Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 10 décembre 2015 à 10h30
Loi de finances rectificative pour 2015 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michel BouvardMichel Bouvard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année est traditionnellement l’occasion, à partir du schéma de fin de gestion, de pouvoir esquisser un premier bilan de l’exécution en attendant la loi de règlement et de s’assurer du respect des orientations présentées lors du vote de la loi de finances initiale.

Cette année aura malheureusement été marquée par des circonstances exceptionnellement dramatiques, avec les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher de la porte de Vincennes en début d’année, ainsi que les massacres du 13 novembre, qui ont eu pour conséquence le légitime renforcement des moyens destinés à la sécurité intérieure par le chef de l’État, tout comme le financement des opérations de nos forces armées à l’extérieur.

Pour autant, ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur général, cet exercice, s’il permet une nouvelle étape dans la réduction de nos déficits, s’éloigne de 0, 1 % de l’objectif de 0, 5 % attendu par l’Union européenne.

On pourrait le comprendre si la sécurité en était la seule cause, mais force est de constater que les ouvertures nettes de fin de gestion, avec 1, 84 milliard d’euros, dépassent les seuls moyens consacrés sur cette fin d’exercice à la sécurité intérieure ou extérieure.

Sur l’ensemble de l’exercice, les plafonds des missions auront été relevés de 1, 17 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale, alors qu’en 2014 le plafond avait été réduit de près de 4, 5 milliards d’euros.

Si l’on neutralise 2, 1 milliards d’euros initialement traités sur un compte d’affectation spéciale, c’est tout de même, au total, un delta de 2 milliards d’euros qui est constaté par rapport à l’effort accompli en 2014.

Même après avoir bénéficié à nouveau d’un effet taux permettant de réaliser 2 milliards d’euros d’économie sur la charge de la dette, ce sont 1 milliard d’euros d’ouvertures nettes de crédits qu’il aura fallu consentir.

Cela justifiera de l’attention particulière qu’il faudra apporter à la loi de règlement pour analyser et comprendre cette évolution.

Les règles fixées par la loi organique ont été respectées par le Gouvernement s’agissant des décrets d’avance, ce dont il faut se réjouir, mais certaines missions, qui font l’objet d’une sous-dotation depuis de nombreuses années, ont dû être re-dotées cette année, ce qui met en cause évidemment la sincérité des inscriptions initiales.

Cet exercice, reflet de déficits, certes, en réduction, mais persistants, aura aussi été marqué par la poursuite de notre endettement.

Pour autant, l’annuité de la dette n’augmente toujours pas, bénéficiant de la diminution des taux d’intérêt de la part indexée et des tombées d’emprunts arrivant à terme, auxquels se substituent des émissions plus favorables.

Il s’agit là, même si l’on peut se féliciter de la qualité des équipes de l’Agence France Trésor, d’un dangereux anesthésiant. Une hausse de un point coûterait 2, 4 milliards d’euros la première année, 5, 3 milliards d’euros la deuxième et 40 milliards d’euros cumulés sur cinq ans selon la Banque de France.

Quand les économies réalisées grâce à la baisse des taux devraient faciliter en cours d’année l’amélioration du solde, on constate qu’une partie est mobilisée pour effectuer de nouvelles dépenses ou prévoir des dotations en faveur de dépenses insuffisamment budgétées en début d’exercice.

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des circonstances que nous connaissons, cette pratique n’est pas satisfaisante, pas plus que l’usage de cette facilité - j’emploie ce terme pour ne pas parler de dérive, ce qui serait excessif et inutilement désobligeant - n’est conforme au souhait du législateur organique.

Pas plus d’ailleurs que l’accroissement à un niveau inégalé, au taux de 8 %, des mises en réserves prévues dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, ou encore le retour discret, mais réel, de reports de crédits dérogatoires au-delà de 3 %.

La gravité de la situation n’explique pas tout et ne peut non plus tout justifier ; c’est notre devoir de parlementaires que de le rappeler pour ne pas renouer progressivement avec les mauvaises pratiques ante-LOLF.

Ce collectif comporte aussi de nombreuses mesures consacrées à la politique énergétique dont je souhaite dire un mot, tout d’abord pour constater que, au regard de leur ampleur et de leur nombre, il aurait été justifié qu’elles puissent, pour nombre d’entre elles, trouver leur place dans le projet de loi de finances pour 2016. Parmi ces mesures, deux d’entre elles vont totalement dans le sens souhaité par le législateur organique.

La première mesure concerne la transcription, dans l’article 11 de la loi de finances, de la CSPE, mettant fin à une anomalie qui voyait une taxe – car on pouvait déjà la qualifier de taxe -, être fixée par une autorité administrative indépendante en dehors de tout contrôle démocratique, pour un montant de 5, 627 milliards d’euros en 2014 et sans doute 7 milliards d’euros cette année.

La création du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » marquera aussi un progrès, en permettant d’identifier les charges futures générées par le développement des énergies renouvelables et les engagements hors bilan qu’elles constituent de ce fait. C’est une information importante pour la représentation nationale et pour le pilotage de notre politique énergétique.

La seconde mesure, et le second sujet de satisfaction, concerne le Fonds de financement de la transition énergétique, avec la budgétisation de 250 millions d’euros des crédits gérés par la Caisse des dépôts et consignations, ce dont je me réjouis tout particulièrement, tant le montage initial pour assurer le financement du fonds par cette institution, à qui l’on demande souvent beaucoup, ne me paraissait pas satisfaisant du point de vue de la transparence.

Je me réjouis d’avoir été entendu sur ce point, et je pense que le Parlement peut se satisfaire de cette décision au regard de sa mission de protection de la Caisse des dépôts et consignations.

Aussi, il serait souhaitable que, au-delà de la mission dévolue à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, notre commission des finances, et plus largement notre assemblée, puisse obtenir du Gouvernement une vision consolidée de l’incidence pour la CDC, sur son modèle économique comme sur ses fonds propres, du transfert des missions de la COFACE à la Banque publique d’investissement, et du rapprochement entre la CDC et l’AFD, l’Agence française de développement.

Au terme de cette intervention, compte tenu des modifications apportées par notre commission des finances, j’approuverai le projet de loi de finances rectificative pour 2015.

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