Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d’abord saluer le travail remarquable des corapporteurs de ce texte au nom de la commission des affaires sociales, MM. Gérard Roche et Georges Labazée.
Vous vous êtes tous deux investis de manière constructive et pragmatique. Vous êtes parvenus, au fil des étapes parlementaires, à bâtir des positions justes, fidèles à vos convictions, car vous en aviez avant de vous engager dans ce travail, des positions fondées sur des objectifs communs, à commencer par celui de faire avancer, de perfectionner et de faire aboutir ce projet de loi. Vous avez formé un binôme réjouissant, tant sur le plan politique que sur le plan humain.
Je tiens également à saluer la présence vigilante, bienveillante et constante du président de la commission des affaires sociales, M. Alain Milon, tout au long de l’examen de ce texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite enfin remercier chacun de vous de la richesse des échanges que nous avons eus, que ce soit en séance ou lors des auditions réalisées par la commission.
Ce parcours parlementaire nous a permis de donner le jour à un texte fort, qui marquera l’histoire de la prise en charge collective de la perte d’autonomie. Ce projet de loi restera le témoin d’un engagement politique soutenu en faveur du bien vieillir et de la protection des plus vulnérables.
Cet engagement se traduit par un effort financier important. Ce sont plus de 700 millions d’euros qui viendront financer les mesures du présent projet de loi après leur montée en charge.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions de ce texte ; au terme de deux lectures, elles sont bien maîtrisées par nous tous.
Je profiterai de ma présence ici pour souligner tout l’intérêt de l’examen de ce texte par la Haute Assemblée, forte de son expérience locale et de sa connaissance des problématiques de terrain.
Vous avez souhaité renforcer le soutien aux proches aidants, qui acquièrent, grâce à ce texte, une reconnaissance et un droit nouveau : le droit au répit.
Vous avez voulu aller plus loin en transformant le congé de soutien familial en congé de proche aidant. Le proche aidant d’une personne âgée pourra ainsi bénéficier d’un congé d’une durée de trois mois renouvelable et fractionnable, éventuellement sous forme de temps partiel. C’est là une avancée positive. Elle permettra au monde du travail d’être plus sensibilisé aux difficultés rencontrées par les aidants, afin de mieux les intégrer au fonctionnement des entreprises. Nombre de proches mènent de front leur activité professionnelle et leur rôle d’aidant. Une meilleure prise en compte de leurs difficultés, de leur quotidien et de leurs besoins est nécessaire, afin d’améliorer leur bien-être personnel, bien-être qu’ils tendent souvent à négliger, au moment où le dévouement génère de l’épuisement.
Je tiens également à saluer la reconnaissance juridique que vous avez apportée aux structures d’hébergement temporaire qui permettent, sur un même lieu, le répit de l’aidant et la prise en charge médico-sociale de l’aidé. Ces lieux permettent à l’aidant de véritablement prendre du repos dans un espace de loisir, tout en lui assurant la prise en charge de son proche par une équipe professionnelle. Ce type d’établissement ouvre des perspectives nouvelles pour le répit des proches aidants, comme un moment créateur de lien social et de relation entre les générations.
Je tiens par ailleurs à souligner votre engagement en faveur de la diversification de l’offre d’hébergement à destination des personnes âgées. Au fil du parcours, les besoins et les aspirations évoluent. C’est pourquoi le présent projet de loi prévoit de donner aux personnes âgées le choix du modèle d’habitat qui leur convient.
Les résidences-services constituent une réponse adaptée, une étape intermédiaire pour des personnes âgées pour lesquelles la vie au domicile est devenue plus difficile sans pour autant justifier une entrée en EHPAD. Vous avez ainsi été pleinement engagés dans le travail qui a permis, d’une part, de définir le cadre juridique de ces résidences-services, notamment pour les personnes âgées, et, d’autre part, de sécuriser les pratiques contractuelles entre les gestionnaires et les résidents. Il s’agit là d’une avancée importante à la fois pour le développement de ce secteur économique et pour la protection des consommateurs.
J’en viens au volet de l’aide à domicile. Vous avez nourri la refondation du secteur, qui, sous des aspects particulièrement techniques, interpelle un sujet profondément humain : celui de l’accompagnement des publics fragiles et de la qualité de cet accompagnement.
Vous avez courageusement investi un sujet éminemment complexe : la dualité des régimes juridiques des services d’aide et d’accompagnement à domicile intervenant auprès de publics fragiles.
Je tiens à saluer cette initiative prise en première lecture et à rappeler que, si nous avons pu travailler de manière aussi constructive et avec autant de fluidité, c’est parce qu’un travail de réflexion avait été mené en amont par Jean-Marie Vanlerenberghe et Dominique Watrin dans leur rapport paru en 2014.
Le Gouvernement a suivi votre démarche en proposant un nouveau dispositif en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Grâce aux échanges et aux amendements adoptés, le dispositif a pu être enrichi pour permettre une souplesse et apporter de nouvelles garanties de transparence et d’égalité de traitement pour le secteur, tout en positionnant clairement, sans charges supplémentaires, le département en pilote de la structuration de ces services médico-sociaux sur son territoire. Ce dispositif permet ainsi l’accès à l’offre de services aux personnes âgées où qu’elles se trouvent sur le territoire et une meilleure lisibilité.
Ce qui nous rassemble sur ce texte, c’est la conviction que nous devons aujourd’hui moderniser et élargir nos protections collectives, au moment où notre société doit relever de nouveaux défis, en particulier celui du vieillissement.
Le texte soumis à la commission mixte paritaire témoigne de ce rassemblement, puisqu’il avait d’ores et déjà été adopté conforme aux deux tiers. Le travail mené par les rapporteurs des deux assemblées a été remarquable et mené en grande et bonne intelligence. §Cette implication a permis d’aboutir, au fil des accords, à un texte équilibré et renforcé, par les apports à la fois du Sénat et de l’Assemblée nationale.
À cette occasion, je me félicite que vos réticences initiales aient pu être levées pour permettre l’adoption du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. La formation « âge » de ce Haut Conseil répond pleinement aux aspirations qui étaient les vôtres, avec le « Haut Conseil de l’âge ». Je souhaite véritablement que la formation « âge » du Haut Conseil devienne une référence en termes de réflexion, de prospective, une véritable ressource pour les politiques publiques. La dimension intergénérationnelle du Haut Conseil viendra amplifier le mouvement. Elle a démontré tout son intérêt et permettra à chaque formation de gagner en ampleur et en pertinence.
Je me réjouis également que l’entrée en vigueur du régime d’autorisation rénovée soit maintenue au 1er janvier 2016. Cela offrira plus de lisibilité au secteur et aux départements.
Je m’en remets favorablement à vos conclusions concernant l’affectation de 100 millions d’euros par an à l’aide à l’investissement dans les EHPAD. Ce soutien renouvelé à l’investissement permettra de réduire le reste à charge des résidents, dont nous mesurons tous les besoins aujourd'hui.
Je prends également acte de votre volonté de voir le forfait autonomie réparti à l’ensemble des résidences autonomie, y compris celles qui perçoivent d’ores et déjà le forfait de soins courants. Si la volonté initiale était d’éviter un « saupoudrage » des crédits, j’entends votre souhait de faire en sorte que l’ensemble des établissements s’engagent véritablement à mener des actions de prévention.
Je retiens aussi votre volonté d’attribuer aux départements la possibilité d’un recours en récupération de l’aide sociale à l’hébergement sur les contrats d’assurance-vie, et ce dès le premier euro de prime versée à partir de soixante-dix ans.
Enfin, sur le sujet de l’affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie aux différentes mesures de ce projet de loi, vous avez également trouvé une juste voie.
Les parlementaires que vous êtes, forts d’expériences locales, avaient souhaité sécuriser encore plus la compensation des réformes de l’État aux conseils départementaux. Le Gouvernement avait déjà porté une vigilance particulière à ce sujet en affectant dans le projet de loi initial une fraction de la CASA à la compensation de la réforme de l’APA incluant également le droit au répit.
Vous avez souhaité aller encore plus loin en affectant un pourcentage de la CASA à la prévention de la perte d’autonomie. Vous avez également entendu les limites que cette sécurisation pouvait avoir, notamment en termes de souplesse de gestion pour les départements, en supprimant à l’article 38 la sous-répartition aux différents volets de la réforme de l’APA.
Grâce au travail que vous avez mené, la loi pourra, comme le Président de la République et le Premier ministre s’y sont engagés à plusieurs reprises, être votée et promulguée avant la fin de cette année.
Certaines dispositions dépendent de décrets d’application dont les principaux ont d’ores et déjà été élaborés et soumis aux instances consultatives obligatoires. Elles entreront en vigueur, si ce n’est au 1er janvier, du moins au cours des premiers mois de l’année 2016, dès la publication des textes.
L’enjeu, pour le Gouvernement comme pour les élus, sera ensuite de diffuser sur le terrain notre connaissance du texte et des dispositions qu’il contient, afin que chaque citoyen prenne connaissance des droits nouveaux auxquels il est désormais éligible – je pense ici tout particulièrement à la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie, à la création du droit au répit ou encore à l’adaptation des logements – et que chaque acteur puisse s’approprier les nouveaux dispositifs introduits, qu’il s’agisse de la conférence des financeurs, de la réforme des régimes juridiques des services d’aide et d’accompagnement à domicile ou de la tarification des EHPAD.
L’entrée en vigueur du texte est une première et grande étape. Elle nous invite d’ores et déjà à poursuivre la réflexion et à construire les chantiers futurs. Les besoins sont grands, et le Gouvernement restera pleinement mobilisé sur les enjeux liés à la perte d’autonomie.
Aujourd’hui, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement est à l’aube de devenir une belle et grande loi sociale.
Grâce à cette loi, nous agissons pour que la protection sociale et la solidarité continuent de progresser. Nous donnons les moyens aux personnes âgées d’anticiper et d’accompagner la perte d’autonomie. Nous reconnaissons le rôle de ces millions de proches aidants et contribuons à leur apporter une pause nécessaire à leur bien-être. Nous construisons une société plus juste, animée par le souci de l’autre, dans le respect de son histoire, de ses droits et de ses aspirations. Nous portons un regard plus ouvert sur la vieillesse, qui constitue une période de la vie rythmée par la participation citoyenne et la création de lien social. Nous mobilisons l’ensemble de la société pour qu’elle s’adapte, intègre et échange avec ses aînés.
Pour toutes ces raisons, ce texte constitue une véritable avancée pour la vie de nos concitoyens et l’avenir de notre société. C’est pourquoi je vous invite à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire qui vous sont soumises aujourd’hui.