À cette inflation d’articles issus d’amendements du Gouvernement s’ajoute un enchevêtrement de dispositions nouvelles entre le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de finances rectificative.
Le Gouvernement, je le souligne, a en effet repris à son compte un certain nombre d’amendements de la majorité sénatoriale déposés sur le projet de loi de finances, comme notre rapporteur général l’a rappelé.
C’est une chose que de reconnaître la pertinence de nos amendements, parfois avec un peu de retard – je pense, par exemple, à la taxe foncière dans les zones tendues –, mais tirer la couverture à soi et en oublier les droits d’auteur en est une autre !
Mais cet enchevêtrement concerne également des dispositifs proposés par le Gouvernement lui-même, avec des votes quelque peu contradictoires qui rendent l’exercice budgétaire illisible !
L’impréparation, les contradictions et les renoncements ne font pas bon ménage avec la nécessaire rigueur qui doit présider à la construction budgétaire fixant les engagements de l’État, pour lui-même, bien sûr, mais pas seulement.
C’est le cas notamment de la convergence de la fiscalité du diesel et de l’essence ; j’y suis personnellement favorable. À cet égard, je rappelle que la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, que j’ai eu l’honneur de présider, a estimé à plus de 100 milliards d’euros le coût, pour la seule France, de cette pollution, soit l’équivalent des moyens que l’on souhaite mobiliser dans le futur contre le réchauffement climatique, mais à l’échelle de la planète…
Si la pollution par particules fines a d’autres sources que les véhicules, il faut reconnaître que la diésélisation du parc automobile en France a aussi sa part de responsabilité.
Certes, les nouveaux moteurs diesel sont moins polluants que par le passé, mais le parc de ces véhicules est vieillissant et les constructeurs doivent disposer d’un temps d’adaptation. Renault et PSA ont déjà fait le choix de réserver leurs petites citadines à un usage essence, choix qui préfigure la réorientation du parc automobile.
Entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, le message adressé à nos concitoyens est devenu brouillon. Dans le premier texte, la taxe sur le diesel augmentait et la taxe sur l’essence baissait ; dans le second, on se retrouve avec une différenciation fiscale entre les différents types d’essence. Tout cela entretient pour le moins le flou et la confusion.
Pour ma part, je défendrai des amendements tendant à préserver un écart de fiscalité entre l’essence, le gaz naturel véhicule et le GPL carburant, écart rendu nécessaire à la suite de la modification des valeurs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pesant sur le gazole et l’essence. Ces carburants sont en effet très peu polluants, y compris en termes de rejets de C02, objet de toutes les attentions en cette période de COP 21.
D’une manière plus générale, nous ne pouvons que regretter que ces nombreuses mesures fiscales si importantes sur l’énergie soient examinées dans les conditions que j’ai décrites. Néanmoins, j’ose espérer, monsieur le secrétaire d'État, que ce n’est pas à dessein…
En effet, alors que le Gouvernement martèle, dans le cadre du projet de loi de finances, un discours de baisse des impôts, dans le même temps il prévoit, presque cyniquement, dans le collectif budgétaire de toute fin d’année, des hausses importantes de la fiscalité des ménages. Il démontre ainsi que la promesse de « pause fiscale », énoncée par le Président de la République en 2013, en 2014, et en 2015, sera encore un mensonge en 2016, tout comme la promesse, faite chaque année depuis 2013 par le même Président de la République, d’inversion de la courbe du chômage !
Avec plus de 1 milliard d’euros de hausse de la facture d’électricité en 2016, plus de 1 milliard d’euros de hausse de la fiscalité des carburants en 2016 et en 2017, près de 4 milliards d'euros de hausse de la contribution climat-énergie à partir de 2016 à l’horizon 2030, dans les conditions actuelles temporaires de prix du pétrole, la pause fiscale n’aura pas fait long feu !
Et cela touchera malheureusement tous les Français, quelles que soient leurs conditions et où qu’ils habitent.
Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que le taux de prélèvements obligatoires restera, en 2016, quasiment au même niveau qu’en 2015. La France demeurera malheureusement sur la deuxième marche du podium des pays de l’OCDE, simplement devancée par le Danemark.
Cela s’ajoute aux mauvais résultats de l’année 2015. Après une quasi-stagnation en 2014, le déficit public ne serait réduit que de 0, 2 point en 2015. Or, en 2012, le Président de la République prévoyait de ramener le déficit à 1, 3 % du PIB !
Le déficit de la France place notre pays en queue de peloton de la zone euro. En 2015, parmi les grandes économies de cette zone, seule l’Espagne aura un déficit public supérieur à celui de la France.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes encore loin de notre premier partenaire commercial, l’Allemagne, qui prévoit des comptes à l’équilibre en 2015.
Il en est de même pour le taux de croissance attendu.
S’agissant du chômage, la dernière fois que la France a eu un taux aussi élevé, ce n’était même pas au cours de la période 2008-2009, à laquelle d’aucuns aiment à se référer pour expliquer les difficultés d’aujourd’hui, mais en 1998. Il faut regarder la vérité en face !
Rappelons enfin que, en 2015, notre dette s’approchera dangereusement des 100 % de la richesse nationale.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous ne pourrons voter en l’état ce projet de loi de finances rectificative pour 2015. Nous le ferons cependant, mais dans une version modifiée par notre commission des finances, sous l’impulsion de son rapporteur général, et bien sûr avec le soutien de la majorité sénatoriale.