Le Sénat était particulièrement attaché à ce que le volet financier de la réforme soit défini de la manière la plus transparente et la plus précise possible dans le texte. Sur ce point, la commission mixte paritaire nous a permis d’aboutir à un équilibre satisfaisant.
Conformément au souhait exprimé par le Sénat, au moins 28 % du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, seront affectés aux conférences des financeurs pour des dépenses de prévention de la perte d’autonomie. Nous avons en revanche fait le choix d’assouplir légèrement le fléchage de la part du produit de la CASA consacrée à la réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA : si 55, 9 % y seront bien dédiés en 2016, puis 70, 5 % au cours des exercices suivants, il nous a semblé préférable de ne pas rigidifier le dispositif à travers une définition des modalités d’utilisation de cette enveloppe qui aurait pu se révéler in fine contraignante pour les départements.
J’insiste sur le fléchage. Il doit rassurer les présidents des conseils départementaux, qui craignent toujours de se voir imposer des dépenses supplémentaires. D’ailleurs, leur préoccupation se justifie, compte tenu de l’état des finances des conseils départementaux.
J’en viens à un autre point de satisfaction, très important. Une section consacrée au soutien à l’investissement dans le secteur médico-social est créée au sein du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Le Sénat défend depuis plusieurs années cette proposition visant à donner plus de lisibilité et de pérennité à la politique de soutien à l’investissement. Je suis heureux qu’elle se concrétise enfin dans ce texte. La nouvelle section sera alimentée, chaque année de la période de 2016 à 2018, à hauteur de 100 millions d’euros. Il conviendra par la suite de veiller à ce qu’une ressource dédiée soit définitivement consacrée au soutien à l’investissement.
La refondation du secteur de l’aide à domicile a occupé une place centrale dans les échanges sur le projet de loi. En première lecture, le Sénat avait introduit un article 32 bis, qui supprimait à un horizon de cinq ans le système de l’agrément au profit d’un régime unique d’autorisation rénovée. La solution envisagée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, sur proposition du Gouvernement d’ailleurs, permet d’opérer le basculement vers le régime de l’autorisation dès la promulgation de la loi. Mais, en dissociant l’autorisation de la tarification administrée, elle préserve les départements et les services de bouleversements qui auraient pu être difficiles à supporter.
Le Sénat s’est finalement rallié à l’idée d’une mise en application la plus rapide possible du nouveau régime. De longs mois se sont écoulés depuis que le sujet a été mis sur la table. Les contours de la réforme sont donc connus de tous. De plus, retarder de plusieurs mois la mise en œuvre de l’article 32 bis, c’était prendre le risque d’assister à une multiplication des demandes d’agrément de la part de structures craignant de ne pas se voir délivrer l’autorisation départementale. Il semble que ce mouvement soit déjà à l’œuvre dans certains territoires. Nous devons le prendre très au sérieux, car il est révélateur de craintes, certes infondées, mais réelles.
Nous allons devoir réexpliquer clairement les objectifs de cette réforme. Non, la création d’un régime unique d’autorisation n’a pas pour effet de verrouiller le marché de l’aide à domicile ! Il s’agit simplement d’une mesure de cohérence. Lorsqu’ils interviennent auprès de publics fragiles, les services d’aide à domicile exercent une mission d’intérêt général très largement solvabilisée par la puissance publique. Ils doivent par conséquent relever pleinement du secteur médico-social, et non du secteur marchand.
Comme je l’ai indiqué, la création d’un seul régime d’autorisation ne s’accompagne pas de l’unification des règles de tarification des services d’aide à domicile. En deuxième lecture, le Sénat avait proposé que le cahier des charges qui leur sera applicable comporte un tarif national de référence ; cela aurait servi d’indicateur aux départements, aux services et aux usagers, sur le coût réel des prestations. La définition d’un tel tarif risquait cependant d’être longue, complexe et potentiellement source d’effets non désirés. Aussi la commission mixte paritaire a-t-elle fait le choix, plutôt que d’inscrire le tarif dans la loi, d’effectuer un renvoi, au sein du rapport annexé, à plusieurs tarifs nationaux de référence non opposables et de proposer une méthode de travail pour leur élaboration. Le sujet est important ; la variabilité des tarifs constitue un sujet de préoccupation récurrent pour les services et pour les observateurs du secteur.
À ce titre, je me félicite que le Gouvernement ait respecté l’engagement pris au Sénat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 de mettre en place un nouveau fonds complémentaire de restructuration des services d’aide à domicile d’un montant de 25 millions d’euros. Cette mesure permettra de donner un nouveau souffle aux structures les plus en difficulté pendant la montée en charge de la loi. Les associations d’aide et de maintien à domicile font actuellement état de leurs difficultés financières.
Quels sont les chantiers qui s’ouvrent désormais devant notre assemblée ?
À court terme, c’est la correcte application de la loi et sa bonne compréhension qui doivent nous occuper. Georges Labazée et moi-même l’avons indiqué lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous sommes prêts à assurer le « service après-vente » du texte, notamment auprès des élus départementaux, afin de répondre aux questions, d’apaiser les craintes et de renforcer l’adhésion autour des différents volets de la loi.
À plus long terme, nous ne pourrons nous priver d’une réflexion sur la question du reste à charge dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD. Il s’agit là pourtant d’un sujet essentiel, qui n’aura été traité qu’à la marge dans ce texte, en votant un fonds d’investissement.