Intervention de André Vallini

Réunion du 12 janvier 2016 à 14h30
Compensation des charges applicables aux collectivités territoriales — Adoption d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission modifié

André Vallini, secrétaire d'État :

… lors de ma dernière venue au CNEN – je participe en effet régulièrement aux travaux de cette instance –, développer les guides de bonne pratique. Nous réglementons trop, de façon trop tatillonne, alors que, sur de nombreux sujets, un référentiel suffirait pour guider l’action des élus. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que nous mettions cela en pratique à titre expérimental sur le fondement d’une réglementation à définir entre nous, en faisant en sorte que la rédaction de ce référentiel, de ce guide de bonnes pratiques se fasse en concertation entre les administrations et les associations d’élus. Beaucoup de sujets sont envisageables ; je pense par exemple aux normes relatives à la qualité des aliments servis dans les cantines ou encore à des réglementations techniques sur les bâtiments notamment sportifs, comme les piscines, les gymnases ou les patinoires. De ce point de vue, j’attends évidemment vos propositions, qui, je n’en doute pas, seront très intéressantes.

Enfin, après avoir évoqué le flux et le stock, je voudrais vous parler de l’application des normes.

L’inquiétude exprimée par les élus locaux, leur mécontentement parfois, voire leur colère, concernent au moins aussi souvent l’application de la norme que la norme elle-même. Cela est notamment le cas dans les petites communes, qui ont peu de moyens techniques et humains et qui ne disposent pas nécessairement des moyens financiers pour adapter leur patrimoine – bâti notamment – ou leurs actions aux normes en vigueur ou aux normes nouvelles. La question est alors moins celle de la norme nationale que celle de son application sur le territoire. Les élus doivent pouvoir trouver auprès des préfectures et des services déconcentrés de l’État les éléments nécessaires à la compréhension des normes applicables ou à l’explication des normes nouvelles. Ils doivent également être accompagnés et conseillés dans la mise en œuvre de ces normes, en particulier si celles-ci entraînent des adaptations complexes ou coûteuses pour la collectivité.

Dans cette perspective, la réforme actuelle de l’administration territoriale de l’État devra permettre d’accompagner les élus mieux encore qu’aujourd’hui. Aussi, lors de mes déplacements hebdomadaires dans les départements, comme celui de M. Pointereau il y a quelques mois, ou en Vendée après-demain ou encore en Lozère la semaine prochaine, j’insiste pour que les préfectures, les sous-préfectures et les services de l’État soient davantage facilitateurs dans la mise en œuvre des normes. Comme cela a été dit précédemment, il faut un véritable changement de culture de l’administration : elle a certes pour mission de veiller à ce que la norme soit correctement appliquée, mais elle doit aussi aider les élus à l’appliquer au mieux et de la façon la plus adaptée et la plus pragmatique.

Voilà pourquoi j’ai suggéré au Premier ministre d’envoyer une instruction aux préfets et aux chefs de services des administrations déconcentrées leur prescrivant une interprétation facilitatrice des normes et l’accompagnement des élus. Cette circulaire est en cours de finalisation et leur sera adressée dans les prochains jours. À ce sujet, je reprends volontiers à mon compte l’expression québécoise d’« accommodement raisonnable ». Bien qu’elle signifie à peu près la même chose, l’expression est plus imagée encore que celle d’« interprétation facilitatrice ».

Pour mieux accompagner les collectivités locales, l’État doit également renforcer son ingénierie au service des collectivités locales, notamment au service de celles qui sont les moins dotées. Aussi la mesure 36 du comité interministériel aux ruralités de Vesoul prévoit-elle l’élaboration d’une directive nationale d’orientation relative à l’ingénierie de l’État dans les territoires. Elle est en cours de concertation interministérielle et devrait être adressée sous peu aux préfets.

Enfin, je voudrais évoquer une autre des formes de simplification administrative mise en place par le Gouvernement, à savoir l’application aux collectivités locales du principe selon lequel « silence vaut acceptation ». Ce n’est certes pas tout à fait l’objet de la proposition de loi constitutionnelle, mais je tiens tout de même à en parler. En effet, cela participe de ce mouvement général de simplification de la vie que nous appelons de nos vœux pour nos concitoyens et pour les élus locaux.

Aux termes de la loi du 12 novembre 2013, le silence gardé par l’administration sur une demande vaut désormais acceptation. Ce principe, qui est applicable depuis le 12 novembre 2014 aux administrations de l’État et à ses établissements publics, l’est également aux collectivités locales depuis le 12 novembre dernier. Il concernera 260 procédures applicables aux collectivités locales, soit environ 70 % des procédures éligibles. Il s’agit là d’une petite révolution silencieuse, qui facilitera toutefois grandement la vie de nos concitoyens comme celle des élus.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, l’action du Gouvernement en matière de lutte contre l’inflation normative est résolue, déterminée et quotidienne pour ce qui me concerne.

J’en viens au texte même de la proposition de loi constitutionnelle qui nous réunit aujourd’hui.

Comme cela a été évoqué lors de l’examen du texte en commission, la création d’un mécanisme de gage créerait une charge financière supplémentaire et serait en contradiction avec l’article 40 de la Constitution. En outre, une telle disposition pourrait bloquer de nombreuses initiatives. En effet, comment confier un jour aux régions, à titre expérimental, une compétence en matière d’accompagnement vers l’emploi, sauf à supprimer une compétence régionale de charge équivalente ?

Quant à la disposition sur la surtransposition des textes européens, elle obligerait le Conseil constitutionnel à contrôler le respect du droit de l’Union européenne, remettant ainsi en cause la hiérarchie des normes. J’ajoute que cette disposition dérogerait directement à l’article 44 de la Constitution selon lequel « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement ». Plus largement, il est de la responsabilité du pouvoir politique d’apprécier l’opportunité d’aller au-delà d’une simple transposition d’un texte européen.

Votre commission des lois, comme l’a dit le rapporteur Jean-Pierre Vial, a très profondément modifié les deux articles de la proposition de loi constitutionnelle. Toutefois, de l’impossibilité juridique, nous sommes passés à la déclaration d’intention…

L’article 1er du texte prévoit désormais l’insertion d’un nouvel article après l’article 39 de la Constitution. Son premier alinéa se borne à une déclaration de principe, peu explicite, qui concernerait l’ensemble des textes, et pas seulement ceux applicables aux collectivités territoriales. La portée générale de ce nouvel article pourrait entraîner une jurisprudence très contraignante, source d’instabilité juridique. En effet, les objectifs de simplification et de clarification du droit deviendraient constitutionnels et seraient donc invocables lors d’une question prioritaire de constitutionnalité par exemple. Quant au second alinéa, il n’apporte rien de nouveau, puisque le Gouvernement est d’ores et déjà soumis à une obligation d’évaluation au travers des études d’impact qui doivent accompagner les projets de loi.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour faire reculer la prolifération normative, ce que nous souhaitons tous, il est inutile de réviser la Constitution. Privilégions plutôt la volonté, plus précisément la volonté politique, ce dont le Sénat comme le Gouvernement ne manquent pas ! Je souhaite que Sénat et Gouvernement continuent ensemble à œuvrer pour atteindre l’objectif primordial que sont la simplification des normes et l’allégement de leur coût pour les collectivités locales. Voilà pourquoi le Gouvernement considère qu’il n’est pas opportun d’adopter cette proposition de loi constitutionnelle.

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