Intervention de Stéphanie Riocreux

Réunion du 14 décembre 2015 à 14h30
Adaptation de la société au vieillissement — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Stéphanie RiocreuxStéphanie Riocreux :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 28 octobre dernier, lors de l’examen en seconde lecture du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, je formulais à cette même tribune le souhait que nous aboutissions à un accord en commission mixte paritaire avec nos collègues députés, afin que ce texte, enrichi par les apports des deux assemblées, avec le soutien et l’expertise du Gouvernement, permette une entrée en vigueur rapide des mesures qu’il contient.

Je me réjouis aujourd’hui de l’issue conclusive des travaux menés par la commission mixte paritaire réunie le 2 décembre dernier. Même si les députés Les Républicains ont choisi de s’abstenir lors du vote en commission mixte paritaire, la majorité des représentants de la commission des affaires sociales du Sénat ont souhaité apporter leur soutien au texte qui en est issu.

Ainsi, les conclusions qui viennent de nous être présentées par MM. les corapporteurs signent l’investissement, les compétences et la volonté d’aboutir des parlementaires. Elles sont porteuses de messages forts pour nos concitoyens et pour l’ensemble des acteurs publics et privés issus des réseaux professionnels et associatifs qui œuvrent au quotidien pour nos aînés et leurs proches.

Chacun connaît et mesure l’importance de voir entrer en application dans les meilleurs délais les dispositifs introduits ou confortés par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Il s’agit là de mesures très concrètes. Elles auront un effet significatif pour celles et ceux qui les attendent.

C’est sur ce texte, nécessairement équilibré puisque issu d’une réflexion et d’un travail en commun, adopté à l’Assemblée nationale le 10 décembre dernier, que le Sénat va être invité à se prononcer à l’issue de cette discussion générale. Je tiens à souligner et à saluer le travail remarquable réalisé par nos rapporteurs et collègues de la commission des affaires sociales du Sénat, Gérard Roche et Georges Labazée, avec Mme Joëlle Huillier, rapporteur de la commission mixte paritaire à l’Assemblée nationale.

Comment ne pas insister sur le fait que, si ce projet de loi a abouti à un accord entre les deux assemblées, c’est qu’il apporte une contribution forte aux enjeux liés à l’adaptation de notre société au vieillissement ? Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous remercier de tout le travail préalable de concertation que vous avez su mener, avec vos services, auprès des acteurs et des partenaires. Ce texte, attendu depuis tant d’années, longtemps annoncé, mais jamais réalisé, figurait dans le programme du Président de la République. Vous l’avez initié, construit et porté ; les deux assemblées l’ont enrichi en apportant leur contribution. Il permettra dès demain des avancées sur la prévention de la dépendance et son accompagnement, sans sacrifier l’esprit de solidarité qui doit guider notre société, dans le respect de la dignité de la personne et de celles et ceux qui l’entourent.

Une étape importante : c’est ainsi que le groupe socialiste considère ce projet de loi, qui est porteur des valeurs d’égalité et de justice.

Le texte est ambitieux, puisqu’il consacre plus de 650 millions d’euros à la nécessaire réforme de la perte d’autonomie. Il est aussi responsable, puisqu’il ne crée pas de prélèvement nouveau. Il est en effet financé par la CASA, qui reste une ressource pérenne et dynamique.

Anticiper et prévenir la perte d’autonomie, afin de contribuer au « mieux vivre » ensemble, quels que soient l’âge, la manière de subir une perte d’autonomie et le lieu où l’on réside dans notre pays.

Ce texte ouvre une voie, celle qui nous permettra de faire face au vieillissement de la population. Nous sommes entrés en zone de turbulence. La population française continue de vieillir sous l’effet de l’allongement de la durée de vie et de l’avancée en âge des générations du baby-boom.

Selon les projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, si les tendances démographiques observées jusqu’ici se maintiennent, l’âge moyen de la population résidant en France métropolitaine passerait de quarante et un ans aujourd’hui à quarante-cinq ans en 2060.

Jusqu’en 2035, le nombre de personnes âgées de plus de soixante ans augmenterait fortement, avec l’arrivée à ces âges des générations issues du baby-boom. Après 2035, leur part devrait continuer à progresser, mais de manière plus modérée. En 2060, une personne sur trois aurait ainsi plus de soixante ans.

L’effectif des centenaires, qui était de 15 000 en 2010, pourrait atteindre 200 000 personnes en 2060.

Il est tout à fait indispensable d’anticiper ces grands changements. Nos modes de vie ont évolué. L’effet sur les familles, les réseaux et les structures d’accueil est manifeste.

Il y a aussi des conséquences au sein des entreprises. Ainsi, environ 16 % des salariés en France aident actuellement un proche dépendant. Je précise que 68 % de ces aidants sont des femmes. Par ailleurs, 55 % des salariés, qui aident un parent atteint de la maladie d’Alzheimer, sont contraints de réaménager leur activité professionnelle. Et ce n’est qu’un début !

Nous observons avec beaucoup d’attention la manière dont les entreprises appréhendent ce sujet et apportent leur contribution à l’exploration de cette terre inconnue : le prolongement de la durée de la vie et la perte d’autonomie.

Des expériences et des projets innovants sont actuellement développés. Ils vont dans le sens de l’anticipation, s’agissant à la fois des équipements et des services, mais aussi de la prévoyance.

Nous construisons ainsi un projet collectif pour répondre à des besoins individuels et les anticiper. C’est le sens de notre engagement.

Il convient de considérer l’adaptation de notre société au vieillissement et à la perte d’autonomie dans sa globalité, car c’est bien l’ensemble de notre société qui est concernée.

Les trois piliers de ce projet de loi confortent cette volonté de prendre en compte la situation dans sa globalité.

La création d’un Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, tel que vous l’avez proposé, madame la secrétaire d’État, et tel que la commission mixte paritaire l’a retenu, nous rappelle que chaque personne ne peut pas être réduite aux spécificités dont son âge est porteur. Le lien avec la famille est essentiel pour promouvoir une approche qui respecte chacun dans sa singularité.

Ce Haut conseil, qui devait être celui de l’âge et du handicap, auquel je sais certains de nos collègues sénateurs et députés très attachés, ne fera que s’enrichir en devenant celui de la famille, de l’enfance et de l’âge. Il permettra de travailler de manière transversale.

Le premier volet du texte prévoit d’agir à travers toutes les politiques publiques qui permettent d’intégrer l’enjeu du vieillissement, en particulier dans les domaines du logement, de l’urbanisme et des transports.

D’ailleurs, 90 % de nos concitoyens se disent prêts à adapter leur domicile si leur état de santé venait à se dégrader. Cependant, 6 % seulement des logements sont totalement adaptés à la vie quotidienne de personnes en perte d’autonomie. Ce texte apportera des moyens pour y faire face en partie.

Adapter, c’est faire du domicile un atout de prévention ; c’est développer des formes d’habitat intermédiaire ou regroupé ; c’est préserver le recueil du consentement préalable à l’entrée en EHPAD ; c’est aussi créer de l’emploi de proximité.

Ce texte contient un message de dignité, en reconnaissant et en renforçant les droits des personnes âgées, à domicile comme en établissement. Nous savons tous qu’en la matière, des clarifications étaient indispensables.

Le deuxième volet du texte vise à améliorer l’accompagnement des personnes à domicile, afin de respecter la volonté d’une majorité de nos concitoyens, qui souhaitent vivre chez eux le plus longtemps possible.

En cela, les services d’aide à domicile sont valorisés et développés. La refondation de ce secteur signe la volonté de reconnaître et de structurer une offre d’accompagnement à domicile de qualité, solide, innovante et économiquement viable, en donnant la priorité au développement de services polyvalents de soins à domicile, qui permettent une coordination des professionnels et contribuent à une meilleure prise en charge.

C’est un message d’encouragement pour les associations œuvrant dans ce secteur. Nous savons qu’elles interviennent beaucoup à domicile. Leur professionnalisation et leur accompagnement sont un enjeu essentiel. De ce point de vue, le projet de loi apporte des réponses indispensables.

La revalorisation de l’APA va permettre aux personnes dont l’aide est actuellement plafonnée, alors même qu’elles ont des besoins importants, de voir augmenter d’une heure par semaine l’aide à domicile, dans le cadre d’une perte d’autonomie réduite, et jusqu’à une heure par jour pour les personnes les plus dépendantes.

Ce second souffle donné au dispositif de l’APA, toujours porteur d’un souci d’égalité, puisque ses critères d’attribution prennent en compte le degré de dépendance et la situation pécuniaire des personnes, ne viendra pas accentuer les difficultés exprimées par les représentants des conseils départementaux. En effet, le fléchage de l’affectation des produits de la CASA a été acté par la commission mixte paritaire.

Ce texte apporte une attention particulière aux aidants, qui voient ainsi leur statut enfin reconnu, tout comme leur droit au répit.

Chacun sait combien ces situations sont difficiles et créatrices de nouveaux risques pour les personnes aidantes, qui se retrouvent très souvent dans des situations d’épuisement physique et psychologique. Ce texte adresse un véritable message de compréhension et de soutien face à la charge que représente la dépendance.

Le troisième volet fait de l’anticipation un enjeu majeur de repérage et de lutte contre les facteurs de risques de la perte d’autonomie.

Actuellement, le recours à l’APA survient en moyenne vers quatre-vingt-trois ans. L’enjeu est de repousser cette entrée dans le dispositif et le moment où la perte d’autonomie nécessite des dispositions particulières.

Chacun le sait, bien souvent, la perte d’autonomie se joue sur un événement ou un aspect non anticipé. C’est sur l’identification de ces mécanismes que la prévention sera accentuée, ainsi que le développement et le renforcement des réseaux.

Pour les personnes résidant à leur domicile, le dispositif dit « Mobilisation nationale contre l’isolement des âgés », ou MONALISA, mis en œuvre pour contribuer à rompre l’isolement des personnes âgées sur le territoire, s’inscrit dans les mesures qui permettent de travailler en ce sens, en rassurant les personnes et leurs proches, en s’appuyant sur un réseau dynamique et sur le développement de l’accès aux technologies nouvelles pour toujours améliorer l’accompagnement et la sécurisation des personnes.

Ce texte permet de clarifier un certain nombre de points, qui traduisent la convergence de vues entre les deux assemblées et qui permettent de respecter l’intérêt de l’ensemble des acteurs.

Je pourrais mentionner le cadre juridique des résidences pour personnes âgées faiblement dépendantes, le devenir du forfait autonomie, la création d’un service unique d’autorisation concernant l’organisation de l’aide à domicile, qui sera mis en place dès le 1er janvier prochain, le fléchage des produits de la CASA pour l’APA, qui inscrit dans la loi les 55, 9 % pour 2016 et les 70, 5 % qui y seront consacrés au cours des années suivantes, ou encore le maintien sur trois années du fonds de 100 millions d’euros annuellement consacrés à l’aide à l’investissement... Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points qui contribuent ainsi à faire de ce texte un texte porteur d’avenir ; ils ont déjà été détaillés.

Il nous reste encore beaucoup à faire. Nos corapporteurs ont précisé leurs propositions pour poursuivre le travail engagé. Nous serons à leurs côtés, et à vos côtés, madame la secrétaire d’État. Nous serons ensemble à l’écoute des acteurs et des partenaires pour faire évoluer les dispositifs destinés à anticiper et à accompagner la perte d’autonomie dans notre pays.

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d'avoir défendu ce projet de loi, d’avoir fait preuve d’écoute et d’avoir pris en compte les travaux de notre assemblée.

Le groupe socialiste, auquel j’appartiens, votera bien entendu les conclusions de la commission mixte paritaire.

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