Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 13 janvier 2016 à 21h00
Lutte contre le gaspillage alimentaire — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Alain Vidalies :

Madame la présidente, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, Ségolène Royal s’est engagée depuis de nombreuses années dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. C'est la raison pour laquelle, avec le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, elle avait demandé à Guillaume Garot de lui remettre un rapport sur le sujet au premier semestre 2015.

Les constats faits dans ce rapport étaient particulièrement préoccupants.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, estime qu’un tiers de la part comestible des aliments destinés à la consommation humaine est perdu ou gaspillé dans le monde. Cela représente 1, 3 milliard de tonnes par an, ce qui équivaut à plus de 160 kilogrammes par an et par habitant.

La FAO considère que le gaspillage alimentaire est le troisième émetteur de gaz à effet de serre après la Chine et les États-Unis.

Vingt kilogrammes de nourriture par an et par habitant sont ainsi jetés à la poubelle par les ménages, dont sept kilogrammes de nourriture encore emballée. Le chiffre de vingt kilogrammes est d'ailleurs sous-estimé. La réalité du gaspillage, au vu des résultats d’études complémentaires, se situe vraisemblablement à plus de trente kilogrammes par habitant.

La quantité des déchets ménagers générée par le gaspillage alimentaire est très importante, alors que le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a fait de la prévention des déchets un axe essentiel de sa politique. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit ainsi une réduction de 10 % des déchets par personne et par an en 2020 par rapport à 2010.

Enfin, le gaspillage alimentaire est profondément injuste, car il touche surtout les familles les plus démunies, qui se laissent abuser par des dates limites de consommation qui, pour certains produits, ont été sous-estimées, conduisant souvent ces familles à jeter des produits encore consommables.

Guillaume Garot, après avoir auditionné l’ensemble des acteurs responsables de la chaîne de production et de consommation des aliments – agriculteurs, transformateurs, distributeurs, associations de consommateurs, associations habilitées à délivrer des dons alimentaires – a émis des propositions innovantes.

Il propose d’interdire la javellisation des produits alimentaires par la grande distribution.

Il préconise également de rendre le don de produits invendus obligatoire à toute association habilitée qui en ferait la demande.

Il souhaite par ailleurs permettre aux industriels de l’agroalimentaire de donner à des associations caritatives des produits non conformes, mais encore consommables.

Il recommande aussi d’élargir la défiscalisation aux produits agricoles transformés.

Enfin, une autre de ses propositions est d’instaurer une hiérarchie de la prévention du gaspillage alimentaire, en adaptant au mieux la production agricole.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte comprend déjà des dispositions pour lutter contre le gaspillage alimentaire.

Elle prévoit ainsi la mise en place de plans de lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective publique avant le 1er septembre 2016. Le guide intitulé Comment réduire le gaspillage alimentaire au sein de sa restauration collective ?, destiné à aider les collectivités à mettre en œuvre ce plan, a été publié à la fin de l’année dernière.

A également été instituée la suppression des dates limites d’utilisation optimale des produits non périssables.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte adopté par le Parlement comprenait d’autres dispositions, directement issues du rapport de Guillaume Garot.

Était ainsi prévue l’interdiction de rendre délibérément impropres à la consommation ou à toute autre forme de valorisation les invendus alimentaires encore consommables.

Une autre de ses dispositions était la suppression des stipulations contractuelles faisant obstacle au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur par un opérateur du secteur alimentaire à une association caritative habilitée.

L’instauration d’une convention précisant les modalités de don de denrées alimentaires par un commerce de détail alimentaire avait également été adoptée afin de mieux encadrer ces pratiques.

Figurait enfin dans le texte l'obligation pour les commerces alimentaires de proposer à une ou plusieurs associations de conclure une convention précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces mesures n’ont pas pu être promulguées avec le reste des dispositions figurant dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour des raisons de procédure.

Le 27 août dernier, Ségolène Royal a donc signé une convention avec la grande distribution pour anticiper la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures.

De nombreux parlementaires, sur tous les bancs ou les travées, ont alors exprimé le souhait que les dispositions votées à l’unanimité des deux chambres puissent être reprises dans une proposition de loi.

De plus, les distributeurs eux-mêmes avaient indiqué que certaines mesures prévues par la convention signée le 27 août nécessitaient des adaptations législatives pour être applicables. C’est notamment le cas de la responsabilité du donateur lorsqu’un produit de marque de distributeur est ainsi distribué gratuitement à une association caritative habilitée par le fabricant du produit.

Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, l’un des grands objectifs de cette proposition de loi est avant tout de faciliter, d’encourager le don de produits invendus encore consommables. De ce fait, de nouveaux moyens devront être mis à la disposition des milliers de bénévoles actifs dans les associations habilitées à effectuer des dons de produits alimentaires.

Au mois de décembre dernier, Ségolène Royal a ainsi transmis un questionnaire à ces associations pour qu’elles expriment leurs besoins prioritaires et que le Gouvernement puisse leur fournir les moyens nécessaires.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ferez de la France l’un des pays les plus en pointe en matière de gaspillage alimentaire en adoptant ce texte.

L’Union européenne, quant à elle, commence enfin à se préoccuper du sujet. Dans le paquet économie circulaire remis le 2 décembre dernier, la Commission européenne prévoit la mise en œuvre de plans d’action dans ce domaine. Elle envisage également de s’attaquer au cadre juridique des dates limites d’utilisation optimale des produits. En effet, seule une liste très limitée de produits non périssables peut se passer de l’obligation d’apposer ce type de mention, ce qui conduit souvent les familles, notamment les plus modestes, à jeter des produits encore parfaitement consommables.

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