Intervention de Christian Eckert

Réunion du 10 décembre 2015 à 10h30
Loi de finances rectificative pour 2015 — Discussion d'un projet de loi

Christian Eckert :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir terminé il y a seulement deux jours l’examen du projet de loi de finances pour 2016, nous entamons aujourd’hui celui du projet de loi de finances rectificative de fin d’année.

Cette discussion est habituelle à cette période de l’année. Toutefois, le texte que vous propose le gouvernement n’est pas un simple texte balai : c’est un projet de loi qui propose plusieurs réformes fiscales significatives et qui opère des redéploiements importants, afin de tenir l’objectif de dépenses de l’État.

Tout d’abord, le volet fiscal de ce texte est très important. Alors que la COP 21 poursuit ses travaux, le Gouvernement vous propose une réforme de la fiscalité de l’énergie. Fruit d’un long travail, celle-ci s’articule autour de trois objectifs.

Le premier est de donner de la visibilité au prix du carbone pour 2017. Il se traduit dans la contribution climat-énergie qui constitue la composante carbone des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles. Celle-ci n’est aujourd’hui votée que jusqu’à 2016. Le Gouvernement vous propose de fixer le prix de la tonne de carbone pour 2017 à 30, 50 euros, conformément à la trajectoire permettant d’atteindre l’objectif fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte d’un prix de la tonne à 56 euros en 2020.

Le deuxième objectif est d’utiliser le rendement ainsi obtenu pour sécuriser le financement du service public de l’électricité et des énergies renouvelables à compter de 2017. Ce financement est par ailleurs mis en conformité juridique avec le droit de l’Union européenne.

La contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, est donc remplacée par une taxe intérieure de consommation finale de l’électricité élargie, dont l’assiette est la même que celle de l’actuelle CSPE. En 2016, son tarif est identique à ce qu’aurait été celui de la CSPE sans la réforme : 22, 50 euros par mégawattheure.

J’insiste sur la stabilisation pour l’avenir de ce tarif de 22, 50 euros pour la fiscalité électrique. En effet, à compter de 2017, les ressources de la contribution climat-énergie nous permettront de financer la dynamique des charges de service public de l’électricité, sans avoir à mobiliser davantage la fiscalité électrique.

Le troisième objectif, enfin, est de concrétiser la convergence de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sur l’essence et le gazole, afin de relever le défi de la qualité de l’air. Le texte adopté par l’Assemblée nationale intègre notamment la hausse de un centime sur le gazole, compensée par la baisse de un centime sur l’essence.

En résumé, quelle sera l’incidence de cette réforme en 2016 et en 2017 à la fois sur le volet électrique et sur le volet carbone ?

Pour ce qui concerne le volet électrique, en 2016, la CSPE va augmenter, comme c’est le cas chaque année depuis 2011. Je rappelle, en effet, que, à la suite du rapport de vos collègues députés Jean Launay et Michel Diefenbacher, il avait été décidé en 2011 de mettre en place un mécanisme conduisant de facto à une augmentation automatique de la CSPE chaque année, permettant de financer les énergies renouvelables et de rembourser la dette de l’État envers EDF au titre, notamment, de ces dispositifs.

En 2017, en revanche, nous vous proposons de mettre fin à cette hausse annuelle. La CSPE, devenue TICFE, sera stabilisée et la hausse automatique mise en place en 2011 disparaîtra.

Concernant le volet carbone, la contribution climat-énergie augmente en 2016, comme prévu par la loi de finances pour 2014, afin de financer la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Elle poursuivra sa hausse en 2017. Son rendement sera utilisé pour financer la stabilisation de la TICFE et de nouvelles baisses d’impôt. Son augmentation n’entraînera donc pas de hausse des prélèvements obligatoires.

L’adaptation du droit à l’évolution du cadre européen constitue également un axe important du présent texte. Les dispositifs fiscaux qui encouragent l’investissement par les particuliers, notamment la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en cas d’investissement dans les PME – dite « ISF-PME » –, seront ainsi adaptés au nouveau cadre européen applicable aux aides d’État en faveur du financement des risques, en les recentrant sur les entreprises jeunes ou innovantes, c’est-à-dire celles qui rencontrent les plus grandes difficultés pour se financer sur le marché.

Ce projet de loi prévoit également une évolution du régime d’imposition des sociétés mères et filiales, afin de tirer les conséquences de ce que chacun appelle aujourd’hui l’« arrêt Steria » de la Cour de justice de l’Union européenne.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit de supprimer la neutralisation de la quote-part de frais et charges afférentes aux dividendes versés entre sociétés d’un même groupe. Corrélativement, et compte tenu du coût que représente cet aménagement pour les groupes fiscaux, il prévoit d’abaisser à 1 % le taux de la quote-part de frais et charges afférentes aux dividendes éligibles au régime mère-fille que perçoivent les sociétés membres d’un groupe, d’autres membres du groupe ou de sociétés établies dans un autre État de l’Union ou de l’espace économique européen.

Dans ces deux cas de mise en conformité – ISF-PME et arrêt Steria –, les finances publiques ne supporteront aucun coût. Une solution de facilité aurait pu consister à financer par la dette ces adaptations techniques demandées par le droit de l’Union : ce n’est pas ce que propose le Gouvernement. Celles-ci doivent être réalisées dans le respect des intérêts financiers de l’État et ne doivent pas représenter de contribution supplémentaire pour les contribuables.

Un autre volet de ce texte concerne la fiscalité agricole. Vos collègues députés, comme le Gouvernement, ont introduit un certain nombre d’amendements relatifs, notamment, au dispositif de déduction pour aléas – DPA – ou aux régimes d’imposition forfaitaire, avec un abattement correspondant. Ces dispositions ont fait l’objet d’un travail important avec les organisations syndicales, dont je crois pouvoir dire qu’elles les approuvent largement dans leur version adoptée par l’Assemblée nationale.

Enfin, parmi les nombreuses mesures fiscales de ce texte, la réforme de la surtaxe sur les terrains à bâtir n’est pas la moins importante. Cette taxe, introduite par la précédente majorité, vise à libérer le foncier. Si nous partageons cet objectif, il est apparu toutefois qu’elle avait été mal calibrée. Nous avions déjà resserré son application aux 618 communes les plus tendues, où le déséquilibre entre l’offre et la demande de logements est le plus marqué. Nous en avions également exclu les terrains agricoles.

Cependant, le dispositif, qui s’est appliqué pour la première fois en 2015, était à la fois disproportionné et insuffisamment incitatif, en raison d’un manque d’information des contribuables. Nous proposons donc une réforme en deux temps, dont nous aurons l’occasion de préciser ultérieurement les détails.

J’en viens au volet budgétaire de ce projet de loi de finances rectificative.

Tout d’abord, les dépenses de l’État sont tenues en 2015, comme prévu. Je rappelle que l’objectif fixé dans le cadre de la loi de finances initiale était ambitieux : la baisse de 4, 5 milliards d’euros de la dépense sous normes, hors charges de la dette et pensions, grâce à la première tranche du plan d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans.

En cours d’année, nous avons mis en œuvre un plan d’économies complémentaires de 4 milliards d’euros visant l’ensemble des administrations publiques, pour compenser l’effet de la moindre inflation. Dans le cadre de ce plan, nous avons revu à la baisse de 700 millions d’euros l’objectif de dépenses de l’État.

Toujours en cours d’année, nous avons engagé un ensemble de dépenses nouvelles, principalement pour la sécurité et l’emploi des Français. Ce sont ainsi près de 800 millions d’euros de dépenses qu’il a fallu financer par des économies supplémentaires, dans le décret du mois d’avril, ainsi que par une mise en réserve complémentaire de crédits.

Pour cette année, nous visons à la fois une baisse globale de la dépense de l’État, peut-être sans précédent, et la mobilisation en urgence de nouveaux moyens ciblés. Ce projet de loi de finances rectificative démontre qu’il est possible de viser simultanément ces deux objectifs.

Après avoir financé les dépenses nouvelles, il s’agit maintenant de couvrir les surcoûts traditionnellement constatés en fin d’année, principalement le financement des apurements agricoles communautaires, des opérations extérieures – les OPEX – et des emplois aidés.

Pour cela, ce sont près de 2, 1 milliards d’euros d’annulations de crédits qui doivent être mises en œuvre dans ce projet de loi de finances rectificative et dans le décret d’avance paru fin novembre, après avis de la commission des finances du Sénat.

Nous avons traversé une année mouvementée, et cela s’est traduit dans le budget de l’État. Nous avons en effet mobilisé des moyens exceptionnels pour la sécurité des Français, fait qui s’est ajouté aux aléas traditionnels que l’on rencontre lorsque l’on exécute un budget.

Les redéploiements effectués tout au long de l’année ont certes été plus importants que l’an dernier, mais nous les avons entièrement financés par des économies, et ce projet de loi le démontre de nouveau.

Concernant les recettes, tout au cours de l’année, certains ont joué les Cassandre en nous annonçant des moins-values de plusieurs milliards d’euros. Ces prédictions n’étaient fondées sur aucune analyse sérieuse. Au contraire, au cours des débats à l’Assemblée nationale, nous avons revu à la hausse la TVA de 830 millions d’euros et les successions de 200 millions d’euros. Grâce à ces recettes supplémentaires, nous vous proposons d’apurer la dette de l’État envers la sécurité sociale.

En un mot, qu’indiquent les chiffres ? Ils nous disent que les recettes sont dans la ligne de nos prévisions, et que la dépense est tenue. En conséquence, le déficit de l’État se réduit de 1, 1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale ; c’est désormais une baisse de 12, 3 milliards d’euros du déficit de l’État que nous anticipons en 2015 par rapport à 2014.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, telles sont les principales lignes de ce projet de loi de finances rectificative, et encore n’ai-je pas été exhaustif. J’aurais ainsi pu évoquer l’importante réforme des garanties à l’exportation, dont nous reparlerons à l’occasion de l’examen des articles.

Ce projet de loi poursuit également les réformes dans le champ fiscal, avec notamment une réforme majeure de la fiscalité écologique. Il poursuit les efforts déployés tout au long de l’année pour maîtriser la dépense de l’État tout en faisant face aux enjeux d’actualité qui peuvent exiger de nouvelles dépenses, notamment, je le répète, en matière de sécurité.

C’est enfin un projet de loi qui constate, n’en déplaise à certains, l’amélioration de la situation de nos finances publiques tout au long de l’année 2015.

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