Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 14 janvier 2016 à 15h00
Coût économique et financier de la pollution de l'air — Débat sur les conclusions d'une commission d'enquête

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les écologistes sont engagés depuis très longtemps dans un combat contre la pollution de l’air, responsable, vous l’avez tous dit, d’un véritable désastre sanitaire.

Nous nous sommes donc réjouis de la création de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air et de l’estimation globale qu’elle allait pouvoir effectuer. Je tiens par conséquent, au nom de mon groupe, à remercier chaleureusement les membres de cette commission, qui ont fait un travail considérable et indispensable, nous permettant de mesurer l’ampleur de la lutte que nous devons mener contre la pollution de l’air.

La commission d’enquête l’a bien montré, le coût de l’inaction en la matière est gigantesque, de l’ordre d’au moins 100 milliards d’euros par an pour notre seul pays. Face à ce constat, il est désormais indispensable de mettre en place des mesures fortes et courageuses, à court et long terme.

À court terme, il faut endiguer les pics de pollution, qui sont réguliers dans de nombreuses agglomérations et de multiples territoires de notre pays. Face à ces pics, les réactions des pouvoirs publics sont encore bien trop lentes. Les seuils d’alerte établis par l’Organisation mondiale de la santé sont dépassés chaque année à plusieurs reprises, parfois pendant de longues durées, en particulier en ce qui concerne les niveaux de particules fines.

Les conséquences de l’exposition à la pollution de l’air sur la santé, notamment aux particules fines, sont dramatiques ; il suffit d’interroger les pneumologues et les pédiatres pour les mesurer.

Le nombre de morts prématurées liées à la pollution de l’air en France se compte en dizaines de milliers, entre 43 000 et 45 000 selon les estimations de la Commission européenne, l’immense majorité étant imputée aux particules fines, lesquelles sont particulièrement dangereuses pour les jeunes enfants, les personnes fragiles et les personnes âgées. Les particules fines provoquent souvent des dommages irréparables dans les organismes des jeunes enfants. Elles sont plus généralement responsables de multiples maladies respiratoires et cardiovasculaires, ainsi que de cancers chez de très nombreuses personnes, notamment les salariés qui sont à leur contact, qu’il s’agisse des agriculteurs ou des riverains des grandes voies routières, souvent d’ailleurs des populations très modestes. Plusieurs études internationales l’ont montré.

Une très récente étude américaine, qui a déjà été évoquée, indique que les particules fines sont très certainement également responsables d’une aggravation importante des maladies neurodégénératives comme Parkinson ou Alzheimer chez les patients déjà atteints.

Le groupe écologiste au Sénat est depuis plusieurs années à l’origine de multiples propositions visant à endiguer cette pollution. Nous avons ainsi défendu il y a plus d’un an une proposition de loi en ce sens, ainsi que, à plusieurs reprises, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, des amendements, notamment aux projets de loi de finances, afin d’essayer d’améliorer cette situation.

Les réactions des pouvoirs publics, il faut le dire, n’ont absolument pas été à la hauteur jusqu’à présent. La plupart du temps, loin de mettre la santé au premier rang des préoccupations, ils nous ont opposé les effets prétendument négatifs des mesures de lutte contre la pollution sur le développement de notre économie. Or les conclusions de la commission d’enquête confortent le constat que le coût de l’inaction en la matière est immense d’un point de vue non seulement sanitaire, mais également économique et financer.

Monsieur le secrétaire d’État, il faut dépasser cette fausse opposition entre emploi, développement économique et santé !

Les écologistes s’étaient réjouis des mesures fiscales annoncées à la fin de l’année dernière lors de l’examen des textes financiers et de la COP21. Un décret paru à la fin de décembre dernier modifie le bonus-malus, afin d’inciter les automobilistes à abandonner leurs vieux véhicules diesel et à acheter des véhicules moins polluants. C’est un début : nous espérons sincèrement que le Gouvernement prendra rapidement les autres mesures énergiques qui s’imposent concernant, par exemple, la fiscalité du diesel pour les véhicules d’entreprise ou la gestion immédiate des pics de pollution.

Le scandale Volkswagen a également permis de confirmer l’incohérence des tests d’émissions de polluants avant la mise sur le marché d’un nouveau véhicule, et cela ne concerne pas seulement le diesel. Si l’on veut atteindre les objectifs de réduction des gaz polluants, il est indispensable de savoir réellement où l’on en est.

Il est urgent que toutes ces mesures et ces études soient plus transparentes. Il faut engager rapidement selon nous un travail sur le déficit considérable de connaissances et d’expertises indépendantes en matière de pollution des nouveaux véhicules automobiles avant leur mise sur le marché. Les cycles de conduite, la commission l’a rappelé, qui servent aujourd’hui de référence aux tests d’émissions polluantes ne sont pas représentatifs des conditions réelles de circulation.

Il est par ailleurs inquiétant de constater que ceux qui sont payés pour conseiller l’industrie automobile sont les mêmes que ceux qui participent activement à l’élaboration et à l’évolution des réglementations nationales et internationales applicables aux véhicules en matière d’émissions polluantes. En somme, l’industrie automobile est dans un certain nombre de cas clairement juge et partie. Cette situation ne peut perdurer.

Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur l’engagement énergique du Gouvernement. Le rapport de la commission d’enquête présente de très nombreuses propositions, précises, solides et travaillées, dont certaines sont applicables dès à présent, et d’autres à moyen et à long terme. Nous les soutenons fermement. Nous continuerons à intervenir pour que les constats implacables qui sont faits aujourd'hui soient suivis d’actes concrets.

Je ferai mien le souhait du président de la commission d’enquête, monsieur le secrétaire d’État : ce rapport ne doit pas rester dans un placard.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion