C'est un honneur de revenir devant vous, à l'issue de ce mandat, pour rendre compte de l'activité de l'OFPRA et pour vous présenter ce qui pourra nourrir son action dans les trois ans à venir. Je suis conscient de la responsabilité qui m'incombe. La politique de l'asile est une grande tradition de notre République. Le Parlement l'a faite évoluer en votant la loi sur l'asile alors que l'Europe est marquée par le drame de ceux qui fuient le conflit syrien.
L'Allemagne est particulièrement engagée dans l'accueil des migrants, avec 800 000 à un million de demandeurs d'asile cette année contre 80 000 en France. Cette différence de situation résulte pour une grande part d'un effet d'optique et nous devons aller au bout de la réforme du droit d'asile voulue par le Gouvernement, en mettant en oeuvre la loi que vous avez votée en juillet dernier. Trois défis sont devant nous.
Un premier défi pour l'OFPRA sera de réduire le délai d'instruction à trois mois en moyenne pour une procédure de neuf mois au total. Dans le même temps, l'Office devra gagner en réactivité pour répondre aux situations d'urgence, comme à Calais, par exemple, où l'on a enregistré plus de 2 000 demandes d'asile depuis un an, ou bien en régions, à Lyon, Metz, Bordeaux, Lille, Grenoble ou Cayenne, où des équipes de l'OFPRA se déploient pour instruire des demandes d'asile. Enfin, troisième défi à relever, l'arrivée des personnes dans le cadre de la relocalisation au titre des dispositifs européens qui se mettent en place aux frontières extérieures de l'Union. L'Office a plus que jamais un rôle à tenir pour installer dans notre pays une politique d'accueil des réfugiés organisée, maîtrisée et qui comporte toutes les précautions nécessaires.
Durant les trois dernières années, les progrès que l'on a pu constater dans l'action de l'OFPRA sont dus à la mobilisation de ses agents, dont j'ai maintes fois pu admirer l'expertise et l'engagement, mais aussi aux moyens supplémentaires que le Parlement et le Gouvernement ont bien voulu nous donner. L'Office a vu ses effectifs augmenter de 40 %, avec le budget afférent, ce qui est remarquable en période de maîtrise des déficits publics. L'Office a également bénéficié de la collaboration de l'ensemble des acteurs en s'inscrivant dans une chaîne d'actions, d'interventions, qui sont le fait de l'administration, mais aussi d'associations et de citoyens.
Premier point satisfait du contrat d'objectifs et de performance que nous avions signé avec le ministre de l'intérieur et celui du budget : l'OFPRA a progressé dans sa mission première, en offrant une protection toujours plus efficace, bienveillante et rigoureuse à ceux qui relèvent du droit d'asile. Alors qu'il y a trois ans, les statuts de protection étaient surtout reconnus par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), l'Office en reconnaît désormais les trois-quarts, avec un taux de protection global qui a augmenté de 24 % à 31 %, et de 9 % à 22 % à l'Office. Grâce à sa réforme interne et en se montrant capable d'intégrer la jurisprudence de la Cour, l'Office s'est donné les moyens d'identifier un besoin de protection dès sa première instance. Il exploite pour cela toute une série de travaux conduits par des agents référents sur des besoins de protection aussi difficiles à déterminer que ceux des femmes victimes de violence, des personnes victimes de la torture, des mineurs isolés, des victimes de la traite des êtres humains, ou bien encore de ceux qui sont persécutés dans leur pays d'origine en raison de leur orientation sexuelle.
Deuxième point qui devrait vous satisfaire : en trois ans, l'Office a réduit de 36 % le nombre de demandes d'asile en attente d'instruction depuis plus de trois mois, le « stock » en jargon technique. Bien sûr, nous avons bénéficié d'une stabilisation du nombre des demandes d'asile depuis l'été. Mais, c'est surtout aux efforts de l'OFPRA et de ses agents que l'on doit cette réussite, puisque l'activité de l'Office a augmenté de 27 %. En plus des effectifs supplémentaires, les réformes dans l'organisation du travail ont porté leurs fruits, de sorte que nous avons atteint l'objectif de gain d'efficacité sur lequel je m'étais engagé.
Quant à l'amélioration des conditions de travail des agents de l'Office, elle est évidente, puisque le taux de rotation des officiers de protection à l'instruction a diminué de 16 % à 9 % en trois ans. Une politique des ressources humaines très active, le recrutement de titulaires, le renforcement du dialogue social avec les organisations syndicales ont été autant de facteurs positifs.
L'Office a encore du chemin à parcourir pour assurer pleinement sa mission de protection et pour s'adapter à un contexte très évolutif. Les premières propositions que j'ai adressées au ministre de l'intérieur et à celui du budget pour l'élaboration du contrat d'objectifs et de performance des années 2016 à 2018 tiennent compte de ces changements, ainsi que de la nécessité de mettre en oeuvre la loi que vous avez votée.
L'Office doit tout d'abord poursuivre sans relâche ses efforts pour mieux protéger. Nous devrons par conséquent amplifier les réformes de l'expertise de l'instruction, en tenant compte des dispositions de la nouvelle loi. La création d'une charte de l'interprétariat est un chantier sur lequel il sera essentiel d'avancer.
L'Office doit également réaliser l'objectif moyen de trois mois fixé pour le délai d'instruction des dossiers. Il faudra poursuivre la réforme de l'organisation du travail, systématiser les missions foraines, réussir la relocalisation à travers des missions d'instruction, de manière à atteindre cet objectif à la fin de l'année 2016.
Un troisième objectif consiste à améliorer les services aux usagers. L'Office doit pouvoir délivrer des actes d'état-civil à ceux qu'il protège, dans des délais raisonnables. Les effectifs supplémentaires qui ont déjà été mis à notre disposition au titre du plan « Migrants » voulu par Bernard Cazeneuve, ou qui le seront dans le cadre de la loi de finances pour 2016, devraient y contribuer.
Quatrième objectif : je souhaite que l'OFPRA effectue un saut numérique, pour que chaque demandeur d'asile ait accès à un compte personnalisé qui rende compte de l'état de la procédure dont il fait l'objet.
Enfin, je souhaiterais poursuivre l'amélioration des conditions de travail des agents de l'Office, qui passe par une évolution de leurs statuts, comme l'ont acté le ministre de l'intérieur et celui de la fonction publique. Si les statuts propres dont les agents bénéficient depuis 1993 ont l'avantage de préserver leur indépendance, ils sont un frein à la mobilité. Les officiers de protection devraient pouvoir évoluer dans une dynamique interministérielle, préservant l'indépendance de l'institution qui continuera à les gérer, sur le modèle de ce qui se fait à l'ONF ou à la Caisse des dépôts et consignations. La mise en oeuvre du télétravail et la modernisation du management sont deux autres chantiers sur lesquels il faudra travailler. De manière générale, il conviendra d'adapter le fonctionnement de l'Office à son changement de dimension, car on est passé de 455 agents à 620 agents en trois ans, soit une augmentation des effectifs de 40 %. C'est à cette condition que l'OFPRA pourra exercer sa mission pleinement et de manière impartiale.