Devant l’ampleur de ce scandale, il fallait réfléchir à nos comportements et structurer le cadre des bonnes pratiques déjà existantes.
C’est ainsi que l’article 1er de cette proposition de loi inscrit dans le code de l’environnement une hiérarchie bienvenue dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, allant de la prévention à la méthanisation.
Chaque acteur de la chaîne alimentaire est responsabilisé par les actions qu’il doit s’engager à mener afin de lutter contre la gabegie alimentaire, la valorisation des surplus alimentaires s’accompagnant d’une généralisation des dons alimentaires de la moyenne et grande distribution vers les associations caritatives, dans le cadre d’une convention qui organisera les modalités du don. L’élaboration de cette convention, qui devra être signée avant le 1er juillet 2016, répond à une demande des associations.
Dans le cadre de cet article 1er, des sanctions sont également prévues pour les distributeurs rendant les produits impropres à la consommation.
L’interdiction de ce que l’on appelle plus communément la « javellisation » n’allait pas du tout de soi, puisque certains distributeurs continuaient d’asperger d’eau de Javel leurs produits invendus, comme l’a mis en évidence, avec humour et lucidité, le film Discount de Louis-Julien Petit, sorti au cinéma voilà tout juste un an.
Le frein juridique que posait le régime des produits sous marque de distributeur – c’est-à-dire la responsabilité juridique des producteurs – est également levé par l’article 2 de la proposition de loi. Cela permettra aux producteurs de faire, eux aussi, des dons réglementés aux associations, plutôt que de devoir jeter les produits refusés, pour diverses raisons, par les supermarchés.
Si ces mesures s’avèrent indispensables, elles ne sauraient épuiser le champ de la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Ce sont avant tout les usages des consommateurs qu’il faut regarder et changer en profondeur. Les ménages jettent chaque année 6, 5 millions de tonnes de produits encore consommables, contre 2, 3 millions de tonnes pour la distribution. À ce titre, il est essentiel d’éduquer contre les méfaits de cette dilapidation d’une ampleur considérable.
Il faut donc saluer l’inscription dans le parcours scolaire d’une sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire, inscription prévue à l’article 3 du texte. On le sait, en matière d’innovation, ce sont souvent les enfants qui mettent leurs parents à la page. Pour atteindre l’objectif fixé, il faut redonner de la valeur à l’alimentation, ce qui peut passer par la connaissance de l’origine des produits ou encore de la manière dont ils sont transformés ou dont on peut les cuisiner.
Pour sensibiliser les consommateurs et offrir des solutions à ceux qui ne savent pas quoi faire de produits périssables qu’ils ne pourront pas utiliser, nous pourrions, en outre, nous inspirer de nos voisins allemands. Depuis bientôt deux ans, des réfrigérateurs en libre-service ont été installés par les bénévoles d’une association berlinoise dans les rues de la ville. Grâce à une plateforme internet, les consommateurs peuvent déposer dans ces appareils de la nourriture qu’ils ne pourront pas consommer ; chacun est ensuite libre de venir se servir.
De façon plus réaliste et plus immédiate, il faudrait peut-être encourager davantage la pratique du doggy bag qui, pour des raisons culturelles, peine à se mettre en place en France. La restauration gaspille chaque année 1, 5 million de tonnes de nourriture. Une grande campagne en ce sens ne paraîtrait pas superflue.
La lutte contre le gaspillage alimentaire est donc un combat contre l’absurde et la France, grâce au volontarisme de cette proposition de loi, est à l’avant-garde de ce combat. Ce n’est pas anodin pour une culture accordant une telle importance à la gastronomie !
En espérant que l’adoption de ce texte entraînera nombre d’autres pays européens dans son sillage et les poussera à progresser sur le sujet, les membres du groupe du RDSE, dans leur ensemble, soutiendront la proposition de loi.