Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission d’enquête, mes chers collègues, voilà six mois que la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a publié son rapport et ses 61 préconisations, adoptées à l’unanimité.
Le Gouvernement devait, dans les semaines suivantes, faire des propositions qui prennent en compte les nôtres. Je note que celles-ci ont été pour le moins hésitantes, en matière de fiscalité notamment, quand elles n’ont pas été inexistantes ; ce fut le cas sur les objectifs en matière de qualité de l’air, par exemple. C’est regrettable, d’autant plus que, au-delà du coût annuel estimé à 101, 3 milliards d’euros, d'ailleurs largement sous-estimé du fait du manque de données, les éléments continuent à s’accumuler s’agissant de l’impact sanitaire, économique et financier de la pollution de l’air.
Le 1er janvier dernier a paru la première étude épidémiologique sur les effets d’une exposition à long terme aux particules fines sur la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson. D’après l’Organisation mondiale de la santé, cela confirme que la pollution de l’air est l’un des sujets les plus importants en matière de santé publique.
À ce titre, la commission d’enquête a regretté que, malgré un coût annuel de plus de 3 milliards d’euros pour les régimes obligatoires de sécurité sociale, ces organismes ne soient pas en capacité d’identifier les dépenses liées à la pollution de l’air et se retrouvent de fait dans une situation de « payeurs aveugles ». Nous ne pouvons pas continuer ainsi, et ce d’autant moins que le déficit de la sécurité sociale est abyssal !
Par ailleurs, le scandale Volkswagen a confirmé de manière éclatante la nécessité d’un renforcement des conditions pour les essais qui servent à déterminer les normes de pollution en Europe. Il est temps que l’Europe prenne cette question à bras-le-corps et cesse de sacrifier la santé des populations sur l’autel d’intérêts industriels mal compris. Comment un constructeur automobile a-t-il pu, en toute impunité pendant des années, financer une technologie frauduleuse, nocive pour la santé, au lieu d’investir dans des technologies propres ? Cela dépasse l’entendement !
Monsieur le secrétaire d'État, je profite de mon intervention pour vous interroger sur une information qui nous est parvenue il y a peu. Des perquisitions par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF, ont eu lieu aujourd’hui même chez un grand constructeur automobile français. Avez-vous des informations complémentaires ? D’autres constructeurs français ou européens sont-ils concernés ? Tout cela nous paraît inquiétant.
La pollution de l’air est un frein à la croissance, et nous devons repenser notre système de production et de consommation dans son ensemble. L’investissement dans les technologies non polluantes est un facteur de croissance particulièrement intéressant pour nos entreprises et notre économie.
Les différents projets en matière de transport – voitures particulières ou transports collectifs – doivent être un levier pour mobiliser nos capacités de recherche, d’investissement et de conquête de marchés. Les technologies non polluantes, ce sont les emplois de demain, puisque, on le voit, la demande est mondiale et les puissances émergentes, de Delhi à Pékin, sont à la recherche de solutions nouvelles que nous devons nous donner les moyens de leur apporter. Nous ne pouvons plus nous reposer aveuglément sur les énergies fossiles. Il y va de l’indépendance énergétique de la France !
Aujourd’hui, notre devoir est de faire cesser les incitations contradictoires, le renvoi de responsabilités, en somme l’inaction. Le rapprochement de la fiscalité du diesel et de celle de l’essence devrait être une priorité du Gouvernement et a semblé l’être en loi de finances, avant que la loi de finances rectificative ne vienne effacer la plus grande part des progrès accomplis.
Pourtant, les enjeux sanitaires sont clairs et chacun sait que l’avenir économique n’est pas au diesel. Il faut donc que la volonté de l’État soit claire et que la France porte la question à l’échelon européen, qui est l’échelon adéquat, notamment pour le transport routier de marchandises. Quand le Gouvernement publiera-t-il enfin un calendrier crédible d’alignement des deux fiscalités ?
De même, quand l’État assumera-t-il pleinement ses responsabilités dans la lutte contre la pollution ? Trop souvent, les collectivités territoriales sont laissées seules face à leurs difficultés. Un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques devait être publié au début de 2015. Nous avons recommandé sa publication en juillet dernier. Nous sommes au début de 2016. Qu’en est-il de ce plan ?
La question de la pollution de l’air devrait nous réunir. Tous, nous respirons l’air atmosphérique et l’air intérieur. Tous, nous sommes exposés au risque et les plus exposés sont ceux qui, souvent par absence d’alternative ou d’information, sont contraints d’utiliser des substances polluantes. Je pense, en particulier, aux agriculteurs qui souffrent des pathologies liées aux pesticides. Certes, un programme d’accompagnement vers les modes de culture écologiques et la limitation des émissions a été engagé. Cependant, sur la santé des agriculteurs, comme d’ailleurs sur la santé de la population en général, nous manquons de données sanitaires et d’études statistiques précises.
Monsieur le secrétaire d'État, la pollution de l’air est un sujet majeur pour nos concitoyens. Au-delà des intentions périodiquement réitérées par les gouvernements successifs, quels sont vos engagements et votre calendrier de réforme pour permettre à tous de respirer un air qui ne nuise plus à la santé ?