Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 17 décembre 2015 à 10h30
Réutilisation des informations du secteur public — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord de féliciter chaleureusement Hugues Portelli, notre rapporteur, ainsi que Luc Belot, rapporteur pour l’Assemblée nationale, qui ont eu la sagesse, au terme d’un dialogue approfondi, de proposer à la commission mixte paritaire, qui les a suivis, un accord que je crois très positif.

Je me réjouis également que nous transposions un texte européen en nous tenant, cette fois-ci, à son objet. La missive que nous a envoyée le Conseil constitutionnel au mois d’août dernier, au cœur de l’été, a peut-être suscité quelques frustrations, puisqu’un véritable troupeau de « cavaliers » se trouvait, en quelque sorte, trucidé. Toutefois, à quelque chose malheur est bon…

J’en profite d’ailleurs pour répéter ce que nous avons déjà souligné dans le rapport pour avis de la commission des lois sur les pouvoirs publics : nous saluons l’action qui a été celle de Jean-Louis Debré à la tête du Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel a fait preuve d’une grande rigueur. La conséquence sera que nous ne céderons plus à la facilité d’ajouter des amendements aux textes de transposition, mais qu’il y aura peut-être davantage de textes à étudier, puisqu’il faudra faire des propositions de loi.

J’en viens au texte qui nous réunit. J’évoquerai deux mots que nous entendons sans cesse : « transparence » et « communication ».

La transparence peut et doit être une bonne chose, s’agissant par exemple du financement de la vie politique, mais elle comporte des limites, et le législateur a raison d’être très vigilant quant à la protection de la vie privée et des données personnelles.

La communication est un concept – quoique je ne sache pas si ce dernier terme convient vraiment – qui revient toujours. Je connais même des politiques qui engagent des experts en communication pour faire passer leurs messages avant même de se demander s’ils ont un message à délivrer…

Il finit par y avoir une tyrannie de la communication. Or si chacun, dans la sphère politique, se réveille chaque matin en se demandant : « Que vais-je faire pour ressembler à l’idée que je me fais de ce qu’attend l’opinion d’après les sondages ? », il est probable que le discours politique perdra de son sens, que de nombreux discours se ressembleront et que l’on en arrivera à une sorte de vacuité. Peut-être y a-t-il là matière à réflexion : la politique, n’est-ce pas d’abord des idées et des projets, davantage que de la communication ?

Toutefois, le présent projet de loi est important, parce qu’il prévoit de partager non pas la communication, mais l’information, la science, la culture, les données utiles pour que chacun puisse en bénéficier.

À cet égard, je me réjouis vraiment, je le redis à notre ami Hugues Portelli, des accords qui ont été trouvés sur deux points : d’abord de l’accord sur la licence, y compris lorsqu’il n’y a pas de redevance – un sujet dont nous reparlerons à la faveur de l’examen du projet de loi sur la République numérique – ; ensuite, et surtout, de l’accord qui touche le monde de l’université et de la recherche.

Je vais répéter ici ce qui a été dit par plusieurs de mes collègues, particulièrement par notre rapporteur, afin qu’il n’y ait aucune sorte d’ambiguïté : il est non seulement normal, mais naturel et nécessaire que les données, les articles et les recherches scientifiques puissent être partagés.

D’ailleurs, lorsque l’on écrit un article scientifique, on le présente devant la communauté des chercheurs du monde entier ; on doit fournir le corpus, les données, la méthode appliquée et annoncer les résultats, de telle manière que, dans la communauté scientifique, chacun puisse analyser le texte et, éventuellement, le critiquer, ou même le contredire, de sorte que la science progresse.

La communication est donc nécessaire et elle constitue un progrès. C’est ce que le présent projet de loi affirme au nom de la France, et c’est fort bien, tant pour notre République et son rayonnement que pour le progrès de la science et des connaissances.

Cependant, il y a deux limites.

Premièrement, tout travail qui n’est pas achevé n’a pas vocation à être communiqué. On ne communique pas des brouillons ! Le texte n’existe pas tant qu’il n’est pas définitif. C’est exactement comme les projets de loi que vous préparez, madame la secrétaire d'État : tant qu’ils ne sont pas publiés, ils n’ont pas d’existence. Communiquer des projets pourrait entraîner des dommages, et on ne les communique donc pas.

Deuxièmement, il est clair, et M. Portelli l’a souligné, qu’il ne doit pas être fait obstacle au respect de la propriété intellectuelle, de la propriété commerciale et de la propriété industrielle. Les revues scientifiques, lorsqu’elles publient des articles, versent des droits d’auteur et, vous le savez, elles ont de grandes difficultés à continuer à vivre en raison de la facilité qu’il y a à faire des photocopies.

Un des problèmes majeurs qu’il nous faudra aborder lors de l’examen du projet de loi numérique est ainsi lié au fait que, selon certains, l’économie numérique serait antinomique du respect du droit d’auteur ou de la propriété intellectuelle, attitude qui peut menacer la culture et l’action des créateurs, des chercheurs, des écrivains, de tous ceux qui contribuent au progrès.

Je vais essayer de répondre au vœu de Mme la présidente et de plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, en me joignant aux propos qu’a tenus Claude Kern tout à l'heure à propos des personnels du Sénat, qui travaillent beaucoup et qui méritent d’être salués en ce dernier débat de l’année.

J’ajouterai une mention particulière. C’est avec grand plaisir que j’ai lu dans le compte rendu de la dernière réunion du bureau du Sénat que M. Jean-Léonce Dupont, qui a été chargé de rédiger un rapport sur la manière de rendre compte de nos débats, proposait de maintenir les deux comptes rendus existants, auxquels nous sommes profondément attachés : l’intégral, qui permet de disposer de la totalité de ce qui est dit dans cet hémicycle, et l’analytique, qui apporte un « plus » considérable : outre qu’il nous rappelle parfois qu’il est possible d’en dire davantage en moins de mots, il est un outil extrêmement précieux pour suivre l’activité du Sénat.

Jean-Léonce Dupont a souligné que ces deux comptes rendus seraient maintenus et que de nouvelles initiatives permettraient de mieux communiquer sur notre action au Sénat. Je m’en réjouis profondément.

Madame la présidente, je ne vais pas utiliser les quatorze minutes de temps de parole qui m’étaient imparties, mais je serais ingrat de terminer mon intervention sans saluer l’action de Mme la secrétaire d'État. Chère Clotilde Valter, vous avez suivi ce texte avec l’intérêt et le sérieux que vous mettez dans l’exercice de votre mission ; je veux, à mon tour, vous en remercier.

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