Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales.
La norme n’est pas en elle-même à combattre, car elle est utile et même nécessaire dans un État de droit et une société qui se veut développée. Le problème vient de l’inflation normative, qui asphyxie l’action publique et freine les initiatives locales. Cette inflation a de plus un coût très élevé : de 2008 à 2013, le coût brut des normes nouvelles pour les collectivités territoriales a été estimé à 5, 8 milliards d’euros.
Dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, le gouvernement de Manuel Valls a engagé une action résolue concernant la maîtrise des normes applicables aux collectivités territoriales. Le dispositif repose sur le CNEN, le Conseil national d’évaluation des normes, et sur deux circulaires du Premier ministre, l’une du 17 juillet 2013 et l’autre du 9 octobre 2014, qui fixent un objectif et affirment une volonté.
L’objectif concerne le flux des normes nouvelles : à compter de 2015, toute charge financière liée à l’impact d’une réglementation nouvelle doit être compensée par un allégement équivalent.
La volonté porte sur le stock, avec la mise en œuvre de plusieurs vagues de simplification de normes existantes.
En janvier 2016, un premier bilan de cette action peut être mené.
S’agissant du flux, l’objectif « zéro charge nouvelle » fixé par le Premier ministre à la fin de 2014 a été tenu en 2015. Mais plus que les chiffres, qui reposent sur des estimations et sont donc toujours sujets à contestations, c’est la tendance qu’il faut considérer. Celle-ci est claire : avec les mêmes références, que l’on prenne le coût brut ou le coût net, on constate une diminution réelle et non contestée du poids financier des normes nouvelles sur les collectivités locales.
Si cette inflexion est majeure et si nous devons collectivement nous en féliciter, le dispositif peut et doit être encore amélioré. Je pense notamment à la qualité de l’évaluation des conséquences financières des textes présentés. Certaines évaluations réalisées par les ministères prêtent à débat, voire à critiques, parfois justifiées. Les administrations centrales doivent donc fournir au CNEN des évaluations plus précises et non contestables. Une circulaire a ainsi été envoyée par le Premier ministre le 12 octobre dernier à tous les membres du Gouvernement pour leur rappeler que ces évaluations financières doivent être aussi précises que possible.
Il faut également que les échanges entre les associations d’élus et les administrations centrales soient plus étroits et plus constructifs. Trop souvent, l’administration considère avoir engagé une concertation en envoyant un simple e-mail ou en organisant une seule réunion d’information. Les administrations centrales doivent accepter de débattre et, éventuellement, de modifier les textes en fonction des échanges avec les associations d’élus. Or les procédures d’urgence devant le CNEN sont encore trop nombreuses, empêchant ce nécessaire dialogue.
Le président Lambert s’était ouvert au Premier ministre et à moi-même du trop grand nombre de saisines en urgence du CNEN. Nous avons essayé d’y remédier. Des progrès ont été enregistrés en 2015 – M. Lambert en convient –, mais ils sont encore insuffisants.
Concernant le stock de normes applicables aux collectivités territoriales, des actions complémentaires et coordonnées, destinées à permettre l’identification de normes pouvant être abrogées ou simplifiées, ont été engagées dès la fin de l’année 2014. Une mission d’inspection a été mandatée en février 2015 pour faire ressortir des normes contestables et discuter de leur bien-fondé. Elle a rendu en juillet son rapport, qui comporte une liste de 76 propositions précises, regroupées par thématiques : fonctionnement des collectivités, sécurité civile, accessibilité, formation professionnelle, marchés publics, normes budgétaires et comptables, normes sportives, urbanisme.
Par ailleurs, six ateliers thématiques ont été réunis par mon cabinet. Ils regroupaient les associations d’élus, des acteurs du terrain, notamment des élus locaux de base – l’expression n’est pas péjorative –, ainsi que des praticiens de la norme, à savoir des DGS, des directeurs généraux des services, et des DST, des directeurs des services techniques, issus de communes et de départements de toutes tailles. Ces ateliers ont porté sur la gestion, l’entretien et l’exploitation des bâtiments publics, les installations et les réglementations sportives, le fonctionnement des collectivités territoriales, les marchés publics, les normes budgétaires et comptables et le secteur social.
À la suite de cette mission d’inspection et de ces ateliers thématiques, deux séries de simplification ont été menées. La loi NOTRe a intégré seize mesures de simplification, dont douze étaient directement issues d’un rapport et d’une proposition de loi, dont je salue la qualité, du sénateur Doligé. Par ailleurs, dix-huit mesures de simplification ont été annoncées le 14 septembre dernier à Vesoul, lors du comité interministériel aux ruralités. Elles concernent essentiellement la gestion des bâtiments publics et l’urbanisme, les activités sportives et le fonctionnement des collectivités locales. J’aurai l’occasion demain, lors de l’examen de la proposition de résolution déposée par M. Jean-Marie Bockel, de vous donner, mesdames, messieurs les sénateurs, des exemples très concrets de ces mesures de simplification, qui concernent aussi bien le degré d’inclinaison des rebords de piscine que la façon dont on doit fixer au sol les cages de foot ou les poteaux de rugby.
Une nouvelle vague de simplification est en cours, qui porte notamment sur les marchés publics et la comptabilité publique. Pour accélérer la cadence, deux évolutions seront lancées en 2016.
La première concerne un renforcement du dispositif gouvernemental, avec la mise à disposition d’une équipe du SGMAP, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, pour la préparation des ateliers et le suivi – c’est peut-être le plus important – des mesures de simplification décidées.
La seconde évolution visera le renforcement du rôle du CNEN. Comme je m’y étais engagé ici même le 20 mai dernier, le décret concernant la saisine du CNEN a été modifié. Alors qu’il fallait cent maires ou dix présidents de conseil départemental ou deux présidents de conseil régional pour saisir le CNEN, tout élu peut désormais saisir directement cette instance d’une demande d’évaluation d’une norme qu’il juge inutile ou trop coûteuse. La publication de ce décret a pris un peu de temps, car son examen par le Conseil d’État, qui a demandé au Gouvernement de revoir sa copie, s’est avéré particulièrement long. Désormais, le maire d’une petite commune peut saisir le CNEN d’une demande de simplification ou d’allégement de normes.
Le CNEN pourra confier son instruction aux services de l’administration de l’État dont la norme est critiquée. C’est une évolution très importante. Nous devons, mesdames, messieurs les sénateurs, la faire connaître aux élus. Comme vous, je participe à de nombreuses cérémonies de vœux dans mon canton. C’est pour moi l’occasion d’indiquer aux élus qu’ils peuvent saisir directement le CNEN de toute norme qu’ils jugent excessive ou trop coûteuse.
Nous pourrions, comme l’a suggéré Alain Lambert…