Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 16 décembre 2015 à 14h30
Convention fiscale avec le grand-duché de luxembourg première lecture — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, comme l’a rappelé à l’instant M. Eckert, la France et le Luxembourg sont liés depuis 1958 par une convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, convention déjà modifiée par trois avenants.

Nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner le projet de loi autorisant l’approbation du quatrième avenant à cette convention qui vise à mettre fin à une situation de double exonération ancienne.

En principe, les plus-values immobilières de source française font l’objet d’un prélèvement au tiers, en application de l’article 244 bis A du code général des impôts.

Toutefois, en raison d’une interprétation contradictoire de la convention franco-luxembourgeoise par les juridictions des deux pays, les plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés luxembourgeoises sont totalement exonérées d’imposition, et ce depuis plus de vingt ans.

Cette situation de double exonération a donné lieu à des montages particulièrement préjudiciables pour les finances publiques - les médias s’en sont d’ailleurs parfois fait l’écho.

Pour ne prendre qu’un exemple concernant très directement le patrimoine immobilier de l’État, la perte de recettes liée à la non-imposition des plus-values dans l’affaire dite de « l’Imprimerie nationale » est estimée à 40 millions d’euros – un contentieux est toutefois en cours.

Un précédent avenant, signé en 2006, a permis à la France de récupérer son droit d’imposer les plus-values immobilières en cas de détention directe des immeubles.

Toutefois, le Luxembourg avait refusé d’appliquer ces nouvelles dispositions aux cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière, contrairement à ce que souhaitait la France. Aussi un recours accru à des schémas d’optimisation fiscale reposant sur l’interposition de sociétés à prépondérance immobilière a-t-il été observé, ces schémas permettant d’échapper à toute imposition.

Dès 2011, une nouvelle négociation a donc été engagée entre la France et le Luxembourg, qui a finalement abouti le 5 septembre 2014 à la signature d’un nouvel avenant à la convention.

Le présent avenant permet enfin de revenir sur l’absence totale d’imposition des plus-values immobilières, en transposant aux sociétés à prépondérance immobilière le principe de l’imposition dans le pays de situation de l’immeuble.

Aux termes de l’article 2 de l’avenant, les cessions jusqu’à présent exonérées de toute imposition ne pourront toutefois être taxées par la France qu’à compter du 1er janvier 2017, sous réserve d’une ratification conjointe avant le 30 novembre 2016.

Même si la France avait notifié sa ratification avant le 30 novembre 2015, une imposition des cessions effectuées à compter du 1er janvier 2016 n’aurait pas été possible, la ratification de l’avenant par le Luxembourg étant intervenue le 7 décembre 2015.

L’administration fiscale pourra toutefois mobiliser l’arme contentieuse en cas de réorganisation interne dont le seul objectif serait de faire échec à l’application des nouvelles dispositions prévues par le présent avenant, comme elle l’avait déjà fait avec succès après l’avenant de 2006.

En réalité, ce sont moins les délais d’entrée en vigueur du présent avenant qui me préoccupent que le maintien d’une fiscalité trop clémente pour les véhicules d’investissement immobilier.

Ces dernières années, la France a introduit dans plusieurs conventions fiscales une clause spécifique concernant les véhicules d’investissement immobilier, qui bénéficient, sous certaines conditions, d’une exonération d’impôt sur les sociétés en contrepartie d’une obligation de distribution des résultats. Il s’agit principalement des sociétés d’investissement immobilier cotées, les SIIC, et des organismes de placement collectif immobilier, les OPCI, prenant la forme de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable, ou SPPICAV.

Cette clause prévoit que les distributions de dividendes effectuées par ces véhicules d’investissement immobilier peuvent être imposées à la source, sans restriction, par l’État d’établissement du véhicule. En France, vous le savez, le taux de retenue à la source applicable est ainsi de 30 %.

Une telle clause est notamment prévue par l’avenant à la convention franco-allemande que nous venons d’examiner. À l’inverse, le présent avenant ne comporte aucune clause spécifique concernant les véhicules d’investissement immobilier, comme l’ont d’ailleurs souligné de nombreux cabinets d’audit.

Or, en application des dispositions existantes de la convention, les véhicules d’investissement immobilier bénéficient d’une fiscalité particulièrement favorable.

Le deuxième paragraphe de l’article 8 prévoit la possibilité d’une retenue à la source en France, mais son taux est limité à 5 %, si la société luxembourgeoise détient au moins 25 % de la société française, et à 15 % dans les autres cas. En l’absence de clause spécifique, ces dispositions sont applicables aux dividendes distribués par les véhicules d’investissement immobilier.

Pour prendre un exemple concret, les dividendes versés par un OPCI français détenu à 25 % au moins par une société luxembourgeoise sont taxés à 5 % seulement en France et peuvent être indéfiniment exonérés d’imposition au Luxembourg…

Pour le Gouvernement, l’urgence de la mesure à prendre sur la non-imposition des plus-values immobilières commandait de réviser rapidement la convention sur ce seul point et de renvoyer les autres demandes de la France à une révision plus générale de la convention, comme convenu par les deux pays lors de la signature de l’avenant.

Toutefois, le Gouvernement nous a indiqué qu’il s’agissait d’un chantier très lourd, qui prendra certainement du temps, même s’il peut être facilité par l’évolution récente de la position du Luxembourg en matière de coopération administrative et de transparence fiscale.

Compte tenu de ces délais, il aurait sans doute été préférable de traiter l’ensemble du chapitre immobilier à l’occasion de l’examen du présent avenant.

Sous cette réserve majeure, la commission des finances vous propose toutefois, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi sans modification, dans la mesure où il constitue indéniablement un pas dans la bonne direction.

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