Intervention de René Vandierendonck

Réunion du 12 janvier 2016 à 14h30
Compensation des charges applicables aux collectivités territoriales — Question préalable

Photo de René VandierendonckRené Vandierendonck :

… et Jean-Claude Boulard en 2013, qui décrivait parfaitement le phénomène de sédimentation des normes, comme les différentes couches d’une géologie normative.

Personnellement, je me contenterai de dresser quelques constats.

Le Gouvernement a engagé plusieurs mesures de simplification des normes applicables aux collectivités locales. Un tel chantier était d’autant plus indispensable que, entre 2008 et 2013, la charge brute des normes nouvelles mises à la charge des collectivités territoriales a été estimée à 5, 8 milliards d’euros.

Le Gouvernement a donc entrepris un plan d’action tant sur le flux que sur le stock des normes. À cet égard, je souligne que c’est sur l’initiative du Sénat, comme M. le rapporteur a eu l’élégance de le mentionner, et plus particulièrement de nos collègues Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, que « la chenille est devenue papillon » : la Commission consultative d’évaluation des normes est en effet devenue le Conseil national d’évaluation des normes. Ce dernier dispose désormais de pouvoirs renforcés, même s’il est vrai que les conditions de saisine du Conseil écartaient beaucoup d’initiatives des élus jusqu’à présent. En effet, le CNEN ne pouvait être saisi que par un minimum de cent maires. Heureusement, ces modalités de saisine ont été récemment assouplies. Aujourd’hui, il faut donc saluer l’existence de ce CNEN !

Par ailleurs, le Gouvernement a pris une autre décision importante, à savoir le gel des normes. Je rappelle que, en juillet 2010, François Fillon, alors Premier ministre, avait tenté de le mettre en œuvre avec un succès mitigé. Désormais, le gel de normes est entré en vigueur par une circulaire de juillet 2013. On importe dans notre culture gouvernementale le dispositif britannique du « one-in, one-out » afin d’éviter la prolifération des normes.

En outre, la circulaire du 9 octobre 2014 prévoit que l’impact financier net des normes nouvelles sur les collectivités soit nul dès le 1er janvier 2015.

Mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les douze mesures issues de la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé qui ont été intégrées dans la loi NOTRe, car cela a déjà été évoqué. Je ne reviendrai pas davantage sur les importantes avancées qui ont été annoncées lors du comité interministériel aux ruralités de Vesoul. J’en arrive donc à l’essentiel : faut-il à ce stade réviser la Constitution pour atteindre les objectifs fixés dans la présente proposition de loi constitutionnelle ? À mon sens, cette révision n’est pas nécessaire, et je vais tâcher de vous le montrer.

Figurez-vous que l’action du CNEN ainsi que celle du Secrétariat général du Gouvernement ont fait l’objet d’une analyse attentive de la part de la Cour des comptes. Personne ne l’a évoqué jusqu’ici, mais la Cour des comptes a publié un important rapport sur les finances publiques locales en octobre 2015 qui montre bien ce qu’il reste à améliorer. Dans ce rapport, il est précisé que « l’évaluation de l’impact des textes applicables aux collectivités territoriales relève de deux instances, l’une politique, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), dont le secrétariat est assuré par la direction générale des collectivités locales (DGCL), et l’autre, administrative, le Secrétariat général du Gouvernement (SGG), responsable de la mise en œuvre d’un “moratoire” qui ne recouvre qu’une partie des textes réglementaires comportant une dimension normative ».

Par ailleurs, il y est indiqué qu’il reste cependant « difficile d’apprécier de façon globale l’impact des normes sur les finances publiques locales du fait de l’existence de ces deux instances, aux objectifs, champs d’intervention et méthodes de chiffrage distincts, chargées de se prononcer sur l’évaluation des divers coûts et gains induits par les textes ». C’est là-dessus qu’il conviendrait de travailler !

Enfin, on peut y lire que, « si les mêmes fiches d’impact leur sont transmises par les ministères producteurs de normes, le CNEN et le SGG les exploitent de façon différente en fonction de leurs missions respectives » et que, « de surcroît, ces fiches souffrent parfois d’une fiabilité insuffisante ».

La critique émise dans le rapport de la Cour des comptes est constructive, puisqu’elle reconnaît malgré tout les avancées réalisées. Toutefois, mes chers collègues, vous voyez bien que, pour avancer aujourd’hui dans la lutte contre l’inflation normative, il n’est en aucun cas nécessaire de réviser la Constitution.

Une autre préconisation importante de la Cour des comptes consiste à accroître la portée des avis rendus par le Conseil national d’évaluation des normes, en étendant la publicité faite à l’évaluation du coût des normes et en renforçant le suivi, c’est-à-dire la transparence quant aux suites données à ces avis.

Dès lors, monsieur le rapporteur, si je salue sincèrement l’immense travail de réécriture que vous avez réalisé dans un temps restreint sur cette proposition de loi constitutionnelle, je reste sur ma faim, car je ne vois nulle part comment l’évaluation préalable de toute mesure nouvelle ou toute aggravation d’une mesure sur les compétences des collectivités territoriales s’articulera avec la loi organique du 15 avril 2009 établissant le dispositif des études d’impact.

Je me pose aussi d’autres questions. Pourquoi modifier l’article 39 de la Constitution plutôt que l’article 72-2, qui fixe les principes relatifs aux finances locales et aux relations entre l’État et les collectivités ? Le dispositif d’encadrement des transpositions des directives européennes est juridiquement distinct, à mes yeux, de l’objet de l’article 1er de cette proposition de loi constitutionnelle. La disposition proposée par M. Pointereau ne contribue-t-elle pas à faire du Parlement une simple chambre d’enregistrement du droit européen, niant ainsi le droit d’amendement et les prérogatives des deux assemblées ?

Au regard de ces incertitudes, et fidèles à la fameuse phrase que Philippe Bas, président de la commission des lois, avait lancée dans cette enceinte le 17 novembre dernier - « La Constitution est le pacte fondamental qui unit tous les Français. Il n’en est pas de plus élevé. On ne doit la réviser que pour des raisons impérieuses. » -, nous considérons que, pour atteindre les objectifs fixés, que nous partageons, il n’est pas nécessaire de recourir à une révision de la Constitution.

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