Ce débat doit être conduit de manière très précise, car ses différents aspects seront probablement examinés de près.
Plusieurs journaux en ligne – on peut sans aucune honte prononcer le nom de Mediapart, même si ce n’est pas l’unique journal concerné – ont appliqué de leur propre chef un taux de TVA réduit à 2, 1 % à leurs activités, alors même que les services fiscaux leur avaient clairement indiqué, en réponse à leur propre demande, que le taux de TVA à appliquer était le taux normal, à 19, 6 % à cette époque.
L’administration fiscale fondait son avis sur l’analyse des directives européennes, sur lesquelles s’est d’ailleurs également appuyée la Commission européenne pour engager des poursuites contre la France, après que notre pays a décidé, en 2014, d’appliquer un taux réduit de TVA à la presse en ligne.
Comme le précise parfaitement la Commission européenne, la situation légale est aujourd’hui très claire : en vertu de la règle communautaire, la directive TVA exclut expressément l’application d’un taux super-réduit de TVA aux services de presse en ligne, qui constituent un service fourni par voie électronique, qu’il s’agisse du champ d’application du taux de TVA ou de son niveau.
L’analyse de la Commission européenne est donc la même que celle à laquelle était arrivée l’administration fiscale en 2008, lorsqu’elle a adressé un courrier à la directrice générale de la SAS Mediapart – j’ai ce courrier entre les mains, mais je ne peux malheureusement pas le diffuser pour des raisons tenant au secret fiscal –, pour lui signifier clairement que, en conformité avec le droit européen, le droit français prescrivait d’appliquer un taux de TVA à 19, 6 %.
Les entreprises de presse en ligne qui ont délibérément choisi d’appliquer un taux réduit de TVA n’ont posé aucune question prioritaire de constitutionnalité – ou QPC –, voie qui leur était pourtant ouverte, et n’ont pas non plus contesté l’avis rendu par l’administration fiscale devant les tribunaux, que ce soit au moment où cet avis leur a été signifié ou même plus tard, au moment où elles ont fait l’objet de redressements fiscaux.
Ces entreprises auraient pourtant pu lancer une procédure judiciaire, afin de mettre fin à l’obligation de payer des arriérés de TVA. Elles pouvaient notamment avoir recours à la procédure du sursis à payer, mais elles n’ont apparemment pas souhaité la mettre en œuvre.
Tout ou presque a déjà été dit au sujet du motif d’intérêt général. Il revient au Conseil constitutionnel de l’apprécier. En ce qui nous concerne, nous considérons que les cas qui nous intéressent ne répondent pas à ce motif, mais le Conseil constitutionnel pourrait très bien considérer qu’il en est autrement. Seulement, le Conseil n’a jamais eu à se prononcer sur le sujet, car il n’a jamais été saisi par la voie d’une QPC. Je le répète : je ne comprends pas pourquoi personne n’a eu recours à cette procédure jusqu’à présent.
Enfin, l’application du taux réduit de TVA à la presse en ligne pose un problème d’égalité des contribuables devant l’impôt. En effet, les deux ou trois entreprises de presse que j’évoquais tout à l’heure ont certes appliqué de leur propre chef un taux réduit de TVA à 2, 1 % à partir de 2008, mais tous les organismes de presse en ligne qui se sont développés par la suite ont, quant à eux, appliqué un taux de TVA à 19, 6 %.
Je ne citerai aucun nom, mais vous connaissez tous ces sites en « .fr » ! À l’époque, le débat était connu de tous. Des amendements tendant à faire appliquer un taux réduit de TVA au secteur de la presse en ligne avaient déjà été déposés lors de l’examen des différentes lois de finances et avaient tous été rejetés par le Parlement.