Intervention de Pascal Brice

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 décembre 2015 à 14h35
Audition de M. Pascal Brice candidat proposé par le président de la république aux fonctions de directeur général de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ofpra

Pascal Brice, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'OFPRA :

Monsieur Buffet, dans notre pays, le nombre des demandes d'asile connaît une évolution depuis cet été. Il avait doublé entre 2007 et 2013, ce qui a conduit à des temps d'instruction longs. Il s'était stabilisé et avait même légèrement baissé en 2014. Cette stabilisation s'est maintenue jusqu'à l'été 2015, où les demandes ont repris en hausse de 15 % par rapport à la même période en 2014. Cette hausse devrait atteindre 17 % sur l'ensemble de l'année 2015, soit 75 000 à 80 000 demandes d'asile contre 65 000 en 2014. Cette hausse intègre les 2 150 demandes d'asile formulées à Calais depuis novembre 2014. Elle rend également compte de la mise en place des guichets uniques qui a réduit le temps d'enregistrement en préfecture de plusieurs mois à trois jours, provoquant une hausse conjoncturelle du nombre des demandes d'asile. S'y ajoutent les 3 000 personnes des campements parisiens que l'OFPRA, le préfet de région et la maire de Paris ont mis à l'abri depuis l'été. Enfin, le contexte européen explique également cette augmentation, même si notre situation n'a rien de comparable avec celle de l'Allemagne.

Les missions foraines constituent un outil essentiel pour renforcer l'efficacité de nos interventions auprès des demandeurs d'asile. Nous collaborons avec les préfectures et le monde associatif, et nous diminuons le temps d'instruction des dossiers. Il faudra continuer à développer ces missions, très utiles pour traiter le problème de l'hébergement, comme on l'a vu récemment à Lyon ou à Metz. L'Office devrait prochainement intervenir à Cayenne où il y a une augmentation importante de la demande d'asile en provenance d'Haïti.

L'OFPRA se prépare à accueillir dans les deux ans à venir 30 000 demandeurs d'asile syriens, érythréens et irakiens, en besoin manifeste de protection, conformément aux décisions européennes. L'Office participe au dispositif de relocalisation, en mettant six de ses agents à disposition du Bureau européen d'appui à l'asile. Ils interviennent dans les hot spots pour informer les migrants sur le dispositif. In fine, le rôle essentiel de l'OFPRA restera d'instruire la demande d'asile, comme dans la procédure de droit commun. Il y a quelques semaines, dix-neuf personnes sont arrivées en Loire-Atlantique dans le cadre du dispositif de relocalisation. Une mission foraine est allée les rencontrer, et l'une de nos équipes a instruit leur demande d'asile. Cela implique de confirmer le besoin de protection des demandeurs et d'identifier les profils à risque, grâce à l'expertise de nos agents et aux outils nouveaux que nous donne la loi sur l'asile.

Madame Tasca, nous n'avons pas eu de difficulté à recruter 180 nouveaux agents depuis l'été. Une annonce dans Le Monde a suffi pour susciter l'engouement. Les profils sont féminins à 70 %, jeunes (moins de quarante ans), de formation juridique ou Sciences Po, avec une expérience internationale. Nous les formons en interne pendant six mois. Compte tenu du coût que cela représente en termes d'efficacité globale de l'Office, nous avons apprécié de pouvoir recruter des titulaires, et nous vous en remercions. Si les contractuels qui représentent 25 % de nos agents font un travail d'une qualité incontestable, ils alimentent le turnover. Mieux vaudrait continuer à recruter des titulaires, d'autant que 45 % de nos officiers d'instruction restent encore des contractuels.

Quant à nos relations avec la CNDA, il sied au justiciable que je suis de s'exprimer avec mesure à propos de son juge, surtout devant la commission des lois. Nous entretenons d'excellentes relations avec la Cour et je souhaite que nous poursuivions notre travail dans un respect mutuel. MM. Leconte et Frassa nous ont encouragés dans leur rapport de 2012 à mieux intégrer la jurisprudence de la Cour et à partager nos analyses sur la situation dans les pays d'origine pour mieux identifier le besoin de protection.

Monsieur Collombat, je me suis exprimé sur la différence d'appétence que les migrants ont pour la France et pour l'Allemagne, au retour de la mission que le Président de la République m'avait confiée en septembre, à Munich. Il s'agit d'un effet d'optique. Ma conviction est que l'Allemagne attire, sans que cela signifie pour autant que la France n'attire pas. Si les migrants se rendent en Allemagne, c'est pour rejoindre les communautés de compatriotes qui s'y trouvent parfois depuis longtemps : celle des kurdes syriens, par exemple, depuis les années soixante-dix, dans l'industrie automobile. La situation du travail et de l'emploi joue également, ainsi que les délais d'instruction. En France, ces délais découragent ceux qui ont un besoin de protection et encouragent ceux qui ne relèvent pas du droit d'asile. Nous devons travailler à mettre en place une politique d'accueil des réfugiés digne, maîtrisée et organisée.

Que devient un réfugié qui a obtenu ses papiers, Monsieur Collombat ? C'est une bonne question qui a commencé à se poser lors de mon premier mandat. Auparavant, nous considérions qu'un demandeur d'asile qui obtenait le statut de réfugié tombait dans le droit commun et pouvait vivre sa vie comme il l'entendait. Or, à Calais et dans les campements parisiens, nous avons rencontré des gens qui étaient protégés par l'Office mais qui avaient un problème d'accès au logement. D'où le plan « Migrants » porté par Bernard Cazeneuve au printemps. Notre pays est riche de structures, d'associations, d'initiatives diverses facilitant l'accueil des réfugiés. Une volonté politique est à l'oeuvre pour les rendre efficaces, sous l'égide de Mme Pinel et de M. Cazeneuve. Nous y prendrons notre part.

Monsieur Leconte, je suis comptable de ce que l'Office fait ou ne fait pas. La réforme de l'asile et des délais d'instruction doit intervenir à tous les niveaux, que ce soit à l'OFPRA, dans les préfectures ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). C'est un défi permanent. Je n'ai pas d'inquiétude, car je suis témoin des moyens accordés par le ministre de l'intérieur et des réformes engagées par les préfectures et par l'OFII. La réussite de la réforme du premier accueil est une nécessité absolue. Lorsqu'un demandeur d'asile vient à l'OFPRA, la manière dont la procédure d'accueil est engagée et dont il est accompagné au sein de sa structure d'hébergement influe profondément sur notre capacité à lui assurer ensuite la protection dont il a besoin. Quant à la CNDA, je ne doute pas qu'elle mettra en oeuvre la réforme du juge unique dans de bonnes conditions. Nous avons d'excellentes relations, nous faisons en sorte de partager nos informations utiles et sa jurisprudence.

Fervent européen, je ne peux que souhaiter la convergence européenne. Le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel l'ont appelée de leurs voeux à plusieurs reprises. Nous devons continuer à progresser sur le partage d'analyses de la situation des pays d'origine. Telle est la vocation du Bureau européen d'appui à l'asile. Dès lors que les directives européennes harmonisent les procédures, il convient de rapprocher les modalités d'instruction en cours dans les différents pays. La relocalisation nous donne l'occasion de progresser en la matière, avec en perspective finale, de mon point de vue personnel, la constitution d'un OFPRA européen. Encore faudrait-il que les différents pays européens harmonisent le statut des autorités de détermination. Bien entendu, en ce cas, je serais heureux que le modèle français puisse prévaloir, qui repose sur l'indépendance de l'Office.

Madame Benbassa, il revient au ministre de l'intérieur de décider des conditions dans lesquelles les personnes sont placées en rétention ou non. L'OFPRA dispose néanmoins d'une responsabilité fondamentale : veiller au bon exercice du droit à l'asile, y compris en rétention. Conformément à la loi que vous avez votée, les personnes ont un délai de cinq jours pour demander l'asile. À la suite de l'arrêt Cimade du Conseil d'État, le ministre de l'intérieur a rappelé dans une circulaire que seul l'OFPRA était juge de la validité de ce délai. Nous avons quatre jours pour statuer, et nous faisons plein usage de notre faculté de sortir une demande d'asile de la procédure accélérée lorsque cette demande concerne une personne en rétention. En accord avec les services de la police aux frontières, nous avons tenu à renforcer la confidentialité des décisions de l'Office, afin que seul le demandeur d'asile placé en rétention en ait connaissance. Je peux vous assurer de mon extrême vigilance à cet égard. Le rôle de l'Office n'est pas d'apprécier telle ou telle décision du ministre de l'intérieur ou des préfets, mais de s'assurer que le droit d'asile est respecté en rétention.

Monsieur Vandierendonck, la situation à Calais nous mobilise pleinement. L'Office s'est donné pour objectif de faire vivre le droit d'asile là où il n'existait pas. Le ministre de l'intérieur a rendu la sous-préfecture de Calais compétente et renforcé les moyens de l'OFII. L'OFPRA s'est mobilisé depuis plus d'un an pour inciter les migrants de Calais à demander l'asile. Nous avons mis en place un dispositif grâce auquel le délai d'instruction des dossiers est inférieur à trois mois, et cela dans un contexte contraint. Grâce à la mobilisation de tous, le droit d'asile a désormais droit de cité à Calais. Depuis un an, 2 150 personnes ont demandé l'asile. En ce qui concerne les mineurs, nous travaillons en collaboration étroite avec l'association France terre d'asile, à Saint Omer.

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