Intervention de Fleur Pellerin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 décembre 2015 à 16h30
Liberté de la création architecture et patrimoine — Audition de Mme Fleur Pellerin ministre de la culture et de la communication

Fleur Pellerin, ministre :

En matière d'archéologie préventive, notre objectif était de trouver un meilleur équilibre que celui de la loi de 2003 qui, d'après toutes les parties concernées, n'était pas satisfaisant. L'introduction du secteur privé n'a pas eu d'effets positifs. Nous avons souhaité mieux prendre en compte les impératifs scientifiques et renforcer la qualité des fouilles.

Je puis vous assurer qu'il n'existe pas de collusion entre les agents des services régionaux d'archéologie préventive et ceux de l'INRAP - cela relève de l'éthique de la fonction publique. Leur seul critère est la qualité scientifique des fouilles.

Vous avez évoqué la re-budgétisation de la RAP. Les collectivités territoriales recevaient 2 à 3 millions d'euros à ce titre chaque année ; désormais, plus de 10 millions d'euros leur sont garantis. Nous augmentons les ressources des collectivités dans ce domaine, mais aussi leur prévisibilité. La répartition du produit de la redevance entre les communes est fixée par décret en fonction des surfaces.

Le Gouvernement a choisi de faire porter le projet de loi sur les principes et les dispositions les plus significatives. La liste des habilitations à légiférer par ordonnance est longue mais les améliorations à apporter sont importantes. L'étude d'impact en précise le champ et le contenu, et nos services sont disposés à vous communiquer au plus vite les premiers projets d'ordonnances. Quant au certificat d'exportation, il s'agit de mieux contrôler les conditions dans lesquelles les éléments du patrimoine peuvent quitter le territoire, sans porter atteinte au droit de propriété.

Les textes relatifs à la cession du patrimoine de l'État sont maintenus. L'avis de la ministre est requis et je puis saisir la Commission nationale des monuments historiques si nécessaire.

La présomption de propriété publique est consacrée pour l'ensemble du patrimoine archéologique ; nous rejoignons sur ce point de grands pays d'archéologie comme l'Italie, la Grèce, l'Espagne, l'Allemagne ou encore la Suisse. C'est une mesure de simplification. On avance que les inventeurs seront dissuadés de signaler leur découverte ; mais en réalité, les déclarations de découverte fortuite de mobiliers métalliques sont très rares : trois en 2014, 128 depuis 1941. Dans la plupart des cas, la conservation du patrimoine archéologique, qui n'est pas toujours fait d'objets précieux, est une responsabilité importante. C'est pourquoi la plupart des propriétaires renoncent à exercer leur droit en la matière. Dans le cadre des fouilles préventives menées en Poitou-Charentes depuis 2001, 90 % des propriétaires privés ont renoncé à leur droit et laissé les mobiliers à l'État.

Un dialogue a été engagé avec le ministère de l'écologie sur la question des moulins. Un groupe de travail commun a été constitué après l'examen du texte à l'Assemblée nationale ; l'une de ses premières conclusions est la nécessité de développer les contacts entre les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et les directions départementales des territoires (DDT). Il est également suggéré de signaler le caractère patrimonial des bâtiments dans la cartographie établie par les agences de gestion des cours d'eau. Enfin, des actions de formation croisées et la mutualisation des exemples d'amélioration de la continuité écologique prenant en compte le patrimoine sont envisagées. Les membres du groupe travaillent également à la mise en oeuvre opérationnelle de ces préconisations en lien avec les associations de défense des moulins.

Sur l'analyse des PSI, je suis prête à remplacer la notion de notation par celle d'appréciation à propos de la partie scientifique du projet. Travaillons-y d'ici à la séance publique !

Le crédit impôt recherche (CIR) avantage incontestablement les opérateurs privés d'archéologie préventive. Le dispositif ne vise aucun secteur en particulier et certaines dépenses d'archéologie y sont, à l'évidence, éligibles. En revanche, toute dépense en matière d'archéologie n'est pas nécessairement éligible au CIR. Un amendement adopté à l'Assemblée nationale a pour objet d'éviter un détournement du CIR et des effets d'aubaine qui entraîneraient des distorsions de concurrence. Nous avons engagé avec le ministère de l'éducation nationale une discussion afin de faire du CIR un véritable aiguillon pour l'innovation et la recherche. J'en rendrai compte d'ici à la deuxième lecture du projet. Il convient que les opérateurs publics de l'archéologie y aient accès, afin d'éviter les distorsions de concurrence.

La notion de maîtrise d'ouvrage scientifique figure dans le projet. Différentes dispositions concourent à la renforcer.

Mme Gonthier-Maurin m'a interrogée sur les abords des monuments historiques. Le code du patrimoine rend possible une réduction ou un dépassement de la distance de 500 mètres, ajustée selon les lieux. Il ne prévoit pas explicitement que ce périmètre puisse être limité à l'emprise du monument. Cette disposition figure en revanche dans le projet de loi. Je sais qu'elle inquiète certains parlementaires. Mais il existe des cas où l'environnement est très dégradé ou la protection des abords sans enjeu. La pyramide-obélisque de Juvisy-sur-Orge donne sur la route nationale 7. C'est toujours l'ABF qui propose la délimitation des abords. Je suis ouverte à une nouvelle rédaction du texte sur ce point.

Le recours à l'architecte pour le permis d'aménager des lotissements est de nature à améliorer le cadre de vie des habitants en faisant appel à des professionnels qualifiés. Le projet n'introduit pas de monopole des architectes, mais pose le principe a minima du recours nécessaire à ces derniers. Une concertation avec des professionnels de l'aménagement et les autres ministères concernés précisera par décret les lotissements visés.

On m'a interrogée sur le permis de construire simplifié. Mon objectif est que le recours à l'architecte, d'intérêt général, soit aussi naturel en France que dans de nombreux autres pays. Il n'est pas toujours synonyme de surcoût ni de complexification. On peut obtenir un meilleur résultat à un prix abaissé. Je suis favorable par principe aux expérimentations qui encouragent à mieux légiférer.

L'Assemblée nationale a inscrit dans le projet de loi le principe d'une division par deux des délais d'instruction quand le recours à l'architecte n'est pas contraint, c'est-à-dire sous le seuil dérogatoire de 150 m2. Je souhaite poursuivre cette expérimentation avec les collectivités territoriales volontaires. Très prochainement, nous lancerons un appel à manifestation d'intérêt pour éclairer la mise en oeuvre de la disposition votée par l'Assemblée nationale. Cette expérimentation déterminera les conditions de mise en place d'un contrôle par l'Ordre des architectes à l'échelon régional, pour lutter contre les éventuelles signatures de complaisance.

L'architecture d'intérieur est très importante, notamment pour l'amélioration du cadre de vie dans les logements sociaux. Je ne suis pas persuadée que la seule voie soit législative. J'ai lancé très récemment plusieurs initiatives, en particulier avec la Caisse des dépôts et consignations, dont des expérimentations de réhabilitation, de rénovation ou de construction qui mettent l'accent sur l'aménagement d'intérieur, avec de grandes fédérations d'offices HLM s'adjoignant l'expertise d'architectes d'intérieur ou de designers, afin d'anticiper les besoins futurs, compte tenu de l'évolution des familles, du vieillissement, du handicap. Ces professions seront mises à contribution pour participer à cette réflexion.

Mme Bouchoux a évoqué la photographie. Je suis favorable bien sûr au respect des droits d'auteur, qui sera, même si la gestion de la photographie est éparpillée au ministère de la culture, l'un des thèmes du Conseil national, dont j'ai annoncé la création lors des rencontres d'Arles, et qui constituera le parlement des professions de la photographie. À l'Assemblée nationale, je me suis opposée à la limitation des droits d'auteur des photographes, par l'exception de panorama.

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