La séance est ouverte à dix heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle l’examen d’une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour le suivi de l’urgence, pour une durée de six mois.
Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de sa séance du mercredi 9 décembre 2015.
Je vais mettre aux voix la demande de la commission des lois.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix la demande de la commission des lois.
Cette demande est adoptée.
En conséquence, la commission des lois se voit conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour le suivi de l’état d’urgence, pour une durée de six mois.
Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d’être prise par le Sénat.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir terminé il y a seulement deux jours l’examen du projet de loi de finances pour 2016, nous entamons aujourd’hui celui du projet de loi de finances rectificative de fin d’année.
Cette discussion est habituelle à cette période de l’année. Toutefois, le texte que vous propose le gouvernement n’est pas un simple texte balai : c’est un projet de loi qui propose plusieurs réformes fiscales significatives et qui opère des redéploiements importants, afin de tenir l’objectif de dépenses de l’État.
Tout d’abord, le volet fiscal de ce texte est très important. Alors que la COP 21 poursuit ses travaux, le Gouvernement vous propose une réforme de la fiscalité de l’énergie. Fruit d’un long travail, celle-ci s’articule autour de trois objectifs.
Le premier est de donner de la visibilité au prix du carbone pour 2017. Il se traduit dans la contribution climat-énergie qui constitue la composante carbone des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles. Celle-ci n’est aujourd’hui votée que jusqu’à 2016. Le Gouvernement vous propose de fixer le prix de la tonne de carbone pour 2017 à 30, 50 euros, conformément à la trajectoire permettant d’atteindre l’objectif fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte d’un prix de la tonne à 56 euros en 2020.
Le deuxième objectif est d’utiliser le rendement ainsi obtenu pour sécuriser le financement du service public de l’électricité et des énergies renouvelables à compter de 2017. Ce financement est par ailleurs mis en conformité juridique avec le droit de l’Union européenne.
La contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, est donc remplacée par une taxe intérieure de consommation finale de l’électricité élargie, dont l’assiette est la même que celle de l’actuelle CSPE. En 2016, son tarif est identique à ce qu’aurait été celui de la CSPE sans la réforme : 22, 50 euros par mégawattheure.
J’insiste sur la stabilisation pour l’avenir de ce tarif de 22, 50 euros pour la fiscalité électrique. En effet, à compter de 2017, les ressources de la contribution climat-énergie nous permettront de financer la dynamique des charges de service public de l’électricité, sans avoir à mobiliser davantage la fiscalité électrique.
Le troisième objectif, enfin, est de concrétiser la convergence de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sur l’essence et le gazole, afin de relever le défi de la qualité de l’air. Le texte adopté par l’Assemblée nationale intègre notamment la hausse de un centime sur le gazole, compensée par la baisse de un centime sur l’essence.
En résumé, quelle sera l’incidence de cette réforme en 2016 et en 2017 à la fois sur le volet électrique et sur le volet carbone ?
Pour ce qui concerne le volet électrique, en 2016, la CSPE va augmenter, comme c’est le cas chaque année depuis 2011. Je rappelle, en effet, que, à la suite du rapport de vos collègues députés Jean Launay et Michel Diefenbacher, il avait été décidé en 2011 de mettre en place un mécanisme conduisant de facto à une augmentation automatique de la CSPE chaque année, permettant de financer les énergies renouvelables et de rembourser la dette de l’État envers EDF au titre, notamment, de ces dispositifs.
En 2017, en revanche, nous vous proposons de mettre fin à cette hausse annuelle. La CSPE, devenue TICFE, sera stabilisée et la hausse automatique mise en place en 2011 disparaîtra.
Concernant le volet carbone, la contribution climat-énergie augmente en 2016, comme prévu par la loi de finances pour 2014, afin de financer la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Elle poursuivra sa hausse en 2017. Son rendement sera utilisé pour financer la stabilisation de la TICFE et de nouvelles baisses d’impôt. Son augmentation n’entraînera donc pas de hausse des prélèvements obligatoires.
L’adaptation du droit à l’évolution du cadre européen constitue également un axe important du présent texte. Les dispositifs fiscaux qui encouragent l’investissement par les particuliers, notamment la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en cas d’investissement dans les PME – dite « ISF-PME » –, seront ainsi adaptés au nouveau cadre européen applicable aux aides d’État en faveur du financement des risques, en les recentrant sur les entreprises jeunes ou innovantes, c’est-à-dire celles qui rencontrent les plus grandes difficultés pour se financer sur le marché.
Ce projet de loi prévoit également une évolution du régime d’imposition des sociétés mères et filiales, afin de tirer les conséquences de ce que chacun appelle aujourd’hui l’« arrêt Steria » de la Cour de justice de l’Union européenne.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit de supprimer la neutralisation de la quote-part de frais et charges afférentes aux dividendes versés entre sociétés d’un même groupe. Corrélativement, et compte tenu du coût que représente cet aménagement pour les groupes fiscaux, il prévoit d’abaisser à 1 % le taux de la quote-part de frais et charges afférentes aux dividendes éligibles au régime mère-fille que perçoivent les sociétés membres d’un groupe, d’autres membres du groupe ou de sociétés établies dans un autre État de l’Union ou de l’espace économique européen.
Dans ces deux cas de mise en conformité – ISF-PME et arrêt Steria –, les finances publiques ne supporteront aucun coût. Une solution de facilité aurait pu consister à financer par la dette ces adaptations techniques demandées par le droit de l’Union : ce n’est pas ce que propose le Gouvernement. Celles-ci doivent être réalisées dans le respect des intérêts financiers de l’État et ne doivent pas représenter de contribution supplémentaire pour les contribuables.
Un autre volet de ce texte concerne la fiscalité agricole. Vos collègues députés, comme le Gouvernement, ont introduit un certain nombre d’amendements relatifs, notamment, au dispositif de déduction pour aléas – DPA – ou aux régimes d’imposition forfaitaire, avec un abattement correspondant. Ces dispositions ont fait l’objet d’un travail important avec les organisations syndicales, dont je crois pouvoir dire qu’elles les approuvent largement dans leur version adoptée par l’Assemblée nationale.
Enfin, parmi les nombreuses mesures fiscales de ce texte, la réforme de la surtaxe sur les terrains à bâtir n’est pas la moins importante. Cette taxe, introduite par la précédente majorité, vise à libérer le foncier. Si nous partageons cet objectif, il est apparu toutefois qu’elle avait été mal calibrée. Nous avions déjà resserré son application aux 618 communes les plus tendues, où le déséquilibre entre l’offre et la demande de logements est le plus marqué. Nous en avions également exclu les terrains agricoles.
Cependant, le dispositif, qui s’est appliqué pour la première fois en 2015, était à la fois disproportionné et insuffisamment incitatif, en raison d’un manque d’information des contribuables. Nous proposons donc une réforme en deux temps, dont nous aurons l’occasion de préciser ultérieurement les détails.
J’en viens au volet budgétaire de ce projet de loi de finances rectificative.
Tout d’abord, les dépenses de l’État sont tenues en 2015, comme prévu. Je rappelle que l’objectif fixé dans le cadre de la loi de finances initiale était ambitieux : la baisse de 4, 5 milliards d’euros de la dépense sous normes, hors charges de la dette et pensions, grâce à la première tranche du plan d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans.
En cours d’année, nous avons mis en œuvre un plan d’économies complémentaires de 4 milliards d’euros visant l’ensemble des administrations publiques, pour compenser l’effet de la moindre inflation. Dans le cadre de ce plan, nous avons revu à la baisse de 700 millions d’euros l’objectif de dépenses de l’État.
Toujours en cours d’année, nous avons engagé un ensemble de dépenses nouvelles, principalement pour la sécurité et l’emploi des Français. Ce sont ainsi près de 800 millions d’euros de dépenses qu’il a fallu financer par des économies supplémentaires, dans le décret du mois d’avril, ainsi que par une mise en réserve complémentaire de crédits.
Pour cette année, nous visons à la fois une baisse globale de la dépense de l’État, peut-être sans précédent, et la mobilisation en urgence de nouveaux moyens ciblés. Ce projet de loi de finances rectificative démontre qu’il est possible de viser simultanément ces deux objectifs.
Après avoir financé les dépenses nouvelles, il s’agit maintenant de couvrir les surcoûts traditionnellement constatés en fin d’année, principalement le financement des apurements agricoles communautaires, des opérations extérieures – les OPEX – et des emplois aidés.
Pour cela, ce sont près de 2, 1 milliards d’euros d’annulations de crédits qui doivent être mises en œuvre dans ce projet de loi de finances rectificative et dans le décret d’avance paru fin novembre, après avis de la commission des finances du Sénat.
Nous avons traversé une année mouvementée, et cela s’est traduit dans le budget de l’État. Nous avons en effet mobilisé des moyens exceptionnels pour la sécurité des Français, fait qui s’est ajouté aux aléas traditionnels que l’on rencontre lorsque l’on exécute un budget.
Les redéploiements effectués tout au long de l’année ont certes été plus importants que l’an dernier, mais nous les avons entièrement financés par des économies, et ce projet de loi le démontre de nouveau.
Concernant les recettes, tout au cours de l’année, certains ont joué les Cassandre en nous annonçant des moins-values de plusieurs milliards d’euros. Ces prédictions n’étaient fondées sur aucune analyse sérieuse. Au contraire, au cours des débats à l’Assemblée nationale, nous avons revu à la hausse la TVA de 830 millions d’euros et les successions de 200 millions d’euros. Grâce à ces recettes supplémentaires, nous vous proposons d’apurer la dette de l’État envers la sécurité sociale.
En un mot, qu’indiquent les chiffres ? Ils nous disent que les recettes sont dans la ligne de nos prévisions, et que la dépense est tenue. En conséquence, le déficit de l’État se réduit de 1, 1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale ; c’est désormais une baisse de 12, 3 milliards d’euros du déficit de l’État que nous anticipons en 2015 par rapport à 2014.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, telles sont les principales lignes de ce projet de loi de finances rectificative, et encore n’ai-je pas été exhaustif. J’aurais ainsi pu évoquer l’importante réforme des garanties à l’exportation, dont nous reparlerons à l’occasion de l’examen des articles.
Ce projet de loi poursuit également les réformes dans le champ fiscal, avec notamment une réforme majeure de la fiscalité écologique. Il poursuit les efforts déployés tout au long de l’année pour maîtriser la dépense de l’État tout en faisant face aux enjeux d’actualité qui peuvent exiger de nouvelles dépenses, notamment, je le répète, en matière de sécurité.
C’est enfin un projet de loi qui constate, n’en déplaise à certains, l’amélioration de la situation de nos finances publiques tout au long de l’année 2015.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après avoir consacré de nombreuses séances à l’examen du projet de loi de finances pour 2016, le Sénat en vient à la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015, dont l’adoption marquera dans quelques jours la fin de notre marathon budgétaire.
Ce collectif budgétaire, qui comportait 47 articles dans sa version initiale, en contient désormais 110 après son passage à l’Assemblée nationale. L’ajout d’un grand nombre d’articles additionnels, le plus souvent sur l’initiative du Gouvernement, nuit à la qualité du travail législatif : nous en parlions à l’instant lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances, ni nos collègues députés, qui découvrent la plupart des amendements en séance, ni nous-mêmes n’avons les moyens d’expertiser des dispositions parfois très complexes dans les délais extrêmement brefs qui nous sont impartis.
Plus que jamais, le collectif budgétaire fait donc figure de voiture-balai législative, et le nombre de cavaliers budgétaires, que la commission vous proposera d’ailleurs de supprimer, en témoigne.
À cela s’ajoutent, particulièrement cette année, des effets de miroir entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative qui conduisent à des difficultés de coordination entre ces deux textes. Je songe aux mesures relatives à la fiscalité énergétique, à l’éligibilité des investissements dans le haut débit des collectivités territoriales au FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, ou encore, entre autres sujets, à la fiscalité agricole. Les limites de ces exercices croisés sont incontestablement atteintes.
Ces observations de méthode étant faites, j’en viens au contexte économique et à l’équilibre général de ce projet de loi de finances rectificative.
Au cours de cette année, l’activité économique a progressé dans les pays de la zone euro, en raison notamment du recul du prix du pétrole et de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne qui a permis une diminution des taux d’intérêt et du taux de change de l’euro. Cependant, la croissance aura été de seulement 1 % dans notre pays, contre 1, 5 % dans la zone euro. L’activité tarde à redémarrer, et le taux de chômage correspond à 10, 6 % de la population active au troisième trimestre 2015, soit son niveau le plus élevé depuis 1997.
L’exercice 2015 a été marqué par une amélioration limitée de la situation budgétaire. Le solde effectif devrait représenter 3, 8 % du PIB, soit 0, 3 point en deçà de la prévision retenue par la loi de finances initiale. Cette bonne performance au regard des prévisions initiales est intégralement imputable à la révision du solde public de l’année 2014 : le solde effectif n’aura été réduit que de 0, 1 point de PIB cette année et l’ajustement structurel, de 0, 4 point de PIB, aura été inférieur à celui que recommandait le Conseil de l’Union européenne. Cela a été relevé par la Commission européenne dans son avis du 16 novembre 2015 sur le programme budgétaire de la France.
Compte tenu de ces éléments, la part de la dette publique dans la richesse nationale continuera d’augmenter. Le Gouvernement prévoit que celle-ci atteigne 96, 3 % du PIB, soit 0, 7 point de PIB de plus qu’en 2014.
Pour ce qui concerne le budget de l’État, les recettes fiscales nettes devraient s’élever à 278, 7 milliards d’euros cette année, en baisse de 400 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale, et les dépenses du budget général, hors dette et pensions, seraient supérieures de 1, 3 milliard d’euros par rapport à l’objectif du Gouvernement. Le détail de ces écarts à la prévision figure dans le rapport de la commission.
La norme de dépenses « zéro valeur » ne serait respectée qu’au prix d’un prélèvement de 255 millions d’euros sur la trésorerie du Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, et d’économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, soit 1 milliard d’euros. De même, la norme dite « zéro volume » ne serait pas dépassée grâce à des annulations sur la charge de la dette à hauteur de 2 milliards d’euros.
Hors dépenses exceptionnelles, le solde budgétaire serait dégradé de 3 milliards d’euros par rapport à 2014, le déficit atteignant 73, 3 milliards d’euros.
Je rappelle enfin que la commission des finances a eu l’occasion, en donnant son avis sur le projet de décret d’avance du 27 novembre dernier, de souligner l’importance du schéma de fin de gestion. Ce sont près de 6 milliards d’euros de crédits qui devraient être ouverts par le décret d’avance et par le projet de loi de finances rectificative, auxquels il faut ajouter 1, 1 milliard d’euros de redéploiement des fonds issus du programme d’investissements d’avenir, le PIA, soit un total de 7, 1 milliards d’euros. Les arbitrages de la loi de finances initiale ne sont plus respectés. J’en veux également pour preuve l’ampleur de la mise en réserve de crédits, à hauteur désormais de 8 % des crédits initiaux, qui permet de modifier sensiblement en cours d’année les orientations présentées en loi de finances initiale.
J’en viens maintenant aux articles du collectif budgétaire. Les mesures les plus importantes concernent la fiscalité énergétique, avec la réforme de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, et la modulation des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pour le gazole et l’essence.
Lors du débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, le Sénat avait appelé de ses vœux une rebudgétisation de la CSPE, afin que le Parlement puisse enfin se prononcer sur une imposition qui pèse sur nos concitoyens à hauteur de 6, 2 milliards d’euros cette année, et qui a vocation à croître à la mesure des charges à compenser. On peut s’interroger sur la constitutionnalité de cette imposition, qui n’est pas votée par le Parlement.
Notre appel a été entendu, mais tardivement. On peut s’étonner qu’une telle disposition ne figure pas dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, et que la création d’un nouveau compte d’affectation spéciale, mesure relativement inédite, ainsi que d’un nouveau programme au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ait été réalisée lors de la nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.
En tout état de cause, la commission des finances proposera, en coordination avec la commission des affaires économiques, dont je salue le président, d’aller plus loin, afin que le Parlement détermine le plafond et la répartition des charges à compenser en matière d’énergies renouvelables, et ne soit plus placé dans la situation de simple comptable des décisions prises par d’autres.
Cela permettrait de respecter à la lettre l’article 34 de la Constitution, car c’est au Parlement, et non à une commission, si compétente soit-elle, qu’il revient de fixer l’assiette des impositions.
La commission proposera également au Gouvernement de respecter ses engagements en termes de convergence des fiscalités sur l’essence et le diesel, en rétablissant la baisse de 1 centime d’euros de la TICPE sur l’essence dès 2016, et non sur une partie simplement des essences.
Enfin, elle proposera de compenser la hausse de la contribution climat-énergie prévue en 2017 par un allégement de la CSPE, afin d’assurer sa neutralité sur le plan fiscal, ce qui était déjà prévu dans l’article 1er de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, que nous respecterons donc formellement.
La commission présentera ensuite des amendements relatifs au régime fiscal de l’ISF-PME, visant notamment à l’orienter davantage vers les PME qui prennent des risques et qui ont le plus besoin de soutien, en excluant les activités de promotion immobilière – elles en sont normalement exclues, mais manifestement cette exclusion n’est pas respectée – et les activités qui bénéficient d’ores et déjà d’aides publiques. Elle proposera également que les frais des intermédiaires soient plafonnés.
Pour ce qui concerne la taxe pour la création de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage en Île-de-France, elle proposera de revenir sur certaines dispositions adoptées par l’Assemblée nationale qui ne lui semblent pas pertinentes.
La commission proposera aussi la suppression de l’élargissement de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, aux commerces établis avant 1960, car, si cette imposition était mise en œuvre, elle pénaliserait des commerces de centre-ville qui souffrent déjà de difficultés économiques accrues dans la conjoncture actuelle et d’une fiscalité très élevée. Cela accroîtrait également sans doute la différence de traitement entre le commerce traditionnel et le e-commerce, qui n’est pas taxé de ce point de vue.
La commission reviendra sur des allégements fiscaux adoptés par l’Assemblée nationale et qui ne lui semblent pas pertinents, comme l’application rétroactive de la TVA à 2, 1 % sur la presse en ligne, ou encore l’instauration d’un taux réduit de TVA sur les spectacles et concerts dans les discothèques.
Elle proposera également de supprimer la majoration obligatoire de taxe foncière pour les terrains constructibles situés en zones tendues, en la rendant facultative et en annulant pour 2015 les désastreux effets d’une réforme à laquelle le Sénat s’était opposé.
Enfin, la commission proposera la suppression de la réforme relative aux organismes de gestion agréés, dont elle n’a pu avoir connaissance que trop tardivement, de même que l’Assemblée nationale, qui l’a d’ailleurs refusée, réforme qui semble totalement contradictoire avec les dispositions votées il y a un an à peine, sans que rien ne permette de justifier ce changement d’orientation.
Au final, fort de ses 110 articles, le collectif budgétaire apparaît malheureusement comme un texte sans unité et sans ligne directrice, mais la commission des finances et les différents intervenants s’efforceront d’en améliorer, autant que faire se peut, la cohérence.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UDI-UC.
Sourires.
Nouveaux sourires.
M. Jean-Claude Lenoir, présiden t de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. J’ai noté les noms de ceux qui m’ont désigné !
Mêmes mouvements.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’ai l’honneur de rapporter l’avis de la commission des affaires économiques sur le volet consacré à la fiscalité de l’énergie contenu dans le projet de loi de finances rectificative qui nous est ici proposé. Il s’agit essentiellement de la réforme de la CSPE et de la fiscalité sur les carburants.
Concernant la CSPE, chacun le sait, une réforme était nécessaire, et elle était d’ailleurs attendue depuis longtemps.
La CSPE a été créée, non pas comme on le lit souvent par la loi de 2003, mais par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, sous une autre appellation, puisqu’il s’agissait à l’époque du « fonds du service public de la production d’électricité », ou FSPE.
Devenue CSPE, cette contribution vise à soutenir le développement des énergies renouvelables, mais elle participe également au financement de la péréquation tarifaire, de la cogénération, des tarifs sociaux, du poste de médiateur national de l’énergie…
Bref, c’est devenu un fourre-tout !
À son instauration, en 2003, la CSPE représentait pour les clients des opérateurs d’énergie électrique un prélèvement de 4, 50 euros par mégawattheure. Aujourd’hui, c’est 22, 50 euros ! Cette véritable explosion est due, pour l’essentiel, au développement très important des énergies renouvelables, en particulier du photovoltaïque et de l’éolien.
En outre, la CSPE souffre d’un certain nombre d’inconvénients, à commencer par l’absence de contrôle démocratique par le Parlement. Ce dispositif est également exposé sur le plan juridique, ce dont témoigne l’abondance des contentieux qui s’y rapportent : songez que plus de 55 000 sont pendants auprès de la Commission de régulation de l’énergie, et 14 000 devant les tribunaux administratifs, sans compter la contestation élevée par la Commission européenne ! Au surplus, cette contribution n’est absolument pas maîtrisée.
Autant de raisons, mes chers collègues, qui rendaient une réforme nécessaire. Elle était annoncée depuis longtemps, la voici.
Quant à son architecture, la totalité des membres de notre assemblée s’accordent à trouver cohérents les choix opérés, qui s’ordonnent autour de trois orientations.
En premier lieu, la CSPE sera budgétisée, c’est-à-dire rapatriée au sein du budget général de l’État, sans que les consommateurs y échappent pour autant, puisqu’elle sera entièrement répercutée sur eux - le périmètre est donc constant.
En deuxième lieu, le dispositif sera sécurisé sur le plan juridique, au moyen d’un adossement à la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, ou TICFE, créée par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME ; ce système nous mettra à l’abri des contentieux dont je viens de parler, même s’il n’est pas lui-même sans inconvénient.
En troisième lieu, l’assiette est élargie, puisque la « taxe carbone » – en fait, la contribution climat-énergie – renforcera les moyens mis en œuvre pour soutenir, notamment, les énergies renouvelables.
Quel est donc, monsieur le secrétaire d’État, l’avis de la commission des affaires économiques sur votre dispositif, que, au demeurant, elle a eu très peu de temps pour examiner ?
Avant tout, nous considérons qu’il n’est pas acceptable que cette réforme intervienne maintenant.
Mes chers collègues, il faut voir que le rendement de cette contribution est supérieur à celui de l’impôt de solidarité sur la fortune !
Et c’est à la faveur d’un article du projet de loi de finances rectificative pour 2015 que l’on réformerait un dispositif destiné à valoir pour les années qui viennent ?
Ensuite, monsieur le secrétaire d’État, nous demandons que le Parlement ait son mot à dire sur cette contribution, fût-elle renommée et réaffectée au budget général de l’État à travers un compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » et un programme « Service public de l’énergie ».
Dans cet esprit, nous défendrons un amendement tendant à redonner la parole au Parlement : il s’agirait, si vous en êtes d’accord, de nous permettre de fixer, dans le cadre de la loi de finances initiale, à la fois un plafond de dépenses de soutien aux énergies renouvelables, ainsi qu’un plafond, en volume, des capacités de production.
Si vous nous refusiez ce pouvoir, monsieur le secrétaire d’État, vous réduiriez le Parlement à un rôle de comptable. Chaque année, en effet, nous ne serions appelés qu’à constater les engagements pris par le Gouvernement, à travers les résultats d’appels d’offres pour ce qui est des énergies renouvelables, ainsi que les dépenses liées au guichet ouvert à un certain nombre d’opérateurs, et à voter un taux constatant le montant des dépenses pour déterminer le montant des ressources. Ce n’est pas acceptable !
De là l’importance de l’amendement que nous examinerons demain matin, présenté par la commission des affaires économiques pour restaurer l’autorité et la légitimité du Parlement sur une dépense aussi importante.
J’en viens aux dispositions du projet de loi de finances rectificative relatives à la contribution climat-énergie.
Monsieur le secrétaire d’État, la « contribution carbone », comme on l’appelle communément, rapportera davantage que ce que vous annoncez aujourd’hui : les calculs auxquels nous avons procédé permettent d’avancer que le montant prélevé s’élèverait à 755 millions d’euros en 2017, quand vous avez prévu 163 millions d’euros, et atteindrait 1, 6 milliard d’euros l’année suivante.
Or, comme M. le rapporteur général l’a rappelé il y a quelques instants, l’article 1er de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe un principe de compensation : l’effet de la contribution doit être neutre. C’est pourquoi la commission des affaires économiques proposera que la différence entre les recettes qui seront constatées et les prévisions du Gouvernement soit entièrement affectée à la nouvelle CSPE, que, par ailleurs, nous proposerons d’appeler « contribution au financement de la transition énergétique », un intitulé qui me paraît plus conforme à la réalité que l’actuel. De la sorte, la contribution réformée sera diminuée et aura, conformément à la loi, un effet neutre pour les consommateurs.
En ce qui concerne le travail mené pour sécuriser la contribution sur le plan juridique, j’attire votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les industriels électro-intensifs non exposés à la concurrence internationale, qui vont devoir payer 43 millions d’euros supplémentaires. Il convient aujourd’hui d’être très attentif à cette conséquence de la réforme, que nos simulations ont fait apparaître.
Au sujet de la fiscalité sur les carburants, la commission des affaires économiques a longuement débattu du projet du Gouvernement d’augmenter le prix du diesel et de diminuer celui du carburant additionné d’éthanol à 10 %, en s’attachant notamment à l’aspect industriel de cette réforme. Aujourd’hui, les constructeurs automobiles sont très exposés. Or nos deux grands champions dans ce domaine, Renault et PSA Peugeot Citroën, sont particulièrement préoccupés par les conséquences de ces mesures et d’un certain nombre d’autres qui ont été annoncées ; nous aurons l’occasion d’en reparler.
Il me reste quelques instants pour aborder une autre question que M. le secrétaire d’État a évoquée : la fiscalité agricole.
Le Sénat a adopté hier la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, présentée par moi-même et une grande majorité des membres de notre assemblée. Nous avons observé avec un certain plaisir, et même une gourmandise certaine, que le Gouvernement, après avoir manifesté à l’égard de notre initiative de grandes réticences – le mot est faible –, et même fait montre d’agacement en voyant la majorité du Sénat s’intéresser aux questions agricoles, avait finalement repris à son compte un certain nombre de nos propositions dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
Je le remercie d’avoir reconnu que nous avions vu juste et que nos propositions étaient utiles à l’agriculture… Oui, je remercie le Gouvernement d’avoir tenu compte de l’aspiration du Sénat à remplir son rôle, en prenant des initiatives législatives et en écoutant les préoccupations du monde agricole !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, lors de la conférence des présidents qui s’est tenue hier soir, M. le président du Sénat a rendu hommage au travail accompli par la commission des finances pour organiser dans de bonnes conditions l’examen du projet de loi de finances pour 2016.
Je me demande comment il faudrait s’y prendre pour améliorer les conditions d’examen des projets de loi de finances rectificative de fin d’année… Je me le demande d’autant plus quand je considère les délais très brefs qui nous sont prescrits, alors que certaines mesures justifieraient des travaux préparatoires approfondis et des auditions – en somme, un vrai travail législatif.
Au-delà de cet enjeu de méthode, je voudrais m’intéresser, non pas tant aux mesures fiscales contenues dans le projet de loi de finances rectificative – nous en débattrons lors de l’examen des articles –, qu’à la raison d’être du collectif budgétaire de fin d’année : l’ajustement des recettes et, surtout, des dépenses pour assurer le respect des objectifs de solde et de dette.
Ce qui ressort du présent projet de loi de finances rectificative, c’est la qualité du pilotage de nos finances publiques, dans le cadre d’une trajectoire crédible qui nous permet d’emprunter à moindre coût sans verser dans l’austérité.
Si l’on apprécie les finances publiques au niveau de l’ensemble des administrations publiques, que retient-on de l’exercice budgétaire 2015 ?
En premier lieu, que le Gouvernement est parvenu à concilier amélioration de la situation budgétaire et diminution des prélèvements obligatoires. Ainsi, les prélèvements pesant sur les entreprises auront été réduits de 24 milliards d’euros, grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, au pacte de responsabilité et aux mesures en faveur de l’investissement. Quant à la fiscalité directe pesant sur les ménages, son poids a commencé à décroître au cours de l’exercice qui va s’achever. Résultat : au total, le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44, 9 à 44, 5 % du PIB.
En deuxième lieu, on retient que la baisse des prélèvements sans dégradation du déficit a été rendue possible par la maîtrise des dépenses. En effet, le Gouvernement est parvenu à ralentir significativement le rythme de progression de la dépense publique en valeur : alors qu’elle a crû de 3, 4 % en moyenne entre 2007 et 2011, elle a augmenté de 2, 1 % par an entre 2012 et 2014, et seulement de 1, 1 % en 2015. S’agissant de la hausse de la dépense en volume, la comparaison est tout aussi flatteuse.
En troisième lieu, le déficit effectif pour 2015 est inférieur à la prévision inscrite dans la loi de finances initiale : il doit s’élever à 3, 8 %, au lieu de 4, 1 %. De même, la part de la dépense publique dans la richesse nationale est moins importante que ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, adoptée voilà un an : la dépense publique représente 55, 8 % du PIB, alors que ce ratio était anticipé à 57, 5 % en prévision initiale.
La bonne maîtrise de la dépense publique a reposé sur la mise en œuvre du programme de 50 milliards d’euros d’économies pour la période 2015-2017, qui devait être réalisé à hauteur de 18, 6 milliards d’euros en 2015. Les moindres économies liées au ralentissement de l’inflation ont été intégralement compensées par des mesures complémentaires, d’un montant de 4 milliards d’euros, annoncées dans le cadre du programme de stabilité transmis en avril dernier aux institutions européennes.
Si l’on s’intéresse maintenant au budget de l’État proprement dit, quels constats peut-on dresser ?
D’abord, le Gouvernement a atteint ses objectifs budgétaires pour 2015 : les dépenses totales de l’État ont été revues à la baisse pour 2 milliards d’euros et le solde budgétaire de l’État a été amélioré de 1, 1 milliard d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2015. Dans le même temps, les engagements pris lors de la révision de la loi de programmation militaire ont été tenus et les crédits budgétaires attendus sont au rendez-vous.
Ensuite, le Gouvernement a fait preuve de prudence dans ses prévisions fiscales, puisque les recettes de l’État sont conformes aux estimations sur lesquelles a été bâtie la loi de finances initiale.
En outre, le Gouvernement redonne des marges de manœuvre aux entreprises à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont la montée en charge plus rapide que prévu témoigne de la bonne appropriation par les entreprises – un succès que notre commission avait déjà constaté au printemps dernier, lors de sa journée de travail « hors les murs » à Toulouse.
Par ailleurs, le Gouvernement a lancé plusieurs réformes favorables au pouvoir d’achat des ménages aux revenus modestes et moyens. Ainsi, après leur avoir accordé une réduction exceptionnelle de 1, 1 milliard d’euros de leur impôt sur le revenu, décidée en loi de finances rectificative pour 2014, le Gouvernement a supprimé la première tranche du barème dans le cadre de la simplification de cet impôt opérée dans la loi de finances pour 2015 ; au total, l’allégement se monte à 3 milliards d’euros.
Enfin, la lutte contre la fraude, qui est une action essentielle, porte ses fruits au-delà des prévisions initiales : 2, 7 milliards d’euros de recettes sont attendus à ce titre, soit 400 millions d’euros de plus que prévu.
J’ajoute que le projet de loi de finances rectificative pour 2015 offre une nouvelle illustration de l’ambition réformatrice du Gouvernement, puisqu’il ouvre enfin la voie à la réforme du financement du service public de l’électricité et avance sur le chemin de la révision des valeurs locatives.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à soutenir le Gouvernement et son texte lors de la discussion des articles.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances et M. Gérard Longuet applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour 2015 peu après l’examen du projet de loi de finances pour 2016.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne reprendrons pas tout ce que nous avons pu dire sur la situation du pays, sur la situation des finances publiques, sur l’emploi et la compétitivité lors de la discussion générale et lors de l’examen du projet de loi de finances.
Nous nous situons en effet dans la suite de ce texte, encore que le projet de loi de finances rectificative porte bien mal son nom : en réalité, il est autant rectificatif pour 2015 qu’il est prescriptif et modificatif pour 2016. À peine venons-nous d’achever l’examen du projet de loi de finances que le Gouvernement nous propose de revoir sa copie pour l’année prochaine !
Il y a là un double mystère sur lequel nous devrions nous interroger. D’une part, le Gouvernement choisit de reporter au collectif budgétaire de l’année écoulée des dispositions qui concernent en réalité l’année suivante. Je vous concède volontiers, monsieur le secrétaire d’État, que ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui, mais tout de même… !
D’autre part, et comme souvent, le texte initial du collectif budgétaire triple de volume en première lecture à l’Assemblée nationale. Je vous concède là encore, monsieur le secrétaire d’État, que les nouveaux articles sont fréquemment introduits sur l’initiative des députés. Toutefois, reconnaissons que l’inspiration des députés n’est parfois pas strictement personnelle et que le Gouvernement se saisit d’un certain nombre de perches à cette occasion. Ainsi, on évite que le Conseil d’État ne mette son nez dans les textes que nous sommes amenés à adopter.
Mes chers collègues, peut-être serait-il nécessaire de fixer une règle simple : seules les dispositions de l’année en cours devraient figurer dans le collectif budgétaire, les mesures qui concernent l’année suivante devant être réservées au projet de loi de finances. L’examen des textes budgétaires par le Parlement en serait ainsi facilité.
Pour poursuivre sur des considérations de méthode, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour indiquer qu’il n’est pas facile – Mme la présidente de la commission vient d’ailleurs d’en parler – de discuter d’un texte qui a été adopté par l’Assemblée nationale il y a seulement deux jours et qui n’a été examiné ici en commission qu’hier.
J’en viens maintenant aux deux principaux aspects à retenir sur le fond de ce texte.
En premier lieu, ce collectif budgétaire comporte évidemment des éléments sur l’exécution de la loi de finances initiale et sur la situation de nos finances publiques en cette fin d’année. Heureusement, c’est tout de même l’objet premier de ce texte !
Permettez-moi une remarque liminaire à ce sujet : l’objectif fixé dans la trajectoire budgétaire que nous devons respecter a été repoussé à trois reprises. On se réjouit donc que le Gouvernement atteigne enfin sa cible ! Après tout, il n’est pas illogique qu’il y parvienne après avoir, par trois fois, modifié cette trajectoire et repoussé la cible à atteindre. Il n’y a certes pas lieu de pousser des cris d’enthousiasme, monsieur le secrétaire d’État, mais on doit vous donner acte du fait que vous trouvez globalement dans la trajectoire budgétaire annoncée.
Cela étant dit, respecter l’objectif de 3, 8 % de déficit cette année ne constitue qu’un effort modeste. En effet, cet objectif n’est inférieur que de 0, 1 point à l’objectif fixé en 2014 et ne représente en réalité qu’un effort de 1 milliard d’euros : on passe ainsi d’un déficit de 74, 4 milliards d’euros en 2014 à un déficit de 73, 3 milliards d’euros en 2015. Dont acte !
Cela n’est pas – me semble-t-il – à la hauteur des enjeux et de la situation réelle de nos finances publiques, puisque notre pays a, outre ce déficit de 74 milliards d’euros, plus de 2 000 milliards d’euros de dette et 5 millions de chômeurs !
La performance française n’est guère flamboyante en matière budgétaire : il faut comparer nos 3, 8 % de déficit avec le niveau moyen de déficit constaté dans la zone euro, qui s’élevait à 2, 6 % en 2014 et s’établit à 2 % en 2015. La France est aujourd’hui lanterne rouge dans ce domaine et reste en retard par rapport au reste de l’Europe !
À ce stade, il convient d’évoquer les deux risques que court la France : le premier d’entre eux est l’effet potentiel des attentats sur la croissance – nous ne saurions évidemment le reprocher au Gouvernement – que l’INSEE chiffre à 0, 1 point. Nous devons tous rester attentifs par rapport à une situation dont nous aurons à mesurer les conséquences, compte tenu du drame que nous avons vécu.
Le second risque est lié à la dégradation de 3 milliards d’euros du solde budgétaire, qu’a soulignée M. le rapporteur général en commission. Il faudra évidemment attendre le projet de loi de règlement pour juger véritablement de cette détérioration budgétaire et pouvoir comparer les chiffres de loi de règlement à loi de règlement.
Malgré tout, c’est un signal d’alerte, tout comme l’est le constat selon lequel la maîtrise des dépenses publiques est en grande partie due à des événements : l’annulation de 2 milliards d’euros sur la charge de la dette, qui est la bienvenue, même si nous habituer à la faiblesse actuelle des taux peut représenter un danger, et la réduction de 1 milliard d’euros sur le prélèvement européen, soit au total 3 milliards d’euros qui permettent au Gouvernement d’atteindre pour l’essentiel son objectif en dépenses.
En vérité, la baisse des dépenses publiques est très relative et l’amélioration du solde structurel évolue selon un rythme qui se relâche quelque peu.
En second lieu, le présent projet de loi de finances rectificative comporte des mesures nouvelles qui font de ce texte un projet de loi de finances bis. C’est de bonne guerre, monsieur le secrétaire d’État, mais il faut encore une fois le souligner !
Ce texte comporte un bloc de mesures sur la fiscalité écologique, dont M. le président de la commission des affaires économiques, et ici rapporteur pour avis, notre collègue Jean-Claude Lenoir, a très justement et très longuement parlé.
Longuement, non ! Je n’ai pu en parler que dans le peu de temps qui m’était imparti !
En disant cela, monsieur le président de la commission, je souhaitais simplement insister sur le fait que vous avez choisi de centrer votre intervention sur ce point et que vous avez eu bien raison !
J’estime qu’il faut aller vers davantage de sobriété énergétique. De ce point de vue, les mesures du présent texte vont plutôt dans le bon sens, ce qu’il convient de saluer. Pour autant, il faut rester vigilant, car la transition énergétique doit se faire à fiscalité constante.
Je fais également miennes les remarques exprimées tout à l’heure par M. le rapporteur général. On peut s’interroger sur le rythme avec lequel est menée la transition énergétique : nous avons d’ailleurs des débats entre nous à ce sujet. Lors de l’examen des amendements, ma collègue Chantal Jouanno plaidera pour aller plus vite et plus fort en la matière.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez bien fait de donner de la visibilité au prix de la tonne carbone. Ce n’est pas le maire du Bourget que je suis qui, au moment où la COP 21 s’achemine vers un accord, vous dira d’aller moins vite sur ce dossier, bien au contraire !
M. Jean-Claude Lenoir a livré la réflexion de la commission des affaires économiques sur la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. Sur ce sujet, je pense que la commission des finances et la commission des affaires économiques pourraient s’entendre, même si le « calage » est toujours un peu délicat entre nos commissions sur la question de la taxation du diesel et de l’essence. Je pense pourtant qu’il faudrait faire évoluer les choses, en veillant à ce que cette évolution soit comprise de tous.
S’agissant des autres mesures contenues dans le collectif budgétaire, j’aimerais revenir plus particulièrement sur les dispositifs ISF-PME et PEA-PME. Pour résumer le débat en une formule, j’aurais tendance à dire que nous vous trouvons trop restrictif en la matière, monsieur le secrétaire d’État, et qu’il faudrait améliorer les modalités de financement de l’économie et des entreprises, en particulier en direction des PME.
En conclusion, le groupe UDI-UC déplore la méthode qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi de finances rectificative, qui en fait un projet de loi de finances bis.
En outre, nous contestons sinon la réalité des efforts réalisés par le Gouvernement, du moins leur ampleur.
Enfin, nous considérons que les propositions de M. le rapporteur général sur les mesures nouvelles devraient nous permettre d’améliorer le texte transmis par l’Assemblée nationale. En conséquence, nous souhaiterions que le Gouvernement entende les propositions du Sénat !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances initiale pour 2016 manquait quelque peu de relief et s’est trouvé pris dans la tourmente née des attentats du 13 novembre et de leurs conséquences, au point que le dogme de la réduction des dépenses publiques semble avoir été sérieusement mis en question.
Le collectif budgétaire pour 2015 revêt, quant à lui, un double aspect.
Tout d’abord, il présente le caractère assez discutable d’une apparente incohérence : celle-ci résulte de l’addition de mesures disparates dont la dimension fiscale est plus ou moins évidente.
Ensuite, le projet de loi de finances rectificative nous permet de nous interroger sur des sujets loin d’être dénués d’intérêt, notamment la fiscalité écologique et le financement des entreprises.
S’agissant du financement des entreprises, je dois avouer que les mesures déclinées au fil des divers articles du texte manquent dramatiquement de toute originalité. En effet, c’est au travers de dispositifs connus en général pour leur relative inefficacité et coûteux pour les finances publiques – je pense en particulier au dispositif ISF-PME – que l’on entend résoudre le problème des fonds propres de nos entreprises.
On note d’ailleurs que le Gouvernement agit de la même façon pour les mesures tendant à réorienter l’épargne – une épargne d’un certain niveau – des SICAV vers le dispositif PEA-PME.
À la vérité, on a l’impression que tous les textes financiers dont nous allons discuter dans les mois et les années à venir sont destinés, entre autres choses, à compléter et à accroître l’attractivité fiscale de ces dispositifs incitatifs, qui n’intéressent pourtant, en général, que quelques dizaines de milliers d’initiés.
Malgré l’appel au financement éthique, le volet sur la fiscalité des placements financiers ne caractérise pas véritablement un collectif budgétaire marqué à gauche. À moins qu’être de gauche signifie être convaincu de la nécessité de faire financer le développement des entreprises par les marchés financiers et non par une juste allocation à moindre coût du crédit bancaire !
Par ailleurs, le volet relatif à la fiscalité écologique est particulièrement intéressant et recouvre plusieurs aspects fondamentaux, avec la création d’un nouveau compte d’affectation spéciale dont les ressources seront en partie liées à la contribution au service public de l’électricité, à l’alourdissement de la fiscalité énergétique par l’intégration de la composante carbone et à l’affectation du produit de la taxe sur les consommations finales d’électricité.
Le problème est que, dans notre pays, il suffit que nous concevions un nouvel ensemble de taxes et d’impôts, qui frappent ici la consommation tant des particuliers que des entreprises, pour que, de suite, des groupes de pression plus ou moins influents se manifestent et demandent à être placés hors de leur champ d’application.
Nous l’avions vu avec l’article 33 bis du projet de loi de finances initiale pour 2016, qui prévoit expressément que soit versée une aide à la consommation d’électricité des industries particulièrement énergivores de ce point de vue, selon l’application d’un principe pollueur-non payeur jusqu’ici rarement invoqué !
Et nous le voyons encore au travers des dispositions de ce texte qui prennent en compte la question des entreprises dites « électro-intensives ».
Cette mauvaise habitude de définir aussi rapidement des exceptions à ce qui devrait être la règle commune brouille l’écoute du citoyen et risque fort de conduire à quelques difficultés lorsqu’il s’agira de faire respecter le trop fameux principe du consentement à l’impôt.
Cela étant dit, au sein du groupe CRC, nous nous posons une question décisive.
La fiscalité écologique constitue déjà une réalité dans notre pays, ne serait-ce que parce nous collectons 26, 5 milliards d’euros de TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Dans les faits, celle-ci se trouve utilisée, à hauteur de plus de 11 milliards d’euros, pour compenser, mais mal, les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales et, pour un peu plus de 700 millions d’euros seulement, pour financer les alternatives au transport routier.
Et, à cette pression fiscale, nous pourrions ajouter le poids de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, qui est payée par les ménages. Cette taxe cumulée avec la TICPE aura un rendement supérieur à l’impôt sur les sociétés en 2016. C’est tout dire !
La création du compte spécial n’est pas sans poser de nouveaux problèmes, notamment quand on connaît la propension des services de Bercy à plafonner le rendement de certaines taxes et à récupérer éventuellement le moment venu les fonds de roulement constitués. Cela se voit régulièrement…
En fait, la voie fiscale, qui semble privilégiée par le Gouvernement pour atteindre les objectifs que la France semble décidée à se donner à l’issue de la COP 21, ne devrait pas être empruntée de cette manière.
En matière de protection de l’environnement et de développement des énergies renouvelables, un pays comme la République fédérale d’Allemagne doit beaucoup, par exemple, à un organisme bancaire parapublic qui, avec les subsides du « plan Marshall » à l’époque, a largement contribué au redressement du pays entre 1949 et 1989.
Nous pourrions nous livrer à une revue de détail des instruments utilisés actuellement à la fois pour le financement des entreprises et pour la transition énergétique.
Outre le fait que la consolidation des résultats bénéficiaires au sein des fonds propres suffirait parfois à les renforcer – moyennant une moindre appétence pour la distribution de dividendes ! –, on constate que le recours au crédit bancaire, qui est relativement peu onéreux ces derniers temps, pourrait fort bien constituer une solution pour régler le problème du financement des entreprises.
Ne serait-ce que parce que la Banque centrale européenne inonde les marchés de 60 milliards d’euros tous les mois dans le cadre de sa politique dite « d’assouplissement quantitatif », mais aussi parce que, malgré la baisse de leur taux de rémunération, 100 milliards d’euros d’encours du livret A et du livret de développement durable sont disponibles pour répondre aux besoins de financement de nos entreprises !
Comparons donc les sommes levées grâce aux PEA, à l’ISF-PME ou à la loi Madelin, à l’encours des livrets défiscalisés et le coût de la dépense fiscale associée.
Nous pouvons même imaginer mettre en circulation un nouveau livret d’épargne défiscalisé, qui serait destiné à la transition énergétique et qui pourrait, par exemple, financer les travaux d’isolation et de performance énergétique des logements des particuliers, certaines grandes opérations d’infrastructure proposant une alternative à la route, ou encore l’acquisition de véhicules peu polluants, hybrides ou encore électriques.
Nous n’avons pas déposé d’amendement pour défendre cette proposition, mais nous ne manquerons pas d’y revenir et souhaitions, dès ce jour, mettre le sujet en débat.
Pour le reste, outre quelques sujets sur lesquels nous nous positionnerons face aux intentions de M. le rapporteur général, nous attendons de voir ce qu’il adviendra de nos amendements dans le débat pour faire évoluer notre opposition de fond à l’adoption de ce texte !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
M. André Gattolin. « Pour résoudre la crise climatique, je vous le dis franchement : les bons sentiments, les déclarations d’intention ne suffiront pas, nous sommes au bord d’un point de rupture ». Ces mots, monsieur le secrétaire d’État, ne sont pas ceux d’un écologiste exalté, assigné à résidence ; ces mots sont ceux par lesquels le Président de la République a ouvert la conférence de Paris pour le climat.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
À l’évidence, ils appellent une inflexion majeure de notre modèle de développement, dont nous attendons, année après année, la traduction législative, en particulier fiscale.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré la gravité de l’enjeu, perçue à la tête de l’État, le Gouvernement a décidé – pour quelle raison ? - d’exclure la fiscalité écologique de la discussion budgétaire et de l’aborder, quelque peu à la va-vite, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative. Un projet de loi de finances de rattrapage, en somme, que le calendrier ne nous permet pas d’examiner avec le sérieux qu’il mériterait !
Que trouve-t-on dans ce texte, au milieu de la grosse centaine d’articles qui le composent désormais ?
D’abord, le prix de la tonne de carbone pour 2017, mais pour cette seule année.
Alors que le Gouvernement prône, à longueur de débat budgétaire, la nécessité d’offrir aux entreprises une visibilité de long terme sur la fiscalité, il semble cette fois privilégier l’effet de surprise ! Pourtant, chacun sait bien que le principe même de la contribution climat-énergie consiste à envoyer un signal de long terme, pour permettre aux acteurs économiques de programmer leur adaptation.
Vraiment, monsieur le secrétaire d’État, je peine à comprendre…
De plus, ce texte pérennise et accroît les exceptions au principe d’universalité de la contribution climat-énergie.
Alors que les particuliers seront touchés par la hausse de cette contribution, l’aviation reste épargnée et les entreprises électro-intensives y gagnent même une nouvelle exonération.
« C’est l’enjeu de l’introduction progressive du prix du carbone pour que les émissions de gaz à effet de serre aient un coût qui corresponde aux dommages infligés à la planète ; et pour que les choix d’investissement soient peu à peu modifiés. » Là encore, ces mots sont ceux du Président de la République !
Alors pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, en quoi votre projet de loi permet, pour l’aviation et l’industrie électro-intensive – deux secteurs très producteurs de carbone –, une correspondance entre coût et dommages, et une modification des choix d’investissement ?
Les adaptations et les mutations, je vous l’accorde, sont rarement simples. Mais quand la voiture à moteur est apparue, il a bien fallu, à l’époque, procéder à la reconversion des manufactures de fiacres ! Pourtant, nos externalités négatives ne se limitent pas aujourd’hui, et tant s’en faut, à du crottin sur la chaussée !
En revanche, s’agissant de l’électricité, je me félicite de la budgétisation de la CSPE.
Les écologistes ont suffisamment dénoncé le déni de démocratie ayant prévalu dans le choix de nucléariser la France pour ne pas approuver l’affirmation du rôle du Parlement dans la définition de la politique énergétique.
Pour autant, nous serons très attentifs à ce que cette évolution ne se traduise pas par une entrave au développement des énergies renouvelables, à un moment où le réacteur pressurisé européen, l’EPR, semble se voir offrir, pour reprendre une expression devenue populaire grâce à M. le secrétaire d’État, un open bar en matière de crédits !
Les énergies renouvelables, les transports collectifs, l’agriculture biologique ont pourtant un besoin crucial d’investissement et de financement. Dans une bonne gestion, la fiscalité écologique devrait y contribuer pleinement, mais, malheureusement, elle semble ici, et pour l’essentiel, ne servir qu’à financer les baisses de charges consenties, sans condition, à toutes les entreprises.
La « profonde mutation » appelée par le Président de la République risque fort de devoir attendre !
Pour conclure, je voudrais m’arrêter plus particulièrement sur deux articles de ce « PLFR-bazar », où l’accessoire côtoie souvent l’essentiel.
Ma première remarque portera sur l’article 35 quater, qui exonère de droits de mutation les dons reçus par les victimes d’actes de terrorisme et par leur famille.
Je tiens ici à saluer cette mesure, que j’avais d’ailleurs appelée de mes vœux au lendemain des terribles attentats du 13 novembre dernier.
La moindre des choses pour un État digne de ce nom, avant de s’engager dans une guerre qualifiée de totale contre le terrorisme islamique, c’est de prendre soin – un soin irréprochable et dans la durée – de ses blessés. En la matière, et nous le savons tous, l’oubli guette, bien plus vite qu’on ne le croit, abandonnant les victimes à leur souffrance et à leurs incommensurables difficultés quotidiennes.
C’est donc bien – même essentiel – d’en appeler à la solidarité de chacun et de compléter cet effort de solidarité par une exonération fiscale. Mais cela ne suffit pas, car on ne répond pas aux interrogations qui planent toujours quant à la solvabilité du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et, surtout, à l’incroyable complexité de l’actuelle procédure d’indemnisation. Cette complexité ajoute au malheur personnel la violence des méandres bureaucratiques affectant notre pays.
Comment expliquer, monsieur le secrétaire d’État, que l’on n’ait toujours pas instauré un guichet unique pour les démarches liées à ce type d’indemnisation ?
Mon second et ultime point concerne l’article 30 quater, qui a été introduit par l’Assemblée nationale et que notre rapporteur général, à l’unisson du Gouvernement, souhaiterait voir disparaître.
Cet article porte sur la régularisation du statut, en matière de TVA à taux réduit, de quelques sites d’information indépendants qui font actuellement l’objet de redressements proprement disproportionnés de la part de l’administration fiscale. Sur les plus de 5 millions d’euros qui leur sont aujourd’hui réclamés, plus de 25 % le sont au titre d’un manquement délibéré.
En réalité, nous sommes là face à de bien étranges fraudeurs… Au cours des années incriminées, ils n’ont jamais manqué d’informer l’administration qu’ils s’appliquaient ce taux, sans se voir notifier officiellement qu’ils étaient en infraction !
Vous vous en expliquerez, monsieur le secrétaire d’État.
La mise en conformité du droit fiscal avec celui de la presse, pourtant inscrite dans la loi de 1986 et réaffirmée par le président Nicolas Sarkozy en janvier 2009, est bel et bien l’objet central de cet article tardif.
Telles étaient, mes chers collègues, les remarques qu’il m’aura été permis de formuler dans le temps qui m’était imparti.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du CRC.
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, à peine avons-nous achevé l’examen du projet de loi de finances pour 2016 que nous nous plongeons dans celui du collectif budgétaire.
Ce dernier nous permet d’évaluer la mise en œuvre de la loi de finances initiale pour 2015 et de procéder aux ajustements que les aléas rencontrés au cours de son exécution rendent nécessaires. Il autorise des mouvements de crédits et donne une nouvelle estimation du niveau des recettes. Toutefois il ne comporte pas les dépenses supplémentaires annoncées au lendemain du 13 novembre pour renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme, dépenses qui figurent désormais dans le projet de loi de finances pour 2016.
Je vais d’abord évoquer les principaux indicateurs macroéconomiques.
Le déficit de l’État – 73, 3 milliards d’euros – est revu à la baisse de 1, 1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale. C’est une bonne nouvelle, à porter au crédit de taux d’intérêt toujours très bas, qui ont logiquement allégé le service de la dette.
En 2015, la conjoncture en Europe s’est quelque peu améliorée, avec un début de reprise économique, principalement dû, il est vrai, à des facteurs exogènes : baisse du prix du pétrole et baisse de l’euro.
L’inflation, toujours très en dessous de l’objectif de 2 % fixé par l’Union économique et monétaire, est toutefois restée positive. Nous avons jusqu’ici échappé à la spirale de la déflation, contrairement aux inquiétudes exprimées l’an dernier.
La croissance reste inchangée par rapport à la prévision, à 1 % du PIB.
Le solde effectif est estimé à moins 3, 8 % et le solde structurel s’établirait à moins 1, 7 % du PIB. Cela traduit une amélioration, respectivement de 0, 6 et de 0, 7 point, par rapport à la loi de finances rectificative pour 2014.
Le cap vers le redressement des finances publiques est donc respecté et le passage sous la barre des fameux 3 % de déficit ne paraît pas nécessairement hors d’atteinte à l’horizon de 2017. Mais, comme vous le voyez, mes chers collègues, je reste prudent…
Enfin, le projet de loi prévoit une baisse timide des prélèvements obligatoires, qui passeraient de 44, 9 % à 44, 6 % du PIB. Il actualise également les prévisions de recettes de l’État, désormais très proches de celles de la loi de finances initiale pour 2015, avec un écart limité à 100 millions d’euros.
Toutefois, cette situation ne doit pas nous faire relâcher notre effort en matière de maîtrise de la dépense et de rétablissement des comptes publics.
La situation générale demeure fragile, et le bilan budgétaire relativement positif de l’année 2015 pourrait être sans lendemain, si l’un des facteurs macroéconomiques venait soudain à se dégrader. Restons donc très vigilants !
Ce projet de loi de finances rectificative comporte un grand nombre d’articles – peut-être trop -, des articles souvent techniques et dont le nombre s’est encore accru lors du passage à l’Assemblée nationale.
Cela m’amène à formuler une interrogation : ce texte est-il approprié pour présenter un nombre si important de mesures, alors qu’il intervient en toute fin d’année, après le vote du projet de loi de finances pour 2016, qui a bien sûr concentré toute l’attention ?
En particulier, vu le nombre de dispositions fiscales, il serait plus juste de parler de « collectif fiscal » que de « collectif budgétaire ». Cela pose un réel problème de stabilité juridique, d’autant que les mesures fiscales peuvent s’appliquer de manière rétroactive.
Ainsi, le RDSE regrette profondément la mesure visant à prélever 255 millions d’euros sur les réserves du Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA.
Alors que le secteur agricole traverse toujours une période difficile – le sujet a été évoqué ici même, hier soir –, alors qu’il a subi des pertes importantes du fait des conditions climatiques de cette année, ces réserves sont plus que jamais nécessaires face aux aléas naturels, par essence imprévisibles, plus encore que la conjoncture économique.
C’est pourquoi nous proposerons un amendement de suppression de cette disposition, qui nous semble injustifiée, voire très risquée.
En dépit des points de critique, et des possibles désaccords, nous approuvons la politique économique du Gouvernement §
Nousapprouvons également l’essentiel des orientations budgétaires.
Mais nous entendons aussi apporter notre contribution par le biais d’amendements portant sur des matières diverses.
Nous réitérerons, par exemple, nos propositions en faveur de la couverture numérique du territoire, pour que les zones rurales bénéficient enfin d’une offre haut débit. Nous encouragerons l’activité des PME présentes sur l’ensemble du territoire national, dans le cadre de la mise en conformité avec les règles européennes du dispositif ISF-PME.
Telles sont, rapidement exposées, les orientations que nous défendrons lors de la discussion des articles.
Nous serons attentifs aux différents sujets abordés en séance par les uns et les autres, et déterminerons notre vote final à l’issue de nos débats, au regard des modifications qu’aura approuvées la Haute Assemblée.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord une question sur la méthode.
J’entends, venant de la majorité sénatoriale, une longue litanie de plaintes, comme le chœur d’une tragédie grecque. Le projet de loi de finances rectificative comprendrait trop d’articles, il aurait été par trop étoffé à l’Assemblée nationale… Mais n’est-ce pas le travail du Parlement que de faire adopter des amendements, de faire passer des idées ?
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Nous souhaiterions simplement avoir le temps d’examiner les amendements !
Voulez-vous qu’il n’y ait plus de discussion, que nous procédions par vote bloqué, chers collègues ? Non, bien sûr ! Dès lors, je ne comprends pas de quoi vous vous plaignez.
« Pourquoi parle-t-on de fiscalité de l’énergie, du financement des entreprises, de celui du commerce extérieur ? », demandez-vous… Pensez-vous vraiment que ces sujets n’ont pas besoin d’être traités ?
Qu’ils le soient dans le cadre du projet de loi de finances ou du projet de loi de finances rectificative, quelle différence, sur le fond ? La semaine dernière, nous discutions du premier ; aujourd'hui, jeudi, nous discutons du second.
Au contraire, le choix retenu permet un véritable débat. Jean-Claude Lenoir, qui a quitté l’hémicycle, semblait considérer comme nécessaire que le Parlement reprenne en main la discussion sur la fiscalité énergétique. C’est exactement ce pour quoi nous sommes réunis !
Donc, nous avons du mal à vous suivre…
J’évoquais un chœur de tragédie grecque, mais quelqu’un – il me semble que c’est vous, monsieur le secrétaire d’État – a aussi qualifié certaines interventions, notamment celle du rapporteur général, de discours de Cassandre. Au fond, me suis-je dit, c’est plutôt une bonne nouvelle ! Cassandre, en effet, a reçu le pouvoir de prévoir l’avenir, mais sa malédiction, c’est que personne ne la croit !
Après ce petit détour par la mythologie, revenons-en à la réalité des chiffres.
Il est vrai qu’il vaut mieux parler de mythologie plutôt que de chômage !
Je ferai simplement quelques observations.
Le chiffre de la croissance pour 2015 – 1, 1 % – est conforme aux prévisions établies l’an dernier, même si, il faut bien le dire, celle-ci se traîne un peu.
Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Je dis les choses comme je les pense : je préférerais une croissance comprise entre 2 % et 2, 5 % qui permette la création d’emplois. C’est de cela qu’il s’agit ! Mais la société française est traversée par un certain nombre de rigidités – vous les connaissez bien, mes chers collègues de la majorité sénatoriale – qui suscitent des résistances et des oppositions chaque fois que l’on veut changer quelque chose.
Par ailleurs, il faut compter avec la conjoncture internationale et européenne. On cite toujours l’Allemagne en exemple, mais, dans ce pays, le taux de croissance oscille entre 1, 5 % et 1, 7 %, ce qui n’est pas non plus extraordinaire. À cet égard, j’espère que les événements dramatiques du 13 novembre n’auront pas d’impact ; on a tendance à considérer que leur effet sur la croissance ne sera que passager. Espérons !
Le taux d’inflation, quant à lui, est très faible. Malheureusement, jusqu’à présent, l’action de la Banque centrale européenne n’a pas permis à cette inflation de remonter, dans un premier temps, au niveau envisagé de 1 %, puis, dans un second temps, à l’objectif de 2 % que la BCE s’est fixé.
Je souligne en tout cas que le Haut Conseil des finances publiques a validé les prévisions arrêtées pour le taux de croissance et le taux d’inflation.
Or c’est plutôt une bonne nouvelle dont il faut se réjouir ! Nous respectons ce à quoi nous nous sommes engagés !
S’agissant des recettes, je ne reviens pas sur les différents chiffres qui ont été cités. Le vrai problème tient au fait que les recettes de TVA devraient être inférieures aux prévisions, en raison notamment du ralentissement de l’inflation.
Le taux des prélèvements obligatoires a très légèrement diminué, de 0, 3 %. Certes, c’est faible – vous prétendez quant à vous qu’il ne baisse pas –, mais c’est en tout cas la première fois qu’on enregistre ainsi une telle évolution positive – cela fait presque dix ans que cela n’était pas arrivé.
Comme on dit, ce qui est important, c’est l’inversion du signe de la dérivée. À partir de là, on peut espérer que ce mouvement se poursuivra.
Les dépenses, quant à elles, diminuent de 6 milliards d’euros.
Je veux dire un mot rapidement du déploiement du dispositif PEA-PME. Les ajustements qui lui seront apportés devraient permettre de drainer de l’épargne et donc des fonds propres vers les entreprises. Car c’est là une des faiblesses de notre système productif.
Autre enjeu, celui du financement de l’export. En 2012, sous l’impulsion de Nicole Bricq, alors ministre, le Gouvernement avait engagé une réforme du volet « financement » du dispositif de soutien public aux exportations, dans l’objectif d’aider les entreprises françaises à faire face à la concurrence internationale. Le présent projet de loi de finances rectificative marque une étape supplémentaire avec le transfert de la gestion des garanties publiques à l’export de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, vers Bpifrance.
Nous pensons que c’est là une excellente mesure, qui permettra notamment de financer les très grosses opérations d’exportation, notamment des Airbus. En effet, nous n’avons pas encore le bon système pour financer ce type d’opérations, ce qui pose problème, mais je ne développe pas.
En conclusion, mes chers collègues, vous comprendrez et ne serez pas surpris que notre groupe soutienne le projet de loi de finances rectificatives pour 2015.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année, qui vise traditionnellement à rectifier les prévisions budgétaires du projet de loi de finances initiale, est devenu sous ce quinquennat une véritable « auberge espagnole gouvernementale », si vous me permettez cette expression !
Comme l’an passé, le Gouvernement fait passer des dizaines d’amendements à l’Assemblée nationale et nous nous retrouvons avec un projet de loi de finances rectificative qui a quasiment triplé de volume, passant de 43 articles à 110 articles.
Monsieur le secrétaire d'État, c’est absolument déraisonnable, surtout dans les conditions d’examen que nous connaissons, ce texte nous ayant été transmis seulement avant-hier. Nombre de mes collègues ont souligné cette difficulté, pour ne pas parler d’une anomalie.
Comment, en effet, avoir le temps de travailler sérieusement sur des sujets aussi importants que la fiscalité énergétique, mais aussi l’aide aux départements, la réforme des valeurs locatives, la réforme des zones de revitalisation rurale, la réforme des organismes de gestion agréés, la refonte de la taxe pour création de bureaux, la révision de la taxe sur les surfaces commerciales, de l’ISF-PME, de la taxe foncière, pour ne citer que ces quelques exemples ?
À cette inflation d’articles issus d’amendements du Gouvernement s’ajoute un enchevêtrement de dispositions nouvelles entre le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de finances rectificative.
Le Gouvernement, je le souligne, a en effet repris à son compte un certain nombre d’amendements de la majorité sénatoriale déposés sur le projet de loi de finances, comme notre rapporteur général l’a rappelé.
C’est une chose que de reconnaître la pertinence de nos amendements, parfois avec un peu de retard – je pense, par exemple, à la taxe foncière dans les zones tendues –, mais tirer la couverture à soi et en oublier les droits d’auteur en est une autre !
Mais cet enchevêtrement concerne également des dispositifs proposés par le Gouvernement lui-même, avec des votes quelque peu contradictoires qui rendent l’exercice budgétaire illisible !
L’impréparation, les contradictions et les renoncements ne font pas bon ménage avec la nécessaire rigueur qui doit présider à la construction budgétaire fixant les engagements de l’État, pour lui-même, bien sûr, mais pas seulement.
C’est le cas notamment de la convergence de la fiscalité du diesel et de l’essence ; j’y suis personnellement favorable. À cet égard, je rappelle que la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, que j’ai eu l’honneur de présider, a estimé à plus de 100 milliards d’euros le coût, pour la seule France, de cette pollution, soit l’équivalent des moyens que l’on souhaite mobiliser dans le futur contre le réchauffement climatique, mais à l’échelle de la planète…
Si la pollution par particules fines a d’autres sources que les véhicules, il faut reconnaître que la diésélisation du parc automobile en France a aussi sa part de responsabilité.
Certes, les nouveaux moteurs diesel sont moins polluants que par le passé, mais le parc de ces véhicules est vieillissant et les constructeurs doivent disposer d’un temps d’adaptation. Renault et PSA ont déjà fait le choix de réserver leurs petites citadines à un usage essence, choix qui préfigure la réorientation du parc automobile.
Entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, le message adressé à nos concitoyens est devenu brouillon. Dans le premier texte, la taxe sur le diesel augmentait et la taxe sur l’essence baissait ; dans le second, on se retrouve avec une différenciation fiscale entre les différents types d’essence. Tout cela entretient pour le moins le flou et la confusion.
Pour ma part, je défendrai des amendements tendant à préserver un écart de fiscalité entre l’essence, le gaz naturel véhicule et le GPL carburant, écart rendu nécessaire à la suite de la modification des valeurs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pesant sur le gazole et l’essence. Ces carburants sont en effet très peu polluants, y compris en termes de rejets de C02, objet de toutes les attentions en cette période de COP 21.
D’une manière plus générale, nous ne pouvons que regretter que ces nombreuses mesures fiscales si importantes sur l’énergie soient examinées dans les conditions que j’ai décrites. Néanmoins, j’ose espérer, monsieur le secrétaire d'État, que ce n’est pas à dessein…
En effet, alors que le Gouvernement martèle, dans le cadre du projet de loi de finances, un discours de baisse des impôts, dans le même temps il prévoit, presque cyniquement, dans le collectif budgétaire de toute fin d’année, des hausses importantes de la fiscalité des ménages. Il démontre ainsi que la promesse de « pause fiscale », énoncée par le Président de la République en 2013, en 2014, et en 2015, sera encore un mensonge en 2016, tout comme la promesse, faite chaque année depuis 2013 par le même Président de la République, d’inversion de la courbe du chômage !
Avec plus de 1 milliard d’euros de hausse de la facture d’électricité en 2016, plus de 1 milliard d’euros de hausse de la fiscalité des carburants en 2016 et en 2017, près de 4 milliards d'euros de hausse de la contribution climat-énergie à partir de 2016 à l’horizon 2030, dans les conditions actuelles temporaires de prix du pétrole, la pause fiscale n’aura pas fait long feu !
Et cela touchera malheureusement tous les Français, quelles que soient leurs conditions et où qu’ils habitent.
Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que le taux de prélèvements obligatoires restera, en 2016, quasiment au même niveau qu’en 2015. La France demeurera malheureusement sur la deuxième marche du podium des pays de l’OCDE, simplement devancée par le Danemark.
Cela s’ajoute aux mauvais résultats de l’année 2015. Après une quasi-stagnation en 2014, le déficit public ne serait réduit que de 0, 2 point en 2015. Or, en 2012, le Président de la République prévoyait de ramener le déficit à 1, 3 % du PIB !
Le déficit de la France place notre pays en queue de peloton de la zone euro. En 2015, parmi les grandes économies de cette zone, seule l’Espagne aura un déficit public supérieur à celui de la France.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes encore loin de notre premier partenaire commercial, l’Allemagne, qui prévoit des comptes à l’équilibre en 2015.
Il en est de même pour le taux de croissance attendu.
S’agissant du chômage, la dernière fois que la France a eu un taux aussi élevé, ce n’était même pas au cours de la période 2008-2009, à laquelle d’aucuns aiment à se référer pour expliquer les difficultés d’aujourd’hui, mais en 1998. Il faut regarder la vérité en face !
Rappelons enfin que, en 2015, notre dette s’approchera dangereusement des 100 % de la richesse nationale.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous ne pourrons voter en l’état ce projet de loi de finances rectificative pour 2015. Nous le ferons cependant, mais dans une version modifiée par notre commission des finances, sous l’impulsion de son rapporteur général, et bien sûr avec le soutien de la majorité sénatoriale.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il est vrai que ce projet de loi de finances rectificative se distingue clairement des exercices précédents, pour plusieurs raisons.
D’abord, ce texte modifie positivement, à savoir de 1 milliard d’euros – c’est la première fois, depuis longtemps, que cela arrive –, la prévision de déficit budgétaire pour 2015 par rapport à la loi de finances initiale. Dès que les chiffres seront connus, vous verrez, monsieur le rapporteur général, que ce sera aussi le cas en exécution.
Ensuite, il prend en compte les décisions nécessaires au renforcement de nos moyens de sécurité et de défense, ainsi qu’en faveur du monde agricole, liées aux événements de l’année 2015.
Enfin, il intègre des changements de long terme dans nos politiques environnementales, d’une part, de soutien au développement économique, d’autre part.
Pour rebondir sur les observations qui ont été formulées par nos collègues de la majorité sénatoriale, je reconnais que ce projet de loi de finances rectificative est un peu exceptionnel, mais je pense, contrairement à eux, que ce texte est particulièrement nécessaire et utile pour faire face aux défis de cette année 2015 et de celle qui vient.
Les dépenses de sécurité et de défense ayant été encore renforcées dans le budget de 2016 et abondamment commentées, je me concentrerai sur la nouvelle transparence de la fiscalité « écologique », ainsi que sur les améliorations en faveur du monde agricole et les mesures de soutien au développement économique.
La nouvelle transparence de la fiscalité écologique et son effet dynamique sur la transition énergétique ressortent clairement de ce projet de loi de finances rectificative.
Au moment où la COP 21 s’achemine vers un accord attendu de longue date, je voudrais rappeler que la loi de transition énergétique récemment votée dans notre pays marquait déjà une belle ambition, puisqu’elle prévoyait de multiplier par deux, d’ici à quinze ans, la part des énergies renouvelables dans le modèle énergétique français et de baisser significativement la part des émissions de gaz à effet de serre.
Il fallait donc un dossier fiscal et financier pour accompagner et mettre en œuvre concrètement cette loi. Ce projet de loi de finances rectificative y contribue grandement, sur plusieurs points.
D’abord, à travers la consolidation de la contribution climat-énergie, créée en 2014, ce projet de loi de finances rectificative donne une visibilité triennale aux acteurs économiques sur le prix de la tonne de carbone fixé, pour 2017, à 30, 50 euros. À cet égard, chacun se souvient des déboires des majorités précédentes, en particulier la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe carbone dans le projet de loi de finances pour 2010 et l’échec malheureux de l’écotaxe poids lourds.
Il fallait progresser ; c’est exactement le sens de ce projet de loi de finances rectificative.
Ensuite, ce texte prévoit de faire progressivement converger la fiscalité sur l’essence et sur le gazole, au service de la qualité de l’air. Notre collègue Jean-François Husson rappelait les conclusions de la commission d’enquête qu’il a présidée sur le coût économique et financier de la pollution de l’air. Il s’agit d’une application concrète qui nous semble également opportune, car il ne serait pas cohérent de proposer en commission des solutions, et de les rejeter ensuite quand elles sont inscrites dans un projet de loi de finances.
Cette orientation particulièrement logique est accompagnée d’une modulation supplémentaire en faveur des biocarburants. Ces réformes étaient d’ailleurs réclamées de longue date.
Enfin, ce texte met un terme à une anomalie démocratique et institutionnelle concernant la CSPE.
Cette question, vous le savez, avait beaucoup mobilisé, au sein de la commission des finances, notre collègue Jean Germain, pour lequel nous avons une pensée particulière au moment où ses idées sur la transparence de la CSPE et des tarifs de rachat pratiqués sur les énergies renouvelables trouvent une concrétisation essentielle.
La CSPE a été créée en 2003, mais le système a aujourd’hui atteint ses limites, ne serait-ce qu’en termes financiers, puisqu’il manque près de 5 milliards d’euros au détriment d’EDF.
Alors qu’elle représente 15 % de la facture d’électricité pour les consommateurs, cette contribution constituait jusqu’ici un dispositif extrabudgétaire anormal qui est enfin corrigé.
Sur le plan financier, et en réponse à M. Husson, je souligne que, dans ce cas précis, un avantage sera accordé en faveur des ménages qui étaient jusqu’à présent ponctionnés automatiquement et sans débat chaque année de 3 euros par mégawattheure. Cette ponction s’interrompra.
Toutes ces dispositions seront mises en œuvre, en vertu de ce projet de loi de finances rectificative, par la création du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». La transparence y gagne et c’est tout à fait positif.
Enfin, et c’est tout aussi fondamental, l’assiette du financement des charges de service public, qui était auparavant concentrée sur l’électricité, sera progressivement élargie aux énergies carbonées, ce qui, là encore, va dans le sens du financement de la transition énergétique.
Je ne doute pas qu’un accord général se dégagera sur la CSPE, puisque, si je reprends les mots du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, il s’agit d’« une bonne réforme allant dans le bon sens », et tout le monde devrait la voter.
Je dirai quelques mots sur la fiscalité agricole, qui est introduite dans ce projet de loi de finances rectificative.
Cette fiscalité est plus simple et plus favorable à la compétitivité de notre agriculture.
Je rappelle que, lors de l’examen du projet de loi de finances, le Gouvernement a déjà ajouté 1 milliard d’euros à sa contribution au financement de l’agriculture, en prenant en charge le refus d’apurement communautaire décidé par l’Union européenne.
Au-delà de cet effort budgétaire exceptionnel, ce projet de loi finances rectificative est fidèle aux annonces faites par le Premier ministre le 3 septembre dernier, lors de la présentation du plan de soutien à l’élevage. En effet, tout le monde s’était accordé sur le fait que, au-delà de la conjoncture, il fallait réorganiser ce secteur et engager des mesures structurelles au bénéfice de l’élevage.
Ce texte prévoit un nouveau régime du micro-bénéfice agricole, qui remplace le forfait agricole créé voilà plus de soixante-cinq ans. Ce système, plus simple, sera beaucoup mieux adapté aux caractéristiques de chaque exploitation. Très concrètement, lorsque la moyenne de ce bénéfice imposable sera inférieure à 82 000 euros, un abattement de 87 % sera alors appliqué.
Par ailleurs, ce projet de loi prévoit également des aides à l’investissement dans les exploitations grâce à la mesure d’amortissement accéléré. Ces aides seront particulièrement bienvenues, car les agriculteurs nous ont beaucoup interrogés, vous le savez, sur le coût supplémentaire du financement de leurs bâtiments d’élevage résultant de la nouvelle directive Nitrates.
Je ne ferai que rappeler, M. Yung ayant évoqué cette question avant moi, les nouveaux dispositifs fiscaux encourageant l’investissement dans les PME à travers les dispositifs ISF-PME et PEA-PME.
En définitive, ce projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans la continuité du projet de loi de finances et permet à la fois de répondre au défi de la transition énergétique et de soutenir le développement de notre économie. Nous le voterons dans la version issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année est traditionnellement l’occasion, à partir du schéma de fin de gestion, de pouvoir esquisser un premier bilan de l’exécution en attendant la loi de règlement et de s’assurer du respect des orientations présentées lors du vote de la loi de finances initiale.
Cette année aura malheureusement été marquée par des circonstances exceptionnellement dramatiques, avec les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher de la porte de Vincennes en début d’année, ainsi que les massacres du 13 novembre, qui ont eu pour conséquence le légitime renforcement des moyens destinés à la sécurité intérieure par le chef de l’État, tout comme le financement des opérations de nos forces armées à l’extérieur.
Pour autant, ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur général, cet exercice, s’il permet une nouvelle étape dans la réduction de nos déficits, s’éloigne de 0, 1 % de l’objectif de 0, 5 % attendu par l’Union européenne.
On pourrait le comprendre si la sécurité en était la seule cause, mais force est de constater que les ouvertures nettes de fin de gestion, avec 1, 84 milliard d’euros, dépassent les seuls moyens consacrés sur cette fin d’exercice à la sécurité intérieure ou extérieure.
Sur l’ensemble de l’exercice, les plafonds des missions auront été relevés de 1, 17 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale, alors qu’en 2014 le plafond avait été réduit de près de 4, 5 milliards d’euros.
Si l’on neutralise 2, 1 milliards d’euros initialement traités sur un compte d’affectation spéciale, c’est tout de même, au total, un delta de 2 milliards d’euros qui est constaté par rapport à l’effort accompli en 2014.
Même après avoir bénéficié à nouveau d’un effet taux permettant de réaliser 2 milliards d’euros d’économie sur la charge de la dette, ce sont 1 milliard d’euros d’ouvertures nettes de crédits qu’il aura fallu consentir.
Cela justifiera de l’attention particulière qu’il faudra apporter à la loi de règlement pour analyser et comprendre cette évolution.
Les règles fixées par la loi organique ont été respectées par le Gouvernement s’agissant des décrets d’avance, ce dont il faut se réjouir, mais certaines missions, qui font l’objet d’une sous-dotation depuis de nombreuses années, ont dû être re-dotées cette année, ce qui met en cause évidemment la sincérité des inscriptions initiales.
Cet exercice, reflet de déficits, certes, en réduction, mais persistants, aura aussi été marqué par la poursuite de notre endettement.
Pour autant, l’annuité de la dette n’augmente toujours pas, bénéficiant de la diminution des taux d’intérêt de la part indexée et des tombées d’emprunts arrivant à terme, auxquels se substituent des émissions plus favorables.
Il s’agit là, même si l’on peut se féliciter de la qualité des équipes de l’Agence France Trésor, d’un dangereux anesthésiant. Une hausse de un point coûterait 2, 4 milliards d’euros la première année, 5, 3 milliards d’euros la deuxième et 40 milliards d’euros cumulés sur cinq ans selon la Banque de France.
Quand les économies réalisées grâce à la baisse des taux devraient faciliter en cours d’année l’amélioration du solde, on constate qu’une partie est mobilisée pour effectuer de nouvelles dépenses ou prévoir des dotations en faveur de dépenses insuffisamment budgétées en début d’exercice.
Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des circonstances que nous connaissons, cette pratique n’est pas satisfaisante, pas plus que l’usage de cette facilité - j’emploie ce terme pour ne pas parler de dérive, ce qui serait excessif et inutilement désobligeant - n’est conforme au souhait du législateur organique.
Pas plus d’ailleurs que l’accroissement à un niveau inégalé, au taux de 8 %, des mises en réserves prévues dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, ou encore le retour discret, mais réel, de reports de crédits dérogatoires au-delà de 3 %.
La gravité de la situation n’explique pas tout et ne peut non plus tout justifier ; c’est notre devoir de parlementaires que de le rappeler pour ne pas renouer progressivement avec les mauvaises pratiques ante-LOLF.
Ce collectif comporte aussi de nombreuses mesures consacrées à la politique énergétique dont je souhaite dire un mot, tout d’abord pour constater que, au regard de leur ampleur et de leur nombre, il aurait été justifié qu’elles puissent, pour nombre d’entre elles, trouver leur place dans le projet de loi de finances pour 2016. Parmi ces mesures, deux d’entre elles vont totalement dans le sens souhaité par le législateur organique.
La première mesure concerne la transcription, dans l’article 11 de la loi de finances, de la CSPE, mettant fin à une anomalie qui voyait une taxe – car on pouvait déjà la qualifier de taxe -, être fixée par une autorité administrative indépendante en dehors de tout contrôle démocratique, pour un montant de 5, 627 milliards d’euros en 2014 et sans doute 7 milliards d’euros cette année.
La création du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » marquera aussi un progrès, en permettant d’identifier les charges futures générées par le développement des énergies renouvelables et les engagements hors bilan qu’elles constituent de ce fait. C’est une information importante pour la représentation nationale et pour le pilotage de notre politique énergétique.
La seconde mesure, et le second sujet de satisfaction, concerne le Fonds de financement de la transition énergétique, avec la budgétisation de 250 millions d’euros des crédits gérés par la Caisse des dépôts et consignations, ce dont je me réjouis tout particulièrement, tant le montage initial pour assurer le financement du fonds par cette institution, à qui l’on demande souvent beaucoup, ne me paraissait pas satisfaisant du point de vue de la transparence.
Je me réjouis d’avoir été entendu sur ce point, et je pense que le Parlement peut se satisfaire de cette décision au regard de sa mission de protection de la Caisse des dépôts et consignations.
Aussi, il serait souhaitable que, au-delà de la mission dévolue à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, notre commission des finances, et plus largement notre assemblée, puisse obtenir du Gouvernement une vision consolidée de l’incidence pour la CDC, sur son modèle économique comme sur ses fonds propres, du transfert des missions de la COFACE à la Banque publique d’investissement, et du rapprochement entre la CDC et l’AFD, l’Agence française de développement.
Au terme de cette intervention, compte tenu des modifications apportées par notre commission des finances, j’approuverai le projet de loi de finances rectificative pour 2015.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, étant la dernière à intervenir sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, je me concentrerai sur la question de la fiscalité écologique et de l’organisation de cette transition dont nous parlons tant, au moment même où les négociateurs de la COP 21 entrent dans la phase ultime de négociation pour boucler le document final – c’est le vingt-quatre heures chrono -, eux qui travaillent sur le moyen et long terme.
Nous sommes maintenant devant des mesures concrètes, opérationnelles, qui devraient nous inscrire dans la lignée des grandes déclarations et des engagements pris par le Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes obligés de vous le dire, il nous semble, et je ne fais que répéter les propos de plusieurs de mes collègues, qu’aborder ainsi la dimension écologique au détour d’un collectif budgétaire, c’est pour ainsi dire l’appréhender par le petit bout de la lorgnette !
Je citerai un exemple concret, mais ô combien symbolique.
Voilà quelques mois, Mme la ministre de l’environnement annonçait qu’elle dessinait une perspective de convergence de la fiscalité entre le diesel et l’essence. Dans son rapport rédigé au nom de la commission d’enquête présidée par Jean-François Husson, rapporteur spécial des crédits de l’écologie, Leila Aïchi a expliqué les enjeux majeurs de la maîtrise des émissions de poussières et du rôle du diesel.
Or on nous propose ici un bricolage : à la place de l’augmentation attendue de la fiscalité sur le diesel et d’une réduction concomitante de la fiscalité sur l’essence, on nous présente une restriction limitée à l’essence comportant 10 % d’éthanol au moins. Comment nos concitoyens peuvent-ils se fier aux engagements et aux déclarations qui leur sont faites avec un pareil bricolage fiscal ? Certes, cela permet de dégager 48 millions d’euros de plus, mais où est le respect des engagements pris ?
Ainsi, si l’on s’en tient au rythme actuel, la convergence entre le diesel et l’essence n’aboutira que dans dix ans au mieux !
Cela nous rappelle de manière douloureuse l’incohérence de la suppression de la taxe poids lourds.
C’est le même sujet : le diesel. Chacun se souvient de l’augmentation de la fiscalité sur l’énergie qui a suivi.
Monsieur le secrétaire d’État, tout l’enjeu, c’est la cohérence, la visibilité de notre stratégie dans le domaine de l’environnement. Nous le savons, seule la cohérence nous permettrait d’expliquer cette politique à nos concitoyens et pourrait garantir leur adhésion à des contributions coûteuses, dans une période marquée, vous le savez bien, par un ras-le-bol fiscal dû à l’historique et l’accumulation des impôts supplémentaires.
À l’instar de plusieurs de mes collègues, je salue tout l’intérêt du travail consacré à la CSPE, et de sa transformation en un élément de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, la TICFE. Toutefois, je déplore moi aussi la création tardive du compte d’affectation spéciale.
Au demeurant, quelles sont les perspectives de ce compte à échéance de dix ou de vingt ans, soit l’horizon de bien des prix de rachat, notamment pour le photovoltaïque et l’éolien ? M. Jean-Claude Lenoir l’a très clairement rappelé : le sujet, dans ce domaine, c’est la maîtrise des enjeux et des montants.
À cet égard, nous soulignons tout l’intérêt d’un examen de ces mesures par le Parlement.
Parallèlement, je ne puis manquer de relever votre habileté. La CSPE devient la TICFE, taxe dont le Gouvernement a fixé les taux par l’article 11 du présent texte. Or, si ces derniers augmentent pour l’année prochaine, ils seront, comme par hasard, stables entre 2016 et 2017.
On ne peut pas dire cela ! C’est méconnaître le fond du dossier !
Enfin, je tiens à saluer la déductibilité des véhicules professionnels.
Nos concitoyens manifestent une adhésion croissante à cette politique environnementale. Mais – je le répète – encore faut-il leur proposer une stratégie cohérente et assumée, loin des coups de communication.
À l’heure où la COP 21 tente de dessiner une perspective pour la planète, je lance un appel à la responsabilité, pour un débat de qualité sur nos engagements de long terme en faveur du climat !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.
MM. Richard Yung et Vincent Capo-Canellas s’exclament.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie toutes et tous de votre contribution au débat. J’aurais tant de choses à vous dire ! Mais l’examen des articles me donnera l’occasion de revenir en détail sur un certain nombre de points très précis et techniques – peut-être l’auditoire, dans cet hémicycle, sera-t-il alors un peu moins nombreux…
Sourires.
Avant tout, j’observe que, lorsque l’on n’a aucun reproche à faire sur le fond, on se concentre sur la forme…
À vous entendre, toutes ces mesures seraient soumises au Parlement dans la précipitation, et viendraient trop tard. Elles auraient dû figurer dans le projet de loi de finances initiale…
Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle tout de même que ce projet de loi de finances rectificative a été déposé le 13 novembre. Nous sommes aujourd’hui le 10 décembre.
Certes, l’Assemblée nationale a adopté un certain nombre d’amendements. Mais qu’est-ce qui empêchait les commissions du Sénat et les sénateurs individuellement de se saisir, dès la mi-novembre, des questions posées ?
On m’opposera que toutes ces questions n’étaient pas présentes dans le texte initial. Mais l’ISF-PME y figurait, de même que la CSPE.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si, monsieur Husson. Je vous ai connu plus attentif…
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
La taxe foncière pour les zones tendues était annoncée depuis six mois.
S’agissant de la fiscalité agricole, certains considèrent que le Gouvernement s’est contenté de reprendre les propositions du Sénat.
À cet égard, je tiens à opérer une mise au point.
Tout d’abord, les deux chambres du Parlement ont travaillé sur ce sujet depuis plusieurs mois.
Pas seulement le Sénat, monsieur Lenoir.
(Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) et de François André, qui l’est plus.
Mêmes mouvements.
Une mission d’information a été constituée à l’Assemblée nationale autour de Marc Le Fur, qui n’est pas réputé pour être un gauchiste, §Cette mission d’information s’est penchée sur ce dossier, et nous avons suivi ses travaux.
Ensuite, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : les propositions de cette nature résultent souvent de concertations avec les organisations professionnelles agricoles.
C’est également ce qu’a fait le Gouvernement aussi, monsieur Lenoir, …
… de même que l’Assemblée nationale ! Nous avons conduit ces concertations, et vous le savez bien.
Bien entendu, divers services, en particulier la Direction de la législation fiscale, doivent examiner ces dispositions pour vérifier leur solidité technique et rédactionnelle.
Il en est de même sur la CSPE.
Vous qui présidez la commission des affaires économiques, monsieur Lenoir, j’ai apprécié, sur ce sujet, votre discours équilibré.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Toutefois, vous n’êtes pas sans savoir qu’il existait à cet égard des problèmes de conformité aux yeux de la Commission européenne, …
… notamment sur la question, que vous avez évoquée, des exonérations en faveur des entreprises électro-intensives.
Ces discussions sont complexes. Elles ont exigé du temps. Nous formons le vœu que la solution obtenue convienne in fine à la Commission. Néanmoins, il faut continuer à tendre le dos, si vous me permettez l’expression.
Le danger, c’est d’aboutir à une réforme susceptible de n’être pas acceptée dans sa globalité par la Commission, à cause d’un ou deux points qui, pour importants qu’ils soient, ne sont pas structurellement majeurs.
Je vous le dis en toute honnêteté : c’est cet impératif qui nous a pris du temps.
Madame Keller, pour ce qui concerne la fiscalité environnementale, je vous l’avoue, je n’ai pas compris votre intervention.
Chacun met l’accent sur tel ou tel principe. Vous faites de la convergence de la fiscalité du gasoil et de l’essence une question essentielle ; elle est certes importante, et nous y répondrons, d’une certaine manière. Mais est-ce là le seul enjeu ? L’essence aurait-elle toutes les vertus et le gasoil tous les défauts ?
Globalement, notre mission, c’est de limiter les émissions de dioxyde de carbone et de particules fines.
Notre rôle, c’est de réduire l’utilisation des énergies fossiles.
Or, en donnant le sentiment que la convergence de la fiscalité de l’essence et du gasoil serait la panacée, on pourrait entraver l’effort de réduction globale de la consommation des énergies fossiles, que ce soit sous forme de gasoil ou d’essence.
C’est, à mon sens, l’équilibre que nous nous devons de garantir. Voilà pourquoi nous traitons ces questions de manière globale.
J’en viens, dans le même ordre d’idées, à l’interpellation de M. Husson.
Monsieur Husson, comme d’autres dans d’autres enceintes, vous semblez découvrir que la contribution climat-énergie, que votre majorité a tenté d’instaurer sans y parvenir sous la forme de la taxe carbone, connaît, à l’instar de la CSPE, des augmentations subites et imprévues.
Dans ce domaine également, il faut se montrer cohérent.
Le fait ne date pas de notre arrivée aux affaires : il a toujours été dit que la CSPE suivait une trajectoire ascendante et que, sans décision gouvernementale, elle connaîtrait une augmentation de 3 euros par mégawattheure.
Précisément !
À cet égard, madame Keller, vous nous reprochez d’augmenter cette contribution de 3 euros en 2016 et de ne rien faire en 2017, à cause des élections…
C’est ce que vous avez laissé entendre.
Néanmoins, sur ce point, le constat fait l’objet d’un large consensus : les dépenses liées à la CSPE, qui deviendra demain la TICFE, sont en très forte augmentation, parce que les énergies renouvelables nous coûtent très cher, parce que des engagements ont été pris sur quinze ou vingt ans – vous les avez rappelés vous-même – et parce qu’il faut compenser les tarifs de rachat par EDF.
Jusqu’à présent, la législation faisait porter cette hausse de dépenses sur la seule électricité, via une augmentation de la CSPE ou un accroissement de la dette de l’État envers EDF – c’est une réalité ! Au reste, ce surcoût est nécessaire et personne ne le remet en cause.
Pour notre part, à travers le présent texte, nous avons choisi l’architecture suivante : le stock de CSPE nécessaire continuera d’être alimenté par la consommation électrique en 2016, mais, à compter de 2017, c’est l’augmentation du prix du carbone qui financera l’inévitable accroissement des dépenses.
Ainsi, on répartira la charge de manière équilibrée sur l’ensemble de la consommation énergétique, plutôt que de la concentrer sur l’énergie électrique, que certains portent au pinacle et que d’autres contestent, pour des raisons diverses et variées que chacune et chacun connaît parfaitement dans cet hémicycle.
Aussi, contrairement à ce qu’avancent Mme Keller et M. Husson, les diverses problématiques sont bien prises en compte globalement. J’ai tenté d’en convaincre la Haute Assemblée dans mon propos liminaire.
Premièrement, il s’agit de réduire les émissions de carbone. C’est l’objet de la contribution climat-énergie.
Deuxièmement, il convient de rapprocher les fiscalités du gasoil et de l’essence. C’est l’objectif de la convergence assurée, trop vite ou trop lentement diront certains, par le dispositif « plus un, moins un » – je l’exposerai plus largement dans la suite de nos débats –, lequel répond également à la lutte contre l’émission de particules fines.
Troisièmement et enfin, il faut tenir compte de l’impératif économique, que certains orateurs ont évoqué. Il faut éviter des évolutions trop brutales de la fiscalité et de certains comportements, qui seraient susceptibles de mettre en danger les électro-intensifs – nous y reviendrons également – ainsi que nos constructeurs automobiles, qui, dans leur spécialisation, ont privilégié les moteurs diesel par rapport aux moteurs à essence.
Je vous remercie d’avoir tous reconnu que la situation budgétaire s’améliore. Personne n’a parlé de « dérapage » ou d’« explosion des déficits ». Pour certains, l’amélioration n’est pas suffisante ; pour d’autres, elle n’est pas due à notre action ; pour d’autres encore, elle tient au fait que nous aurions fait « exploser » les recettes…
Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44, 9 % du PIB en 2014 à 44, 6 % en 2015. Une baisse de 0, 3 %, c’est peu au gré de certains d’entre vous, mais cela représente tout de même 6 milliards d’euros ! Nous prévoyons toujours que le déficit public s’établisse à 3, 8 % du PIB. Cet objectif sera atteint, je n’ai aucune inquiétude à cet égard. Nous pourrons le vérifier lors de l’examen du projet de loi de règlement, qui fera office de juge de paix, monsieur Bouvard.
Certains ont évoqué, comme pour nous en faire reproche, des économies de constatation. Vous ne pouvez pas à la fois nous accuser de nous laisser « anesthésier » par la faiblesse des taux d’intérêt et nous reprocher de faire preuve d’une grande prudence dans nos prévisions en la matière ! Alors qu’ils sont aujourd'hui de 1 %, nous prévoyons que les taux d’intérêt atteindront 2, 4 % en fin d’année prochaine, ce qui nous oblige à diminuer ou, en tout cas, à maîtriser strictement les dépenses. La solution de facilité aurait été de considérer qu’ils allaient rester à leur niveau actuel et que la charge de la dette s’en trouverait allégée ; nous avons écarté cette option. Si nous faisons mieux que prévu et enregistrons aujourd’hui ce que vous appelez des économies de constatation, comme vous semblez nous en faire grief, c’est précisément parce que nous avons été prudents dans nos prévisions ! Personne ne peut exclure a priori une augmentation brutale des taux d’intérêt.
D’une manière générale, j’observe que ce projet de loi de finances rectificative ne fait l’objet d’aucune objection de fond, les critiques ne portant que sur la forme. C’est le seul que nous présentons cette année, tandis que la précédente majorité en avait déposé onze en trois ans ! §Il y a eu la crise de 2008, me direz-vous sans doute…
Certes, mais nous aussi avons dû faire face à des circonstances difficiles en cours d’année.
En particulier, nous avons dû assumer des dépenses imprévues en matière de sécurité. Malgré ces difficultés, nous n’avons pas fait de projet de loi de finances rectificative !
Concernant celui que nous vous soumettons aujourd’hui, l’ajustement budgétaire est sans doute plus important que prévu, mais il faut tout de même tenir compte, notamment, de 2 milliards d’euros de rebudgétisation liés à la vente des fréquences. Il faut donc relativiser les chiffres.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouverons demain pour la discussion des articles de ce projet de loi de finances rectificative et des quelque 300 amendements !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.
La discussion générale est close.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous poursuivrons l’examen de ce texte demain, vendredi 11 décembre, à partir de neuf heures trente.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2016 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.