Intervention de Ségolène Royal

Réunion du 19 janvier 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Discussion d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Ségolène Royal, ministre :

Il s’agit là, simplement, de supprimer un frein inutile et de rendre plus cohérente notre organisation territoriale.

Je vous proposerai un autre amendement, dont la rédaction permettra l’adoption, région par région, d’une organisation souple, sur mesure et en fonction des demandes des nouveaux exécutifs, sans imposer une structure identique partout. Ce qui compte, c’est l’efficacité de l’action !

Je tiens à souligner que toutes les collectivités sont concernées par les objectifs de ce projet de loi et les outils qu’il met en place. Les départements jouent, à ce titre, un rôle important en matière de gestion des espaces naturels sensibles. Je sais que nombre d’entre vous connaissent très bien ces questions et ont à cœur d’approfondir les liens à établir entre l’agence et les gestionnaires de ces espaces.

Par ailleurs, l’élargissement du champ de compétences des agences de l’eau à la biodiversité et au milieu marin va aussi permettre d’apporter des moyens financiers supplémentaires.

Un très important volet du projet de loi porte sur la protection et la valorisation des paysages, en englobant dans une action vigoureuse, au-delà de nos sites remarquables, les paysages du quotidien, qui concernent directement la qualité de vie des Français et contribuent si puissamment à forger l’image de la France.

Le capital paysager est le bien commun des Français ; ils y sont très sensibles, car une part de notre histoire et de notre identité commune s’y rattache. Je remettrai d’ailleurs prochainement, le 3 février, le grand prix des paysages, pour faire en sorte que ce patrimoine national soit définitivement reconnu. Les citoyens doivent prendre soin de leur jardin planétaire et avoir le droit d’en partager les beautés.

Le projet de loi contient aussi des dispositions relatives aux relations entre la biodiversité et la santé.

Je sais que, pour certains Français, la biodiversité apparaît encore comme un terme un peu abstrait, une notion complexe. Elle est pourtant très concrète et concerne directement la santé de chacun, car une nature malmenée par le dérèglement climatique et les pollutions entraîne aussi des risques sanitaires accrus. Ce projet de loi intègre donc la relation entre la santé et le bon état de la biodiversité, par exemple en facilitant le recours au traitement naturel de l’eau et en interdisant le rejet en mer des eaux de ballast non traitées.

Le génie écologique, avec les emplois qui y sont liés, protège la santé, en encourageant l’utilisation de solutions fondées sur la nature, qui empêchent le développement de maladies transmises par des vecteurs biologiques et agissent sur le maintien des équilibres entre les espèces. Ces démarches sont d’ailleurs encouragées par le plan santé-environnement pour la période 2015-2019.

Le texte qui vous est soumis, ainsi que les plans d’action qui l’ont anticipé et l’accompagnent, se fixe des objectifs de santé publique, avec notamment la réduction de l’utilisation des pesticides qui passe par le développement d’alternatives, comme le montrent les territoires engagés dans la démarche « Terre saine, communes sans pesticides », et par la mise en place de périmètres d’interdiction d’épandage autour des écoles et des lieux sensibles, conformément aux recommandations de la dernière conférence environnementale.

La restauration de la qualité écologique des eaux marines, comme la réduction des déchets et des polluants qui contaminent le milieu marin, vise le même objectif de santé publique.

Vous le savez, dès 2016, les sacs plastiques à usage unique seront supprimés et, au début de 2017, la distribution de sacs plastiques non biodégradables sera interdite. Non seulement ils défigurent les paysages, mais les microdéchets de plastique passent au travers des systèmes d’épuration.

Les actions d’accompagnement de la loi sont également très importantes, afin que les acteurs sur les territoires puissent être directement partie prenante des mesures décidées par le Parlement. Dans les territoires à énergie positive, dont vous êtes souvent le relais, le volet de financement des actions de la biodiversité est mis en place – je le disais à l’instant. Le développement de l’éducation à l’environnement est également engagé.

J’en viens maintenant à la filière de développement économique, qui constitue l’une de mes préoccupations majeures. Comment utiliser les défis liés à la biodiversité pour créer des emplois dans les domaines de la croissance bleue et de la croissance verte ? Il s’agit d’un objectif essentiel.

J’ai évoqué l’importance de l’océan, thermostat de la planète. Il est évident que l’innovation scientifique et technologique, le développement de filières d’avenir, la création d’emplois ancrés sur les territoires peuvent de plus en plus s’appuyer sur les phénomènes de transition que nous connaissons.

À court terme, les emplois directement liés à la protection et à la gestion de la biodiversité dans les parcs nationaux et régionaux et dans les aires marines protégées atteindront le chiffre de 40 000. Les différents métiers du secteur des jardins et des paysages représentent aujourd’hui plus de 150 000 emplois et un marché de 10 milliards d’euros. Les activités fortement dépendantes de la biodiversité et de ses services écosystémiques, comme la pêche, l’agriculture, la sylviculture et la première transformation, pèsent 2 millions d’emplois en France. Les emplois indirects induits par la protection et la valorisation de la biodiversité – par exemple dans le tourisme, la filière bois ou les cosmétiques – se chiffrent à près de 5 millions. Le secteur, en plein essor, du génie écologique regroupe déjà un demi-millier d’entreprises et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 milliards d’euros. Les travaux du dixième programme des agences de l’eau soutiennent près de 70 000 emplois.

Je cite ces chiffres pour donner une idée du poids économique actuel de la biodiversité et du potentiel d’activités et d’emplois qui lui est lié. C’est aussi ce tournant que la loi sur la biodiversité, la nature et les paysages doit permettre d’accélérer, d’amplifier et d’approfondir, en facilitant la création d’un réseau de start-up et de PME à la pointe de l’ingénierie écologique dans le secteur du biomimétisme et de la bioinspiration. Ces entreprises ont déjà, à leur actif, de formidables découvertes scientifiques.

Robert Barbault avait raison, « la biodiversité est une véritable bibliothèque d’innovations auprès de laquelle les bibliothèques de nos pays ne représentent même pas un bout d’étagère. »

Une autre découverte passionnante a été faite : la chimie verte, affranchie des hydrocarbures, qui mise sur la nature et sur l’industrialisation des bioprocédés. C’est pourquoi le programme des investissements d’avenir soutient ces démarches, au travers de l’appel à projets « Initiative PME-biodiversité » lancé dans le cadre de son action sur les démonstrateurs de la transition écologique et énergétique, de même que les trophées de la stratégie nationale de la biodiversité. Beaucoup d’autres exemples pourraient être cités.

Pour conclure, je ferai deux remarques.

Tout d’abord, nous avons l’ambition, avec ce texte, de doter notre pays d’une loi d’action et de mobilisation de toutes ses forces vives.

Ensuite, nous devons simplifier les dispositifs. À cet égard, j’ai été très attentive aux observations que vos rapporteurs ont faites, notamment pour déplorer que le texte contienne quinze habilitations à légiférer par ordonnances. Après un travail accéléré prenant en considération ces griefs, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’il n’y aura finalement aucune demande en ce sens.

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