Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 17 décembre 2015 à 10h30
Réutilisation des informations du secteur public — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à la fin de l’année 2014, la France s’est classée à la troisième place mondiale pour l’ouverture et la réutilisation des données publiques.

Cela s’explique par différentes initiatives, notamment la mise à disposition des bases LEGI par la Direction de l’information légale et administrative, la DILA, le passage en licence ouverte de certaines données de l’Institut national de l’information géographique et forestière, l’IGN, la fourniture de l’ensemble des résultats électoraux en un point unique par le ministère de l’intérieur, ou encore la mise à disposition en 2014 par La Poste de la base nationale officielle des codes postaux à des fins de géolocalisation.

La stratégie française d’ouverture des données publiques fait vivre le droit de regard du citoyen sur ses représentants et sur l’action de l’administration, conformément à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »

L’administration s’ouvre à la transparence, à rebours du credo administratif ancien du secret, qui était à l’origine de tensions renouvelées entre l’administration et son administré. Il faut rappeler que le dogme du secret pouvait gêner la bonne compréhension des décisions prises par l’administration dans l’exercice des prérogatives de puissance publique. Il pouvait même parfois sembler faciliter l’arbitraire.

Nous saluons par conséquent l’accord trouvé par la commission mixte paritaire sur le présent texte, qui prolonge et approfondit le mouvement de modernisation nécessaire et inéluctable de l’administration, commencé dans les années soixante-dix. Que de chemin parcouru depuis la reconnaissance d’un droit d’accès aux documents administratifs avec l’adoption de la loi du 17 juillet 1978, du principe de motivation des actes administratifs avec la loi du 11 juillet 1979, sans parler de la création de la Commission d’accès aux documents administratifs, de celle de la mission Etalab et du portail www.data.gouv.fr en 2011 !

Plus récemment encore, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », a renforcé les exigences de transparence des données des collectivités territoriales : ces dernières, lorsqu’elles comptent plus de 3 500 habitants, ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, doivent rendre accessibles en ligne les informations publiques.

L’Europe a accompagné ce mouvement. Le texte que nous examinons aujourd’hui transpose la directive du 26 juin 2013, qui a pour objet de faciliter la réutilisation des informations du secteur public en harmonisant les politiques des États membres et en supprimant les obstacles tarifaires et administratifs.

L’accès aux données publiques doit être le plus large possible. Le texte renforce cette exigence en consacrant le principe de gratuité de la réutilisation des informations publiques, sous certaines réserves, ainsi qu’en soumettant au droit commun la réutilisation des informations publiques des établissements et institutions d’enseignement et de recherche, ainsi que des établissements culturels, y compris universitaires, musées et archives.

Le renforcement de l’open data ne va bien évidemment pas sans restrictions légitimes. Il doit d’abord respecter la protection des données personnelles. Nous avons déposé un amendement en ce sens, visant à prévenir toute revente sans consentement préalable des données personnelles détenues par la préfecture et dont la protection relève de l’ordre public. Il a été considéré comme un cavalier législatif.

Le risque est pourtant grand de porter atteinte à la vie privée de milliers de citoyens, qui peuvent être la cible d’opérations commerciales parfois très agressives. L’information est le nerf du commerce, donc celui de la guerre ! Il est à craindre que d’autres données personnelles conservées par l’État puissent demain faire l’objet d’un commerce.

Ce principe de gratuité et d’ouverture de l’information au secteur public doit par ailleurs être concilié avec la compensation des coûts marginaux de reproduction, de mise à disposition et de diffusion des données pour l’administration, qui peut faire l’usage de redevances de réutilisation. Sont également admises des dérogations pour les organismes du secteur public qui ont besoin de recettes pour couvrir une part substantielle des coûts liés à leur mission de service public ou des coûts de collecte, production, reproduction ou diffusion des documents, tout en permettant un retour sur investissement raisonnable.

À ce titre, d’utiles garde-fous sont prévus par le texte : la licence joue un rôle pédagogique non négligeable, conforté par le projet de loi, de même que les accords d’exclusivité, dont la durée peut atteindre dix ans.

Toutefois, la discussion n’a pas permis d’établir une règle claire pour le montant des redevances, par un plafond général pour le montant total de l’ensemble des redevances pouvant être perçues auprès de tous les réutilisateurs et un plafond particulier pour le montant maximum pouvant être perçu annuellement auprès de chaque réutilisateur.

Si des administrations jalouses de leurs prérogatives fixent des montants de redevances rédhibitoires, alors nous n’aurons que peu avancé dans ce domaine. Nous espérons donc que l’examen futur du projet de loi pour une République numérique, qui a déjà été évoqué ici, nous permettra d’approfondir et même d’innover s’agissant des pistes de croissance portées par cette nouvelle technologie, qui transcende l’ensemble de notre société. Outre les enjeux démocratiques de l’open data, la facilitation de la réutilisation de données publiques doit permettre de créer à l’avenir des activités et services nouveaux.

Par le présent projet de loi, nous améliorons sensiblement les relations entre le public et l’administration, qui seront d’ailleurs régies, dès le 1er janvier 2016, par un code spécifique, et nous créons de la croissance.

Dans ces conditions, le groupe du RDSE apportera son soutien unanime à ce texte attendu.

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