Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 12 janvier 2016 à 14h30
Compensation des charges applicables aux collectivités territoriales — Discussion générale

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Certaines médications ont été identifiées ; je pense en particulier au rôle du Conseil national d’évaluation des normes, que préside Alain Lambert. Nous avons poussé ses prérogatives aussi loin que possible en adoptant la loi du 17 octobre 2013, sur la proposition de nos collègues Jacqueline Gourault, alors présidente de la délégation, et Jean-Pierre Sueur, alors président de la commission des lois.

C’était nécessaire, mais cela reste insuffisant : pour traiter en profondeur la maladie de la norme, il faut aborder la Constitution, il faut instiller dans l’élaboration de la loi des règles curatives du mal que nous avons à combattre. Quand on compare avec les pays qui nous entourent – je pense en particulier à l’Allemagne, limitrophe du département dont je suis l’élu –, on voit qu’il faut un moment donné renverser la table et prendre des mesures fortes. À défaut, les vieilles habitudes et la maladie reprennent le dessus.

Bien entendu, il faut de l’expérience, et même du tact, pour modifier la Constitution – sujet d’actualité – ; nous en sommes parfaitement conscients. C’est pourquoi nous sommes heureux du travail accompli par la commission des lois sur le texte que nous lui avons proposé, et nous nous félicitons de l’échange fructueux qui a eu lieu avec son rapporteur, Jean-Pierre Vial, qui est aussi membre de notre délégation, pour élaborer le meilleur texte possible. Cette collaboration succède à celle que je viens de rappeler entre Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. On voit que, pour dresser le cadre institutionnel et juridique de la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, il est bon que s’associent, chacune dans son rôle, la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales.

Cette association nous a permis de progresser sur plusieurs axes.

La maladie de la norme se manifeste sous des formes très diverses appelant chacune son propre traitement. Dans le rapport qu’il a consacré l’année dernière à la problématique de la transition énergétique, Rémy Pointereau, premier vice-président de notre délégation chargé de la simplification des normes, s’est attaché à esquisser un début de typologie très utile à cet égard, distinguant six catégories de dispositions qui créaient une aggravation des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales.

Cette typologie permet de constater que la simplicité normative se heurte à trois tendances principales bien connues : la tentation de donner à l’idéal politique une traduction juridique aussi ambitieuse et détaillée que possible ; l’indifférence aux conditions financières de mise en œuvre des règles que l’on institue – je caricature un peu – ; la propension à négliger ce que la surcharge rédactionnelle ou procédurale peut représenter du point de vue de l’efficacité.

La modification constitutionnelle à laquelle nous souhaitons aboutir à l’issue de nos échanges avec la commission des lois tend à instaurer des principes modérateurs dans ces trois directions.

Le premier principe est celui de la sobriété normative : il doit dissuader de surcharger les mesures de transposition des textes européens avec des dispositions superfétatoires au regard de nos obligations européennes – d’autres pays européens, cela a été dit, ont une vision et une pratique beaucoup plus sobres en la matière – ; il doit aussi permettre la compensation des normes nouvellement créées par la suppression de normes équivalentes. C’est cette philosophie que chacun doit avoir à l’esprit. Tout à l’heure, René Vandierendonck, même si je n’étais pas d’accord avec ses conclusions, et le secrétaire d’État ont dit des choses assez justes des différents leviers sur lesquels il convient d’agir. Nous n’avons pas le sentiment que cette modification de la Constitution que nous proposons est l’alpha et l’oméga, mais elle doit être un tournant et concrétiser cet engagement.

Le deuxième principe est celui de la responsabilité normative, en vertu duquel le prescripteur, en l’occurrence l’État, doit aussi être le payeur des charges découlant des normes qu’il crée. Des dispositions en ce sens existent déjà à l’article 72–2 de la Constitution ; nous souhaitons les compléter en fonction de l’expérience acquise.

Le troisième principe est celui de la simplicité et de la clarté normative, dont la consécration dans la Constitution encouragera le Conseil constitutionnel à développer sa jurisprudence dans ces domaines. Là aussi, le terrain est déjà relativement défriché, il s’agit de confirmer et d’approfondir.

L’adoption par le Sénat de la proposition de loi constitutionnelle, qui décline ces trois orientations, montrera aux élus locaux, pour qui la simplification normative reste une priorité – ils nous le rappellent chaque semaine avec force –, que nous continuons de progresser.

J’ignore bien sûr quel sera le sort de cette proposition de loi constitutionnelle si, comme je le souhaite, elle est adoptée par le Sénat. J’espère qu’elle prospérera. En tout état de cause, son adoption sera d’ores et déjà un signal très fort, marquera la détermination du Sénat et montrera que la priorité évoquée par le président Larcher et à laquelle nous nous rangeons tous chacun à notre manière n’est pas un vain mot.

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