme d'islamisation de la radicalité. Le profil varie, entre professionnels et psychopathes. Les revendications a posteriori de Daech sont d'ailleurs adaptées selon les cas.

Nous avons modifié nos méthodes : chaque attentat majeur se traduit par un retour d'expérience, un « Retex ». Les dysfonctionnements identifiés dans la communication entre parquet, ministère de l'intérieur et services d'enquête après les attentats de janvier ont été corrigés, et l'information a bien mieux circulé quand nous avons eu à traiter les attentats de novembre. Idem pour ce qui est du traitement des victimes.

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