Madame la présidente, monsieur le président de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, madame la rapporteur, bien des choses ont été dites et je vais les reprendre brièvement. Je voudrais tout d’abord saluer votre initiative : cette commission d’enquête a fait un travail original, et c’est la première fois qu’un enjeu écologique est traduit en euros ou en dollars. Je sais combien vous vous êtes impliqués, comme l’ensemble des membres de cette commission.
La pollution de l’air est un phénomène complexe répondant à de multiples causes, aux manifestations variées et dont les conséquences sont complexes à analyser. C’est aussi un phénomène aujourd'hui parfaitement mesuré et même anticipé par nos remarquables associations de surveillance de la qualité de l’air, les ASQA.
Vous avez estimé le coût économique de ce phénomène à 100 milliards d’euros, ce qui reflète parfaitement combien celui-ci est sous-estimé depuis de longues années. Le travail de recherche publié le 1er janvier dernier, qui a déjà été évoqué, a prouvé l’impact des particules fines PM 2, 5 sur l’occurrence des maladies d’Alzheimer et de Parkinson. C’est un élément de plus, et d’autres apparaîtront vraisemblablement au fur et à mesure d’une meilleure connaissance des effets des différents polluants de l’air sur la santé et la vie, montrant que ce coût ne pourra aller que dans le sens d’une augmentation.
Cette évaluation est importante. Vous évoquez dans le rapport l’ensemble des mesures et actions qui peuvent être mises en œuvre. Il y a bien sûr les mesures d’urgence liées aux pics de pollution, comme la circulation alternée, mais aussi les actions de fond, comme la rénovation du parc automobile, le développement du transport public, l’isolation thermique des logements. Enfin, j’ai plaisir à le rappeler devant le secrétaire d'État chargé du budget la fiscalité sur les énergies fossiles, la fiscalité écologique recyclée pour faciliter l’investissement dans une économie plus sobre, ce qui est une action prioritaire.
La lecture de ce rapport nous invite à une prise de conscience et nous pousse à aller beaucoup plus loin que la gestion des pics de pollution. Elle nous invite aussi à traiter l’air intérieur, plusieurs collègues l’ont dit. Je voudrais, à cet égard, souligner un paradoxe sur le long terme : en isolant mieux les logements, en réduisant souvent leurs ouvertures, nous nous préparons à une aggravation de ce phénomène qui, s’il n’est pas anticipé, pourrait augmenter l’impact de la mauvaise qualité de l’air intérieur.
Je voudrais évoquer avant tout les actions concrètes, ce rapport étant intitulé Pollution de l’air : le coût de l’inaction. Il s’agit, monsieur le secrétaire d'État, d’un plan d’action. Vous répondrez tout à l’heure qu’il y en a eu plusieurs ; vous nous les décrirez longuement.
Je voudrais signaler quelques mesures utiles. Par exemple, l’appel à projets « villes respirables en cinq ans ». C’est pour demain, car chacun sait que la plupart des grandes villes françaises sont sous le coup d’un contentieux communautaire ! Nous ne respectons pas la directive européenne dans le domaine de la qualité de l’air des villes et nous risquons une amende ; j’alerte M. le secrétaire d'État du budget sur ce point. Cette directive s’est contentée de reprendre les taux de l’Organisation mondiale de la santé. Ce programme est donc un bel effort.
Deuxième action concrète annoncée : les certificats sur la qualité de l’air, dont la date d’application, toujours affichée sur le site du ministère, est prévue au 1er janvier. Difficile d’obtenir sa pastille… Leur édition est prévue, semble-t-il, pour le printemps.
C’est plutôt une bonne idée que de permettre la modulation des mesures pour les municipalités. Toutefois, on constate la difficulté de rendre effectifs des dispositifs qui ne s’appuient pas sur des critères existants et nécessitent une lourde organisation administrative. En tout cas, ces pastilles ne sont pas disponibles en ce mois de janvier 2016.
Troisième action annoncée par le Gouvernement ces derniers mois, monsieur le secrétaire d'État : les bonus pour les véhicules plus respectueux de l’environnement et moins émetteurs de gaz à effet de serre, de particules fines et de toutes sortes de polluants. Elle a été malheureusement limitée aux véhicules entièrement électriques, en tout cas pour le bonus significatif ; celui-ci est désormais trop faible, vous le savez bien, pour les véhicules hybrides, qui sont pourtant une bien meilleure réponse alternative aux véhicules essence ou diesel, puisqu’ils sont électriques sur de courtes distances, l’énergie fossile garantissant leur autonomie et donc la réalité de leur usage.
Quatrième action ou quatrième saga : les feux de cheminée. Le cas de la vallée de l’Arve a été cité tout à l’heure ; on sait combien, dans les zones alpines, le bois mal brûlé peut émettre de particules fines dangereuses pour la santé. Le bois peut être la meilleure comme la pire des énergies. La question de sa bonne combustion est centrale. Mme la maire de Paris interdit les feux de cheminée. Mme Royal lui interdit d’interdire. Le tribunal administratif a d'ailleurs désavoué la ministre de l’écologie. C’est dommage, parce qu’il aurait été bon de sensibiliser les populations au fait qu’une mauvaise combustion dans une cheminée contribue à l’émission de particules fines et d’autres polluants plus dangereux encore.
Au mois d’octobre dernier, dans le cadre des commissions techniques réunissant des groupes d’experts pour adapter les seuils d’émission des véhicules automobiles, c’est bien le gouvernement français qui a accepté le relèvement de ces seuils ! Je voudrais dire ici que c’est une action à l’envers, comme nous l’avons démontré dans le cadre de la commission thématique de l’OPCST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, avec Denis Baupin, en présence à la fois d’un fonctionnaire du ministère français et d’un agent de la Commission européenne.
Enfin, dernier cas d’action, cette fois complètement à l’envers – vous avez bien compris que je décrivais les actions des plus positives aux moins efficaces, voire aux contreproductives, comme cette dernière –, la suppression de la taxe poids lourd.
Comment justifier l’abandon d’une mesure adoptée à l’unanimité dans le cadre du Grenelle ? Comment la comprendre quand on lit l’impact des émissions des poids lourds sur la qualité de l’air, la présence de particules fines et d’autres polluants ? Comment peut-on renoncer à cette ressource, monsieur le secrétaire d'État, qui devait alimenter l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF ? Certes, le produit de l’augmentation de la taxe sur le gazole lui sera affecté, mais cette ressource aurait pu évoluer positivement dans le temps, permettant de rééquilibrer le coût de l’investissement entre le transport routier et le transport collectif.
Nous voyons donc, monsieur le secrétaire d'État, à travers ces rappels, que la question de la stratégie et de sa cohérence pour le Gouvernement est centrale.
Je soutiens l’ensemble des 61 propositions de la commission d’enquête, mais je voudrais, en conclusion, insister sur quelques-unes d’entre elles.
Quels financements de long terme prévoyez-vous pour les ASQA, organismes de qualité dont la viabilité est remise en cause ? Qu’en est-il de l’évolution de la fiscalité écologique, monsieur le secrétaire d’État ? Quand aurons-nous des stratégies cohérentes et des perspectives de moyen et long terme ? Enfin, quelle solution préconisez-vous, après l’abandon de la taxe poids lourd, pour faire face aux défis du financement du transport public ?