Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après avoir consacré de nombreuses séances à l’examen du projet de loi de finances pour 2016, le Sénat en vient à la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015, dont l’adoption marquera dans quelques jours la fin de notre marathon budgétaire.
Ce collectif budgétaire, qui comportait 47 articles dans sa version initiale, en contient désormais 110 après son passage à l’Assemblée nationale. L’ajout d’un grand nombre d’articles additionnels, le plus souvent sur l’initiative du Gouvernement, nuit à la qualité du travail législatif : nous en parlions à l’instant lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances, ni nos collègues députés, qui découvrent la plupart des amendements en séance, ni nous-mêmes n’avons les moyens d’expertiser des dispositions parfois très complexes dans les délais extrêmement brefs qui nous sont impartis.
Plus que jamais, le collectif budgétaire fait donc figure de voiture-balai législative, et le nombre de cavaliers budgétaires, que la commission vous proposera d’ailleurs de supprimer, en témoigne.
À cela s’ajoutent, particulièrement cette année, des effets de miroir entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative qui conduisent à des difficultés de coordination entre ces deux textes. Je songe aux mesures relatives à la fiscalité énergétique, à l’éligibilité des investissements dans le haut débit des collectivités territoriales au FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, ou encore, entre autres sujets, à la fiscalité agricole. Les limites de ces exercices croisés sont incontestablement atteintes.
Ces observations de méthode étant faites, j’en viens au contexte économique et à l’équilibre général de ce projet de loi de finances rectificative.
Au cours de cette année, l’activité économique a progressé dans les pays de la zone euro, en raison notamment du recul du prix du pétrole et de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne qui a permis une diminution des taux d’intérêt et du taux de change de l’euro. Cependant, la croissance aura été de seulement 1 % dans notre pays, contre 1, 5 % dans la zone euro. L’activité tarde à redémarrer, et le taux de chômage correspond à 10, 6 % de la population active au troisième trimestre 2015, soit son niveau le plus élevé depuis 1997.
L’exercice 2015 a été marqué par une amélioration limitée de la situation budgétaire. Le solde effectif devrait représenter 3, 8 % du PIB, soit 0, 3 point en deçà de la prévision retenue par la loi de finances initiale. Cette bonne performance au regard des prévisions initiales est intégralement imputable à la révision du solde public de l’année 2014 : le solde effectif n’aura été réduit que de 0, 1 point de PIB cette année et l’ajustement structurel, de 0, 4 point de PIB, aura été inférieur à celui que recommandait le Conseil de l’Union européenne. Cela a été relevé par la Commission européenne dans son avis du 16 novembre 2015 sur le programme budgétaire de la France.
Compte tenu de ces éléments, la part de la dette publique dans la richesse nationale continuera d’augmenter. Le Gouvernement prévoit que celle-ci atteigne 96, 3 % du PIB, soit 0, 7 point de PIB de plus qu’en 2014.
Pour ce qui concerne le budget de l’État, les recettes fiscales nettes devraient s’élever à 278, 7 milliards d’euros cette année, en baisse de 400 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale, et les dépenses du budget général, hors dette et pensions, seraient supérieures de 1, 3 milliard d’euros par rapport à l’objectif du Gouvernement. Le détail de ces écarts à la prévision figure dans le rapport de la commission.
La norme de dépenses « zéro valeur » ne serait respectée qu’au prix d’un prélèvement de 255 millions d’euros sur la trésorerie du Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, et d’économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, soit 1 milliard d’euros. De même, la norme dite « zéro volume » ne serait pas dépassée grâce à des annulations sur la charge de la dette à hauteur de 2 milliards d’euros.
Hors dépenses exceptionnelles, le solde budgétaire serait dégradé de 3 milliards d’euros par rapport à 2014, le déficit atteignant 73, 3 milliards d’euros.
Je rappelle enfin que la commission des finances a eu l’occasion, en donnant son avis sur le projet de décret d’avance du 27 novembre dernier, de souligner l’importance du schéma de fin de gestion. Ce sont près de 6 milliards d’euros de crédits qui devraient être ouverts par le décret d’avance et par le projet de loi de finances rectificative, auxquels il faut ajouter 1, 1 milliard d’euros de redéploiement des fonds issus du programme d’investissements d’avenir, le PIA, soit un total de 7, 1 milliards d’euros. Les arbitrages de la loi de finances initiale ne sont plus respectés. J’en veux également pour preuve l’ampleur de la mise en réserve de crédits, à hauteur désormais de 8 % des crédits initiaux, qui permet de modifier sensiblement en cours d’année les orientations présentées en loi de finances initiale.
J’en viens maintenant aux articles du collectif budgétaire. Les mesures les plus importantes concernent la fiscalité énergétique, avec la réforme de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, et la modulation des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pour le gazole et l’essence.
Lors du débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, le Sénat avait appelé de ses vœux une rebudgétisation de la CSPE, afin que le Parlement puisse enfin se prononcer sur une imposition qui pèse sur nos concitoyens à hauteur de 6, 2 milliards d’euros cette année, et qui a vocation à croître à la mesure des charges à compenser. On peut s’interroger sur la constitutionnalité de cette imposition, qui n’est pas votée par le Parlement.
Notre appel a été entendu, mais tardivement. On peut s’étonner qu’une telle disposition ne figure pas dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, et que la création d’un nouveau compte d’affectation spéciale, mesure relativement inédite, ainsi que d’un nouveau programme au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ait été réalisée lors de la nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.
En tout état de cause, la commission des finances proposera, en coordination avec la commission des affaires économiques, dont je salue le président, d’aller plus loin, afin que le Parlement détermine le plafond et la répartition des charges à compenser en matière d’énergies renouvelables, et ne soit plus placé dans la situation de simple comptable des décisions prises par d’autres.