Je suis honoré de présenter à votre commission ma candidature à la présidence de La Poste. Je serai très bref sur ma situation personnelle, qui n'a guère changé depuis deux ans et demi, mon activité essentielle ayant été de diriger La Poste. Seul fait nouveau : je suis âgé de 59 ans alors que je n'en avais que 57 en 2013 !
Le projet que je vous proposais à l'époque reposait sur un diagnostic, une vision et des plans d'action. Je les confronterai à l'expérience.
Le diagnostic était celui d'une très forte baisse du volume de courrier, de 3 % en 2008, de 5 % en 2010, qui menaçait le modèle stratégique de La Poste. De fait, en 2015, la baisse de volume du courrier a atteint 6,7 %, supérieure à la prévision de 6 % inscrite dans la trajectoire. À prix du timbre constant, il aurait manqué plus de 600 millions d'euros de chiffre d'affaires au 1er janvier. Aucune autre entreprise française n'est confrontée à un défi économique de cette ampleur. Cette réalité est constatée dans tous les pays du monde : la baisse du volume de courrier a été de 20 % en Allemagne entre 2004 et 2014, de 30 % en France, de 50 % aux Pays-Bas, de 60 % au Danemark...
À cette baisse de volume s'ajoutent la baisse de fréquentation des bureaux de poste, comme de tous les lieux physiques de commerce, et des taux d'intérêt particulièrement bas, qui affectent particulièrement la Banque postale, plus liquide que les autres banques.
La vision, c'était, face à ces vents contraires, la nécessité de transformer le modèle stratégique de La Poste. La compétence de notre groupe réside dans sa force de travail, force de proximité humaine pour tous, tous les jours, partout sur le territoire. Elle est la seule entreprise à disposer de cette capacité de projection.
Notre volonté de diversifier le groupe et de le transformer écarte toute voie malthusienne. Nous gardons les 17 000 points de contact et la distribution du courrier six jours sur sept. Nous acceptons et revendiquons le cadre imposé. Notre vision est aussi fondée sur la notion de service public. Nous sommes fiers de nos quatre missions de service public, que nous avons modernisées. Notre cadre territorial d'action comportait trois formats : l'agence postale communale, le bureau de poste et le relais poste. Nous y avons ajouté la maison de services au public, le facteur-guichetier, le point de contact postal avec l'économie sociale et solidaire et le relais-poste urbain.
Nous nous sommes tenus à nos plans d'action, et même si 2014 a été une année très difficile au cours de laquelle nous avons consommé du cash, ses résultats ont été meilleurs que ceux de la trajectoire à laquelle nous nous étions engagés auprès de nos actionnaires, État et Caisse des dépôts et consignations (CDC). L'année 2015 sera celle d'un redressement du résultat d'exploitation du groupe et du retour à un cash positif. Nos plans d'action ont été tenus, nous maitrisons l'avenir économique du groupe, grâce à l'engagement des postières et des postiers, qui ont été associés à notre réflexion stratégique. En 2014, le comité exécutif a effectué un tour de France des 7 000 cadres supérieurs. Nous avons engagé des négociations sociales, conclues en février 2015 par l'accord social « Un avenir pour chaque postier », premier accord majoritaire dans l'histoire de La Poste.
Ces réalisations éclairent nos intentions pour l'avenir. La période 2016-2021 se traduira par une accélération des bouleversements numériques et un renforcement de la concurrence. Notre projet est d'approfondir, d'accélérer la transformation et la construction de la première entreprise française de services de proximité.
L'équation stratégique est simple. Le courrier traditionnel représente encore 43 % de notre chiffre d'affaires. Chez notre principal concurrent, en Allemagne, ce volume n'est que de 17 %. Nous sommes donc un opérateur plus vulnérable. Le maître mot des cinq années à venir est la diversification, avec la croissance de la Banque postale, mais aussi de GeoPost, dont le déploiement international est renforcé. Il est numéro un en France, numéro deux en Allemagne et au Royaume-Uni, numéro un en Pologne. Notre métier, la livraison du e-commerce et du commerce, est un métier de proximité, du dernier kilomètre, du dernier mètre. C'est un métier de réseau. Le développement à l'international renforce notre base domestique : 20 % des colis viennent de l'import-export. Notre projection internationale accroît la récolte de colis pour la plateforme France, ce qui renforce l'emploi national.
Quand j'en ai pris la responsabilité, la branche services-courrier-colis ne traitait que le courrier. Je lui ai apporté Coliposte et une branche de services, car ils sont l'avenir, avec la silver economy.
Votre Poste changera de forme et de visage, mais pas de valeurs - au premier rang desquelles l'innovation. Nous avons créé l'envoi de colis par la boîte aux lettres, grâce au numérique. Nous avons présenté au Consumer Electronics Show de Las Vegas, la semaine dernière, le bouton numérique annonçant l'envoi d'un colis pour faire passer le facteur. Nous sommes aussi devenus propriétaires d'une plateforme internet de livraison de restauration à domicile, Resto-in. Preuve que nous croyons à la chaîne de valeur numérique.
Nous restons fidèles à nos missions de service public, à commencer par la présence postale territoriale. Nous nous sommes engagés à créer 500 maisons de services au public d'ici la fin de cette année ; 110 l'ont déjà été. Pour les plus petites communes, nous expérimentons le facteur-guichetier, qui reprend la tradition du receveur-distributeur. Il y en aura 265 à la fin de l'année. Le facteur-guichetier de Malicorne-sur-Sarthe tient le guichet de 8 h 30 à 11 h 30, puis distribue le courrier l'après-midi. C'est un moyen de conserver un bureau de poste de plein exercice à mi-temps. Nous aurons créé mille facteurs-guichetiers fin 2017, après discussion préalable avec les élus locaux. La Poste a également créé de nouveaux lieux tels que NOMADE à Bordeaux, où des auto-entrepreneurs nous louent des surfaces : c'est une autre façon d'utiliser le bureau de poste comme lieu de vie.
En 2020, La Poste aura changé de visage mais pas d'identité ni de valeurs. En 2021, elle sera la première entreprise de proximité humaine de France, avec une incroyable capacité de contact, d'échanges et de présence humaine. Loin d'écarter le savoir-faire postal, la révolution numérique le rend encore plus nécessaire. La Poste réduit la fracture numérique : les 95 000 facteurs ont tous un smartphone. Cette mutation culturelle est difficile pour le personnel. La dépense de formation est considérable : nous nous sommes engagés à former 100 % des postiers sur deux ans et 80 % chaque année, avec un plan de développement managérial.
Ainsi, nous serons fidèles à notre histoire, à nos valeurs, à nos clients, à nos territoires, et nous nourrirons une entreprise dont la croissance et la rentabilité vont s'affirmer dans les années à venir.