Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 14 janvier 2016 à 15h00
Coût économique et financier de la pollution de l'air — Débat sur les conclusions d'une commission d'enquête

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la lutte contre la pollution atmosphérique représente un enjeu sanitaire et écologique majeur. Toutefois, l’enjeu est tout autant économique et financier.

Tout le monde reconnaît le drame sanitaire que constitue la pollution de l’air. Si l’on a beaucoup parlé de CO2 ces dernières semaines, lors de la COP21, à cause de son impact sur le changement climatique, il ne faut pas pour autant oublier les autres substances rejetées dans l’atmosphère et qui sont responsables de millions de morts chaque année à la surface de la planète.

En France, l’exposition aux particules fines provoquerait quelque 43 000 morts prématurées par an et la pollution au dioxyde d’azote, plus de 7 000. En 2015, la commission d’enquête sénatoriale sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a dressé un constat objectif et alarmant sur l’impact de la pollution de l’air.

J’en profite, d’ailleurs, en tant que membre et vice-président de cette commission, pour témoigner du travail de terrain réalisé en profondeur sur ce sujet et pour féliciter Jean-François Husson, son président, et Leïla Aïchi, son rapporteur, de la qualité de leur rapport. Ce dernier révèle que la pollution de l’air nous coûterait plus de 100 milliards d’euros chaque année, soit deux fois plus que le coût sanitaire lié au tabac.

Après avoir recensé les principales sources de pollution de l’air, la commission a dressé le bilan des actions engagées et a avancé 61 propositions, adoptées à l’unanimité par ses membres et porteuses d’un développement économique durable. Elle préconise notamment de mettre en place une véritable fiscalité écologique, juste, équitable, incitatrice et responsabilisante. Elle souhaite un discours uniforme et clair de l’État sur l’après-diesel. Elle appelle de ses vœux l’encouragement de l’innovation, le déploiement des alternatives technologiques crédibles existantes et l’incitation à l’usage des moyens de mobilité durable chez les salariés.

Quelques jours après la fin de la COP21, et alors qu’un accord contraignant sur les taux de rejets de dioxyde de carbone a, pour la première fois, été validé au niveau mondial, il serait inconcevable que la France ne prenne pas des mesures ambitieuses et assume des choix cohérents à l’échelle nationale. Cela risquerait de jeter le discrédit sur notre pays et sa parole.

En effet, ce phénomène de pollution de l’air n’est pas, tel qu’on le présente trop souvent, l’apanage des grandes villes, à l’image de Paris, ville chère à notre collègue Yves Pozzo di Borgo ici présent, Pékin, Mexico ou Katmandou, plongées dans un brouillard gris et opaque.

Il concerne également les vallées alpines. La situation de la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, est un exemple de pollution atmosphérique marquant et récurrent par les effets cumulatifs de la densité de la population et d’une concentration industrielle le long d’un axe de circulation routière internationale intense, en direction de l’Italie via le tunnel du Mont-Blanc. La commission d’enquête a eu l’occasion de se rendre sur place. Cette situation est paradoxale compte tenu de l’attractivité de ce territoire mondialement connu et reconnu pour la qualité exceptionnelle du site du Mont-Blanc et les forts enjeux touristiques qui s’y attachent.

Aussi a-t-il été mis en place un plan de protection atmosphérique de la vallée de l’Arve depuis février 2012. La création d’un fonds air-bois, cofinancé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, et les collectivités locales, a obtenu l’adhésion de nombreux habitants sensibles à leur cadre de vie. Cette initiative ne demande qu’à être élargie, comme l’a souligné la commission d’enquête.

Toutefois, les mesures appliquées, telles que la limitation de la vitesse sur l’autoroute A40, l’interdiction de la circulation des poids lourds de type Euro 3 ou encore la mise en œuvre du fonds air-bois cité précédemment, demeurent insuffisantes à l’échelle du bassin de vie.

À l’instar de la vallée de l’Arve, qui a su mobiliser et fédérer tous les acteurs autour d’un plan antipollution comportant 35 mesures, les collectivités locales sont prêtes à agir, mais manquent de moyens dans le contexte de restriction budgétaire qu’elles subissent. Sur un sujet de santé publique, mission régalienne de l’État, seule une approche intégrée air-climat-énergie permettrait d’assurer une véritable cohérence entre les actions menées localement pour traiter des problèmes de pollution atmosphérique et climatique.

Les mesures à prendre sont parfaitement connues ; elles concernent principalement la rénovation énergétique de l’habitat, le développement et le renforcement des transports en commun et l’accompagnement de nos entreprises industrielles.

Malheureusement, je déplore le manque de politique volontariste de l’État, en particulier dans deux domaines. En matière de recherche industrielle, peu est fait pour limiter les rejets nocifs, alors même que l’innovation technologique dans ce domaine est porteuse d’économie, de croissance et d’emploi. Dans le domaine des transports, monsieur le secrétaire d'État, sans même évoquer le report modal Lyon-Turin, qui peine tant à aboutir, je citerai l’absence totale de politique ambitieuse en matière de transports en commun, qui constituent pourtant l’un des rouages essentiels de la lutte contre la pollution de l’air.

En juillet dernier, j’étais intervenu lors d’une séance de questions orales sur la nécessité de réformer l’assiette du versement transport. Celle-ci est basée sur la masse salariale, en totale contradiction avec l’objectif partagé de baisser le coût du travail. Nous en parlions encore ici il y a quelques instants à l’occasion des questions d’actualité au Gouvernement.

De même, j’ai récemment regretté l’absence de concertation du Gouvernement avec les élus locaux quant à l’avenir des trains d’équilibre du territoire, alors qu’a été annoncée la suppression du train Paris-St Gervais, liaison qui dessert un territoire montagnard mondialement reconnu et, chacun le sait, fortement menacé par la pollution.

Monsieur le secrétaire d'État, face à un tel enjeu de santé publique et aux engagements indéniables et constants des collectivités locales pour la préservation de leur environnement, des mesures fortes doivent être engagées au niveau national.

La France a su ouvrir le chemin de la COP21 ; son opiniâtreté a payé. Elle a aujourd’hui le devoir de montrer l’exemple en instaurant une politique volontariste et d’entraîner les autres pays européens dans la définition d’objectifs ambitieux pour la qualité de l’air. Monsieur le secrétaire d'État, il y a urgence !

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