Intervention de Laurence Le Vert

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 9 décembre 2015 à 9h20
Suivi de l'état d'urgence — Audition de Mme Laurence Le vert première vice-présidente chargée de l'instruction à la section antiterroriste et atteintes à la sûreté de l'état au tribunal de grande instance de paris et M. David Bénichou vice-président chargé de l'instruction à la section antiterroriste et atteintes à la sureté de l'état au tribunal de grande instance de paris

Laurence Le Vert, première vice-présidente chargée de l'instruction à la section antiterroriste et atteintes à la sûreté de l'État au tribunal de grande instance de Paris :

La section antiterroriste de l'instruction est saisie par le procureur de la République au terme d'une enquête préliminaire ou de flagrance. Nous intervenons en deuxième rideau, mais agissons dans la durée. Notre mission est de construire le dossier, d'identifier les coupables et de préciser les charges qui pèsent sur chacun.

Le nombre de dossiers corses et basques a considérablement chuté, le contentieux kurde n'est plus vraiment à l'ordre du jour. La majorité des dossiers concerne désormais le contentieux du djihad en Syrie.

Les faits incriminants sont généralement commis en Syrie, ce qui complique les investigations : il est de ce fait plus difficile de trouver des preuves, des éléments d'incrimination, même à l'égard d'individus dont on sait qu'ils sont dangereux. Lors de leur retour en France, il nous faut être en mesure de caractériser les infractions et de les renvoyer devant une juridiction avec des charges, sans quoi ils risquent d'être relaxés ou acquittés, ce qui jetterait le discrédit sur le travail de la justice.

Les dossiers, comme ceux de janvier 2015 ou du 13 novembre dernier, où les infractions sont constituées et les faits criminels multiples prennent beaucoup plus de temps. Les investigations à mener sont multiples. Les scènes de crimes requièrent des mois, voire des années d'expertises et d'investigations multiples.

Nous sommes neuf magistrats instructeurs depuis septembre, et serons bientôt dix. Le parquet a aussi été sérieusement renforcé, et va l'être encore.

J'en viens aux difficultés techniques que nous rencontrons, qui pourraient faire l'objet de modifications législatives. Nos cabinets sont absorbés par des contentieux que l'on pourrait réduire, à commencer par celui de la détention. Certaines personnes mises en examen forment une demande de mise en liberté tous les jours. Cela proscrit tout dysfonctionnement dans les transmissions, aujourd'hui en grand majorité dématérialisées, car s'il n'est pas statué dans les délais, la mise en liberté doit être ordonnée d'office. Ces demandes consomment beaucoup de temps de travail de greffiers et de juges, et génèrent un risque permanent de mise en liberté d'office. Il en est ainsi aussi si la copie du dossier transmise à la chambre de l'instruction sur appel d'une demande de mise en liberté n'est pas complète, risque qu'il est difficile de prévenir depuis que les copies de dossier sont scannées.

Lorsque l'instruction est achevée, l'article 175 du code de procédure pénale impose de notifier sa clôture aux avocats. Cela ouvre un délai d'un mois pour former une requête ou une demande en nullité. Si les mis en examen sont libres, ce délai est de trois mois. Cela encombre nos cabinets et provoque des retards. Mieux vaudrait s'en tenir à un mois.

L'évolution des technologies pose problème. Pour les djihadistes, c'est une arme de guerre. Pour nous, c'est un risque de destruction de nos procédures. La majeure partie des preuves est issue de supports divers, téléphones, tablettes, disques durs, DVD, clefs USB et cartes SD ainsi que des interceptions de flux internet et téléphonique, dont le volume est tel qu'il devient difficilement compatible avec les dispositions du code de procédure pénale sur la mise à disposition de l'intégralité du contenu du dossier à la défense des parties, telle qu'elle est actuellement prévue, le dossier d'instruction devant être à tout moment complet, lisible et accessible. Je laisse M. Bénichou intervenir sur les possibilités techniques offertes aux services de renseignement, mais dont ne dispose pas la justice.

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