Intervention de André Gattolin

Réunion du 16 décembre 2015 à 14h30
Convention fiscale avec le grand-duché de luxembourg première lecture — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsqu’on évoque la production législative de notre République, c’est le plus souvent pour parler de son inflation et de la place très significative occupée par la transposition du droit européen dans notre droit français. On oublie généralement que la moitié au moins des textes adoptés par le Parlement sont des conventions internationales ou bilatérales, examinées et, le plus souvent, votées à la va-vite.

Loin d’être inoffensives pour la construction de notre droit, elles comportent souvent des éléments normatifs qui font ensuite jurisprudence au sein même de notre droit national.

Rejeter un projet de convention ou de traité proposé par l’exécutif est perçu comme un crime de lèse-majesté et il faut remonter très loin dans le temps pour trouver un cas où les deux chambres du Parlement ont osé dire non.

Nous avons encore tous en tête, ici, au Sénat, les deux fois où nous avons rejeté cette année ce que j’appellerai la « farce andorrane ». Mais l’Assemblée nationale a finalement eu le dernier mot, pour renforcer indirectement le statut d’exception de cette coprincipauté, qui s’illustre essentiellement par ses ventes détaxées de cigarettes et d’alcool.

En la matière, je dois le dire, heureusement que le Sénat existe ! Il travaille toujours sérieusement, comme c’est encore une fois le cas aujourd’hui concernant ce quatrième avenant à la convention fiscale qui nous lie au Luxembourg.

Notons que, quand l’Assemblée nationale renvoie systématiquement les conventions à sa commission des affaires étrangères, le Sénat, adoptant fort justement une approche plus thématique, adresse les conventions fiscales à sa commission des finances. C’est un très bon gage de pertinence.

Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité de l’analyse développée par notre rapporteur général sur cette convention, sur ce qu’elle dit, mais sur ce qu’elle ne dit pas, aussi .

Pays fondateur de l’Union européenne après avoir été membre fondateur du traité de Bruxelles et de l’OTAN, le Luxembourg, malgré sa taille réduite, est un pays puissant et étonnamment influent. Il faut dire qu’il se place au premier rang mondial du PIB nominal par habitant ! Sans doute est-ce en partie dû au travail acharné de ses ressortissants, mais peut-être aussi un peu à sa législation fiscale, très subtile, qui en fait le deuxième centre de fonds d’investissement au monde, derrière les États-Unis.

Sa très grande compétitivité en la matière et son statut respectable, qui lui permet de destiner ses dirigeants aux plus hautes fonctions européennes, lui confèrent une reconnaissance internationale et lui évitent, en dépit de scandales à répétition, le titre infamant de « paradis fiscal ».

Alors, oui, ce texte constitue une petite avancée, sans pour autant entraver réellement la très grande créativité luxembourgeoise en matière fiscale.

Je rappelle d’ailleurs à ceux qui, dans ce palais du Luxembourg, ignoreraient encore l’étymologie du mot, qu’il vient de lucilinburhuc, qui signifie « petite forteresse » ou « fortin », autrement dit « place imprenable ». Finalement, c’est l’endroit idéal pour cacher ses petites économies ! §Par ailleurs, la devise nationale du Grand-Duché – cela ne s’invente pas ! - n’est autre que « Nous voulons rester ce que nous sommes » ! Ainsi donc, au Luxembourg, les choses changent un peu, pour surtout éviter de trop changer…

C’est pour cette raison que les écologistes, qui ne font pas toujours l’éloge de la lenteur, ne prendront pas part à ce vote.

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