Séance en hémicycle du 19 janvier 2016 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • biodiversité

Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 14 janvier 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur désigné pour siéger au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale.

La commission des affaires étrangères a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Henri de Raincourt comme membre titulaire pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Par courrier en date du 18 janvier 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Jérôme Durain, sénateur de Saône-et-Loire, en mission temporaire auprès de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique.

Cette mission portera sur la proposition d’un cadre législatif et réglementaire favorisant le développement en France des compétitions de jeux vidéo.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Conformément au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Président du Sénat a saisi la commission des affaires sociales pour qu’elle procède à l’audition et émette un avis sur la nomination de Mme Agnès Buzyn, dont la nomination aux fonctions de présidente de la Haute autorité de santé est envisagée.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, déposé sur le bureau du Sénat le 2 décembre 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

- l’avenant n° 1 à la convention du 2 septembre 2010 entre l’État, l’Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir, action « France Brevets » ;

- l’avenant n° 3 à la convention du 29 juillet 2010 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Valorisation, fonds national de valorisation » ;

- la convention entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Instituts convergences ».

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Ils ont été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires économiques et à celle de la culture, de l’éducation et de la communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire.

Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 18 janvier 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant respectivement :

- sur l’article 8 de la loi du 3 avril 1955 (Fermetures de salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion et interdictions de réunions dans le cadre de l’état d’urgence) (2016-535 QPC) ;

- sur le I de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015 (Perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence) (2016-536 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date des 14 et 15 janvier, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

- le cumul des poursuites pénales pour délit d’initié avec des poursuites devant la commission des sanctions de l’AMF pour manquement d’initié (nos 2015-513, 2015-514, 2015-526 QPC) ;

- l’exclusion de certains compléments de prix du bénéfice de l’abattement pour durée de détention en matière de plus-value mobilière (n° 2015-515 QPC) ;

- l’incompatibilité de l’exercice de l’activité de conducteur de taxi avec celle de conducteur de VTC (n° 2015-516 QPC).

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (projet n° 359 [2014-2015], texte de la commission n° 608 [2014-2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014-2015], avis n° 549 et 581 [2014-2015]) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (projet n° 364 rectifié [2014-2015], texte de la commission n° 609 [2014-2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014-2015]).

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Raymond Vall applaudit également.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal

Madame la présidente, monsieur le président Hervé Maurey, monsieur le rapporteur au fond de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jérôme Bignon, madame la rapporteur de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, madame la rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Françoise Férat, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de vous présenter aujourd’hui ce projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a pour ambition de donner un nouvel élan à la protection et à la valorisation de nos richesses naturelles en conférant force de loi au choix de ce nouveau modèle de développement, de société et, à vrai dire, de civilisation.

Nous voulons agir, non plus contre la nature, mais avec elle, et la traiter en partenaire, dans une chaîne du vivant à laquelle nous appartenons ; nous voulons aussi créer les emplois de la croissance verte et de la croissance bleue – en lien avec l’eau douce ou marine – qui constituent, dans le monde d’aujourd’hui, notre nouvelle frontière, cette nouvelle alliance entre l’humanité et la nature.

Permettez-moi de remercier la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour ses travaux, de même que la commission des affaires économiques et celle de la culture, de l’éducation et de la communication.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, devant laquelle j’ai présenté ce texte en juin dernier, l’a minutieusement examiné au cours du mois de juillet, et je tiens à féliciter les trois rapporteurs pour l’excellence de leurs travaux.

En 2007, déjà, deux de vos collègues sénateurs, Pierre Laffitte et Claude Saunier, avaient déposé, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport passionnant sur la biodiversité, dont le titre, L’autre choc ? L’autre chance ? disait à la fois l’ampleur de l’altération des écosystèmes, l’urgence d’agir ainsi que le potentiel scientifique, technologique et économique remarquable de la diversité du vivant.

Le texte qui vous est soumis, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en mars dernier, puis retravaillé par les commissions permanentes du Sénat, est aussi le fruit d’une implication active des associations, des ONG et de toutes les parties prenantes du Conseil national de la transition écologique, que je remercie, elles aussi, pour leurs contributions et leur vigilance. Il a également fait l’objet, sur l’initiative notamment de Joël Labbé, d’une consultation participative remarquable, qui a suscité 50 000 votes et a ouvert la voie à des amendements dont nous aurons l’occasion de débattre dans cette enceinte. Je félicite le Sénat pour cette démonstration remarquable. Nous continuons d’ailleurs à étudier le contenu de ces différentes contributions pour leur donner une suite, législative ou d’une autre nature.

Ce projet s’inscrit, comme vous le soulignez à raison, monsieur Bignon, dans le même esprit que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : la France se dote, avec ces deux textes complémentaires, du cadre législatif le plus avancé en Europe, le plus complet et le plus volontariste.

Ensemble, ces deux textes donnent corps dans notre pays à cette avancée majeure et, pour la première fois, explicite dans l’histoire des négociations internationales sur le climat : la reconnaissance du lien étroit entre le changement climatique et la biodiversité, entre la prise en compte des impacts du dérèglement climatique sur l’intégrité de tous les écosystèmes, terrestres et aquatiques, et la valorisation de la biodiversité comme solution d’atténuation et d’adaptation à la dérive du climat.

L’agenda des solutions qui a accompagné l’accord de Paris et anticipé la mise en application de cet accord en témoigne également, qu’il s’agisse des nombreux événements programmés sur ce sujet ou des alliances et des coalitions internationales d’acteurs qui se sont engagés à agir sans délai.

Je pense, par exemple, au pacte de Paris sur l’eau et l’adaptation au changement climatique dans les bassins versants des fleuves, des lacs et des aquifères, signé par plus de 305 organisations et 87 États, ou la promotion des solutions fondées sur la nature. J’ai ainsi eu l’occasion de m’engager, au nom de la France, à protéger 55 000 hectares de mangroves d’ici à 2020, lesquelles jouent dans les outre-mer un rôle pour l’atténuation des tempêtes climatiques, et à protéger 75 % de nos récifs coralliens, ces écosystèmes fragilisés par le dérèglement climatique et les pollutions, qui remplissent pourtant des fonctions décisives de nurserie pour la faune aquatique, d’épuration des eaux, de captation du carbone et d’adaptation aux impacts climatiques.

Oui, la COP 21 a accéléré la prise de conscience des enjeux de la biodiversité et a donné un éclairage particulier à vos travaux, grâce à la prise en compte des relations avec la question climatique. Elle a témoigné aussi d’une volonté d’agir inédite.

Tel est donc le nouveau contexte, marqué par l’urgence, car les activités humaines détruisent la biodiversité à un rythme et à une échelle qui ne lui permettent pas de se régénérer.

Certains experts parlent d’une sixième extinction de masse. Un rapport de l’Agence européenne estime que 60 % des espèces sont en situation défavorable en Europe où, en trente ans, 420 millions d’oiseaux ont disparu.

Je n’accumulerai pas ici les chiffres : M. le rapporteur cite les plus frappants, qui donnent la mesure de l’érosion accélérée, due aux activités humaines, d’une biodiversité pourtant vitale et de la cadence de cette disparition, qui excède de beaucoup les capacités de régénération de la nature.

« Nous coupons la branche sur laquelle nous sommes assis, c’est nous qui sommes désormais dans le collimateur de cette destruction », nous prévient Hubert Reeves. La reconquête de la biodiversité est aujourd’hui impérative ; « elle est aussi possible, ajoute-t-il, mais elle nécessite la mobilisation de tous les acteurs, publics et privés, à toutes les échelles ». C’est l’ambition de ce projet de loi et des plans d’action qui l’accompagnent, auxquels vos travaux ont permis d’apporter des améliorations, mesdames, messieurs les sénateurs.

Faire de l’urgence une chance en rétablissant avec la nature des relations non seulement harmonieuses, mais aussi fructueuses, bonnes pour la santé, bonnes pour l’innovation, bonnes pour l’emploi ; protéger et valoriser notre capital naturel pour faire de la France le pays de l’excellence environnementale : tel est l’objectif.

Notre pays est l’un des plus riches au monde en merveilles de la nature, tout particulièrement dans les outre-mer français, qui concentrent plus de 80 % de la biodiversité nationale. Nous sommes, Hexagone et outre-mer, au premier rang des pays européens pour la variété des amphibiens, oiseaux et mammifères et parmi les dix pays du monde qui abritent le plus grand nombre d’espèces ; notre domaine maritime est le deuxième de la planète ; nous sommes le quatrième pays au monde pour ses récifs coralliens. Mais nous sommes aussi, selon la liste de l’Union internationale pour la conservation de la nature, au sixième rang des pays abritant le plus grand nombre d’espèces menacées. Nous avons donc une responsabilité majeure.

La loi qui vous est soumise est une loi de mobilisation, qui inscrit dans notre droit positif de grands principes opérationnels, qui clarifie et simplifie pour plus d’efficacité, qui crée, avec l’Agence française de la biodiversité, un outil d’expertise et de pilotage unique au monde – je puis vous dire qu’il est regardé avec grand intérêt par nombre de pays, notamment nos voisins européens.

Cette loi s’accompagne d’actions concrètes – vous connaissez ma préoccupation à ce sujet – qui en préfigurent les dispositions et vont en approfondir la dynamique. Bien sûr, la France s’est dotée, au fil des ans, de moyens de protection, comme le Conservatoire du littoral, les parcs nationaux et régionaux, les parcs marins ou les grands sites. Pour résister à la très forte pression qui pèse sur le patrimoine naturel et pour en tirer parti sans l’épuiser, des initiatives avaient déjà été prises dans le Grenelle de l’environnement. Tous ces travaux permettent d’aboutir au texte sur lequel nous travaillons aujourd’hui.

Si ce projet de loi est adopté, trois valeurs majeures de la biodiversité seront inscrites dans le code de l’environnement.

Premier de ces grands principes : la solidarité écologique, qui est la reconnaissance scientifique des interactions multiples entre les écosystèmes. En effet, la biodiversité, c’est beaucoup plus qu’une collection d’espèces ou une juxtaposition d’espaces ; c’est le tissu vivant de la planète, au sein duquel tout se tient et se soutient et dont nous, les êtres humains, faisons partie. Il ne s’agit pas de mettre la nature sous cloche, bien évidemment, mais au contraire de préserver les capacités d’évolution et d’adaptation du vivant. Elles constituent notre assurance sur la vie elle-même !

Deuxième principe opérationnel : le triptyque « éviter, réduire, compenser ». Il met l’accent sur l’action préventive et sur la notion de valeur écologique. Il s’agit d’anticiper, plutôt que de réparer après coup – réparer coûte nettement plus cher et est parfois même impossible ! –, et d’intégrer les enjeux de la biodiversité et les impacts sur l’environnement en amont des projets d’aménagement.

L’ordre des priorités est clairement indiqué : « éviter, réduire, compenser », sachant que l’obligation de compenser n’est pas un permis de détruire, mais au contraire une obligation de responsabilité.

Dans ce cadre, il est important de mettre en mouvement les territoires autour des continuités écologiques et des trames vertes et bleues. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire ce matin même, puisque les représentants des 400 territoires à énergie positive étaient réunis. Nous entamons ainsi le volet « biodiversité » de la transition énergétique, avec l’arrivée du nouveau fonds de 250 millions d’euros, dont la deuxième étape va permettre de financer, dans les territoires, les actions liées à la biodiversité et les emplois induits.

Troisième principe opérationnel qui va être inscrit dans le code de l’environnement : « innover sans piller ». Il s’agit de soutenir l’innovation, ainsi que les emplois de la croissance verte et de la croissance bleue, en érigeant contre la biopiraterie un principe de justice pour un partage équitable des avantages tirés des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles, au bénéfice mutuel des habitants, des territoires directement concernés, des petites entreprises, de la recherche scientifique et de ses prolongements industriels et commerciaux. Cela concerne des secteurs considérables, comme celui de l’agroalimentaire, des cosmétiques ou de la pharmacie. Certaines entreprises françaises ont commencé à le faire et nous disposons, dans tous ces champs, d’un potentiel d’activités nouvelles.

Je vous proposerai d’ailleurs une disposition qui permettra de s’assurer qu’aucun dépôt intempestif de brevet ne vienne limiter l’accès à des ressources, dont il s’agit de partager les bénéfices, ou à des savoir-faire utilisés depuis longtemps par certaines personnes, qui s’en trouvent alors brutalement privées.

Ensuite, le projet de loi prévoit la création de l’Agence française de la biodiversité.

Trop d’instances se sont additionnées au fil du temps ! Le projet de loi en réunit les missions et en simplifie les structures avec la création d’une seule instance d’expertise scientifique – le Conseil national de la protection de la nature – et d’une instance de débat qui rassemblera toutes les parties prenantes – le Comité national de la biodiversité…

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre

… qui sera complété par les comités régionaux dans les outre-mer où les enjeux de la biodiversité sont stratégiques.

Il s’agit d’une innovation majeure et d’un outil très attendu, qui répond à un engagement pris par le Président de la République, lors de la conférence environnementale de 2014, et à une forte demande des ONG. Elle s’inscrit également dans la continuité du Grenelle de l’environnement.

Pour que cette agence puisse être opérationnelle immédiatement après la promulgation de la loi, j’ai installé, dès octobre 2014, une mission de préfiguration. Celle-ci a énormément travaillé pour que l’agence soit en mesure d’exercer, dès sa création, les missions qui vont lui incomber en matière d’appui technique, de conseil, d’expertise, de mobilisation des moyens en faveur de la biodiversité terrestre, marine et aquatique, de gestion des aires protégées, d’appui aux missions de police de l’eau, de formation initiale et continue, de référence et de représentation dans les instances européennes et internationales.

J’ai réuni, en février 2015, un atelier sur la déclinaison dans les outre-mer des objectifs de la future agence. Un séminaire avec l’ensemble des futurs partenaires de l’agence s’est ensuite tenu les 22 et 23 mai à Strasbourg, dans le cadre d’une démarche de coconstruction, à laquelle je suis très attachée. Il a témoigné d’une ambition partagée par tous. Les professionnels de la biodiversité, en particulier dans le secteur économique, ont été étroitement associés à la réflexion sur les services attendus de l’agence. Ce fut notamment le cas à l’occasion des assises de la biodiversité, qui se sont tenues à Dijon les 10 et 11 juin.

Ces différents éléments de préparation ont été formalisés dans le rapport qui m’a été rendu le 25 juin, puis dans le complément relatif aux déclinaisons de l’agence dans les outre-mer, qui m’a été remis en juillet.

L’agence bénéficiera de 60 millions d’euros, qui s’ajouteront au budget dont elle dispose au titre des investissements d’avenir – de l’ordre de 230 millions d’euros –, la biodiversité relevant indéniablement de cette thématique.

Elle regroupera l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, le groupement d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées et l’établissement public Parcs nationaux de France. Des services communs assurés par l’agence seront ainsi mis en place.

Elle privilégiera une logique de réseaux avec des organismes intégrés – pour faire des économies de fonctionnement –, des organismes rattachés et d’autres avec lesquels elle passera des conventions de partenariat. Ce sera par exemple le cas avec le Muséum national d’histoire naturelle, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, ou le Centre d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.

J’ai bien entendu que nombre d’ONG et certains d’entre vous auraient souhaité que l’ONCFS soit intégré à l’agence, au même titre que l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, mais j’ai la conviction qu’une bonne contractualisation des relations de l’office avec l’agence ainsi que le rapprochement des équipes dans l’action sur le terrain permettront de dépasser les blocages institutionnels et créeront une dynamique plus positive et beaucoup plus économe en temps.

Cette agence sera le lieu de l’excellence, de la recherche et des actions volontaristes, en lien étroit avec tous les territoires. Elle nouera aussi des partenariats avec les organisations créées par les conseils départementaux et régionaux. Elle donnera une meilleure lisibilité à la stratégie française et décloisonnera les politiques de l’eau et de la biodiversité, afin de mettre au service de tous les acteurs un instrument unique et intégré en appui de leur action.

Je vous proposerai d’ailleurs un amendement corrigeant une disposition de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui affecte aux communes la compétence de gestion des eaux et des milieux aquatiques, ainsi que celle de la prévention des inondations. En effet, aujourd’hui, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale qui ont transféré leurs compétences à un syndicat ou à un établissement public ne peuvent pas lever la taxe qui a été instaurée.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre

Il s’agit là, simplement, de supprimer un frein inutile et de rendre plus cohérente notre organisation territoriale.

Je vous proposerai un autre amendement, dont la rédaction permettra l’adoption, région par région, d’une organisation souple, sur mesure et en fonction des demandes des nouveaux exécutifs, sans imposer une structure identique partout. Ce qui compte, c’est l’efficacité de l’action !

Je tiens à souligner que toutes les collectivités sont concernées par les objectifs de ce projet de loi et les outils qu’il met en place. Les départements jouent, à ce titre, un rôle important en matière de gestion des espaces naturels sensibles. Je sais que nombre d’entre vous connaissent très bien ces questions et ont à cœur d’approfondir les liens à établir entre l’agence et les gestionnaires de ces espaces.

Par ailleurs, l’élargissement du champ de compétences des agences de l’eau à la biodiversité et au milieu marin va aussi permettre d’apporter des moyens financiers supplémentaires.

Un très important volet du projet de loi porte sur la protection et la valorisation des paysages, en englobant dans une action vigoureuse, au-delà de nos sites remarquables, les paysages du quotidien, qui concernent directement la qualité de vie des Français et contribuent si puissamment à forger l’image de la France.

Le capital paysager est le bien commun des Français ; ils y sont très sensibles, car une part de notre histoire et de notre identité commune s’y rattache. Je remettrai d’ailleurs prochainement, le 3 février, le grand prix des paysages, pour faire en sorte que ce patrimoine national soit définitivement reconnu. Les citoyens doivent prendre soin de leur jardin planétaire et avoir le droit d’en partager les beautés.

Le projet de loi contient aussi des dispositions relatives aux relations entre la biodiversité et la santé.

Je sais que, pour certains Français, la biodiversité apparaît encore comme un terme un peu abstrait, une notion complexe. Elle est pourtant très concrète et concerne directement la santé de chacun, car une nature malmenée par le dérèglement climatique et les pollutions entraîne aussi des risques sanitaires accrus. Ce projet de loi intègre donc la relation entre la santé et le bon état de la biodiversité, par exemple en facilitant le recours au traitement naturel de l’eau et en interdisant le rejet en mer des eaux de ballast non traitées.

Le génie écologique, avec les emplois qui y sont liés, protège la santé, en encourageant l’utilisation de solutions fondées sur la nature, qui empêchent le développement de maladies transmises par des vecteurs biologiques et agissent sur le maintien des équilibres entre les espèces. Ces démarches sont d’ailleurs encouragées par le plan santé-environnement pour la période 2015-2019.

Le texte qui vous est soumis, ainsi que les plans d’action qui l’ont anticipé et l’accompagnent, se fixe des objectifs de santé publique, avec notamment la réduction de l’utilisation des pesticides qui passe par le développement d’alternatives, comme le montrent les territoires engagés dans la démarche « Terre saine, communes sans pesticides », et par la mise en place de périmètres d’interdiction d’épandage autour des écoles et des lieux sensibles, conformément aux recommandations de la dernière conférence environnementale.

La restauration de la qualité écologique des eaux marines, comme la réduction des déchets et des polluants qui contaminent le milieu marin, vise le même objectif de santé publique.

Vous le savez, dès 2016, les sacs plastiques à usage unique seront supprimés et, au début de 2017, la distribution de sacs plastiques non biodégradables sera interdite. Non seulement ils défigurent les paysages, mais les microdéchets de plastique passent au travers des systèmes d’épuration.

Les actions d’accompagnement de la loi sont également très importantes, afin que les acteurs sur les territoires puissent être directement partie prenante des mesures décidées par le Parlement. Dans les territoires à énergie positive, dont vous êtes souvent le relais, le volet de financement des actions de la biodiversité est mis en place – je le disais à l’instant. Le développement de l’éducation à l’environnement est également engagé.

J’en viens maintenant à la filière de développement économique, qui constitue l’une de mes préoccupations majeures. Comment utiliser les défis liés à la biodiversité pour créer des emplois dans les domaines de la croissance bleue et de la croissance verte ? Il s’agit d’un objectif essentiel.

J’ai évoqué l’importance de l’océan, thermostat de la planète. Il est évident que l’innovation scientifique et technologique, le développement de filières d’avenir, la création d’emplois ancrés sur les territoires peuvent de plus en plus s’appuyer sur les phénomènes de transition que nous connaissons.

À court terme, les emplois directement liés à la protection et à la gestion de la biodiversité dans les parcs nationaux et régionaux et dans les aires marines protégées atteindront le chiffre de 40 000. Les différents métiers du secteur des jardins et des paysages représentent aujourd’hui plus de 150 000 emplois et un marché de 10 milliards d’euros. Les activités fortement dépendantes de la biodiversité et de ses services écosystémiques, comme la pêche, l’agriculture, la sylviculture et la première transformation, pèsent 2 millions d’emplois en France. Les emplois indirects induits par la protection et la valorisation de la biodiversité – par exemple dans le tourisme, la filière bois ou les cosmétiques – se chiffrent à près de 5 millions. Le secteur, en plein essor, du génie écologique regroupe déjà un demi-millier d’entreprises et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 milliards d’euros. Les travaux du dixième programme des agences de l’eau soutiennent près de 70 000 emplois.

Je cite ces chiffres pour donner une idée du poids économique actuel de la biodiversité et du potentiel d’activités et d’emplois qui lui est lié. C’est aussi ce tournant que la loi sur la biodiversité, la nature et les paysages doit permettre d’accélérer, d’amplifier et d’approfondir, en facilitant la création d’un réseau de start-up et de PME à la pointe de l’ingénierie écologique dans le secteur du biomimétisme et de la bioinspiration. Ces entreprises ont déjà, à leur actif, de formidables découvertes scientifiques.

Robert Barbault avait raison, « la biodiversité est une véritable bibliothèque d’innovations auprès de laquelle les bibliothèques de nos pays ne représentent même pas un bout d’étagère. »

Une autre découverte passionnante a été faite : la chimie verte, affranchie des hydrocarbures, qui mise sur la nature et sur l’industrialisation des bioprocédés. C’est pourquoi le programme des investissements d’avenir soutient ces démarches, au travers de l’appel à projets « Initiative PME-biodiversité » lancé dans le cadre de son action sur les démonstrateurs de la transition écologique et énergétique, de même que les trophées de la stratégie nationale de la biodiversité. Beaucoup d’autres exemples pourraient être cités.

Pour conclure, je ferai deux remarques.

Tout d’abord, nous avons l’ambition, avec ce texte, de doter notre pays d’une loi d’action et de mobilisation de toutes ses forces vives.

Ensuite, nous devons simplifier les dispositifs. À cet égard, j’ai été très attentive aux observations que vos rapporteurs ont faites, notamment pour déplorer que le texte contienne quinze habilitations à légiférer par ordonnances. Après un travail accéléré prenant en considération ces griefs, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’il n’y aura finalement aucune demande en ce sens.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre

Après un examen personnel détaillé de toutes ces demandes d’habilitation, j’ai pu obtenir que la rédaction de certains projets d’ordonnance soit accélérée afin de pouvoir les intégrer au projet qui vous est soumis. Par ailleurs, j’ai choisi d’éliminer certaines ordonnances, qui ne me paraissaient pas vraiment utiles eu égard au sujet qui nous préoccupe. Enfin, il m’est apparu qu’un certain nombre de dispositifs pouvaient parfaitement être mis en place par des circulaires ministérielles, que j’ai immédiatement fait rédiger.

Je le répète, j’ai donc le plaisir de vous confirmer que quinze articles d’habilitation à légiférer par ordonnances ont été supprimés. C’est ma façon de vous montrer à quel point je suis sensible à la qualité de vos travaux et combien je me soucie de coconstruire avec vous cette loi magnifique, qui va donner à notre pays un nouveau potentiel de création d’activités et d’emplois.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE – M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes ici aujourd’hui pour examiner le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a commencé son cheminement, comme l’a rappelé Mme la ministre, depuis quelque temps déjà.

En effet, il a été adopté en conseil des ministres voilà bientôt deux ans, en mars 2014, puis par l’Assemblée nationale, qui l’a passablement modifié, en mars 2015. Enfin, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, qui m’a fait l’honneur et le plaisir de me nommer rapporteur, a adopté son texte au début de juillet 2015.

Ma tâche de rapporteur sur ce texte a été – et continue d’être – passionnante. Les nombreuses auditions que j’ai menées, les personnes que j’ai rencontrées, toutes profondément engagées, quelle que soit leur appréciation sur le projet de loi, ainsi que les innombrables contributions que j’ai reçues et décortiquées une à une, ont fini de me convaincre, s’il en était besoin, que nous abordons avec ce texte un sujet capital et exigeant.

J’en profite pour remercier tout particulièrement mes collègues de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, ainsi que son président Hervé Maurey. Par leur implication et leur confiance, ils ont rendu possible la construction d’une solution par notre commission, pour reprendre une expression de Mme la ministre. Cette solution n’est certainement pas parfaite, et nous sommes d’ailleurs là pour continuer d’en débattre, mais elle a le mérite d’atteindre un équilibre logique, pragmatique et réfléchi.

Nous avons adopté en commission 222 amendements, issus de tous les groupes politiques. Nous avons repris la quasi-totalité des amendements de Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et nous avons voté une vingtaine d’amendements de simplification proposés par notre collègue Rémy Pointereau, ainsi qu’une dizaine d’amendements déposés par notre collègue Jean-Noël Cardoux au nom du groupe d’études Chasse et pêche. J’en profite pour les remercier et les saluer.

Mes chers collègues, comme l’a dit Mme la ministre, nous allons parler cet après-midi de la planète que nous laisserons à nos petits-enfants, en tout cas de celle que j’aimerais laisser aux miens, et des conditions de notre survie sur Terre.

Dans un livre paru récemment, La sixième extinction, qui a d’ailleurs reçu le prix Pulitzer, Elizabeth Kolbert a mené une enquête sur l’histoire de la vie terrestre. Elle raconte une anecdote saisissante que je vais vous livrer. Au centre de la galerie de la biodiversité du Muséum américain d’histoire naturelle, où elle s’est rendue pour les besoins de l’écriture de son livre, une plaque rappelle que cinq phénomènes d’extinction majeurs se sont succédé depuis l’apparition des animaux complexes voilà 500 millions d’années. Sur cette plaque figure l’inscription suivante : « Le changement climatique planétaire et d’autres causes, comme les collisions entre la Terre et des astéroïdes, ont été à l’origine de ces événements ; actuellement, nous sommes en plein milieu de la sixième extinction, provoquée cette fois-ci par la seule action de l’homme sur l’environnement. » C’est ce que l’on appelle le début de l’anthropocène.

L’enjeu est donc immense. Les exemples, qui pleuvent, sont autant de signaux d’alarme que nous ne pouvons plus ignorer. Aujourd’hui, il semble que le taux d’extinction actuel des amphibiens soit 45 000 fois plus élevé que leur taux d’extinction de fond. Un tiers de tous les coraux bâtisseurs de récifs, un tiers de tous les mollusques d’eau douce, un tiers des requins et des raies, un quart des mammifères, un cinquième des reptiles et un sixième des oiseaux – Mme la ministre a évoqué les 400 millions d’oiseaux morts en Europe – sont en voie d’extinction, et ces disparitions interviennent partout sur le globe.

C’est pourquoi le devoir qui nous incombe est important. Nous devons, en conscience, changer notre regard sur notre modèle de développement et sur nos actions quotidiennes, dont l’impact, que l’on mesure aujourd’hui, peut être catastrophique pour nous. Saisissons ce moment comme une véritable opportunité dynamique, ce que sont souvent les crises, pour valoriser la vie sur Terre, notre bien le plus précieux, tout en la protégeant.

J’insiste sur cette dimension, car je crois qu’elle est susceptible d’éclairer nos débats. Gardons toujours en tête que ce texte n’est pas une énième loi agricole, ni une énième loi sur la chasse, ni d’ailleurs une énième loi sur la nature, se caractérisant par une approche statique qui consisterait à mettre nos paysages sous cloche.

Non, ce texte est un des maillons du changement de paradigme qui est devant nous. Il est une des clés de la réussite des accords de Paris de la COP 21, comme l’était déjà le projet de loi relatif à la transition énergétique, ainsi que nous l’avait expliqué notre collègue Louis Nègre, que je salue.

Tout se tient et nous ne pouvons plus nous payer le luxe de cloisonner ces sujets au nom d’intérêts sectoriels, certes souvent légitimes à première vue, mais qui, en fin de compte, ne seraient satisfaits que pour un temps. Nous ne ferions que reculer pour mieux sauter si nous prenions ce texte sous cet angle.

C’est cette ambition-là que je vous encourage à avoir aujourd’hui. Nous avons tous salué l’accord historique sur le climat, et je me souviens de la réunion des parlementaires du monde entier dans cet hémicycle, à l’occasion de laquelle nous avons voté une déclaration à l’unanimité, au début du mois de décembre 2015. Nous avons une occasion concrète de commencer sans attendre à mettre en œuvre cet accord historique sur lequel 190 pays aux intérêts divergents se sont retrouvés. Je souhaite que le Sénat montre son engagement, son sens des responsabilités et sa modernité – certes, nous ne sommes que 348 sénateurs, alors que 195 pays ont participé à la COP 21. En tout cas, ce ne serait pas la première fois que le Sénat se placerait au-dessus de la mêlée.

Mes chers collègues, je n’entrerai pas maintenant dans le détail du texte, ce qui serait trop long. Mme la ministre en a esquissé les grands traits, et nous aurons bien évidemment l’occasion d’y revenir très longuement au cours des débats.

Cependant, je voudrais vous éclairer sur l’état d’esprit qui a présidé à l’adoption de notre texte en commission. Le fil rouge que j’ai proposé tient en quelques phrases.

J’ai d’abord tenté de faire partager à mes collègues cette conscience de l’urgence, comme je l’ai dit tout à l’heure. J’ai ensuite appelé de mes vœux la recherche de positions d’équilibre et de compromis, loin de la caricature. Par ailleurs, j’ai souligné la nécessité de recentrer le texte sur ses véritables enjeux – je le répète, comme il ne s’agit pas d’une loi sur la chasse, nous avons supprimé tous les articles qui pouvaient légitimement être considérés comme « anti-chasse » ou « pro-chasse », inutilement polémiques et hors sujet. Enfin, je me suis efforcé d’alléger les contraintes pour tous les acteurs et d’adopter une démarche pragmatique.

Cette démarche pragmatique, j’ai tenu à ce qu’elle soit systématique et qu’elle associe tous mes collègues. Je prendrai deux exemples.

Le premier concerne l’article 34, qui crée des zones prioritaires pour la biodiversité. Nous les avons supprimées en commission à titre conservatoire et je m’étais engagé à regarder si une autre solution plus satisfaisante existait. Je me suis donc rendu en Alsace, avec certains de mes collègues de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, car, s’il importe de légiférer dans cet hémicycle, il est aussi important de se rendre dans les territoires pour se rendre compte de ce que pensent les acteurs de terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Avec Jean-François Longeot, Pierre Médevielle et notre collègue sénateur du Bas-Rhin, Guy-Dominique Kennel, j’ai pu constater que la mise en place de ces zones était inutile, compte tenu du travail important effectué par les chambres d’agriculture, en partenariat avec les services de l’État et les agriculteurs locaux. Ce dispositif a donc été supprimé et Mme la ministre a accepté de ne pas revenir sur cette suppression, à la lumière de cet exemple que nous lui avons rapporté du terrain. Le problème du grand hamster n’est pas pour autant réglé définitivement, et il appelle encore des efforts, mais l’outil proposé par le texte n’était pas le bon.

Je me suis également rendu dans les Yvelines avec Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, pour évaluer le projet de compensation par l’offre élaboré par le conseil départemental, qui vise à fournir aux porteurs de projets publics et privés un service « clef en main ». Ce déplacement nous a permis de constater que les réserves constituaient une modalité de mise en œuvre de la compensation particulièrement intéressante, via une mutualisation plus efficace de la compensation, une garantie de sa mise en œuvre ex ante ou encore une meilleure insertion dans le territoire.

Le département des Yvelines, qui connaît d’immenses problèmes d’urbanisation et d’équipement, a su trouver un équilibre avec la compensation, qui est rendue aujourd’hui obligatoire, de façon intelligente et pragmatique. Ainsi, il nous a été démontré que la compensation pouvait apporter un complément de revenus aux agriculteurs, lorsque sa mise en œuvre privilégiait une logique contractuelle par rapport à l’acquisition foncière. Dès lors, la situation devient beaucoup moins problématique et douloureuse.

Ce pragmatisme, nous avons également tenu à le conjuguer avec une exigence de simplification du droit et d’allégement des contraintes pour les acteurs. Il ne faut pas être simpliste, car les problèmes compliqués que nous avons à résoudre appellent des solutions parfois complexes.

Il ne faut pas non plus être obscur, opaque et inutilement compliqué. La complexité peut être l’ennemie du législateur, car nous devons trouver des solutions qui soient comprises par les gens à qui les législations s’appliquent, mais, parfois, par excès de simplicité, nous pouvons avoir tendance à nous laisser aller à la facilité du simplisme, ce qui peut s’apparenter à une forme nouvelle de poujadisme. Telle est l’extraordinaire difficulté à laquelle nous sommes confrontés.

Nous avons ainsi opté pour un édifice plus lisible de la gouvernance de la biodiversité, d’une part en instituant une représentation de tous les secteurs économiques et de tous les acteurs concernés au sein du Comité national de la biodiversité, d’autre part en rationalisant le fonctionnement de l’Agence française pour la biodiversité, établissement public administratif ayant vocation à constituer l’outil de mise en œuvre de la politique nationale de la biodiversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Enfin, je voudrais dire un mot sur l’accès aux ressources et le partage des avantages, ou APA. Pardonnez-moi, madame la présidente, mais le texte est trop long pour que je puisse le présenter en dix minutes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Le titre IV du projet de loi, qui transpose le protocole de Nagoya, est emblématique, je pèse mes mots, de la position unique au monde de la France, à la fois pays fournisseur de ressources génétiques – nos outre-mer présentent une richesse unique en matière de biodiversité – et pays utilisateur, grâce à nos entreprises dynamiques dans la pharmaceutique, l’agroalimentaire ou encore la cosmétique.

Je me félicite donc que nous inscrivions dans notre droit un dispositif permettant d’assurer à la fois la préservation des ressources et leur utilisation en toute sécurité par nos entreprises. Sans mettre la nature sous cloche, nous garantissons que nos ressources seront utilisées de manière durable et que les communautés locales en recevront des retombées justes et équitables. Je me réjouis, une fois de plus, que ce travail de Nagoya, auquel j’ai participé en 2010, trouve ici un aboutissement intelligent.

Je ne serai pas plus long, mes chers collègues, car de copieux débats nous attendent. Je souhaite que nous réussissions à entrer, avec ce texte, dans une mutation qui ne s’arrêtera pas à un point considéré comme un juste milieu, et que nous nous employions à « redéfinir le progrès », selon les mots du pape François, qui peuvent, à mon sens, parler à tous, au-delà de toute considération théologique.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Ma chère collègue, je vous rappelle que vous disposez d’un temps de parole de dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur Jérôme Bignon, mes chers collègues, l’accélération fulgurante du développement économique qu’a connue notre monde, notamment aux XIXe et XXe siècles, s’est imposée à nos sociétés. Emblématique d’une forme de conquête de l’homme sur les lois de la nature, l’avancée des techniques était alors synonyme de progrès et de prospérité et l’environnement n’était pas une préoccupation majeure.

Depuis un demi-siècle, les esprits ont bien changé : aujourd’hui, la raréfaction annoncée des ressources, les conséquences polluantes de certaines activités, les dégradations des écosystèmes et la perte de biodiversité paraissent des enjeux majeurs qu’il convient de considérer avec le plus grand sérieux. Dès lors, pour exercer son activité, le monde économique doit pleinement intégrer les enjeux environnementaux, voire s’ouvrir à de nouvelles opportunités.

La protection de l’environnement est ainsi considérée comme la condition d’une prospérité nouvelle, avec le déploiement de l’économie bleue et de l’économie verte.

La législation environnementale a pris son essor en France à partir des années 1970, s’employant à interdire certaines pratiques, à protéger des espaces particulièrement remarquables ou encore à imposer des études d’impact autour des projets d’aménagements ou d’infrastructures.

Parallèlement, à l’échelon européen, des directives ont été adoptées pour demander aux États membres de mieux protéger les milieux : la directive « Oiseaux », la directive-cadre sur l’eau, les directives « Habitats ».

Enfin, à l’échelon international, la problématique environnementale a pris une importance croissante. L’accord de Paris, intervenu à l’issue de la COP 21 de décembre dernier, en constitue le dernier épisode en date – pas l’ultime, bien sûr, et fort heureusement !

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui se fixe plusieurs objectifs : lutter contre l’érosion de la biodiversité, la disparition d’espèces, qu’elles soient animales ou végétales, phénomènes qui peuvent être lourds de conséquences environnementales et sanitaires, mais aussi économiques.

Ce texte ne part pas d’une feuille vierge. Il intervient quelques années après les lois « Grenelle I » et « Grenelle II », qui avaient posé les bases d’une nouvelle ambition environnementale de la France et inscrit dans notre paysage législatif des outils inédits, parmi lesquels les trames vertes et bleues, la prise en compte de l’environnement dans les documents d’urbanisme ou la lutte contre la production de déchets.

Ce projet de loi, qui n’est pas en contradiction avec l’ambition d’alors, s’inscrit dans une logique d’approfondissement et de complément.

Si la commission des affaires économiques du Sénat s’est saisie de plusieurs articles de ce projet de loi, c’est parce qu’elle considère que les préoccupations environnementales et économiques ne peuvent pas aujourd’hui être traitées indépendamment les unes des autres.

L’ensemble des acteurs économiques – les agriculteurs, les pêcheurs, les forestiers, en particulier – sont des acteurs majeurs de la biodiversité. Il en va de même, bien sûr, pour les chasseurs, qui sont les premières vigies de la biodiversité.

Or, s’il convient toujours de mieux apprécier l’impact de leurs activités sur les milieux naturels, il convient aussi, en retour, d’évaluer l’impact économique des réglementations environnementales que tous ces acteurs doivent appliquer dans leur vie quotidienne. De ce point de vue, la démarche partenariale doit s’imposer en lieu et place de l’écologie punitive.

La multiplication des zonages, des organismes publics ou parapublics, l’enchevêtrement des normes conduisent aujourd’hui inexorablement à la complexification, parfois à l’incompréhension, à l’impossibilité de répondre à toutes les réglementations qui s’empilent et se croisent ; il arrive même qu’elles se contredisent ! Tout cela provoque trop souvent l’hostilité des acteurs économiques et conduit parfois à la confrontation. En définitive, l’environnement n’est pas mieux protégé, tandis que l’économie est, quant à elle, pénalisée.

Je regrette que quelques-unes des dispositions présentées dans ce texte ne relèvent pas totalement de cette logique. En effet, la première lecture à l’Assemblée nationale a conduit à l’ajout de nombreuses mesures nouvelles qui n’ont fait l’objet d’aucune évaluation préalable sérieuse. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a recommandé, dans son avis, l’adoption de dispositifs plus pragmatiques qui ont été, pour la plupart, acceptés par la commission du développement durable et se trouvent intégrés dans le texte que nous examinons aujourd’hui.

Je remercie Jérôme Bignon pour son écoute toujours attentive et son souci de l’équilibre. Grâce à son soutien, nous avons pu modifier certains points concernant l’urbanisme et le droit des sols, dans le but de ne pas complexifier le droit actuel, notamment pour les élus locaux.

Ainsi, nous avons supprimé l’article 27 bis, qui prévoyait que les schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, devaient transposer les dispositions des chartes de parc national.

Nous avons supprimé l’article 32 quater, qui donnait à l’Agence des espaces verts d’Île-de-France un droit de préemption sur les espaces naturels sensibles concurrent du droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER.

Nous avons également supprimé l’article 36 quinquies A, qui imposait de nouvelles normes en matière de végétalisation des toitures et des parkings, alors même que nous avons déjà récemment tranché la question lors de l’examen de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », laquelle n’est pas encore appliquée.

Nous avons souhaité favoriser une approche plus réaliste et moins idéologique des dispositions impactant le monde agricole.

Nous avons ainsi supprimé l’article 34, qui créait la possibilité d’établir un nouveau zonage et de délimiter des « zones prioritaires pour la biodiversité », au sein desquelles des pratiques agricoles auraient pu être imposées. L’idée louable de protéger certaines espèces fragiles, comme le grand hamster d’Alsace précédemment cité, peut tout à fait être traitée de façon pragmatique sur le terrain par un travail partenarial entre les acteurs. Nul n’est besoin de légiférer à outrance !

Nous avons rappelé, à l’article 35, que le but premier de l’assolement en commun devait être économique et social.

Nous avons précisé les règles applicables en matière de traitement des fonds de cuve et des résidus de produits phytopharmaceutiques et supprimé la mesure purement nationale d’interdiction des néonicotinoïdes prévue à l’article 51 quaterdecies. En la matière, je pense que nous aurons des débats intéressants.

Nous avons aussi souhaité que soit mieux encadré le dispositif sur les obligations réelles environnementales prévu par l’article 33. Ainsi, nous avons demandé que soit respecté un équilibre entre obligations et contreparties, afin que les agriculteurs ne soient pas victimes de ce nouvel outil et puissent, au contraire, l’intégrer positivement.

Au sujet de la pêche et de la chasse, je souhaite rappeler, après Jérôme Bignon, que ce texte n’est pas d’une loi « chasse » ou d’une loi « pêche ». Nombre d’amendements adoptés par l’Assemblée nationale en séance de nuit ont été extrêmement mal ressentis par nos concitoyens chasseurs ou pêcheurs, notamment ceux des zones rurales, pour lesquels ces activités sont essentielles d’un point de vue social, mais aussi au titre de la régulation des espèces. Je remercie le président du groupe d’études, Jean-Noël Cardoux, pour le travail conjoint que nous avons effectué avant la première réunion de la commission.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des modifications que nous avons apportées.

Je voudrais, avant de conclure, évoquer la question de l’accès aux avantages résultant de l’exploitation de ressources génétiques issues de la nature et de leur partage, qui fait notamment l’objet des articles 18 et suivants du projet de loi. C’est un sujet techniquement difficile, car il est indispensable de concilier le droit des communautés d’habitants des territoires dont sont issues ces ressources avec la nécessité de conserver une recherche forte et performante.

La France doit protéger ses ressources génétiques, notamment au regard de la grande richesse de celles-ci en outre-mer, mais elle ne peut pas, de sa propre initiative, entraver son propre appareil de recherche, qu’il soit public ou privé, alors même qu’une féroce compétition mondiale se joue en matière de génie génétique, domaine dans lequel notre pays excelle particulièrement.

C’est le souci d’équilibre permanent entre développement économique et préservation de la biodiversité qui a guidé mes travaux en tant que rapporteur et que je défendrai durant nos débats, au nom de la commission des affaires économiques.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Bravo pour votre concision !

La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, madame, monsieur les rapporteurs, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis du projet de loi « biodiversité » sur deux points : d’abord, la réforme de la procédure d’inscription des sites prévue aux articles 69 à 71 ; ensuite, l’article 74, par lequel les députés ont supprimé, en séance publique, le dispositif relatif aux bâches publicitaires sur les chantiers des monuments historiques, institué par la loi de finances pour 2007.

Notre commission n’a pas fait entrer dans le champ de sa saisine la création de l’Agence française de la biodiversité, car les enjeux principaux qui s’y attachent sont du ressort de la commission du développement durable. Cependant, il est vrai que certaines de ses missions – le développement des connaissances sur la biodiversité, de même que la formation et la communication sur ce sujet – intéressent notre commission.

Nous avons noté avec satisfaction les dispositions introduites par l’Assemblée nationale visant à faire en sorte que la nouvelle agence entretienne des liens avec le monde scientifique et les bases de données qui existent déjà, par exemple, celle de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. De même, nous nous sommes félicités de l’institution d’un conseil scientifique.

Si, à ce stade, notre commission a choisi de ne pas intervenir, rien ne nous empêchera, par la suite, de vérifier, par exemple, que les établissements supérieurs de recherche s’y « connectent » bien pour que les connaissances sur la biodiversité se diffusent dans l’enseignement et dans la communication. Notre commission y est particulièrement attachée.

J’en viens aux deux volets de notre saisine : premier sujet, la réforme de la procédure d’inscription des sites, opérée par les articles 69, 70 et 71.

La matière est technique, mais elle revêt, nous le savons, une grande portée pratique dans la gestion de nos territoires.

Les vingt dernières d’années ont montré l’évolution des schémas de l’action publique en matière de protection du patrimoine. On a ainsi cherché à mieux concilier celle-ci avec le développement des territoires, tout en associant davantage les citoyens, conformément à la Charte de l’environnement. Ce passage à un modèle plus coopératif s’est également accompagné de l’apparition de nouveaux outils de protection. Il s’ensuit qu’il devient aujourd’hui nécessaire de faire le tri au sein des sites inscrits sur les listes départementales.

On compte, aujourd’hui, 4 800 sites inscrits, qui représentent 2, 5 % du territoire, et force est de reconnaître que l’on y trouve de tout ! La procédure d’inscription, qui nous vient de la grande loi de 1930, est restée quasiment intacte et a servi à des usages bien différents au cours du temps. C’est ici que le projet de loi nous propose de faire une sorte de « grand ménage de printemps » afin de répartir les sites inscrits dans les nouvelles cases de la protection.

Le Gouvernement fait un double diagnostic, que je partage très largement, compte tenu de ce qu’ont pu m’en dire les professionnels.

D’une part, alors que l’inscription sur la liste départementale des sites devait être « l’antichambre » du classement, celle qui précède l’adoption de mesures protectrices, cette inscription a été utilisée pour bien d’autres motifs, sans cohérence et avec des règles différentes, au prix d’une grande dispersion des moyens consacrés à la protection.

D’autre part, l’inscription sur cette liste départementale n’assure pas une protection suffisante : sur un site inscrit, l’avis des architectes des Bâtiments de France, les ABF, est consultatif et l’on fait à peu près tout ce que l’on veut, du moment que l’on ne démolit pas ce qui a justifié l’inscription.

L’administration estime que l’inscription ne protégerait finalement que les territoires sur lesquels aucune pression foncière ne s’exerce. Pour autant, les sites inscrits mobilisent beaucoup les ABF, les services territoriaux de l’architecture et du patrimoine, désormais intégrés à la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, et, pour les espaces naturels, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DREAL, qui relèvent du ministère de l’écologie, et les propriétaires, qui doivent annoncer leurs travaux au moins quatre mois à l’avance.

Pour résoudre ces problèmes, le Gouvernement nous propose, avec l’article 69, de « geler » la liste des sites inscrits et de redistribuer le « stock » – pardonnez-moi ce terme, mais je n’en ai pas trouvé d’autre ! – des sites actuellement inscrits dans trois catégories, d’ici à 2026.

Première catégorie, les sites « dont la dominante naturelle ou rurale présente un intérêt paysager justifiant leur préservation » : cette « nouvelle liste » serait établie par arrêté ministériel, après avis de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.

Deuxième catégorie, les sites qui méritent d’être classés : cette tâche devrait être accomplie d’ici à 2026 par décret et après enquête publique.

Enfin, la troisième catégorie regroupe tous les autres sites qui ont vocation à être radiés de la liste, c’est-à-dire ceux qui sont dégradés de manière « irréversible », au point qu’il ne serait plus utile de les protéger, ou ceux qui bénéficient d’une protection équivalente, au titre d’un dispositif plus récent que l’inscription.

C’est peu dire, mes chers collègues, que ce « grand ménage » inquiète les élus, les techniciens et les associations que j’ai auditionnés, mais ce qui les inquiète plus encore, c’est ce « gel » de la liste, c’est-à-dire l’impossibilité, à l’avenir, d’y inscrire des sites à protéger. Le Gouvernement a beau souligner qu’un nombre finalement restreint de sites se verraient « désinscrits », ce que nous retenons, c’est que l’impossibilité d’inscrire désormais un site nous privera d’un outil souple et apprécié de gestion territoriale soucieuse de patrimoine.

Quelles sont les motivations profondes de cette réforme ?

Certes, il faut mettre de l’ordre, de la cohérence, classer les sites qui méritent de l’être, résoudre les cas de superposition, simplifier les procédures. Toutefois, pourquoi « geler » la liste, qui peut continuer à jouer le rôle d’antichambre du classement et qui donne un accès très utile aux ABF et aux services territoriaux de l’architecture et du patrimoine ? Pourquoi devoir « fermer » la liste sous prétexte qu’on y met enfin de l’ordre ? L’un n’empêche pas l’autre, me semble-t-il ! Faut-il croire que l’objectif pour le Gouvernement est surtout de « recentrer » ses forces sur le patrimoine le plus sensible, quitte à laisser les collectivités territoriales orchestrer elles-mêmes la protection de leurs territoires ?

Les députés ont, très logiquement, rétabli la possibilité d’inscrire des sites, mais ils l’ont fait de manière particulièrement restreinte, pour les seuls sites qui se trouvent à proximité de sites classés. Notre commission a marqué sa volonté d’aller plus loin en proposant de rétablir la possibilité d’inscrire des sites sur la liste départementale. Je me félicite, à cet égard, de la communion de pensée avec la commission du développement durable sur ce sujet.

J’en viens au deuxième sujet et volet de notre saisine, la suppression des bâches publicitaires lors de travaux sur les monuments classés ou inscrits.

Vous le savez, depuis 2007, la publicité est autorisée sur les bâches qui recouvrent les échafaudages lors de travaux affectant des immeubles classés ou inscrits. Cette dérogation au code de l’environnement est importante d’un point de vue patrimonial, car elle permet d’affecter les recettes publicitaires au financement de ces travaux. Les députés ont décidé de la supprimer en séance publique, contre l’avis du Gouvernement, et de la commission, et la commission de la culture vous propose de la rétablir.

Si nous sommes conscients que des abus ont pu se produire et en choquer certains, il a semblé très excessif à une grande majorité des membres de la commission de supprimer un dispositif qui a prouvé son intérêt pour la protection du patrimoine.

Ses avantages sont d’abord, évidemment, pécuniaires. Depuis 2007, environ 20 millions d’euros de recettes publicitaires auraient été affectés aux travaux. Certains pics importants auraient été décisifs, tels que les 2 millions d’euros dégagés pour la restauration de la Conciergerie. À la clé, il ne faut pas oublier le soutien important que ces recettes procurent aux métiers de la restauration, dont les savoir-faire sont menacés par le repli des crédits publics.

Par ailleurs, il faut souligner que ce dispositif est raisonnable et très encadré. Ainsi, la surface de la publicité ne doit pas dépasser la moitié de la bâche ; son message fait en outre l’objet d’un contrôle de l’autorité administrative. Au total, ces bâches, notamment par l’utilisation de trompe-l’œil, donnent des résultats esthétiques bien plus convaincants que si elles étaient « brutes de chantier ».

De plus, l’affichage est strictement limité à la durée des travaux. Nous sommes donc largement en deçà de ce qui se pratiquait dans les années 1930. Vous ne vous en souvenez sûrement pas, mes chers collègues

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Pour toutes ces raisons, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de rétablir la dérogation, telle qu’elle existe aujourd’hui, en supprimant l’article 74. Cette décision, à mes yeux, ne ferme la porte ni à une discussion sur l’évolution du dispositif ni à l’amélioration de la loi sur ce point.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je voudrais avant tout remercier notre rapporteur Jérôme Bignon, qui vient de présenter avec beaucoup de talent, de force et conviction la position de la commission. La tâche n’était pas facile. En effet, alors que le présent texte comporte un très grand nombre de dispositions importantes, notre rapporteur disposait d’un temps très limité pour s’exprimer. Bien plus important encore est le travail énorme qu’il a accompli tout au long de l’année 2015 et jusqu’en 2016, pour étudier chacune des dispositions du projet de loi, rencontrer et entendre l’ensemble des acteurs intéressés, soit près de deux cents personnes.

Je tiens aussi à remercier les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission de la culture, chacun des membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que tous les groupes représentés dans notre assemblée, à qui nous devons ce texte que nous avons adopté grâce à une approche très consensuelle. Merci à Mme la ministre, qui a comme toujours fait preuve de beaucoup d’écoute, et merci aux services de la commission, qui ont accompli un énorme travail.

Ce texte a été adopté à une très large majorité par la commission le 8 juillet dernier. Il intègre de nombreux apports, en provenance de toutes les sensibilités représentées au sein de la commission : pas moins de 222 amendements ont été adoptés au total, soit plus d’un tiers de ceux qui nous avaient été soumis.

C’est donc un travail collectif qui vous est présenté aujourd’hui, un texte équilibré, réaliste, pragmatique et même simplificateur – je le précise à l’attention de mon collègue Rémy Pointereau –, comme nous avions cherché à le faire pour le projet de loi relatif à la transition énergétique, sur l’initiative de notre collègue Louis Nègre.

Je souhaite que notre débat en séance publique se déroule comme celui qui s’est tenu en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, c’est-à-dire sans a priori ou postures idéologiques, avec le seul souci de l’efficacité et de l’écoute et, surtout, avec un objectif permanent d’intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Ce texte ne doit pas être abordé de manière clivante : majorité contre opposition, défenseurs de l’environnement contre agriculteurs ou chasseurs… Au contraire, ce projet de loi doit nous rassembler par l’importance de ses enjeux.

Ce texte s’inscrit en effet parfaitement dans le prolongement de l’accord historique et universel de Paris sur le climat, signé le 12 décembre dernier, dont nous nous sommes tous félicités dans cet hémicycle. Il faut désormais le mettre en œuvre concrètement et respecter les engagements que nous avons pris devant la communauté internationale pour limiter le réchauffement de la planète.

Le projet de loi que nous examinons est l’un des éléments qui doit y contribuer. La préservation de la biodiversité figure d’ailleurs explicitement dans la résolution adoptée à l’unanimité par le Sénat, le 16 novembre dernier, sur la proposition de Jérôme Bignon.

Les interactions entre biodiversité et climat sont en effet nombreuses. Les modifications de la température, de l’humidité ou de la concentration en CO2 dans l’atmosphère influent – c’est incontestable – sur la biodiversité. Elles ont un impact sur la croissance des animaux et des plantes, ainsi que sur leur cycle de vie. Elles entraînent des migrations d’espèces animales et végétales, voire leur disparition, lorsque ces espèces ne parviennent pas à s’adapter aux nouvelles conditions.

Aussi, du fait de ces évolutions, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC, prévoit la disparition, d’ici à 2050, de 20 % à 30 % des espèces végétales et animales. La France est très exposée à ce phénomène du fait de la variété de ses territoires, notamment outre-mer.

Or, en sens inverse, ce sont bien les écosystèmes qui ont influencé les modes de vie des hommes, contribué à dessiner les paysages et permis la diversité des espèces qui y habitent. Ils ont aussi contribué à l’agriculture et à l’alimentation humaine ; ils ont assuré la qualité de notre santé et modelé nos civilisations, notre culture et notre économie.

Aussi, en adoptant des stratégies efficaces de maintien de la biodiversité, par la gestion des habitats et des espèces menacées ou encore par la création d’aires protégées sur terre et en mer, il est possible d’améliorer la résistance des écosystèmes humains et naturels aux changements climatiques.

La biodiversité peut même, grâce à l’agriculture et à la forêt, atténuer la croissance de la quantité de CO2 dans l’atmosphère par la création de puits de carbone. Elle a donc une véritable utilité ; sa préservation est incontestablement nécessaire.

La biodiversité représente aussi un atout économique. En effet, elle contribue aux activités humaines, notamment l’agriculture et la pêche, mais aussi la pharmacopée ou le tourisme. On mesure donc les conséquences que pourraient avoir son altération ou sa disparition. Elle est également source d’innovation : on peut ainsi citer le biomimétisme.

Dans le contexte postérieur à la COP 21, ce projet de loi est donc bienvenu. Il était d’ailleurs attendu : présenté en conseil des ministres le 26 mars 2014, il a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 24 mars 2015 ; nous l’attendions donc ici depuis déjà plusieurs mois.

Ce texte propose une vision plus dynamique de la biodiversité : il rappelle le lien étroit qu’elle entretient avec les activités humaines. Il nous revient d’en adopter une version juste et équilibrée, plus mesurée et pragmatique que celle issue de l’Assemblée nationale, qui pourra fixer le cap pour les prochaines années. Le texte issu de notre commission a cette ambition. Les amendements que nous adopterons en séance devront, selon la commission, préciser et améliorer cet équilibre sans le bouleverser.

C’est une vision positive de la biodiversité que nous voulons inscrire dans la loi. Pour y parvenir, la commission veillera à ce que nos débats soient placés sous le signe du pragmatisme et animés par la recherche du seul intérêt général.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, quatre ans après la conférence environnementale, nous voici enfin réunis pour débattre du projet de loi visant à la reconquête de la biodiversité.

Nous le savons tous : protéger aujourd’hui la biodiversité, c’est créer les conditions pour assurer demain un avenir à l’humanité.

La France a une responsabilité particulière. Grâce à ses territoires d’outre-mer et à l’importance de son espace maritime, le deuxième au monde – ce n’est pas mon collègue Paul Vergès, que je salue, qui me contredira –, elle est l’un des pays les plus remarquables par la richesse et la diversité de ses paysages et de ses écosystèmes.

Ce texte est attendu. Après la loi fondatrice de 1976, il marque un pas supplémentaire pour la protection de la biodiversité. Nos débats, je l’espère, seront par leur qualité à l’image des travaux de la commission, marqués par un climat constructif sous la houlette de notre rapporteur Jérôme Bignon.

L’entreprise de définition réalisée dans ce texte, notamment au titre Ier, est considérable ; elle constitue un atout important de ce projet de loi. Nous partageons en particulier la définition de la biodiversité comme un système vivant, dynamique et interactif. C’est une avancée importante, qui rompt avec l’approche patrimoniale de la loi de 1976.

Il est par ailleurs bienvenu de placer cette définition dans une vision écosystémique en évolution permanente. Outre la protection des espèces et espaces remarquables, il s’agit aujourd’hui toujours plus de favoriser la biodiversité ordinaire et les corridors écologiques et de permettre aux espèces de faire face aux conséquences du changement climatique ou au morcellement de leur habitat, y compris en milieu urbain. Ces questions sont au cœur de ce texte.

Il y a urgence à agir pour la biodiversité. Les chiffres ont largement été rappelés par Mme la ministre et notre rapporteur, je n’en citerai qu’un : chaque année, 17 000 espèces disparaissent. Les scientifiques parlent d’une sixième crise d’extinction des espèces et estiment que 60 % des services écosystémiques mondiaux sont dégradés.

Nous nous trouvons donc, comme pour la question du climat, à un moment charnière. Il y a dix ans déjà, nous avions organisé ici même un colloque sur cette question, sous la houlette des sénateurs Jean-François Le Grand et Marie-Christine Blandin, colloque qui avait bénéficié du parrainage d’Hubert Reeves, président de la ligue ROC, devenue Humanité et Biodiversité.

Durant ces dix années, les consciences ont continué de progresser. Le constat que l’activité humaine est à l’origine de la dégradation écologique a été validé. De même, nous savons maintenant que l’humanité en subit les conséquences. L’idée qu’il faut redéfinir ce qu’est le progrès et les conditions qui sont nécessaires pour y conduire émerge de plus en plus fort dans la société. Nicolas Hulot nous appelle d’ailleurs à oser changer la société.

Parmi les mesures phares du présent projet de loi figure, au titre III, la création, initialement prévue au 1er janvier 2016 puis repoussée au 1er janvier 2017, d’une Agence française pour la biodiversité, ou AFB. La création de cet opérateur unique devrait être gage de cohérence et d’efficacité. Elle traduit un changement d’approche et la volonté de cesser de cloisonner biodiversités sèche, humide et aquatique, puisque le vivant est un tout. Cette démarche est la bonne.

Cet établissement public sera chargé d’animer et de coordonner la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de la connaissance, de la prévention, de la conservation et de la protection de la biodiversité.

Aujourd’hui, 225 millions d’euros sont annoncés pour cette agence. Ils correspondent à la simple addition des moyens des entités existantes fusionnées. Les 60 millions d’euros supplémentaires correspondent à des aides apportées dans le cadre des investissements d’avenir. L’appel à projets pour ces aides a été confié par le ministère à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, qui n’a pas de compétence particulière en interne sur la biodiversité. C’est quelque peu étrange et, finalement, c’est bien peu d’argent ! Rappelons que les premiers travaux de préfiguration de 2013 chiffraient les besoins à 400 millions d’euros par an, chiffre repris par le second rapport de préfiguration, remis en juin dernier.

Une chose est claire : la seule fiscalité de l’eau ne pourra financer l’ensemble de la biodiversité. Or, tel qu’il est prévu, le budget de l’AFB sera pour majeure partie lié aux ressources des agences de l’eau via l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA. Les agences contribueront ainsi à hauteur de 150 millions d’euros.

Or ces ressources proviennent à 80 % des ménages, à travers leurs factures d’eau. Ce financement de la biodiversité par les ménages est particulièrement infondé !

Dans ce cadre, l’élargissement des compétences des agences de l’eau à l’ensemble de la biodiversité, prévu dans un amendement gouvernemental adopté par l’Assemblée nationale, ne peut nous satisfaire.

Nous pouvons comprendre que ces agences financent des projets liés au milieu marin en raison de la continuité des eaux douces, littorales et marines. En revanche, étendre leur compétence à l’ensemble de la biodiversité terrestre va beaucoup plus loin. Cette mesure ouvre en effet la voie à un désengagement financier total de l’État, qui se reposerait sur les seules agences de l’eau. Rappelons que le Grenelle de l’environnement avait formulé l’objectif d’engagement de 300 millions d’euros par an de crédits budgétaires en faveur de la biodiversité. Avec 150 millions d’euros inscrits au budget de 2016, nous en sommes loin !

En outre, ce chiffre ne prend pas en compte la contribution directe des agences de l’eau au budget de l’État par le prélèvement sur leur fonds de roulement. Elles devront faire plus à ressources constantes, tout en continuant d’alimenter le budget de l’État. Comment ne pas craindre, dans ce cadre et faute de ressources supplémentaires, une hausse des redevances pour les usagers ?

La mission de préfiguration renvoie maintenant la question financière au Comité pour l’économie verte. Il faut espérer que ses conclusions ne subiront pas le même sort que celui réservé par Bercy aux préconisations formulées en matière fiscale par le groupe « déchets » de ce comité.

Un débat doit rapidement être ouvert sur les moyens, comme le préconise l’avis rendu en décembre 2013 par le Conseil national de la transition écologique, ou CNTE, sur le présent projet de loi. La conférence nationale de Strasbourg, en mai 2015, consacrée à l’AFB, ainsi que les Assises nationales de la biodiversité, en juin de la même année, ont rappelé la nécessité de ce débat. Nous vous avons alertée, madame la ministre, lors du débat budgétaire, quand bien même nous savons que tout ne dépend pas de vous !

La loi de finances pour 2016 prévoit 76 nouvelles suppressions d’emploi dans les établissements publics de l’État chargés de l’eau et de la biodiversité, dont la moitié dans le périmètre de la future AFB !

L’absence d’un dialogue plus poussé avec les organisations syndicales est un problème. En effet, les personnels de l’environnement vivent la création de l’AFB non comme la chance qu’elle pourrait constituer, mais comme la suppression de l’ONEMA. Nous regrettons que les discussions concernant la situation des contractuels, s’agissant à la fois de leur nouveau statut et des conditions de leur titularisation, soient à l’arrêt. Peut-être des avancées dont vous pourrez nous informer sont-elles intervenues entre-temps, madame la ministre ?

Pour défendre la biodiversité, il faut des agents du service public reconnus et valorisés, dans leurs statuts et dans les conditions d’exercice de leurs missions. Les personnels de l’environnement seront en grève le 4 février prochain, à l’appel de leur intersyndicale. Nous les soutiendrons.

En ce qui concerne la gouvernance, nous estimons que la cohérence, les missions et même les financements de la future AFB pâtiront de l’absence de l’ONCFS en son sein, situation à laquelle certains sont favorables, mais nous pensons que ces deux organismes auront intérêt à être réunis. J’ai bien compris que l’on cherchait pour l’instant à les faire travailler ensemble, mais nous espérons que cette situation évoluera vers une intégration et nous proposerons l’adoption d’un amendement en ce sens, ne serait-ce qu’à titre d’appel.

Si nous avons proposé et fait adopter la création de délégations territoriales de l’agence, disposition sur laquelle vous nous avez indiqué que vous reveniez, madame la ministre, c’est que nous entendions allier la nécessaire proximité et la nécessaire adaptation territoriale de politiques nationales. Le Gouvernement, au travers de l’amendement déposé, organise quant à lui une mutualisation avec les régions volontaires. Vous nous avez expliqué votre souci de pragmatisme, souci que nous comprenons. Nous pensons tout de même qu’il s’agit à terme de déléguer les missions, ce qui ouvre sans doute la voie à un transfert de compétence. Vous le savez, nous ne partageons pas cette philosophie. De plus, une telle situation ajoute de l’incertitude et une inquiétude quant à de possibles redéploiements pour les agents de l’État.

Dans ce cadre, le rapprochement prévu des polices de l’environnement est un signal positif à conforter, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un énième plan pour réduire les moyens, comme ce fut le cas avec la RGPP en 2008.

La concrétisation du projet dépendra donc en définitive d’une clarification des objectifs, de l’engagement des moyens budgétaires supplémentaires de l’État, de l’identification des coopérations entre les services, les établissements publics de l’État et l’ensemble des collectivités territoriales qui, il faut le souligner, jouent un rôle moteur en matière d’investissement en faveur de la biodiversité.

Nous saluons la création, au titre II, du Comité national de la biodiversité, structure commune qui doit permettre à l’ensemble des instances ayant un rapport avec la biodiversité de communiquer et de travailler ensemble.

Le titre IV transpose le protocole de Nagoya, qui modifie la convention sur la diversité biologique de 1992. L’objectif est de prévoir un dispositif d’accès aux ressources génétiques, présentes sur notre territoire, et aux connaissances traditionnelles associées, et de définir les modalités de partage des avantages issus de l’utilisation de ces ressources. Nous proposerons des amendements pour garantir une plus grande équité dans ce partage.

Cependant, ce dispositif est contestable sur le fond. En effet, en 1992, on a fait le choix de conserver la biodiversité par la mise en marché de ses éléments, les « ressources génétiques ». Or nous continuons de penser que ces ressources ne devraient pas être assimilées à des biens marchands. Nous proposerons des amendements sur la notion de « services écosystémiques », le calcul de leur valeur monétaire, la multiplication des brevets sur le vivant, parce que cela participe de la privatisation de la nature et contribue à l’appauvrissement de la notion de bien commun, à laquelle nous tenons beaucoup et qui devrait à notre avis prévaloir.

L’argument est que les marchés ne pourraient pas prendre en compte les biens sans valeur monétaire. Je sais que certains ici se sont résolus à accepter la notion de « ressources génétiques », au motif que ce serait un moindre mal. Pourtant, si tous les pays du monde et l’OMC décidaient de faire de la politique, on pourrait affirmer que l’économie est au service des hommes, et pas le contraire ! Mais je rêve…

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Parlons maintenant du titre V.

Le projet de loi crée ou renforce des outils pour la protection de l’environnement, comme les obligations réelles environnementales, la création d’espaces de continuité écologique, l’extension de la protection des espèces à la zone économique exclusive et au plateau continental, les sanctions renforcées en cas d’atteinte à la biodiversité, une cohérence consolidée au sein des documents d’urbanisme des collectivités territoriales, pour ne citer que quelques mesures. C’est considérable, et nous en sommes heureux.

Cependant, nous regrettons l’évolution du débat en commission qui a conduit à la suppression de l’article sur les produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes. Nous proposerons son rétablissement.

Concernant le titre VI, qui porte sur les paysages, nous sommes satisfaits de la réécriture effectuée par la commission, car elle permet de conserver pour l’avenir la possibilité de désigner des sites « inscrits ».

J’en viens au sujet qui nous préoccupe particulièrement : les réserves d’actifs naturels.

Les dispositions insérées à l’Assemblée nationale visent à définir les conditions de la compensation en application du principe « ERC », reconnu dans notre droit et prévu dans les traités internationaux, principe selon lequel il convient d’abord d’éviter, puis de réduire, enfin seulement de compenser les effets des activités humaines sur la nature et la biodiversité.

En engageant la réglementation de cette compensation à l’aide d’un dispositif dit de « réserve d’actifs », ce projet de loi fait un pas dans le sens de la financiarisation de la biodiversité : payer pour avoir le droit de polluer, en somme… Nous ne sommes pas certains que ce dispositif ait démontré son efficacité, mais, mon temps de parole étant épuisé, je me bornerai à dire que nous espérons que nos débats permettront de faire évoluer le projet de loi sur ce point.

Voilà, mes chers collègues, les quelques éléments que je voulais évoquer à l’ouverture de nos débats sur un sujet qui mériterait autant d’engagement que le climat.

Madame la ministre, à quand une COP à Paris sur la biodiversité ?

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Udi-Uc

Pourquoi à Paris ?

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre

Il y en aura une au Mexique en décembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Mme Évelyne Didier. Madame la ministre, je salue à cet instant votre engagement, votre écoute et celle de M. le rapporteur. Nos réserves sont réelles, mais elles ne nous empêchent pas d’avoir un regard positif sur le texte en l’état et de reconnaître les progrès accomplis.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes au début de la discussion du projet de loi « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». Si je me permets de répéter ce titre, c’est simplement parce que chaque mot est important, chaque mot est essentiel, chaque mot est responsable !

Important dans la démarche, parce que la reconquête est une véritable ambition, et toutes les lois ne parlent pas de reconquête.

Essentiel dans les champs d’intervention : la nature, les paysages, la biodiversité font bien partie de notre environnement commun, de notre patrimoine commun, de notre héritage commun… Héritage en indivision, pourrais-je même ajouter.

Responsable enfin dans les objectifs et les moyens d’y arriver, parce que, quelles que soient nos sensibilités, nous sommes tous d’accord : on ne peut plus se permettre d’attendre et on ne peut pas rester inerte quand on entend parler de sixième extinction.

Aussi, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rester sur cette ligne directrice et de vous parler non pas du contenu du projet de loi, que nous aurons l’occasion d’examiner pendant trois jours, mais bien de la démarche, des objectifs et de la philosophie.

Tout d’abord, je ferai une remarque. On reproche souvent aux décideurs et aux politiques de n’avoir ni continuité dans l’action ni logique. C’est un reproche qu’on ne peut sincèrement vous faire, madame la ministre. Loi sur la transition énergétique, mobilisation pour le climat, reconquête de la biodiversité… Il y a une logique ; il y a une continuité ; il y a un fil rouge. Personne ne peut dire le contraire !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Ensuite, parlons de la philosophie et du fond.

Dans ce noble palais, et parce que c’est le processus législatif qui le veut, les mots qu’on entend le plus sont « code, procédure, contentieux, portée juridique, droit »… C’est logique, mais je vous demande l’autorisation de rester dans un tout autre registre. Parce que la biodiversité m’y pousse, parce que la biodiversité m’en donne l’occasion et parce que la biodiversité le mérite, je vais essayer de mettre un peu de tendresse dans un océan de pragmatisme.

Ah ! sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

J’ai eu la chance et l’honneur de présider, dans une vie antérieure et pendant quelques années, un parc naturel régional. Un parc, c’est forcément un territoire d’expérimentation, d’exception et d’excellence. Du moins, ce devrait l’être.

Lors de mon dernier discours de président, je n’ai pas pu m’empêcher de rappeler à mes collègues, élus, responsables, gestionnaires et décideurs, la chose suivante : « N’oubliez jamais que les gens ont besoin qu’on leur raconte une histoire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

… joyeuse ou triste, vraisemblable ou impossible, réaliste ou fantasmagorique… Peu importe : le principal, c’est qu’on leur raconte une histoire. Si nous, décideurs, nous ne le faisons pas, les gens écriront une histoire eux-mêmes et le résultat ne sera pas toujours ce qu’on aurait souhaité. »

Si je vous dis cela, mes chers collègues, c’est simplement parce que la biodiversité, la nature et les paysages peuvent être et sont, par essence même, des ingrédients formidables pour créer une véritable histoire et inventer une nouvelle et belle aventure. Avec de surcroît le mot « reconquête », que demander de plus ?…

C’est effectivement une belle aventure : Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand ou Jacques Perrin nous l’ont démontré et le démontrent régulièrement. Et c’est tout à fait normal, car, pour chacun d’entre nous, quelles que soient notre personnalité et l’image que l’on veut donner, l’ours, le dauphin et l’éléphant font obligatoirement partie de notre enfance. La fleur, quelle qu’elle soit, est et sera toujours une image de la beauté parfaite. Un coucher de soleil sur un horizon vierge, c’est forcément un moment de plaisir. Et, pour petits et grands, la coccinelle restera toujours la bête à bon Dieu.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre

C’est beau !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Comment voulez-vous ne pas inventer de belles histoires avec tout cela ? Même si, je le répète, ce n’est pas forcément une habitude dans cette maison, mais même nous, législateurs, ne devons jamais oublier ce que veulent les gens !

Sur la finalité, sur l’objectif, sur l’ambition, je crois pouvoir dire, madame la ministre, que nous sommes tous d’accord, de droite ou de gauche, vieux ou jeunes, ruraux ou citadins, parce qu’il s’agit d’héritage commun, de patrimoine commun.

Bien sûr, au cours de la discussion, nous verrons apparaître quelques nuances, quelques options, quelques divergences, voire quelques oppositions sur certains articles. C’est logique, c’est la règle du jeu et il est presque normal que certains défendent leur vision de la nature et de sa gestion, de la biodiversité, du fonctionnement et de l’activité de l’homme au sein de son environnement. Je veux, bien entendu, parler du monde agricole et de nos amis chasseurs.

Mais le principal, quand on est d’accord sur l’objectif, c’est d’informer, de parler, d’échanger, en n’oubliant jamais que, la biodiversité, ce n’est pas que des contentieux, du droit et de la procédure. C’est aussi du symbole, de l’image, du vivant. Malheureusement, toutes les lois n’ont pas ces qualités !

Voilà pourquoi, en réunion de commission, lorsque nous avons eu le plaisir de discuter avec vous, madame la ministre, j’ai commencé en vous disant : « Merci de nous avoir fourni un document qui fait travailler nos neurones tout en alimentant notre affectif. » Ce n’était pas qu’une formule de politesse ni une formule de style. C’était le simple remerciement d’un citoyen lambda, praticien de la nature, amoureux des paysages et pleinement conscient du rôle initiatique que doit avoir un grand-père.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Qu’une loi soit le nouveau début d’une grande aventure, avec des victoires et, surtout, des reconquêtes, pourquoi pas ?

Marquer son temps et laisser son empreinte, pour un humain ou pour une loi, c’est quand même une noble ambition. C’est en tout cas tout le malheur que je souhaite au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au moment d’entamer – enfin ! –, près d’un an déjà après son examen à l’Assemblée nationale, la discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, je me dois tout de même d’exprimer quelques craintes quant à la nature du débat qui nous attend.

Nous pouvons en effet toujours redouter que, au-delà des discours généreux et généraux sur l’importance de la biodiversité, de possibles coalitions entre tenants d’une agriculture toujours plus shootée aux produits phytosanitaires, porte-voix des défenseurs du droit de chasser sans contrainte et défenseurs de grandes infrastructures qui font marcher le BTP ne transforment le Sénat en caisse de résonance de cette petite musique « L’environnement, cela commence à bien faire », ici reprise en chœur. Toutefois, le pire n’est pas non plus certain. C’est pourquoi je rends ici hommage au rapporteur Jérôme Bignon et à l’ensemble de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable présidée par Hervé Maurey d’avoir su travailler ensemble et pu améliorer un texte sans le détricoter.

Madame la ministre, il faut beaucoup d’abnégation pour tenter d’apprendre à ce pays à acquérir une approche raisonnable des questions de protection de la nature, tant la France, plus que d’autres pays, semble rechigner à considérer la biodiversité comme un enjeu majeur de politique publique au point de nier les conséquences désastreuses d’un effondrement de cette biodiversité, socle pourtant de notre alimentation, de notre santé et, bien sûr, de notre climat. Pour illustrer ce constat, il n’est qu’à comparer la situation de l’ours en France et dans les pays voisins – Italie ou Espagne – où il est un étendard des campagnes de promotion touristique.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

M. Ronan Dantec. Presque partout en Europe, les populations de plantigrades sont plutôt en progression : 7 % de plus en sept ans dans l’Union européenne. En Grèce, un tracé d’autoroute a même été modifié pour les préserver ! Pourtant, en France, cet été, deux ours bruns mâles se sont frottés désespérément aux arbres, ont laissé leur odeur un peu partout, en espérant rencontrer des femelles qui n’existent malheureusement plus dans l’ouest des Pyrénées.

Mouvements divers sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Le mariage pour tous va tout régler !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Ainsi, nous allons débattre d’une loi sur l’enjeu majeur de la préservation de la biodiversité et de la faune sauvage, alors que la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, n’est pas capable de relâcher deux ourses, de trouver en son sein le minimum de consensus pour préserver son plus grand carnivore, laissant littéralement crever de solitude ses derniers plantigrades.

C’est dans ce contexte particulier que ce texte tente de se frayer un chemin, dans un pays où certains considèrent encore possible de défendre la chasse à la glu au nom de je ne sais quelle tradition historique ou culturelle. Je suis presque même surpris que nous n’ayons pas eu un amendement sur le retour des pièges à mâchoires…

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pour préserver et reconquérir la biodiversité en France, nous savons pourtant globalement quels sont les enjeux. Il faut préserver le territoire, éviter la perte du sol, trop facilement artificialisé, fragmenté par des infrastructures, les mitages et les étalements d’urbanisation. Je regrette d’ailleurs – il en a été question en commission – que le principe de la protection des sols n’ait pas été plus fortement réaffirmé dans le projet de loi.

La cohérence globale de la trame verte et bleue et des continuités écologiques est justement l’un des véritables progrès apportés ces dernières années à la gestion de la biodiversité en France. Le schéma régional de cohérence écologique et le schéma régional d’aménagement du territoire, avec son caractère prescriptif, constituent de réelles avancées dans les textes que nous avons adoptés l’année dernière. On ne peut donc que s’inquiéter aujourd’hui de certaines déclarations, comme celle de Xavier Bertrand, nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, de remettre en cause le SRCE, outil pourtant clef de préservation de la biodiversité.

Nous le voyons bien, le combat n’est pas encore totalement gagné et nous pouvons toujours nourrir quelques inquiétudes pour l’avenir. Espérons que, cette fois, avec une vision plus globale et partagée – ce sera bien l’un des rôles de l’Agence française pour la biodiversité –, nous réussirons à gagner définitivement cette bataille culturelle, tant certaines avancées restent encore fragiles. Dans cette optique se pose évidemment la question des moyens, qu’Évelyne Didier a longuement évoquée. Se pose aussi celle des mutualisations : alors que nous reconnaissons tous qu’il faut améliorer l’action publique, nous continuons à garder différentes polices de l’environnement réparties dans différentes agences, quand le sens de l’action publique imposerait de n’en avoir qu’une seule.

Dans les combats qui restent à mener, la question de la compensation est aussi centrale. Nous savons que, pour certains aménageurs, les principes « éviter, réduire, compenser » se transforment en « surtout éviter et réduire toute mesure de compensation ». Ce projet de loi devra tendre vers une obligation de résultat en termes d’équivalence écologique. J’espère que le débat au Sénat permettra d’avancer sur ce point et de définir des mesures de suivi et de contrôle efficientes, l’enjeu étant bien d’éviter au maximum d’avoir à compenser.

Je ne reviens pas sur les autres enjeux. Joël Labbé reviendra sur les agressions chimiques, notamment la question des néonicotinoïdes. La non-privatisation des ressources naturelles, le refus de la brevetabilité à tout-va spoliant les communautés traditionnelles de leur savoir-faire constituent aussi un enjeu important, Marie-Christine Blandin aura l’occasion de proposer des amendements d’encadrement lors de la discussion des articles.

Mes chers collègues, le projet de loi comporte plusieurs avancées. À cet égard, je remercie Mme la ministre de son écoute, qui a déjà permis à l’Assemblée nationale d’intégrer des amendements d’importance. Toutefois, ce texte est imparfait pour atteindre l’enjeu qui est de stopper la perte du vivant dans notre pays, y compris dans les territoires ultramarins, et de trouver l’équilibre entre activités humaines et préservation des écosystèmes. Nous n’avons pourtant pas le choix. Si nous ne trouvons pas cet équilibre, c’est bien notre avenir que nous menaçons.

Peu de débats disent autant la difficulté de se dégager du court terme, voire parfois de la prochaine échéance électorale. La commission du développement durable, je l’ai dit, a souvent été capable d’améliorer le texte et d’appréhender ce long terme. Essayons donc de poursuivre dans cette voie et évitons de laisser plus longtemps deux ours célibataires se morfondre dans les Pyrénées françaises !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la biodiversité doit bien évidemment être un souci permanent, car, sans elle, nous en sommes tous convaincus, plus de vie humaine ! Toutefois, un développement durable de nos sociétés doit envisager la biodiversité dans sa globalité : les usages doivent être vus non pas uniquement comme un problème, mais aussi comme une partie de la solution, car les utilisateurs de la ressource ont indéniablement un intérêt à la conserver.

Si ce texte vise à reconquérir la biodiversité, il est aussi une nouvelle fois le révélateur d’une contradiction majeure. Il tente en effet de répondre à des bouleversements engendrés par votre modèle économique ultralibéral et mondialiste, mais, plutôt que de remettre en cause ce modèle, vous préférez essayer d’en limiter les effets pervers. Vous tentez de vous attaquer aux conséquences, sans jamais vous attaquer aux causes, les Verts ou écolos autoproclamés, mondialistes assumés, se faisant ainsi les alliés objectifs des transnationales, dont la priorité ne sera jamais que d’accumuler des milliards de profits au mépris de tout respect écologique.

Face à ce sans-frontiérisme ennemi de l’équilibre écologique, le protectionnisme intelligent que nous proposons est un moyen de limiter l’envahissement de nos marchés par des produits fabriqués dans des pays qui ne respectent aucune norme, pas même et surtout pas des normes environnementales.

Dans ces conditions, comment pouvons-nous débattre la main sur le cœur de la « reconquête de la biodiversité » et, dans le même temps, continuer à négocier, ou plutôt à se faire tordre le bras, pour signer le traité transatlantique dit « TAFTA », dont les objectifs sont diamétralement opposés à ceux qu’affiche ce texte ?

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Pour respecter la biodiversité, soyons donc pragmatiques : instaurons un patriotisme économique et écologique en revenant à la proximité. Produisons et consommons local ! Je ne prendrai que l’exemple des quinze millions de repas servis chaque année dans les lycées de ma région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Voilà un marché qui doit être alimenté par un réseau de producteurs locaux. L’Europe, pour une fois, nous le permet. Qu’attendons-nous pour saisir cette opportunité, qui servira autant l’emploi que l’environnement ? Nul doute que notre super résistant niçois y pourvoira…

Permettez-moi également de relever sur un autre sujet environnemental l’incohérence du Gouvernement ! Madame la ministre, comment pouvez-vous nous présenter un texte qui vise à reconquérir la biodiversité, alors que, dans le même temps, le Premier ministre justifie l’autorisation de polluer davantage ce site remarquable que sont les calanques marseillaises après avoir accepté le rejet d’effluents liquides hautement toxiques par la société Alteo, laquelle a pratiqué le chantage à l’emploi pour masquer sa coupable inertie ? Même si c’est contre votre gré, vous mettez ainsi en péril la biodiversité marine dans ce joyau naturel, mais également l’emploi de nombreux professionnels de la pêche.

Puisqu’on est dans le Sud, il me faut dire un mot d’une tradition millénaire qui a failli faire les frais de l’idéologie sectaire des écologistes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… plus préoccupée par la destruction de notre identité que par la préservation de la biodiversité. Je parle bien évidemment de la si mal nommée « chasse à la glu » ; si mal nommée, car l’action est non pas de chasser, mais de capturer des oiseaux vivants afin d’en faire des appelants.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

pour vouloir faire table rase de cette tradition. Je me félicite que la commission ait supprimé cette interdiction.

Oui, les chasseurs et surtout les chasseurs traditionnels sont les principaux alliés de toute personne se réclamant de la défense de l’environnement ! Un chasseur à la glu, héritier d’une tradition millénaire, qui vit au contact de la nature, me semble bien plus soucieux et expert de la biodiversité qu’un écolo-bobo qui n’a jamais connu de marais que le Marais parisien !

Vives exclamations sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Notre cohérence nous pousse à proposer une réelle écologie débarrassée de tout écologisme, et nous refusons ainsi la soumission aux firmes agrochimiques. Ainsi, comme nous l’avions fait voilà quelques mois, nous réitérons notre soutien à l’interdiction des néonicotinoïdes, et nous regrettons que la commission ait supprimé cette interdiction.

Pour conclure, je voudrais dire que nous soutenons bien évidemment la reconquête de la biodiversité et nous reprenons, pour résumer l’action qui doit être menée, les propos du Saint-Père dans son encyclique Laudato si’

Exclamations sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… abondamment citée au moment de la COP 21 : « Une stratégie de changement réel exige de repenser la totalité des processus, puisqu’il ne suffit pas d’inclure des considérations écologiques superficielles pendant qu’on ne remet pas en cause la logique sous-jacente à la logique actuelle. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprimerai sur un autre ton…

Le Sénat examine aujourd’hui un projet de loi crucial et attendu relatif à la protection de notre biodiversité et à la simplification de sa gouvernance. Dans la lignée des engagements internationaux contraignants fournis par les États à l’issue de la 21e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies contre le changement climatique, la COP 21, notre gouvernement érige une nouvelle fois les enjeux environnementaux au premier rang de ses priorités.

Au mois d’août dernier, l’ONG Global Footprint Network, créatrice du concept d’« empreinte écologique », célébrait amèrement ce qu’elle a nommé « le jour du dépassement », date de l’année à laquelle l’ensemble des ressources renouvelables de la planète disponibles pour une année ont été entièrement consommées. Au-delà de cette date, fixée en 2015 au 13 août, notre humanité vivrait ainsi « à crédit », puisant pour les quatre mois restants ses besoins en ressources dans des réserves non renouvelables. Ce décalage entre nos besoins et les possibilités de notre planète font encourir l’épuisement des ressources et, par voie de conséquence, la dégradation de notre biodiversité. Le constat est donc le suivant : il faudrait aujourd’hui à l’humanité une planète et demie pour absorber l’ensemble de ses besoins. À ce rythme, il lui en faudra deux d’ici à 2030. Avec ces quelques chiffres, nous prenons la mesure de l’ampleur du défi qui s’ouvre devant nous et qui devient de jour en jour plus urgent.

Nous le savons, la France possède un patrimoine naturel extrêmement riche. Elle est le deuxième espace maritime du monde et possède, grâce aux outre-mer, une biodiversité marine d’exception. Elle est aussi le seul pays européen à posséder une triple façade maritime. Pour autant, et comme le souligne notre collègue Jérôme Bignon dans son excellent rapport, elle est le cinquième pays du monde hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées.

Comme nous l’ont rappelé les nombreuses personnes auditionnées cette année, cette richesse commune est particulièrement menacée par la surexploitation, la destruction des habitats naturels, la pollution ou l’introduction d’espèces envahissantes. Nous sommes vulnérables non seulement à l’érosion croissante de nos réserves, mais aussi à la dégradation des écosystèmes et au dérèglement climatique.

Cette responsabilité est globale, elle dépasse le cadre de notre pays, voire de notre continent : à l’échelle de la planète, ce sont 30 % des espèces mondiales qui sont menacées de disparition d’ici à 2050. Dans les territoires ultramarins, qui abritent plus de 90 % de la faune invertébrée et des plantes spécifiques à la France, ce sont plus de 15 % des espèces qui sont en danger.

Actant l’urgence du défi à relever, la France, par la voix de son gouvernement, amorce un tournant majeur en matière de prise de conscience environnementale, comme en témoignent les aboutissements contraignants de la conférence de Paris pour le climat. Le présent projet de loi vient former, avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, un dispositif législatif ambitieux en faveur de l’avènement d’un modèle économique et social plus respectueux de notre planète.

En tentant de fournir des alternatives concrètes à nos modes actuels de production et de consommation, ces deux textes nous permettent de mettre en œuvre dans les meilleures conditions une transition écologique. Ils ont vocation à faire de la France un modèle d’excellence environnementale pour la croissance verte et bleue. Je salue donc un texte transversal liant le concept de biodiversité à un ensemble d’enjeux globaux, à commencer par le changement climatique et la croissance économique.

Il n’est nul besoin de le rappeler, la préservation de notre biodiversité conditionne nos possibilités futures d’approvisionnement en ressources naturelles, particulièrement en matières premières. Elle ne se limite pas à une volonté, certes importante, de préservation des espaces naturels et des espèces vivantes, car la détérioration de nos écosystèmes menace également notre accès à l’eau potable, aux matières premières alimentaires et, à terme, notre bien-être. La biodiversité est également un vivier pour la recherche et l’innovation, avec potentiellement, à la clé, des emplois et des activités durables. En somme, la conservation de notre biodiversité est un maillon indispensable du processus économique et social de transition écologique.

Le présent projet de loi tente ainsi de faire face à un enjeu clé en matière de biodiversité, celui de la gouvernance. Nous saluons à ce titre la création d’un interlocuteur unique doté de moyens considérables, l’Agence française pour la biodiversité, destinée à porter d’une seule voix la stratégie nationale pour la biodiversité. Nous rappelons néanmoins les nécessités de consolider le périmètre de ses missions et de lui assurer un réel pouvoir de décision.

La protection de la biodiversité est un devoir auquel nul ne peut se soustraire, ni les instances gouvernementales, ni les associations, ni les citoyens. La genèse d’une instance inclusive et participative, le Comité national de la biodiversité, est à nos yeux également positive.

En ma qualité d’animateur du pôle « développement durable » de ma collectivité, j’insiste fortement sur l’indispensable représentation de tous les territoires d’outre-mer dans ces deux instances, ces territoires abritant une part considérable de la biodiversité de notre pays.

Compte tenu de la richesse que représentent les territoires ultramarins, la prise de conscience les concernant doit être plus forte. En effet, leur biodiversité est confrontée quotidiennement aux aléas du climat et de l’activité humaine.

La dégradation des mangroves nous rend plus vulnérables aux catastrophes naturelles. Les dégâts causés à Saint-Martin par les ouragans Luis et Marilyn en 1995, plus récemment par Gonzalo, nous l’ont amèrement rappelé.

Dans un autre registre, la prolifération des algues sargasses sur nos littoraux et l’arrivée d’espèces invasives dans nos eaux, tel le poisson-lion, sont autant de menaces pour la préservation de notre biodiversité.

Nos îles, isolées, sont également fortement exposées à l’acidité accrue de nos eaux et à la montée du niveau des mers.

Le groupe du RDSE, conscient de la nécessité de simplifier la gouvernance des politiques en faveur de la biodiversité, salue l’initiative de ce texte. La richesse de nos écosystèmes est un atout social, économique et environnemental pour notre pays. Il est de notre devoir de parlementaires de sensibiliser sans relâche nos concitoyens à l’urgence de ces problématiques.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons pouvoir approuver le plus largement possible ce texte mardi prochain. Son adoption dépendra bien évidemment de nos travaux et de nos échanges cette semaine dans cet hémicycle.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout texte ayant trait à la biodiversité est à l’origine en général d’antagonismes parfois irréconciliables, reposant sur une vision plus philosophique que scientifique de l’homme. Deux sujets suscitent néanmoins un assez grand consensus : la création de l’Agence française de la biodiversité et l’application du protocole de Nagoya, sur lesquelles le Sénat comme l’Assemblée nationale travaillent de longue date.

La création de l’Agence française de la biodiversité est une formidable occasion de mettre en commun notre immense potentiel d’expertise. La France compte dans ce domaine des scientifiques absolument remarquables. La création de cette agence, la fameuse agence de la nature, était un engagement du Grenelle de l’environnement – il s’agissait de l’engagement n° 78. En qualité de secrétaire d’État à l’écologie, j’avais commencé à travailler sur ce projet, mais je n’ai pas exercé mes fonctions aussi longtemps que cela était prévu…

Comme un certain nombre de mes collègues, je regrette que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ne puisse pas être complètement partie intégrante de cette agence. Les chasseurs le disent pourtant souvent : ils sont des connaisseurs de la biodiversité. J’imagine que nous parviendrons à progresser sur ce point.

La transcription dans notre droit du protocole de Nagoya est aussi absolument fondamentale. Ce protocole, à la négociation duquel nous avons participé en 2010, cher Jérôme Bignon, est une belle réussite des Nations unies. Il contient deux principes, qui, s’ils peuvent paraître anodins, sont absolument fondamentaux.

Le premier, c’est la reconnaissance de la contribution de la biodiversité au développement économique. Ainsi, de 25 % à 50 % de nos médicaments sont issus des ressources génétiques, ce qui représente un marché supérieur à 640 milliards de dollars.

Le second principe, c’est la patrimonialité de la biodiversité. Les peuples qui contribuent à découvrir, à entretenir, à protéger ces ressources et la biodiversité doivent bénéficier d’une partie des richesses économiques à la création desquelles ils participent. J’imagine que des discussions auront lieu sur l’équilibre entre la concertation avec les peuples autochtones et le droit de la propriété intellectuelle.

Vous l’avez évidemment compris, j’adhère à ce texte, qui s’inscrit dans le cadre de mes convictions. Y a-t-il plus beau sujet qu’un débat sur le vivant sur la planète et dans les océans ? La biodiversité, c’est en effet très simple : c’est le vivant sur la planète et dans les océans.

Un débat, ici, au Sénat, avec de grands scientifiques, comme Gilles Bœuf, Hubert Reeves, Christophe Aubel ou Jean-Marie Pelt, si ce dernier ne nous avait malheureusement pas quittés, aurait d’ailleurs été utile pour battre en brèche la traduction trop rapide de Darwin selon laquelle l’homme serait étranger à une nature par essence hostile et sauvage. Regardons l’histoire : depuis 3, 9 milliards d’années, c'est-à-dire depuis le début de la vie sur Terre, la vie se construit selon le principe de l’associativité. Des protocellules aux métazoaires, puis à l’apparition de la sexualité, le principe dominant est celui de l’association des cellules pour créer une entité nouvelle dont les qualités sont supérieures à la seule addition des entités qui la compose.

L’homme n’est pas étranger à la nature. Vous êtes tous ici, mes chers collègues, comme je vous le dis fréquemment, une ode à la biodiversité. Vous avez dans votre corps dix fois plus de cellules non humaines que de cellules humaines. C’est ce qui contribue à vous maintenir en vie.

Bien évidemment, tout est lié. C’est pour cela que l’on peut s’inquiéter de la disparition des espèces. Les scientifiques évoquent une sixième extinction des espèces. Je vous rappelle que, lors de la plus importante d’entre elles, la troisième, 96 % de toute forme de vie avait disparu de la Terre. Nous nous devons donc d’agir !

Il a été question aujourd'hui de la nécessité de parvenir à un équilibre dans le texte. En réalité, le déséquilibre est total, compte tenu de la rapidité à laquelle disparaît la biodiversité. Il n’est pourtant pas si compliqué d’agir, les scientifiques ayant clairement identifié les causes de disparition de la biodiversité : la disparition des habitats des espèces, la surexploitation des espèces, leur dissémination anarchique et enfin les changements climatiques.

J’entends bien la difficulté de traduire concrètement les principes sur le terrain, mais le présent texte contient des principes très importants, auxquels je suis favorable, comme la solidarité écologique et la clarification de la compensation. Pour ma part, j’aurais aimé qu’on conserve le principe de non-perte de biodiversité, ou à tout le moins cet objectif. Ces principes sont nécessaires.

De même, je suis favorable à l’interdiction du chalutage profond, dont on connaît les effets dévastateurs.

Je suis favorable également à l’interdiction des néonicotinoïdes, dont nous reparlerons. Il nous faudra trouver un équilibre en termes de calendrier pour interdire ce type de produits.

Je suis aussi favorable à la suppression des méthodes cruelles de chasse. Nous connaissons aujourd'hui la sensibilité animale. Autant la chasse est nécessaire puisque les équilibres naturels ne fonctionnent plus – les grands prédateurs ont aujourd'hui disparu –, autant certaines méthodes de chasse, comme la chasse à la glu, me laissent perplexe.

Exclamations sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Allez sur le terrain, vous verrez ce qu’il en est !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je vous invite à vous pencher sur la réalité de cette pratique !

Mes chers collègues, vous connaissez mes convictions, elles n’ont pas changé. Notre débat et nos oppositions sont nécessaires, mais je vous invite, au lieu de faire de la politique, à écouter ce que disent les scientifiques.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre temps n’a que des incertitudes géopolitiques, économiques ou politiques à nous proposer. Toutefois, l’accord de Paris sur le climat intervenu le 12 décembre 2015 constitue une accalmie et suscite un large consensus auprès de nos concitoyens. Voilà enfin un grand sujet de notre temps dont gouvernements et sociétés civiles semblent s’être emparés avec vigueur. À l’issue d’un travail considérable, notre excellent rapporteur, Jérôme Bignon, a su rendre le texte qui nous est aujourd'hui proposé équilibré et donc applicable.

Ce chantier d’une ampleur exceptionnelle doit participer à l’édification d’un nouveau modèle économique, énergétique et écologique. C’est finalement tout notre modèle actuel de développement qu’il faut questionner. Je partage ce postulat de départ sans réserve, d’autant plus aisément que je ne fais pas mien les discours culpabilisants tournés vers le passé.

La poursuite du progrès technique et une croissance purement extensive nous ont conduits à cette sorte d’adolescence technologique dans laquelle nous nous trouvons et dont il convient de sortir pour s’engager résolument dans un nouveau mode de gestion de notre planète. Telle est la raison d’être de ces deux grands textes que sont la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont la Haute Assemblée est aujourd'hui saisie.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dont j’ai eu l’honneur d’être l’un des rapporteurs, visait déjà à adapter notre économie aux nouvelles contingences climatiques et énergétiques. Nous introduisions une nouvelle vision, un nouveau paradigme qui bousculait les traditionnelles visions antérieures, voire un certain nombre de lobbies.

Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est pour moi complémentaire de la loi relative à la transition énergétique. Il participe lui aussi, depuis les lois Grenelle, à la nouvelle grande politique publique en matière d’écologie que nous appelons de nos vœux, compte tenu de la dégradation accélérée et dramatique de notre « maison commune », pour reprendre l’expression tant du pape François que d’Hubert Reeves.

Le rapport publié le 19 juin dernier par les experts des plus prestigieuses universités américaines - Stanford, Princeton ou Berkeley - évoque désormais le risque d’une sixième extinction de masse. C’est, pour moi, et cela devrait l’être pour nous tous, une alerte rouge majeure !

La maison est donc bien en feu : de grâce, ne regardons pas ailleurs ! Il s’agit effectivement de reconquête. Saint-Exupéry avait très bien décrit notre situation : « On n’hérite pas de la terre de nos ancêtres, on l’emprunte à nos enfants. » C’est notre responsabilité humaine, morale et politique qui est engagée.

Je voudrais donc me féliciter de la substance de ce texte à travers plusieurs exemples. Je pense d’abord à la réforme de la gouvernance, avec un nouveau système d’accès et de partage des avantages. Le texte s’attaque également au nouveau périmètre des parcs naturels régionaux. Enfin, le projet de loi institue les contrats d’obligations environnementales, de même qu’il entend favoriser le développement des activités en mer.

Ce projet de loi est donc manifestement ambitieux. Pour autant, son architecture est-elle cohérente ? Je ne ferai pas grief au Gouvernement sur ce point, mais je serai critique sur nombre d’articles additionnels qui sont venus parasiter ce projet de loi. Ces articles, introduits à l’Assemblée nationale par des membres de la majorité, mais qui ne sont pas le fait du Gouvernement, ont affaibli le texte en rompant avec son architecture initiale. Je pense notamment à l’article 74 visant à interdire la publicité sur les monuments historiques à l’occasion de travaux et aux centaines d’amendements apparus ces derniers jours, qui ne peuvent que porter atteinte à la qualité du travail parlementaire.

Pour la bonne compréhension politique de ce texte, on peut regretter ces ajouts qui confirment l’adage : « le mieux est l’ennemi du bien ». C’est parce que ces articles venaient mettre à mal un équilibre précaire que je salue les initiatives de notre rapporteur, qui a souhaité rendre à ce texte sa clarté originelle et son équilibre. Le projet de loi a donc retrouvé son architecture initiale.

S’agissant des choix structurants, je m’autorise là encore quelques remarques. En matière de gouvernance de la biodiversité, ce texte commet une omission importante, car il ne fait qu’effleurer la réforme de la police de l’environnement, qui est un sujet très sensible.

S’agissant ensuite du système d’accès et de partage des avantages, dit APA, découlant de l’utilisation de ressources génétiques, il s’agit de mettre en œuvre le protocole de Nagoya qui a été signé par la France le 20 septembre 2011, tel que cela a été rappelé.

Malheureusement, le texte soumis à notre examen ne lève pas encore toutes les inquiétudes. Sur ce point, il nous faut à nouveau être plus clairs. Ce dispositif doit s’appliquer aux nouvelles utilisations qui peuvent être faites d’une ressource génétique. Cependant, ce dispositif ne doit souffrir d’aucune ambiguïté sur son éventuel caractère rétroactif. Or tel n’est pas le cas pour l’instant.

Pour conclure, je voudrais évoquer l’article 33 et les obligations environnementales.

Ici encore, nous saluons l’action de notre rapporteur, qui est venu sécuriser un dispositif qui pouvait, dans sa première mouture, se retourner contre la profession agricole, première concernée par celui-ci - profession qui traverse une passe difficile, rappelons-le, qu’il faut aider et accompagner, plutôt que sanctionner.

Ce contrat, car il s’agit d’un contrat, ne pourra pas s’imposer aux agriculteurs. Ils seront libres de consentir ou non à ces obligations environnementales. Cependant, je compte sur leurs compétences, leurs connaissances du terrain et l’amour qu’ils portent à la nature pour définir des politiques ambitieuses de reconquête de la biodiversité dont les Français seront fiers. Nous nous rapprochons ainsi de l’écologie incitative que vous prônez, madame la ministre, à juste raison.

Dernier dispositif que je souhaitais évoquer : l’article 69 et la nouvelle politique sur les sites inscrits au titre du code de l’environnement.

Pour le dire très simplement, je crois que c’est une erreur que notre collègue et rapporteur Jérôme Bignon est venu corriger en modifiant les critères de cette rationalisation excessive et en réinstaurant la possibilité d’inscrire de nouveaux sites.

Je dois à la vérité confesser que j’étais circonspect à la lecture du texte transmis par l’Assemblée nationale. Nous étions passés d’un texte rationnel et ambitieux à un texte parfois insécurisant pour les acteurs économiques, voire à un texte brouillon, un peu à l’image de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte que le Sénat avait bien modifiée en son temps. Aujourd’hui, avec les modifications envisagées par le rapporteur, le texte retrouve son équilibre et toute sa force pédagogique et pragmatique. En conséquence, je peux à nouveau émettre un vote favorable sur un projet de loi ô combien nécessaire pour les générations futures et l’avenir de la planète.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La commission des affaires étrangères a proposé une candidature pour le Conseil national du développement et de la solidarité internationale.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Henri de Raincourt membre titulaire du Conseil national du développement et de la solidarité internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Christiane Hummel membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et le site internet du Sénat.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je salue la présence dans nos tribunes des militaires du 1er régiment de tirailleurs d’Épinal, qui participent à l’opération Sentinelle.

Mmes et MM. les sénateurs ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

À travers eux, je remercie l’ensemble des militaires, des forces de police et de gendarmerie, des services civils qui assurent notre sécurité à tous.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour le groupe socialiste et républicain.

J’indique que l’horaire sera aujourd’hui militaire : deux minutes !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

M. Jean-Claude Boulard. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et porte sur le plan pour l’emploi présenté par le Président de la République devant le Conseil économique, social et environnemental.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Ce plan répond à une urgence sociale – cela devrait être reconnu. Ce n’est pas un plan de corrections statistiques : un jeune en formation, c’est mieux, humainement, qu’un jeune au chômage !

Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Ce plan, en vérité, traite d’un certain nombre d’obstacles structurels à l’emploi, qu’il s’agisse de l’allégement du coût de la première embauche, de la simplification des recrutements, et, surtout, de la mobilisation de notre appareil de formation et de la correction de son inadaptation au marché de l’emploi. Un paradoxe illustre cette inadaptation : l’existence d’offres d’emploi non satisfaites dans une société de chômage massif. Ainsi, des entreprises qui ont des projets de développement dans le secteur du numérique se heurtent à l’insuffisance des qualifications dans ce domaine, alors que, dans nos quartiers, beaucoup de jeunes aptes à la formation maîtrisent mieux le langage informatique que la langue de Molière.

Ma question est très simple : au-delà de la mobilisation attendue des régions, quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il pour assurer le succès de ce plan ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri

Néanmoins, nous savons qu’une partie des demandeurs d’emploi, les moins qualifiés, peuvent rester sur le bord du chemin.

L’enjeu de ce plan de formation est donc de partir des besoins des entreprises, bassin d’emploi par bassin d’emploi, pour construire des parcours de formation et d’insertion dans l’emploi. Nous avons de formidables outils pour ce faire, mais, parfois, les lourdeurs administratives ne nous permettent pas toujours d’apporter des réponses dans des délais rapides.

J’ai saisi les DIRECCTE et l’ensemble des directeurs régionaux de Pôle emploi afin que, d’ici à la fin du mois, nous connaissions les besoins en matière d’emplois non pourvus, notamment dans les secteurs stratégiques – je pense à la transition énergétique ou au numérique –, et que nous puissions véritablement construire ces parcours de formation.

Le deuxième objectif de ce plan, c’est le soutien à la création d’emplois par le soutien à l’embauche. En effet, nous souhaitons également, à travers cette formation des demandeurs d’emploi, mieux accompagner la création d’entreprises. §Monsieur le sénateur, je sais que vous faites énormément dans ce domaine dans votre circonscription.

Nous savons que l’accompagnement des demandeurs d’emploi permet aussi de les rendre moins fragiles. La formation a donc un enjeu humain, mais elle est également bonne pour la compétitivité de notre pays. Sachez que nous partirons des besoins des entreprises et que nous développerons les préparations opérationnelles à l’emploi.

Le diagnostic doit bien sûr être partagé avec les régions. Celles-ci ont une compétence en matière de développement économique, en matière de formation professionnelle, en matière d’apprentissage.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous réunirons au début du mois de février l’ensemble des régions, avec les partenaires sociaux, pour définir avec elles les modalités pratiques de la mise en œuvre opérationnelle de ce plan.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

M. Jean-Claude Boulard. Depuis le 1er janvier, tous nos vœux se terminent par un appel à l’union et au rassemblement. J’espère que, pour la réussite de ce plan, nous serons unis et rassemblés.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe UDI-UC.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, ma collègue Chantal Jouanno vous interrogeait sur votre politique économique. Vous lui répondiez que le Président de la République allait proposer un « plan », « de nouveaux outils » contre le chômage. Ce plan a été annoncé hier matin, et nous sommes tout sauf convaincus.

Pour rappel, avec 5, 6 millions de chômeurs, c’est près de 10 % des Français qui sont sans emploi. Et 43 % d’entre eux sont des chômeurs de longue durée !

Le Président de la République invoque les aides publiques, un hypothétique assouplissement des 35 heures, promet une baisse des charges, mais après 2017. C’est une opération à 2 milliards d’euros financée par des économies non précisées.

Une prime à l’embauche n’est pas opportune : c’est d’une baisse pérenne des charges que les entreprises ont besoin pour recruter !

Financer 500 000 formations supplémentaires – soit moins de 1 % du nombre des chômeurs –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

… pour déboucher sur un emploi : oui ! Pour donner l’illusion d’une baisse du chômage avant les élections : ce serait totalement inacceptable ! Il serait plus pertinent de réformer notre système de formation, horriblement complexe, coûteux et très peu réactif.

Libérer l’organisation du travail dans les entreprises : oui ! Mais aussi, réformons ce droit du travail qui se retourne d’abord et avant tout contre les demandeurs d’emploi ! Il faut plus de souplesse pour les entreprises !

Par ailleurs, il faut faire confiance aux régions. En 2015, le Sénat voulait confier aux présidents de région le pilotage du service public de l’emploi ; vous vous y êtes opposé, comme vous vous êtes également opposé à la régionalisation de Pôle emploi, à laquelle votre secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale était pourtant favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

M. Jean-François Longeot. Monsieur le Premier ministre, allez-vous de nouveau changer d’avis et faire confiance aux régions, plus proches des réalités et des acteurs ?

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri

Qu’il faut mieux répondre à ces offres d’emploi non pourvues ?

On se compare toujours à l’Allemagne, mais, dans ce pays, on forme deux demandeurs d’emploi sur dix ; en Autriche, on forme quatre demandeurs d’emploi sur dix ; dans notre pays, on en forme un sur dix !

Alors, en effet, nous souhaitons mettre en œuvre un plan de formation supplémentaire des demandeurs d’emploi. Il ne s’agit pas d’un traitement statistique du chômage, vous le savez fort bien. §Les demandeurs d’emploi qui seront formés ne disparaîtront pas des chiffres de Pôle emploi.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Partir des besoins des entreprises, développer les préparations opérationnelles à l’emploi, passer, comme l’a dit hier le Président de la République, de 8 000 à 50 000 contrats de professionnalisation pour soutenir l’effort de formation des entreprises, voilà le premier enjeu de ce plan !

Le deuxième enjeu, c’est de véritablement soutenir la création d’emplois. En effet, durant le temps de basculement du CICE en allégements de charges pérennes, l’objectif est de mettre en place cette prime à l’embauche de manière à susciter de façon beaucoup plus massive des créations d’emplois à un moment où l’on observe une reprise de l’activité économique.

Monsieur le sénateur, je vous le dis très sincèrement : tous les acteurs de l’emploi devront prendre leurs responsabilités. Le Premier ministre organisera un séminaire avec l’ensemble des présidents de région

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

… avec tous les partenaires sociaux, avec les représentants de l’État, à partir des besoins qui nous seront transmis bassin d’emploi par bassin d’emploi. L’objectif est de préparer ensemble la mise en œuvre opérationnelle de ce plan.

Enfin, vous le savez, le Président de la République l’a dit hier, nous sommes ouverts à toutes les expérimentations. Nous en discuterons lors de ce séminaire avec les présidents de région.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Chacun le sait, notre agriculture et l’élevage français connaissent depuis des mois une crise sans précédent. Cette crise menace des dizaines de milliers d’emplois ainsi que nos territoires ruraux.

Le Gouvernement, en juillet dernier, a pris un certain nombre de mesures conjoncturelles pour soulager la trésorerie des exploitations.

Le Sénat, quant à lui, sur l’initiative de son président, travaille sans relâche en liaison avec la profession pour apporter des réponses structurelles à ce secteur d’activité et pour offrir des perspectives au monde agricole. C’est ainsi que, en décembre dernier, nous avons adopté à une large majorité une proposition de loi dont l’objet est de replacer la compétitivité au cœur de la politique agricole. Ce texte viendra en discussion le 4 février prochain devant l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre de l’agriculture, je voudrais savoir si vous allez soutenir cette proposition de loi devant les députés.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la proposition de loi que nous avons débattue ici au Sénat et dont vous êtes à l’initiative, proposition de loi qui comportait un certain nombre de mesures.

Je voudrais rappeler que la crise de l’élevage que nous connaissons aujourd’hui est d’abord une crise de marché à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale. En tant que grand pays exportateur de lait – ce qui est un atout –, nous sommes dépendants des évolutions de prix sur un marché qui est bien loin du marché européen : le marché asiatique.

Cette crise laitière a eu des conséquences également sur la filière bovine puisque les restructurations qui ont été engagées dans un certain nombre de pays se sont traduites par des abattages de vaches de réforme laitières qui ont pesé sur le marché de la viande bovine.

La filière de la viande porcine, quant à elle, est extrêmement touchée aujourd’hui. Le marché est dans cette situation depuis près de dix ans et a perdu en compétitivité. C’est un débat que nous avons eu lors de l’examen de votre proposition de loi.

À cet égard, je rappelle que le pacte de responsabilité, dans sa partie consacrée à l’agriculture et à l’agroalimentaire, c’est l’équivalent du budget de l’agriculture. Le budget de l’agriculture, aujourd’hui, c’est 4, 2 milliards d’euros ; la totalité du pacte de responsabilité agricole et agroalimentaire en 2016, ce sera 4, 3 milliards d’euros !

Cet engagement en faveur de la compétitivité se poursuit dans le plan qui a été présenté par le Président de la République et qu’ont salué les organisations professionnelles, en particulier les organisations de coopératives, qui approuvent la transformation du CICE en baisse des charges sociales.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez fait des propositions ; elles doivent venir en appui d’un dispositif qui, en réorganisant les filières agricoles et l’élevage, doit donner la capacité à notre pays d’être un grand pays agricole au sein de l’Europe grâce à son élevage et à son industrie agroalimentaire.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir. Une logorrhée n’est pas la meilleure réponse à une question précise !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Au moment où je parle, dans nos territoires, les éleveurs connaissent une vraie détresse, un véritable désarroi ; chacun ici, sur quelque travée qu’il siège, peut en témoigner.

Aujourd’hui, les prix sont en train de dégringoler, qu’il s’agisse du porc, de la viande ou du lait. Le premier semestre est annoncé comme particulièrement difficile. Or nous avons proposé une série de mesures qui permettront de rétablir une relation juste et équilibrée entre les acteurs de la filière agricole, de soutenir les nécessaires investissements, d’assurer le financement de la gestion des risques et aléas, notamment sanitaires – je pense à la grippe aviaire et autres calamités qui s’abattent aujourd’hui sur nos élevages –, et, enfin, d’alléger les charges, qu’elles soient fiscales, sociales ou administratives.

Nous avons entendu la réponse du porte-parole du Gouvernement ; nous attendions celle du ministre des agriculteurs !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Selon le dernier bulletin de la cellule interrégionale d’épidémiologie Antilles-Guyane, il semblerait que nous soyons au début d’une nouvelle épidémie d’ampleur mondiale en raison de la propagation rapide d’un nouvel agent infectieux : le virus Zika.

Tout comme la dengue ou le chikungunya, le Zika se transmet par piqûres de moustiques, mais ses effets sur la santé sont encore peu connus, souvent asymptomatiques. Les spécialistes évoquent principalement des conséquences cutanées et neurologiques, et, pour les femmes enceintes, surtout au premier trimestre de leur grossesse, le risque est important de microcéphalie de l’enfant.

Après avoir été rapportée en Afrique, en Asie et dans le Pacifique, cette maladie atteint depuis 2015 le continent américain et touche principalement le Brésil.

Au total, une douzaine de pays étaient infectés au début de 2016 en Amérique latine, soit entre 400 000 et 1, 3 million de cas selon un responsable du laboratoire de virologie de l’Institut Pasteur de la Guyane.

En novembre 2015, les premiers cas ont été enregistrés en Guyane, en Martinique ainsi qu’à Saint-Martin. Depuis, ce sont plus de 600 cas qui sont rapportés aux Antilles, dont deux femmes enceintes.

Madame la ministre, je souhaite vous exposer mon inquiétude réelle sur l’évolution de l’épidémie et vous interroger sur les mesures qu’envisage de prendre votre ministère, de même que sur le degré de mobilisation des agences régionales de santé des collectivités antillaises et guyanaises exposées.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Monsieur le sénateur, comme vous l’avez indiqué, les premiers cas autochtones de Zika ont été détectés à la fin du mois de décembre en Guyane. Depuis, la situation épidémiologique a évolué. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un début d’épidémie en Martinique et en Guyane, avec, respectivement, 47 et 15 cas confirmés. Les premiers cas autochtones ont également été identifiés en Guadeloupe et à Saint-Martin.

Vous l’avez dit, il s’agit d’un virus qui se transmet d’homme à homme par l’intermédiaire d’une piqûre de moustique tigre, comme la dengue ou le chikungunya. Les symptômes sont le plus souvent de type grippal, peu importants, mais s’accompagnent, dans les cas les plus graves, de complications neurologiques. Par ailleurs, les femmes enceintes sont particulièrement à risque, car le virus peut entraîner des malformations congénitales.

Dès le premier cas identifié au mois de décembre, j’ai pris un certain nombre de mesures visant à informer la population à travers des messages de prévention. Des messages d’information ont été diffusés aux voyageurs et les professionnels de santé ont été alertés de l’importance de la surveillance et de la détection des cas le plus précocement possible.

Les autorités sanitaires locales se sont mobilisées et la lutte anti-vectorielle a été renforcée. Chaque directeur général d’ARS a mis en place un plan d’action, et l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, se tient prêt à envoyer des renforts en professionnels de santé et en matériel de prise en charge si la situation locale le nécessite.

Par ailleurs, j’attends pour cette semaine les recommandations actualisées de la part du Haut Conseil de la santé publique pour la conduite à tenir à l’égard des patients, particulièrement des femmes enceintes.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, les pouvoirs publics sont pleinement mobilisés.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour le groupe écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Ma question s’adresse à M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.

La récente actualité funeste de janvier et de novembre 2015 a attiré l’attention du grand public sur les fiches « S ». Sans nier ni leur utilité ni leur objectif, nous aimerions connaître les motivations qui entraînent l’inscription d’un individu sur ces fiches « S », le nombre de catégories existantes, éventuellement les effectifs de chacune et, surtout, les modalités de mise à jour ou de rectification des informations qu’elles contiennent.

Depuis la mise en place de l’état d’urgence – vous vous en êtes expliqué, monsieur le ministre –, certaines mises en lumière des fiches « S » peuvent parfois susciter des interrogations. Par exemple, suffit-il de s’être rendu à une manifestation anti-aéroport pour être classé fiche « S » ?

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

À l’heure des intrusions dans les services informatiques, comment être certain qu’il n’y a pas de mésusages de ces fiches ? Quel « recours » pour un individu qui s’aperçoit qu’il est classé fiche « S » et qui n’a rien commis d’illégal ? Quelles sont les conditions de sortie éventuelle d’un fichier « S » ? Quid des homonymies ? Avez-vous déjà relevé des erreurs matérielles ? Quelle est la collaboration avec la CNIL ? Enfin, avez-vous un historique minutieux des personnes qui consultent ou ont consulté ce fichier ?

Si nous entendons bien la nécessité de garantir la sécurité publique, il semble important d’éclairer les citoyens sur cet outil de signalement qui est aujourd’hui plus connu.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Je veux vous rassurer : ce n’est absolument pas le cas ! Dans un contexte de menace très élevée, nos services de renseignement essaient de bien faire leur travail, en prenant toutes les précautions et dans le respect du droit.

Pour vous rassurer totalement, je répondrai précisément à toutes les questions que vous soulevez.

La fiche « S » n’est pas une fiche de culpabilité, de condamnation pénale. C’est une fiche de mise en attention des services de renseignement, notamment de la direction générale de la sécurité intérieure et du renseignement territorial, en raison du comportement d’un individu ou du risque qu’il présente, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le nombre de personnes fichées pour cette raison a beaucoup été évoqué.

Cette fiche n’est pas élaborée pour l’éternité. Elle n’est pas figée dans le temps. D’une part, à tout moment, les services de renseignement peuvent réévaluer la classification opérée en raison des informations dont ils disposent. D’autre part, cette fiche a une durée de vie d’un an, à l’issue de laquelle le service de renseignement est saisi pour savoir s’il souhaite ou non la proroger. S’il n’a pas réagi après expiration d’un délai de deux mois, la fiche sort du dispositif.

Par ailleurs, vous me demandez si des erreurs peuvent être commises, en raison notamment d’homonymies. Non, parce que la fiche est précise et, même si des individus portent le même nom, il est rare que leur date de naissance soit identique.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Par conséquent, le niveau de précision des fiches est un gage de garantie.

J’aurais encore mille choses à vous dire, mais, faute de temps, je vous propose de me poser la prochaine fois une autre question…

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Il n’y avait ni malice ni soupçon dans ma question. Il est simplement important que nous soyons clairs sur le sujet. Je vous le dis très franchement, monsieur le ministre, dans un État de droit, il est normal que des partis démocratiques s’interrogent sur la mise en application de ces fiches.

À l’ère de l’informatique, à l’ère des hackers, à l’ère d’une forme de modernité, il est important que, dans un État de droit, aucune question ne soit taboue. Si, un jour, malheureusement, nous connaissions un régime moins sensible aux libertés publiques que le nôtre, nous nous réjouirons de nous être interrogés sur ce sujet aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la ministre du travail, d’emblée, je vous pose cette question : quand allez-vous renoncer, en matière d’emploi, aux vieilles recettes initiées par Raymond Barre il y a quarante ans ?

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Vous continuez et amplifiez des mesures qui ont montré leur inefficacité. En effet, les aides aux entreprises et les exonérations ne créent aucun emploi. Vous sacralisez des dispositifs inefficaces comme le CICE qui coûtent 20 milliards d’euros aux contribuables et à nos communes, sans résultat.

Vous prétendez résoudre le chômage avec 500 000 formations par an, mais vous ne prévoyez aucune mesure pour créer réellement de l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Où est la nouvelle politique industrielle, où est la relance du pouvoir d’achat pour la croissance, permettant seules de lutter contre le chômage de masse ?

Ce qui a été annoncé hier est une liste à la Prévert de mesures plus libérales les unes que les autres : casse du code du travail, remise en cause des 35 heures, plafonnement des indemnités prud’homales, mise en danger de l’indemnisation des chômeurs, tout y passe ! En revanche, interdire les licenciements boursiers que la gauche sénatoriale a pourtant votés ici en décembre 2011, vous n’y pensez même plus !

Madame la ministre, je répète ma question : allez-vous renoncer enfin à ces vieilles recettes ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri

Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que le fait d’investir humainement dans la formation de 500 000 demandeurs d’emploi soit une recette libérale.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Mme Myriam El Khomri, ministre. Au moment où l’on constate une reprise de l’activité économique et où l’on peut dire que la croissance sera meilleure en 2016 qu’elle ne l’a été en 2015

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Nous sommes actuellement en train de parler du compte personnel d’activité, qui est une mesure de progrès social.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri

En effet, aujourd’hui, on n’entre plus dans une entreprise à l’âge de dix-huit ans pour en sortir à soixante ans. Notre expérience professionnelle sera constituée de ruptures. L’enjeu est aussi d’attacher les droits, non pas seulement aux statuts, mais aux personnes. C’est aussi cela construire un nouveau modèle social : le statu quo n’est plus possible dans notre pays.

L’enjeu n’est pas d’idéaliser le passé, c’est d’être capables, tous ensemble, de construire l’avenir.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri

Quand nous prévoyons d’accompagner les demandeurs d’emploi en vue de la création d’entreprises, c’est une chance pour eux, car nous savons que le taux de fragilité, derrière, sera bien moindre.

Les mesures qui ont été prises, à savoir le pacte de responsabilité, le CICE, ne sont pas des cadeaux aux entreprises, …

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

… mais un moyen de mettre en œuvre un écosystème.

La loi « Travail » que je porterai visera justement à introduire plus de négociation collective, car je crois au dialogue social et à la force des syndicats pour nouer des compromis au niveau des entreprises.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Madame la ministre, vous ne nous ferez pas dire que l’investissement dans l’humain ne nous intéresse pas. Il ne s’agit pas de cela. Votre plan ne bénéficiera ni aux salariés ni aux chômeurs : il répond à un certain nombre d’exigences du patronat et de l’actionnariat.

Un sondage vient de paraître aujourd’hui même, selon lequel les Français ne sont pas dupes : 75 % d’entre eux estiment que votre politique ne sert pas les intérêts des travailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

M. Jean-Pierre Bosino. Il est grand temps de mettre en œuvre les promesses qui ont été faites en 2012 par François Hollande.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

La France est en présence d’une épizootie d’influenza aviaire. Cette dernière ne concerne que les oiseaux, mais elle frappe dix-huit départements métropolitains, dont les cinq départements d’Aquitaine.

Pour éviter que le virus ne subsiste et ne se réactive à l’avenir, nous devons organiser un dépeuplement complet de la zone touchée. L’objectif est l’absence totale de palmipèdes dans ce territoire pendant au moins un mois. C’est là l’approche pratiquée dans tous les pays où des cas d’influenza aviaire ont été constatés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Ce dépeuplement doit être opéré dans le respect du rythme des oiseaux. Les trois quarts de la production de canards IGP du sud-ouest sont concernés. Rendez-vous compte, mes chers collègues : en volume, cela représente 28 millions d’animaux, dont tous les effectifs du département dont je suis l’élu !

La profession s’oppose à l’euthanasie immédiate des volailles présentes dans cette zone. Elle préfère des mesures de dépeuplement, pour que les animaux terminent leur cycle à leur rythme. Elle semble avoir été entendue.

En outre, les risques de pertes ou de manque à gagner se situeraient, pour la filière, entre 250 et 400 millions d’euros.

Monsieur le ministre, à cet égard plusieurs problèmes subsistent. Je vous les communique en style télégraphique :…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

De fait, il ne vous reste que vingt secondes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

… les prises en charge par l’État, les aides de minimis – quelle sera la règle en la matière ? – ou encore l’absence certaine de compensation des pertes par les marchés.

L’agriculture est une part essentielle de notre ADN. Elle témoigne de notre exemplarité et de notre excellence. Aidez-nous !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll

Monsieur le sénateur, vous évoquez l’épizootie dite « influenza aviaire ». Il n’est jamais facile de répondre à une question comme celle que vous posez : faut-il prendre des décisions qui ont de lourdes conséquences ou bien faut-il les différer, au risque que ces conséquences se révèlent encore plus lourdes pour l’ensemble de la filière ?

Au lieu d’abattre les animaux des élevages actuels, j’ai effectivement choisi de mettre en œuvre un processus inédit en France, consistant à faire un vide sanitaire au fur et à mesure que les bandes mises en production atteindront leur issue. Ce vide sanitaire commencera début avril. Suivront des mesures de biosécurité assurant l’éradication du virus. Le but est de permettre la reprise de la production dès la fin du premier semestre de 2016. Ainsi, cette filière pourra repartir sur des bases saines.

Vous l’avez rappelé, à juste titre, le virus est là, et il peut muter. Nous ne pouvions pas prendre ce risque. Il fallait donc agir. Dès lors, vous l’avez parfaitement souligné, il faut tenir compte des conséquences économiques.

Le commissaire européen à la santé l’a annoncé la semaine dernière : l’Europe soutient le plan élaboré par la France, et elle sera à ses côtés pour apporter les aides dont auront besoin tous les producteurs, petits, moyens et grands. J’insiste sur ce point : j’ai cru entendre parler de discrimination. Ce n’est absolument pas le cas !

L’interruption de la production va logiquement entraîner celle des abattages. Il va falloir trouver des solutions pour faire face à cette situation. Mme El Khomri et moi-même avons déjà ouvert la possibilité du chômage partiel pour les employés de ces abattoirs. Ces derniers seront en outre inclus dans le plan d’aide, destiné à faire face à la perte de revenus causée par ce vide sanitaire.

La semaine prochaine, je rencontrerai les représentants de tous les professionnels de la filière pour parachever avec eux l’ensemble de ce plan d’aide.

Monsieur le sénateur, aujourd’hui même, l’Assemblée nationale débat de la question du gavage, en présence de grandes vedettes venues d’outre-Atlantique. Je connais de surcroît la position d’un certain nombre de sénatrices sur ce sujet. Je suis là pour défendre la filière avicole, et je tiens à préciser que je vous réponds en tant que ministre de l’agriculture !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

En présentant ses vœux aux corps constitués, le Président de la République a évoqué le problème de la lenteur législative. Certes, chacun doit prendre ses responsabilités. Mais, comme notre collègue Philippe Bas l’a fait observer dans une lettre adressée au chef de l’État, quelques éclaircissements s’imposent sur ce point.

Nous sommes soumis par l’actuel gouvernement à une inflation législative qui nous paraît sans précédent. On nous somme de nous exprimer sur des textes dont la surcharge et la complexité dénoncent la précipitation dans laquelle ils ont été imaginés. Ce fut le cas, par exemple, de la loi de transition énergétique, avec ses 215 articles.

Outre l’inflation législative engendrée par ses initiatives, le Gouvernement engage presque systématiquement la procédure accélérée, qui, paradoxalement, participe de la lenteur législative, dans la mesure où elle laisse parfois s’écouler plus de six mois de délai entre l’examen des textes par les deux assemblées du Parlement. Ce fut le cas de la fameuse loi dite « Macron », qui, nonobstant l’article 49-3 de la Constitution, a occupé toute une année de débats. Le texte, présentant à l’origine 106 articles, en comptait finalement 300.

La lenteur législative vient également du fait que les textes de loi pléthoriques impliquent des décrets d’application pléthoriques. Là encore, les délais dépassent la logique politique. Pour ce qui concerne cette même loi dite « Macron », une très large part des quatre-vingt-quatre décrets d’application est encore en attente de publication.

Monsieur le secrétaire d’État, afin que les parlementaires puissent soutenir au mieux une action gouvernementale qui s’inscrit de plus en plus dans l’urgence, ne croyez-vous pas que des textes plus réfléchis, donc plus aboutis, seraient de nature à accélérer considérablement cet itinéraire législatif ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen

Bien entendu, nous sommes tous concernés par la réflexion actuelle portant sur l’efficacité des politiques publiques, notamment sur la capacité de notre pays à légiférer dans les meilleures conditions et de manière plus réactive. J’en veux pour preuve le fait que les deux assemblées du Parlement se sont penchées sur ces questions et ont adopté, à ce titre, un certain nombre de mesures. Je tiens à saluer les mesures suggérées par M. le président du Sénat, par exemple pour assurer l’application de l’article 41 de la Constitution, qui n’a jamais été véritablement mis en œuvre. De telles dispositions sont effectivement de nature à alléger le travail parlementaire.

En veillant à ne réduire en rien la qualité du travail parlementaire, nous devons continuer à réfléchir au temps de l’action, même si les résultats que nous avons obtenus en termes de production législative au cours des deux dernières années se révèlent satisfaisants : la plupart des textes de loi ont été adoptés en moins de 150 jours. Cependant, d’autres textes prennent plus de 300 jours, ce qui pose question. À l’opposé, la loi prorogeant l’application de la loi relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions a été adoptée en quelques jours seulement, ce qui était normal compte tenu des attentes de nos concitoyens.

Vous noterez avec moi, monsieur le sénateur, qu’un certain nombre de modes de fonctionnement de nos assemblées ne correspondent plus véritablement à une nécessité, voire peuvent aboutir à une forme d’usure du travail parlementaire. Malgré la révision constitutionnelle de 2008, une redondance persiste entre les travaux en commission et en séance plénière. En résultent de nombreux inconvénients, non seulement pour ce qui concerne le temps que les uns et les autres consacrent à ces discussions, mais aussi pour la qualité et la spontanéité du débat. Cette solennité répétitive n’est pas positive.

Nous devons, ensemble, continuer à réfléchir. C’est ce à quoi nous a invités le Président de la République, tout en fixant un certain nombre de sauvegardes, pour l’intensité de l’action de réforme dans ce pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Pillet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Sans vouloir faire polémique, je constate que, lorsqu’on compare, d’un côté, la durée d’examen des projets de loi et, de l’autre, la durée d’élaboration des ordonnances et des décrets d’application, le résultat est toujours à l’avantage du Parlement.

J’ajoute que les réformes dites « sociétales », qui ont largement occupé la première moitié du quinquennat du Président de la République, ont toutes connu une application presque immédiate, alors que les dispositions d’ordre économique sont encore un peu à la traîne…

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Claude Nougein, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La bonne nouvelle est arrivée : le chômage est tombé à 6 %, atteignant son taux le plus bas depuis vingt-cinq ans !

Ne rêvez pas mes chers collègues, il s’agit de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Dans le même temps, l’Espagne amorce une décrue. Mais la France est l’un des seuls pays d’Europe où le chômage progresse. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous récoltons ce que ce gouvernement a semé.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Selon l’OCDE, nos recettes fiscales atteignent désormais 45 % du PIB, soit 10 points de plus que la moyenne des pays riches. La France est vice-championne du monde en matière d’impôts. Est-ce un hasard ? J’en doute, car la folie fiscale de 2012, frappant les entreprises et les ménages, a totalement paralysé l’économie française.

Par des artifices coûteux, via des emplois publics financés à crédit, la courbe du chômage va probablement s’inverser en 2016. J’ai confiance en l’habileté politique du Président de la République – nous avons été, de nombreuses années durant, élus du même département… Mais, hélas, son habileté ne résoudra rien à long terme.

Pourquoi investir en France, choisir de construire une usine en France quand le taux d’impôt sur les sociétés y est de 33 %, contre 25 % en moyenne en Europe ? Quand le taux d’impôt sur les revenus des capitaux, agrémenté de la CSG, est le plus élevé d’Europe ? Quand l’ISF, prélèvement unique au monde visant les capitaux des actionnaires non dirigeants d’entreprises familiales, pousse chaque jour à vendre nos entreprises à des groupes étrangers ? Quand l’interprétation du code du travail est plus aléatoire encore que le code du travail lui-même ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Les mesures annoncées hier matin par le Président de la République ne sont que des demi-mesures qui continuent de contourner la réalité.

Monsieur le Premier ministre, il est urgent d’agir. Aussi, ma question est précise : quand prendrez-vous des mesures structurelles…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

M. Claude Nougein. … identiques à celles que mettent en œuvre les autres pays européens, pour que la France soit à armes égales avec ses voisins et qu’elle revienne dans le peloton de tête des économies mondiales ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert

Monsieur le sénateur, vous évoquez essentiellement la question de la fiscalité. À cet égard, il est bon de rappeler un certain nombre de réalités.

Certains s’en plaignent, d’autres la jugent insuffisante, mais la baisse de la pression fiscale et sociale exercée sur les entreprises est bel et bien une réalité pour ce gouvernement.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Même si certains le critiquent, le CICE assure une réduction de l’imposition des entreprises de l’ordre de 18 milliards d’euros par an.

Dans le cadre du pacte de responsabilité, par une première tranche en 2015, puis par une seconde en 2016, le Gouvernement garantira une réduction des contributions sociales des employeurs de l’ordre de 7 milliards d’euros.

Nous avons allégé les cotisations sociales des travailleurs indépendants de 1 milliard d’euros. Nous avons mis fin à la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises, créée d’ailleurs, sauf erreur de ma part, par M. Fillon, pour un montant d’environ 2, 5 milliards d’euros. Nous avons modifié les seuils applicables aux PME pour l’application d’un certain nombre de contributions pour plusieurs centaines de millions d’euros. Nous avons allégé l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui investissent par le suramortissement, pour environ 500 millions d’euros par an.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Alors ça suffit ! Ça suffit d’affirmer que ce gouvernement écraserait les entreprises d’impôts !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Je pèse mes mots : en faveur des entreprises, ce gouvernement a engagé une réduction d’impôts inégalée depuis une décennie.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si j’ai bien compté, il vous reste une vingtaine de secondes pour nous décrire les mesures structurelles que vous souhaitez présenter.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

M. Claude Nougein. Aucun des pays où l’on constate une importante baisse du chômage n’a créé un dispositif équivalent au CICE. Aucun d’eux n’a pris les mesures que ce gouvernement a adoptées. Ces États ont tous appliqué la même méthode : ils ont tout simplement allégé les contraintes pesant sur les entreprises et réduit l’impôt sur les sociétés !

C’est fini ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

M. Claude Nougein. Cela suffit ! Il ne faut pas inventer n’importe quoi !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Cornano, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Cornano

Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la ministre, dans votre présentation de la répartition des 6 639 postes d’enseignants pour la rentrée scolaire 2016, vous annonciez « un effort sans précédent au service de tous les élèves ». Vous affirmiez également que « tous les territoires » bénéficieraient de « marges de manœuvre exceptionnelles ». Or nous déplorons qu’aucun poste ne soit créé dans l’académie de la Guadeloupe dans le premier degré et que trente-cinq soient supprimés dans le second degré.

Cette situation est tout à fait incompréhensible eu égard au contexte. La Guadeloupe accuse en effet un taux d’illettrisme dépassant les 25 %, alors que, chaque année, plus de 1 000 élèves se trouvent en décrochage scolaire et quittent le système éducatif sans diplôme. À cela s’ajoute une situation socio-économique catastrophique, avec un taux de chômage qui dépasse 65 % chez les jeunes de moins de vingt-cinq ans.

Vous n’avez pas tenu compte du contexte archipélagique, qui requiert pourtant un contrat d’objectifs spécifique, prenant en compte les caractéristiques sociales et territoriales. Dès lors, vous comprendrez notre malaise. Les syndicats enseignants et les parents d’élèves nous ont fait part de leur profonde inquiétude et préparent des grèves.

Ainsi, madame la ministre, nous souhaitons connaître vos intentions quant à la prise en compte de la situation de l’académie de la Guadeloupe. Quels sont les moyens supplémentaires que vous lui allouerez sans doute afin de rétablir l’équilibre en faveur d’une jeunesse guadeloupéenne au potentiel formidable, qui ne demande qu’à croire en l’avenir ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir rappelé que ce gouvernement déploie des efforts considérables pour l’éducation depuis 2012. Je profite de votre question pour confirmer que les 60 000 nouveaux postes dans l’éducation que nous avions annoncés seront bien créés d’ici à la fin du quinquennat. À la rentrée prochaine, nous en aurons déjà créé 47 000 !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Cette promesse confirmée, je souhaite vous répondre, car des interrogations demeurent sur la répartition de ces moyens.

Ce n’est pas parce que l’on crée toujours plus d’emplois qu’il ne faut pas tenir compte de la démographie. Monsieur Cornano, vous le savez bien, premier et second degrés confondus, la Guadeloupe perd, pour la rentrée 2016, 2 336 élèves et la Martinique, 1 639. Le nombre de trente-cinq postes supprimés est en réalité très inférieur à ce qui aurait résulté de la seule prise en compte de cette baisse démographique.

En vérité, les académies que vous évoquez ont pleinement bénéficié de notre politique volontariste visant à apporter des moyens, y compris là où la démographie était en baisse. Nous l’avons fait en respectant deux principes.

Le premier est la priorité accordée au primaire. Dans ces académies, comme ailleurs, parce que nous estimons qu’il faut créer plus de maîtres que de classes en école primaire et qu’il importe de préscolariser les enfants avant l’âge de trois ans, nous ne supprimons aucun poste dans le premier degré, alors même, je le répète, que nous attendons 1 920 élèves de moins en Guadeloupe et 1 135 en Martinique.

Le second principe, qui explique également que ces deux académies perdent moins de postes qu’elles n’auraient pu le craindre, est l’allocation progressive des moyens. Vous savez que j’ai souhaité, au-delà de la démographie, accorder des moyens aux établissements scolaires en fonction de la difficulté sociale. C’est le cas dans les deux académies que vous évoquez.

Pour conclure, je vous rappelle que l’éducation prioritaire, réformée cette année, leur profite très largement. Ainsi, la Guadeloupe compte désormais trois établissements en REP+ et treize en REP, et la Martinique neuf en REP+ et treize en REP. Cela signifie notamment que les indemnités des enseignants y sont plus élevées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 28 janvier, de quinze heures à seize heures, et seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

M. le président du Sénat a reçu de M. Thierry Santa, président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, par lettre en date du 19 janvier 2016, l’avis formulé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie au cours de sa séance publique du mercredi 13 janvier 2016 sur la proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (226, 2015-2016).

Ce document a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Annick Billon.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chacun en a bien conscience aujourd’hui, l’évolution de la biodiversité est extrêmement préoccupante partout dans le monde. Son état est en particulier alarmant en France, que la variété de ses territoires métropolitains et ultramarins place au huitième rang des pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées.

Notre responsabilité est donc colossale. Il nous faut agir. C’est cette nécessité que veut traduire en politiques publiques le présent texte. Pour une large part, il transpose en droit français le droit international de défense de la biodiversité autour de son institution opérationnelle : l’Agence française pour la biodiversité, évoquée par Chantal Jouanno. Je me concentrerai donc sur les principes fondamentaux et l’architecture générale de la gouvernance, autrement dit sur les titres I et II.

Sans remettre en cause notre droit, les principes fondamentaux sanctionnent une différence d’approche, plus dynamique. Une définition de la biodiversité dérivée de celle de la convention sur la diversité biologique de 1992 entre ainsi dans le code de l’environnement. Intégrant la relation des êtres vivants à leurs écosystèmes, elle est moins statique. Nous saluons aussi la transposition du triptyque « éviter-réduire-compenser », prolongement opérationnel de l’action préventive.

Toutefois, l’avancée la plus importante est sans doute l’introduction de la complémentarité entre l’environnement, l’agriculture et la sylviculture pour obtenir un résultat significatif et pérenne. On ne peut continuer à opposer défense de la nature et exploitation économique des ressources naturelles : c’est bien là que réside le principal défi à relever.

C’est donc un changement profond de culture dans les deux sens du terme qu’il nous faut amorcer. Il existe ainsi des méthodes agricoles innovantes, telles que les méthodes promues dans mon département, la Vendée, par des associations comme l’ADAP, association pour la promotion d’une agriculture durable. Celle-ci développe des techniques de semis directs sous couvert végétal pour cultiver sans travailler le sol et en stockant du carbone.

Quant à la refonte de la gouvernance du système, elle va dans le bon sens, celui de la clarification de l’objectif consistant à défendre la biodiversité dans son ensemble et celui d’une simplification des structures.

Le groupe UDI-UC a déposé des amendements visant à améliorer la représentation des agents économiques et à valoriser la mutation de leur activité, car c’est bien au sein des instances de gouvernance que doit se concrétiser la collaboration de tous les acteurs dédiés à la défense de la biodiversité dont font partie les agriculteurs. Grâce à Jérôme Bignon, dont je salue l’investissement, toutes les catégories d’acteurs concernés sont bien représentées au sein du Comité national de la biodiversité, le « parlement » qui fixe les grandes orientations. Néanmoins, soyons lucides, c’est l’AFB, véritable exécutif, qui devrait être étoffée. Les objectifs devront prendre en compte la complexité et le pragmatisme des actions à mettre en œuvre localement, ce dont, dans les marais vendéens par exemple, nous sommes des témoins privilégiés.

Le réchauffement climatique aide des espèces exotiques invasives importées à se développer au détriment de tout l’écosystème. C’est le cas de plantes aquatiques envahissantes comme la jussie et le myriophylle du Brésil. Des actions d’arrachages tentent de réduire leur taux de recouvrement, mais le prix à payer est exponentiel. De ce fait, rien d’équivalent n’est mis en œuvre contre des plantes terrestres comparables, telles le baccharis. Dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité, il faudrait que l’ensemble des plantes exotiques envahissantes soit interdit à la vente. Madame la ministre, est-ce bien le cas ?

Côté faune, même constat ! Si les acteurs locaux luttent contre les rongeurs aquatiques nuisibles, ragondins et rats musqués sur leur territoire, c’est à leurs frais, vu qu’aucune subvention n’est accordée alors que cette action est indispensable pour la préservation des espèces autochtones. L’AFB suppléera-t-elle à cette carence ?

De même, l’écrevisse de Louisiane ruine la biodiversité des marais : propriétaires et associations se heurtent à une réglementation de plus en plus drastique pour intervenir.

Nous soutenons ce texte et espérons qu’il bénéficiera de l’accompagnement réglementaire et financier nécessaire à son déploiement opérationnel sur les territoires.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, un fascicule vient de vous être distribué. Il illustre très bien les thèmes qui seront abordés lors de nos débats. Le ministère avait déjà réalisé un tel fascicule pédagogique lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Cette fois-ci, il y a des images. C’est mieux !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en décembre, les 195 pays réunis à Paris par le Président de la République et le ministre des affaires étrangères ont fait de la COP 21 un grand succès en reconnaissant, enfin, collectivement, la réalité du réchauffement climatique et des dérèglements liés à l’activité humaine et en se fixant par accord un objectif de limitation du réchauffement mondial entre 1, 5 et 2 degrés d’ici à 2100.

C’est en cela que l’accord de la COP 21 est d’une importance capitale. Il signifie que plus aucun des 195 pays signataires ne nie encore la réalité : le dérèglement climatique et la grave dégradation de notre environnement existent ; ils sont le fait de l’activité humaine. À nous d’en tirer désormais les conséquences.

Ce texte nous encourage et nous engage. Il n’est que le début d’un travail colossal que nous avons l’obligation de mener constamment et de faire aboutir. Il est une base solide qui justifie les efforts que nous devrons poursuivre pour réduire nos impacts sur l’environnement. Il doit surtout nous servir à approfondir, avec une véritable résolution, notre réflexion sur la nécessaire redéfinition de nos modèles de développement et de progrès économique et social.

Cela signifie que nous devons collectivement changer, que nous devons prendre des mesures fortes et être exigeants avec nous-mêmes. Car entretenir l’espoir d’une possible réduction de nos émissions et de nos pollutions sans amender nos comportements et les normes sociales tendant à envisager l’accomplissement humain et social des individus en fonction de leur niveau de consommation reviendrait à nous bercer d’illusions ! Une telle réduction suppose aussi de sortir du raisonnement, encore très prégnant, d’après lequel les exigences environnementales et sanitaires constituent un frein à l’activité économique.

Notre première responsabilité est dès lors de prendre la pleine mesure des coûts occasionnés pour la collectivité par la dégradation de notre environnement. Rappelons-nous qu’une étude scientifique intitulée Le coût de l’inaction politique, présentée en 2008 à la conférence des Nations unies de Bonn, estimait entre 1 350 et 3 100 milliards d’euros le coût annuel de l’érosion de la biodiversité à l’échelle mondiale. Non seulement notre modèle de développement économique et industriel détruit chaque jour davantage notre planète de manière irréversible, mais encore nous coûte-t-il très cher.

Lorsqu’une activité est envisagée économiquement, la norme est de ne considérer que les coûts directs supportés par les entrepreneurs privés, en comparaison avec les revenus qu’ils en tirent. Les externalités négatives sont quant à elles systématiquement écartées. C’est pourtant la société qui partage les coûts induits de la pollution de l’eau, de l’air et des sols, des émissions de gaz à effets de serre et des atteintes multiples à la biodiversité occasionnés par l’agriculture intensive, la surexploitation des ressources halieutiques ou forestières, la production d’énergie carbonée. Ces coûts induits vont des travaux de dépollution aux dépenses de santé, en passant par la dégradation consécutive de l’attractivité de nos territoires.

L’accumulation consécutive des normes environnementales, dont se plaignent notamment bon nombre de nos agriculteurs, est une vraie problématique. Je pense aux réglementations anti-nitrates ou aux conditions d’utilisation et d’épandage de pesticides de plus en plus strictes. Nous devons entendre la détresse de ceux qui sont obligés de composer avec des contraintes toujours plus dures à assumer, malgré un travail très difficile et dont la rémunération ne reflète pas nécessairement le haut degré d’investissement.

Pourtant, devant ces constats, notre responsabilité est justement d’accepter de prendre conscience que l’accumulation des contraintes est d’abord la conséquence de pratiques parfois déraisonnables, que nous pourrions corriger si nous acceptions de nous y confronter réellement. Pour prendre l’exemple d’une thématique que je connais bien, le Commissariat général au développement durable a estimé dans un rapport publié en décembre 2015 que, sur les 2, 2 millions de tonnes de produits phytosanitaires utilisés en 2013, deux tiers l’étaient en surdose. Une fois dépassée la dose d’intrants que la plante peut absorber, ceux-ci se dispersent dans la nature, se volatilisent dans l’air, se dissolvent dans l’eau, persistent dans les sols. Ce trop-plein coûte jusqu’à 3 milliards d’euros par an aux seuls services de l’eau potable et de l’assainissement.

Voilà des paramètres que nous devons aussi avoir en tête quand le modèle intensif est systématiquement présenté comme le moins cher par les industriels qui y ont leur intérêt et quand le projet de réduction des intrants est le plus souvent présenté comme irréaliste et naïf.

L’environnement et la biodiversité ne sont pas des notions à la mode. Ce sont des réalités que nous devons prendre en compte pour nous, nos enfants et les générations futures, ainsi que pour notre présent et notre avenir. Car un cours d’eau pollué l’est souvent de manière irréversible ; une espèce disparue ne réapparaît plus. Or nous sommes allés suffisamment loin ! La communauté scientifique parle de « sixième extinction de masse », et elle estime que la moitié des espèces vivantes que nous connaissons pourrait disparaître d’ici à un siècle. En trente ans, ce sont 420 millions d’oiseaux qui ont déjà disparu et, pratiquement chaque année depuis le début des années 2000, un nouveau record de température est dépassé sur l’ensemble du globe.

Ce projet de loi vise donc à inventer un nouveau modèle, qui nous dotera d’une riche palette d’outils en vue d’atteindre l’objectif ambitieux de renouveler les politiques publiques en faveur de la biodiversité, quarante ans après la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.

La réforme de la gouvernance de la biodiversité et de la politique de l’eau, la création de l’Agence française pour la biodiversité, les mécanismes de compensation environnementale, les mesures de protection du littoral et des milieux marins, le renforcement des outils en matière de lutte contre la pollution et les infractions au droit de l’environnement, la meilleure prise en compte de la dimension paysagère dans la biodiversité : ces nombreux axes de réforme serviront les grandes valeurs ayant présidé à l’élaboration de ce projet de loi, à savoir la solidarité écologique, le principe « éviter, réduire, compenser », la mise en mouvement des territoires, la nécessité d’« innover sans piller » et la mutualisation des savoirs et des sciences participatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Mme Nicole Bonnefoy. Le groupe socialiste soutiendra la vision ambitieuse de ce projet de loi au travers d’une série d’amendements visant à instaurer une action de groupe dans le domaine environnemental, à défendre la création des zones prioritaires pour la biodiversité ou encore à renforcer les dispositions au service des mesures compensatoires.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’aurais aimé dire quelques mots à notre collègue national-populiste – je regrette son absence –, lui qui a la gâchette si facile pour tirer sur les écologistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. Vous n’êtes pas une espèce en voie de disparition !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Mais son intervention ne mérite pas que l’on s’y arrête, car les propos des orateurs qui m’ont précédé ont élevé le débat.

Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont la discussion commence enfin à la Haute Assemblée, fait suite au premier accord universel visant à assurer l’avenir de l’humanité, signé le 12 décembre 2015, une date historique. Il y aura donc un avant et un après !

Ce texte, à l’intitulé très COP21 compatible, si je puis dire, puisqu’il comporte la mention « pour la reconquête de la biodiversité », arrive au bon moment.

La biodiversité souffre du dérèglement climatique et elle est en même temps indispensable pour remédier à ce problème. Aussi, ce sont de bons signes que nous devons adresser à nos concitoyens. En effet, nous sommes en situation d’urgence environnementale !

Ce projet de loi a connu quelques avancées à l'Assemblée nationale et quelques reculs ici l’été dernier en commission, mais c’était avant l’accord intervenu lors de la COP21 !

Je tiens à relayer les propos de ma collègue Marie-Christine Blandin, qui suit ces questions depuis de nombreuses années : « Du Grenelle de l’environnement était sorti un consensus qui malheureusement n’avait pas été repris complètement par le Gouvernement de l’époque. Un point en revanche n’était pas acquis : la création d’une Agence pour la biodiversité. C’est chose faite aujourd’hui, et nous nous en félicitons. Un petit bémol cependant, avec l’absence de l’ONCFS dans cette agence.

« Les écologistes seront très attentifs à l’article 18, sur les questions relatives à l’accès et au partage des avantages. Cet article apporte quelques avancées que nous saluons, mais nous dénombrons également des reculs, notamment sur les méthodes permettant de mieux associer les communautés d’habitants. »

Permettez-moi maintenant d’évoquer les sujets qui me préoccupent dans ce texte : l’interdiction des brevets sur le vivant ; la suspension des cultures issues de mutagenèse pour insuffisance d’évaluation préalable ; la question de l’étiquetage des huîtres nées en mer ou en écloseries. Je défendrai par ailleurs un amendement, qui peut paraître anecdotique, relatif à l’énergie animale et à la reconnaissance du statut de meneur territorial, un amendement issu de la consultation citoyenne dont je parlerai ultérieurement s’il me reste un peu de temps.

J’insisterai aussi sur la question des pesticides néonicotinoïdes qui me tient à cœur et dont nous avons débattu au mois de février dernier lors de l’examen d’une proposition de résolution que j’avais défendue avec force, et qui restera dans l’histoire. Depuis lors, de nouvelles études ont confirmé les conclusions que j’avais exposées : ces pesticides systémiques sont de puissants neurotoxiques qui touchent gravement non seulement les abeilles, mais aussi l’ensemble des pollinisateurs, des insectes, des oiseaux insectivores, des vers de terre, des invertébrés aquatiques ; ils ont des effets sur la faune et la flore microbienne du sol. Cela fait beaucoup !

Quand on apprend que, dans une seule poignée de terre végétale, il y a plus d’organismes vivants que d’êtres humains sur la planète, on comprend mieux cette phrase simple : « La vie fait le sol, et le sol fait la vie. » Et là, la chimie crée un grand désordre.

L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, vient d’ailleurs de publier un avis très éclairant sur le sujet que je vous invite, mes chers collègues, à consulter. Mais je sais que certains d’entre vous l’ont déjà lu.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

« En l’absence de mesures de gestion adaptées, l’utilisation des néonicotinoïdes entraîne de sévères effets négatifs sur les espèces pollinisatrices » : tel est le constat rappelé par l’Agence.

J’ai évoqué précédemment la consultation citoyenne au moyen de la plateforme Parlement et Citoyens. À cet égard, je salue votre action, madame la ministre : vous avez joué le jeu, ce qui n’était pas si simple. M. le rapporteur, Jérôme Bignon, a également fait en sorte que le texte issu des travaux de la commission soit soumis à l’avis citoyen. Ainsi, nos concitoyens ont pu exprimer leur avis sur chacun des articles et ont formulé des propositions. Même si cela a été un peu compliqué, le nombre de contributions dépasse les 9 300, ce qui démontre l’intérêt que portent nos concitoyens à ce que nous faisons. Il y a une nécessité absolue de se reconnecter, et cette plateforme est l’un des outils modernes susceptibles d’assurer cette reconnexion entre les citoyens et les politiques que nous sommes.

Cela étant, la position du groupe écologiste dépendra évidemment du texte qui résultera de nos travaux. Mais après tout ce que j’ai entendu et comme je suis une personne optimiste, j’espère bien que nous le pourrons le voter.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens moi aussi à remercier Jérôme Bignon de son rapport remarquable ; il a beaucoup travaillé sur ce sujet.

Bien sûr, il y a urgence pour la biodiversité et urgence pour l’homme, car nos sociétés se sont construites et subsistent grâce aux services rendus par la nature, une nature que nous menaçons.

Selon une étude récente de la revue britannique Nature, modifier plus de 50 % de la surface du globe provoquerait un effondrement des écosystèmes dont les conséquences sont incalculables pour nos conditions de vie. Or le taux actuel s’élève à 43 %. Il faut donc agir !

À ce stade du débat, beaucoup de choses ont déjà été dites, et bien dites. Mais je ne peux m’empêcher de revenir sur un point qui a été souligné précédemment. Il y a encore actuellement des discussions un peu trop politiques, et nous n’avons certainement pas, il est vrai, suffisamment tenu compte des avis exprimés depuis de nombreuses années par les scientifiques.

Voilà vingt-cinq ans que Hubert Reeves – il apparaît dans le petit fascicule qui nous a été remis en tant que parrain de la mission de préfiguration et de la future Agence française pour la biodiversité – parcourt le monde entier, la France – et le Gers ! §– pour essayer sans relâche de nous faire prendre conscience de la situation. Comment concevoir que cette prise de conscience ait été aussi difficile, alors que les hommes ne pourront pas quitter cette planète demain matin ou en trouver une autre dans un temps compatible avec l’état de celle-ci ? Aussi, il est nécessaire de prendre conscience que nous sommes interdépendants pour y sauvegarder la vie.

Mais j’en reviens au texte qui nous est soumis.

Je veux le souligner, le renforcement des principes de solidarité écologique et de compensation est un point positif.

Par ailleurs, l’introduction du préjudice écologique par la commission du développement durable et son inscription dans le code civil fondent le principe de la responsabilité pour atteinte à l’environnement et la réparation des dommages qui lui sont causés.

La création de l’obligation réelle environnementale constitue une réponse pragmatique aux contraintes financières qui s’imposent à toute personne publique ou privée souhaitant agir en faveur de la biodiversité sur un terrain qui ne lui appartiendrait pas.

Certes, je pourrais vous faire part d’un certain nombre de points sur lesquels les membres du groupe du RDSE ont débattu ce matin en commission, mais la majeure partie d’entre eux suivra l’examen de ce texte avec attention et, j’en suis certain, le votera.

En effet, ce projet de loi, qui comporte un train de mesures, est indispensable. À cet égard, permettez-moi, madame la ministre, de revenir sur vos propos concernant l’engagement des territoires au travers de l’expérimentation dans les territoires à énergie positive pour la croissance verte.

Il faut que la future Agence française pour la biodiversité fonctionne au plus près du terrain. Comme vous l’avez souligné, c’est sur le terrain qu’auront lieu les actes concrets, auxquels nos concitoyens participeront. C’est ainsi que nous avancerons sur ce sujet essentiel.

Il importe aussi de traiter la question préoccupante des pesticides néonicotinoïdes, dont l’incidence sur les abeilles est scientifiquement avérée. Pouvons-nous encore invoquer notre incompétence juridique pour ne pas agir, alors que le principe d’action préventive figure dans le titre Ier du projet de loi ? Madame la ministre, il faut intervenir auprès de nos partenaires européens pour obtenir une interdiction ou, à tout le moins, un moratoire.

Enfin, le titre VI de ce texte renforce la prise en compte des paysages dans les politiques d’aménagement du territoire et introduit des objectifs de qualité paysagère dans les SCOT, les schémas de cohérence territoriale. C’est un encouragement pour les territoires, comme le mien, qui se sont volontairement engagés dans la réalisation d’un plan de paysage.

Mes chers collègues, notre responsabilité est grande. Dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et de la COP21, la future loi constituera une étape décisive et indispensable en vue de réduire les pressions que nous exerçons sur la biosphère qui héberge notre vie.

À cet égard, permettez-moi de citer l’une des phrases que répète souvent Hubert Reeves, président d’honneur de l’association Humanité et Biodiversité, que j’ai eu l’honneur d’accueillir à de nombreuses reprises dans ma ville dans le cadre d’un festival qui a pris, grâce à lui, une dimension européenne : « La biodiversité nous concerne au premier chef, car la biodiversité c’est nous, nous et tout ce qui vit sur Terre. » Soyons-en conscients, nous sommes dépendants de la biodiversité !

C’est avec beaucoup d’attention que nous suivrons le sort réservé à la centaine d’amendements que nous présenterons. Mais, comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, nous ne pouvons pas ne pas parvenir à un consensus : la politique doit aujourd'hui laisser place à la responsabilité. Nous devons faire en sorte que perdure la vie de notre espèce sur Terre.

Enfin, je salue le travail de tous les scientifiques qui se battent depuis de nombreuses années pour l’humanité et qui se sont largement fait les porte-parole de votre initiative, madame la ministre.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous entamons la discussion risque, faute d’avoir fait l’objet d’un dialogue constructif, apaisé et fructueux entre tous les utilisateurs de la nature et les défenseurs de la biodiversité, d’aboutir à un formidable rendez-vous manqué, en particulier avec les chasseurs et les pêcheurs.

(M. Ronan Dantec s’exclame.), telle qu’elle est pratiquée actuellement, avec ses particularismes locaux, au nom d’arguments trahissant une méconnaissance totale de la réalité de terrain.

M. Jean-Louis Carrère applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

À plusieurs reprises, les rapporteurs et Mme la ministre ont affirmé, à juste titre, qu’il ne s’agissait pas d’un projet de loi relatif à la chasse et à la pêche. Seulement, à la faveur d’amendements déposés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, certains parlementaires ont nettement voulu en faire un projet de loi attaquant principalement l’exercice de la chasse §

À la vérité, les chasseurs sont des acteurs essentiels de la biodiversité. D’ailleurs, dans un entretien en date du 20 octobre dernier, le Président de la République a reconnu qu’ils étaient « parfois déçus du manque de compréhension qu’ils peuvent rencontrer », alors qu’ils « entretiennent la flore et protègent la faune ». Songeons, mes chers collègues, aux zones humides : sans les chasseurs, il y a bien longtemps qu’elles auraient été réduites dans notre pays. Et n’oublions pas que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, finance la quasi-totalité de la répression du braconnage, preuve que, n’en déplaise à M. Dantec, les chasseurs s’imposent des contraintes !

La priorité doit être, ainsi que le Président de la République l’a confirmé, de renforcer l’activité cynégétique, qui représente 3, 6 milliards d’euros par an, 26 000 emplois et 75 millions d’heures de bénévolat chaque année et qui doit être considérée comme l’un des atouts pour le développement diversifié de nos territoires ruraux. Au demeurant, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’amendement, cosigné par quatre-vingt-quatre sénateurs, visant à supprimer la baisse du plafond des redevances cynégétiques affectées à l’ONCFS, un amendement que le Sénat a adopté à l’unanimité.

En commission, les sénateurs du groupe d’études Chasse et pêche, que j’ai l’honneur de présider, ont présenté des amendements défensifs tendant à revenir sur les interdictions, décidées par l’Assemblée nationale, de la chasse à la glu et de la chasse des mammifères en période de reproduction. Je remercie mes collègues de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable qui, dans leur sagesse, ont adopté ces amendements défensifs et supprimé les mesures d’« agression » – notez bien les guillemets – adoptées par l’Assemblée nationale.

À écouter les orateurs précédents, on avait parfois l’impression que la chasse à la glu était l’élément central de ce projet de loi relatif à la biodiversité… §C’est bien ce que vous avez dit, monsieur Dantec, et vous n’avez pas été le seul ! Or, je le répète, cette chasse locale est abordée sur le fondement de désinformations notoires.

Mes chers collègues, il faut bien mesurer que, à force d’être mis en cause en permanence

M. Ronan Dantec s’exclame de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Nous avons également déposé des amendements offensifs, visant à faire ressortir le rôle joué par les chasseurs et les pêcheurs dans le fonctionnement de la nature. Aussi bien, je suis de ceux qui considèrent que l’espèce humaine en tant que telle fait partie intégrante de la biodiversité : je ne crois pas, comme certains opposants à la chasse, que la nature soit un sanctuaire réservé à la faune et à la flore dans lequel l’activité humaine n’aurait pas sa place. Madame Primas, je vous remercie de l’avoir bien souligné : les chasseurs sont la première vigie de la biodiversité ! C’est pourquoi nous insistons pour que les principes d’usage et d’utilisation durable de la nature soient retenus et que, à l’inverse, le principe de non-régression écologique soit repoussé.

Nous défendrons également des amendements tendant à maintenir l’indépendance des organismes représentant les chasseurs. Nombre d’orateurs ont dit regretter que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ne soit pas intégré dans l’Agence française pour la biodiversité. Je leur rappelle que cet office représente 1, 2 million de pratiquants et que la chasse est une filière à part entière, au même titre que les filières agricole et forestière. Il est donc logique que l’ONCFS, qui, du reste, réalise nombre d’études techniques commandées par le ministère de l’environnement, conserve son intégrité et son indépendance, tout en concluant, comme Mme la ministre l’a signalé, une convention avec l’Agence française pour la biodiversité. Nous ne voulons pas que cette indépendance soit peu à peu grignotée au profit d’une vaste agence dans laquelle les chasseurs seraient dilués !

Madame la ministre, mes chers collègues, dans la discussion qui s’engage, j’espère que chacun pourra faire valoir son point de vue dans un climat apaisé. Je souhaite aussi que les arguments des chasseurs et des pêcheurs, qui sont des prédateurs entrant dans un cycle naturel, soient entendus, car je pense que les uns et les autres, chasseurs comme opposants à la chasse, ont tout intérêt à ce que le projet de loi soit voté de manière consensuelle. En vérité, la défense de la biodiversité mérite mieux qu’un combat dogmatique contre des activités naturelles et millénaires !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions . – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Chantal Jouanno a rappelé le protocole de Nagoya et la genèse du présent projet de loi, à laquelle elle a participé ; il faut bien garder à l’esprit que nombre des dispositions soumises à notre examen correspondent à la mise en œuvre de protocoles internationaux. Mme Jouanno a aussi insisté sur la mesure emblématique du présent texte : la création de l’Agence française pour la biodiversité, qui sera le véritable exécutif de la politique en faveur de la biodiversité.

Pour sa part, Annick Billon a exposé les positions du groupe UDI-UC sur les principes généraux énoncés par le projet de loi et sur les questions de gouvernance.

En ce qui me concerne, je m’attacherai aux titres IV et V du projet de loi qui mettent en œuvre concrètement les mesures proposées sur notre territoire.

Mes chers collègues, ces deux titres reflètent bien la dualité des approches que nous devons suivre en matière de biodiversité.

Une première approche, défensive, et dont tout le monde a bien conscience, correspond principalement au titre V. Elle se fonde sur la prise de conscience qu’il faut agir tout de suite. De fait, la biodiversité est menacée partout dans le monde, et la France ne fait pas exception. À l’heure où l’on parle de sixième grande extinction – une expression qu’ont employée Mme la ministre et nombre d’orateurs –, il n’y a plus de tergiversation possible : nous devons nous mobiliser très rapidement ! N’oublions pas en effet que, en matière de changement climatique – un problème étroitement lié à la biodiversité –, les évolutions s’avèrent beaucoup plus rapides que ce qu’avaient prévu même les experts les plus pessimistes.

Le titre V du projet de loi dote l’action publique d’un certain nombre d’outils destinés à prévenir la catastrophe : il en améliore certains qui préexistaient et en crée de nouveaux. Bien entendu, nous sommes favorables à ces outils ; mais, parce que la situation est vraiment grave, nous pensons qu’ils sont encore perfectibles à un certain nombre d’égards.

Le principal des outils prévus est, à n’en pas douter, le système de compensation de l’atteinte à la biodiversité destiné à améliorer l’effectivité de la compensation. Nous pensons que, en impliquant systématiquement tous les acteurs locaux – collectivités territoriales, associations, chasseurs et pêcheurs, agriculteurs – par la signature des contrats définissant les mesures de compensation, nous améliorerons ce dispositif. De même, confions à l’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles la mission de dresser un état des lieux des espaces mobilisables dans le cadre de la compensation des atteintes à la biodiversité.

Le deuxième grand outil figurant au titre V est le système des obligations réelles environnementales qui permettra de pérenniser des actions en faveur de la biodiversité à un coût moindre pour la collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

S’agissant de cette première approche, que j’ai qualifiée de « défensive », je tiens à dire quelques mots des néonicotinoïdes. Ces insecticides ont encore été à l’honneur, si l’on peut dire, la semaine dernière, lorsque l’ANSES a rendu public son rapport sur le sujet. Le temps des doutes est largement révolu : la nocivité de ces produits est aujourd’hui avérée. C’est pourquoi je soutiendrai, comme nombre de mes collègues, l’amendement de Mme Jouanno visant à programmer leur interdiction. Mes chers collègues, c’est aujourd’hui une mesure de sagesse !

Veillons à nous concentrer sur le cœur du sujet, la biodiversité, sans nous éparpiller sur des questions anecdotiques par rapport à ce qui est en jeu ; je pense à la chasse à la glu, une pratique traditionnelle destinée non pas à tuer des animaux, mais à attraper des appelants, et dont l’interdiction ne me semble pas avoir sa place dans un texte aussi important.

La seconde manière d’aborder la biodiversité, prospective et positive, inspire le titre IV du projet de loi qui transpose le protocole de Nagoya pour ce qui concerne l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées. Il s’agit de reconnaître que la biodiversité représente un patrimoine extraordinaire. Pour un pays comme la France, à la fois fournisseur et utilisateur de ressources, ce patrimoine recèle une richesse inestimable !

En d’autres termes, défendre la biodiversité, c’est non seulement répondre à une menace vitale, mais aussi préparer l’avenir, celui de nos enfants et de toutes les générations futures.

Cet avenir, nous devons le préparer sur le plan tant environnemental qu’économique. Ainsi, la compensation des atteintes à la biodiversité est de nature à réconcilier l’environnement et l’activité économique : fondée sur des dispositifs contractuels, elle pourra être une source de revenus supplémentaire pour les agriculteurs et les autres acteurs. De même, le mécanisme d’accès et de partage des avantages pourrait devenir l’un des fers de lance de l’innovation et de la croissance de demain.

Madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi sonne comme un cri d’alarme, mais aussi comme un formidable message d’espoir : sachons préserver le patrimoine, le capital, le trésor que représente la biodiversité !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Roux

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « aujourd’hui les femmes et les hommes savent protéger leur mémoire : leur patrimoine culturel. À peine commence-t-on à protéger l’environnement immédiat, notre patrimoine naturel. » Voilà ce qu’on peut lire dans la Déclaration internationale des droits de la mémoire de la terre, signée le 13 juin 1991 à Digne-les-Bains, dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence.

C’est dire si le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont nous entamons l’examen, est une bonne nouvelle pour le monde rural et montagnard, qui vit pleinement de ses ressources naturelles et qui a à cœur de valoriser un patrimoine multiforme, interdépendant et profondément vivant. Il est d’autant plus important qu’il s’inscrit dans le droit fil de l’accord signé à Paris le 12 décembre dernier relatif à la réduction de la température terrestre – une très belle réussite que nous devons saluer.

Il ne me paraît pas inutile de rappeler que les territoires ruraux, en particulier montagnards, sont de très longue date des fers de lance précieux de la prise de conscience des dégradations parfois irréversibles subies par les espaces naturels.

Plus que jamais, nous avons la possibilité de privilégier une approche globale, qui permette d’appréhender la nature dans son ensemble. C’est la raison pour laquelle je suis satisfait que figurent dans les principes fondamentaux la préservation de la géodiversité et le support minéral comme constituant de la biodiversité.

Dans le même temps, il convient de prendre en compte les avantages considérables que les territoires concernés pourraient tirer d’une valorisation raisonnée et durable de leurs écosystèmes ; tel sera le sens de mon intervention.

À ce titre, le texte est porteur de beaucoup d’espoirs, mais aussi d’attentes concrètes.

Je souhaite plaider en cet instant pour que la future Agence française pour la biodiversité qui naîtra de nos discussions se dote d’une stratégie qui réponde à nos préoccupations en matière de ressources en eau et d’entretien des cours d’eau, notamment en zone de montagne.

La question des débits réservés a fait l’objet d’un débat important à l’Assemblée nationale. Une mission parlementaire a également permis d’avancer quelques pistes sur le sujet. Madame la ministre, pouvez-vous d’ores et déjà nous faire connaître l’état des discussions sur la question de la possible mise en place de dérogations aux débits réservés en zone de montagne en cas de sécheresse ?

Je souhaite plus particulièrement attirer votre attention sur l’entretien des cours d’eau et, plus spécifiquement, sur la question du curage et du dragage des rivières. Ce problème a été récemment soulevé dans cet hémicycle par Pierre-Yves Collombat, qui tirait les leçons des inondations dramatiques survenues dans le sud-est de la France. Durant des décennies, nos cours d’eau ont fait l’objet d’une exploitation totalement déraisonnée, qui a considérablement dégradé le milieu naturel.

Heureusement, le législateur a par la suite encadré la pratique du curage. Ainsi, l’article L. 215-15 du code de l’environnement interdit les extractions dans le lit mineur et l’espace de mobilité du cours d’eau, ainsi que dans les plans d’eau traversés par un cours d’eau.

Désormais, le curage est rendu quasiment impossible, car il est soumis à des autorisations qui sont en réalité des interdictions. Aujourd’hui, certains cours d’eau ne sont plus entretenus comme ils le devraient, ce qui est contreproductif pour la faune et la flore, et parfois source de danger pour les habitants.

Il est devenu nécessaire de faire évoluer certaines pratiques. Cette tâche pourrait être confiée à l’Agence française pour la biodiversité, qui exercera à la fois la mission de restauration des zones humides et la mission de police de l’eau. Je suggère que l’Agence puisse s’appuyer sur des associations syndicales autorisées – les ASA – mieux mobilisées, mais aussi sur les syndicats de rivière pour piloter efficacement des expérimentations en cas de besoin.

En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, la reconquête de la biodiversité devra aussi s’appuyer sur ces initiatives locales, facilitées et mieux coordonnées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Roux

M. Jean-Yves Roux. Comme le disait Winston Churchill : « Là où se trouve une volonté, il existe un chemin. »

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui a connu un chemin législatif tortueux, c’est le moins que l’on puisse dire !

Annoncé en 2012 par le Président de la République peu après son élection, adopté par l’Assemblée nationale en mars 2015, examiné par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable en juillet 2015, ce projet de loi n’arrive en séance publique que plus de six mois plus tard. Je ne suis pas certain que la démocratie ait beaucoup à gagner à un examen aussi haché !

Pour commencer, je tiens à saluer le travail considérable et remarquable réalisé par M. le rapporteur, Jérôme Bignon, qui a auditionné au printemps dernier d’innombrables acteurs, organismes, autorités liés à la biodiversité. Ce travail a consisté à préserver l’équilibre du texte, instillant du réalisme et prenant en considération les nécessités économiques que la majorité de gauche à l’Assemblée nationale n’avait pas toujours envisagées.

C’est ainsi que les agriculteurs, ces acteurs majeurs de la biodiversité qui sont touchés par une crise profonde, ont pu être entendus par M. le rapporteur et par la commission. En cet instant, j’ai une pensée pour eux, ainsi que pour la Bretagne évidemment et, plus particulièrement, les Côtes-d'Armor où les éleveurs sont confrontés à des situations absolument dramatiques et vivent une réalité très éloignée des considérations qui ont inspiré ce texte, bien que je n’en nie évidemment pas l’importance.

Mme Françoise Gatel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Mais, en fait, c’est l’équilibre du texte à l’issue de son examen qui en fera ou non une bonne loi de la République qui sera acceptée par les acteurs économiques de notre pays.

En effet, tel qu’il est arrivé au printemps dernier devant nos collègues députés, le projet de loi était une accumulation de contraintes, d’obligations et d’interdictions affectant les agriculteurs. Nos collègues du groupe politique Les Républicains, qui appartiennent à l’opposition à l’Assemblée nationale, n’avaient d’ailleurs pas manqué de le dénoncer.

Madame la ministre, dans le cadre de la reconquête de la biodiversité, serait-il possible de protéger et de conserver nos agriculteurs, espèce qui risque d’être en voie de disparition si l’on continue d’augmenter les contraintes qui pèsent sur leur métier ?

Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Plus généralement, les dispositions de ce projet de loi complexifient le paysage, non celui que l’on admire, mais le paysage réglementaire actuel ! Elles visent à restreindre certaines activités humaines sur le territoire français. Ces restrictions, qui n’existent pas dans d’autres pays de l’Union européenne, auront un effet économique négatif sur les activités forestières et agricoles en France, ainsi que sur le développement économique de nos territoires ruraux.

Pourtant, la crise économique qui sévit et perdure dans notre pays devrait au contraire nous conduire à simplifier les règles, à relancer l’activité économique et à desserrer certaines contraintes réglementaires et fiscales qui pèsent tout à la fois sur nos agriculteurs et sur nos entreprises. Madame la ministre, où sont passées les perspectives liées au choc de simplification que l’on nous a tant de fois annoncé ?

En ce domaine comme dans d’autres, c’est désormais le Sénat qui fait entendre la voix du réalisme et des acteurs de la vie économique de ce pays !

Mes chers collègues, espérons que la retenue qu’a su garder M. le rapporteur permette au texte, tel qu’il a été remanié en commission, intégrant notamment les amendements proposés par Mme la rapporteur pour avis Sophie Primas, de poursuivre son chemin législatif !

Mais tâchons aussi, lors des débats en séance publique, d’aller au-delà des compromis et de faire de ce projet de loi un outil véritablement utile pour les acteurs concernés ! Mes chers collègues, n’est-ce pas le propre d’un texte législatif que d’être utile ? Le débat en séance plénière n’est-il pas destiné à nous permettre de l’améliorer encore ?

Je suivrai avec la plus grande attention les amendements déposés non seulement par Rémy Pointereau en faveur des agriculteurs, mais aussi par Gérard Bailly pour les éleveurs, ou encore par M. Jean-Noël Cardoux en faveur des chasseurs et des pêcheurs, amendements que de nombreux collègues ont cosignés en espérant que les discussions qu’ils susciteront permettront un dialogue aussi constructif que possible dans cet hémicycle. J’ajoute avoir moi-même déposé un amendement visant à sécuriser le titre de paysagiste.

Je conclurai mon propos en évoquant le courriel que m’a adressé une personne qui s’est spécialisée dans le lombricompostage, autrement dit le traitement des déchets organiques par des vers, et auquel, j’en suis certain, vous serez aussi sensible que moi, madame la ministre. En effet, même si le sujet peut paraître anecdotique, il est très révélateur du blocage de notre société : « À l’heure où nous cherchons à réduire les déchets, à avoir un environnement plus sain, à sensibiliser nos concitoyens sur l’environnement, certaines activités sont incapables de démarrer en France, croulant sous le poids de législations et réglementations non proportionnées qui bloquent toute initiative. C’est ainsi que toute société qui souhaiterait développer le lombricompostage ou produire des insectes de type “coccinelle” pour lutter de façon écologique contre les ravageurs des cultures au lieu d’utiliser des produits chimiques, ou encore produire des escargots pour la transformation ultérieure, est soumise à une réglementation extrêmement contraignante concernant la faune sauvage “captive”, à savoir l’obtention d’une autorisation préfectorale d’ouverture, qui requiert également que l’entretien des animaux soit placé sous la responsabilité d’une personne titulaire du “certificat de capacité” délivré en application de l’article L. 423-2 du code de l’environnement ».

Tenez-vous bien, mes chers collègues : la réglementation qui doit être respectée en matière de lombricompostage est identique à celle qui est en vigueur dans les zoos et les cirques. Je vous rappelle pourtant qu’il n’est question ici que de lombrics, de coccinelles et d’escargots !

Pour conclure, madame la ministre, je tiens à dire que je suis de ceux qui continueront de militer pour la simplification avant toute chose et pour la coexistence intelligente entre écologie et économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Il faut que tout dogmatisme laisse place au pragmatisme et au réalisme, seuls gages d’une adaptation aux changements grandement nécessaires à notre pays !

Comme le disait un grand naturaliste, Charles Darwin, « ce n’est pas la société la plus forte qui survit, ni même la plus intelligente, mais celle qui s’adapte le mieux aux changements. »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. le rapporteur et Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis, applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous y voilà ! Nous abordons ce beau et grand débat sur le vivant, les vivants, les interactions qu’ils ont avec leurs milieux et leur préservation conjointe.

Notre pays, la France, possède l’un des patrimoines naturels les plus riches et les plus variés au monde par son territoire et sa surface maritime répartie sur tous les continents. Je pense naturellement aux grandes barrières de corail de Nouvelle-Calédonie, classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais également aux climats du vignoble de Bourgogne eux aussi récemment classés.

Pour autant, l’équilibre est fragile. Des études évoquent ainsi une sixième extinction de masse, ce dont chaque citoyen est – je le crois – désormais conscient. J’ai d’ailleurs en tête le combat de ces jeunes agriculteurs de l’Yonne qui demandent l’arrêt du grignotage systématique des espaces naturels cultivables.

En effet, on le perçoit bien, mes chers collègues, les tendances lourdes qui sont à l’œuvre favorisent le développement de villes-monde qui se livrent à une féroce concurrence internationale.

En définitive, la « mégamachine » décrite dans les années cinquante par Lewis Mumford est en train de devenir réalité, avec tout ce que cela contient en germe de dépersonnalisation des relations. Ou quand la personne, au lieu d’être insérée dans des communautés de vie et de partage, s’efface pour n’être qu’un individu ballotté, peut-être désespéré.

C’est ce que Henry David Thoreau, l’auteur de Walden ou la vie dans les bois, avait lui aussi prédit dès la fin du XIXe siècle : « L’existence que mènent en général les hommes est une existence de tranquille désespoir. Ce que l’on appelle résignation n’est autre chose que du désespoir confirmé. De la cité désespérée vous passez dans la campagne désespérée, et c’est avec le courage de la loutre et du rat musqué qu’il vous faut vous consoler. Il n’est pas jusqu’à ce qu’on appelle les jeux et divertissements de l’espèce humaine qui ne recouvre un désespoir stéréotypé quoique inconscient ».

Pourquoi dresser un tel tableau en préambule ? C’est parce que le débat que nous allons avoir, mes chers collègues, renvoie aussi au sens que nous souhaitons donner aujourd’hui à notre action dans le monde !

La vie transforme les êtres vivants. La vie évolue. Henri Bergson l’a bien expliqué : il y a coappartenance des vivants et des milieux, il y a codépendance. Mais ne perdons pas de vue que l’homme reste l’être le plus capable de conscience sur notre planète. Par conséquent, c’est aussi à nous d’avoir conscience de la Terre.

Cette prise de conscience doit nous réconcilier avec le long terme, quand nous subissons la tyrannie de l’accélération du temps. Elle doit également nous réconcilier avec les « petites patries » que sont les territoires dans lesquels plongent nos racines. Bref, à naufrage mondial, répondons par un ancrage local, à échelle humaine, à hauteur d’homme.

Face à ces immenses défis auxquels nous devons faire face, nous ne devons pas céder à la tentation de désigner des bons et des mauvais. Bref, pour une fois, ne succombons pas à cette passion française de désigner des boucs émissaires ! Or c’est bien ainsi que se sentent parfois considérés les « œuvriers » de la planète que sont les agriculteurs, les chasseurs ou les élus des collectivités locales.

Agissons plutôt avec le souci du dialogue et du pragmatisme, qui sont – comme l’a dit Michel Vaspart précédemment – un gage d’efficacité ! Nous avons besoin de tout le monde. La reconquête de la biodiversité passe par des partenariats forts avec tous les acteurs. Ne ravivons pas des conflits par des approches par trop vécues comme punitives.

J’ai par exemple vu que Mme Blandin avait déposé un amendement sur l’interdiction de la chasse le mercredi. Il s’agit pourtant d’un vieux débat qui a déjà été tranché.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

C’est raté, monsieur Lemoyne, l’amendement n’est plus d’actualité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Il est donc inutile de revenir sur le sujet.

Il s’agit non pas de mettre la nature sous cloche, mais de révéler au contraire son incroyable potentiel.

Nous, les ruraux, avons la conviction d’être des acteurs de premier plan en termes de maintien de la biodiversité et des paysages. Or l’avalanche normative à laquelle, la vérité m’oblige à le dire, nous avons contribué conduit à la lente apoplexie d’un certain nombre d’acteurs de ces territoires.

Par exemple, la mise en œuvre des décisions relatives aux captages « Grenelle » se traduit par des mesures de résorption, qui ont été prises selon un processus un peu trop vertical et après une insuffisante concertation.

Dans ce contexte, je salue les efforts réalisés par M. le rapporteur et par Mmes les rapporteurs pour avis, Sophie Primas et Françoise Férat, pour aller vers un texte davantage équilibré qu’il ne l’était au moment de son dépôt ou de son adoption par l’Assemblée nationale. Il s’agit désormais d’un texte qui construit « avec » et pas « contre », notamment avec les chasseurs. Ces derniers jouent en effet un rôle important dans l’aménagement du territoire et la préservation de la faune sauvage.

Mes chers collègues, imaginons la situation s’il n’y avait pas de régulation : certaines espèces se développeraient avec excès et entraîneraient un dérèglement de l’équilibre existant. On le voit régulièrement avec les dégâts de gibier.

Les recensements de la faune sauvage, les subventions attribuées pour les travaux de recherche sur les espèces, la collecte de données, ou encore la surveillance sanitaire de la faune sauvage sont autant d’actions qui font des chasseurs des acteurs majeurs de la gestion du territoire et de la sauvegarde de cette faune sauvage.

À cet égard, je salue l’amendement de Sophie Primas qui permet d’intégrer des représentants des collectivités locales à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, sans toucher au principe selon lequel les représentants issus des milieux cynégétiques constituent la moitié des membres du conseil.

Le texte de la commission prend également en compte les agriculteurs, qui sont aussi des acteurs de premier plan. Là encore, je salue le pragmatisme qui a conduit Jérôme Bignon et Sophie Primas à supprimer l’article 34. Cet article permettait à l’autorité administrative – une fois de plus ! – de créer des zones soumises à contraintes environnementales au sein desquelles des pratiques agricoles pouvaient être imposées. Je le répète : le contrat et le partenariat doivent prévaloir sur la contrainte !

De la même façon, M. le rapporteur a déposé à l’article 27 un amendement dont l’adoption permet d’associer les chambres d’agriculture à la procédure d’élaboration de la charte d’un parc naturel régional. Cette disposition est utile tant les craintes sont nombreuses au sujet d’une démarche qui peut pourtant se révéler « gagnant-gagnant » pour reprendre une expression que vous affectionnez, madame la ministre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

C’est au prix du dépassement de ces clivages artificiels que nous pourrons répondre à l’immense défi qui se présente et, ainsi, éviter le scénario imaginé par les Cowboys fringants, poètes chanteurs québécois. Je ne résiste pas, mes chers collègues, à l’envie de vous lire quelques strophes de leur très belle chanson intitulée Plus rien :

« Il ne reste que quelques minutes à ma vie

« Tout au plus quelques heures, je sens que je faiblis

« Mon frère est mort hier au milieu du désert

« Je suis maintenant le dernier humain de la Terre

« On m’a décrit jadis, quand j’étais un enfant

« Ce qu’avait l’air le monde il y a très très longtemps

« Quand vivaient les parents de mon arrière-grand-père

« Et qu’il tombait encore de la neige en hiver

« En ces temps on vivait au rythme des saisons

« Et la fin des étés apportait la moisson

« Une eau pure et limpide coulait dans les ruisseaux

« Où venaient s’abreuver chevreuils et orignaux

« Mais moi je n’ai vu qu’une planète désolante

« Paysages lunaires et chaleur suffocante

« Et tous mes amis mourir par la soif ou la faim

« Comme tombent les mouches jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien…

« Plus rien…

« Plus rien… »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Cornano

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de l’examen en séance, au Sénat, de ce projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

À plus d’un titre, ce texte est très attendu. Quarante ans après la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, il vient compléter et modifier notre conception et notre rapport à la nature.

Différentes évolutions l’imposent, qu’elles concernent les découvertes scientifiques, de nouveaux instruments normatifs et juridiques, ou encore la prise de conscience de l’urgence climatique et environnementale par les pouvoirs publics et la société, notamment par les acteurs économiques.

La destruction de la biodiversité, du fait de l’action de l’homme, de l’incertitude des effets susceptibles d’en découler et du risque d’irréversibilité de cette perte, doit nous conduire à nous interroger collectivement sur nos propres pratiques. Elle remet également en question le droit en tant qu’instrument de régulation des relations sociales.

Le professeur Michel Prieur considère que l’environnement renvoie aux interactions et aux relations des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. Dès lors, le droit de l’environnement doit réglementer des secteurs comme la protection de la nature, l’aménagement, l’urbanisme ou les ressources maritimes.

Première richesse de la biodiversité française et européenne, l’outre-mer présente une exceptionnelle variété d’espèces et d’écosystèmes. J’illustrerai mon propos en évoquant très sommairement l’archipel de la Guadeloupe.

Ses deux îles principales diffèrent de par leur origine géologique. Ainsi, la Grande-Terre d’origine corallienne dispose d’un sol calcaire peu accidenté, tandis que la Basse-Terre d’origine volcanique est traversée du nord au sud par une chaîne montagneuse dont le point culminant est le volcan de la Soufrière.

La biodiversité demeure peu connue, ce qui a conduit à la mésestimer et à méconnaître le rôle fonctionnel attribué aux habitats.

Outre les quatre types d’habitat que sont les zones humides, les herbiers de phanérogames marines, les communautés coralliennes et les plages et estrans, il est possible d’évoquer également plusieurs habitats marins, sans statut particulier, mais qui doivent être considérés si l’on veut prendre en compte l’ensemble de la biodiversité guadeloupéenne. Il s’agit notamment des fonds sablo-vaseux, des fonds détritiques, des algueraies, des zones rocheuses ne présentant pas de formations coralliennes et des zones détritiques profondes.

La Guadeloupe est également identifiée comme un hot spot de biodiversité du fait du caractère endémique de nombreuses espèces.

Par ailleurs, échappant aux catégories juridiques existantes, les outre-mer constituent un fabuleux champ d’expérimentation des potentialités du droit constitutionnel et administratif. Le droit est source d’innovations importantes et provoque le débat. Il enrichit la réflexion sur une décentralisation de l’environnement. Nos outre-mer soulèvent des questions originales et pertinentes, qui n’entrent pas dans les cadres préconçus.

Malgré cela, les atteintes à la biodiversité ultramarine demeurent importantes. L’analyse des situations locales fait ressortir la gravité des problèmes écologiques affectant la majorité des territoires, tels que la régression des espaces sensibles, la raréfaction d’espèces endémiques, ou encore l’extension, importante et constante, de l’emprise humaine sur le littoral.

Force est de constater que le développement économique de nos outre-mer n’a pas été favorable à l’environnement. Les transformations créées, notamment sur les rivages, nécessitent de replacer ce dernier au centre des préoccupations et des projets, mais également de se poser des questions sur les choix du modèle actuel de développement.

Pour en revenir au projet de loi qui nous est présenté ce jour, différentes problématiques sont abordées au travers de ses sept titres. J’évoquerai certaines d’entre elles.

Au titre Ier, qui pose les grandes orientations, je me réjouis de l’inscription dans le code de l’environnement d’une vision renouvelée des composantes de la biodiversité. Toutefois, je regrette que le principe de non-régression en droit de l’environnement, cher au professeur Michel Prieur, n’ait pas été introduit.

De même, le titre IV relatif à l’accès aux ressources génétiques nécessite des précisions quant à sa mise en œuvre, en raison de nombreuses limites.

Les procédures d’accès et d’utilisation des ressources génétiques semblent insuffisamment développées.

S’agissant des communautés et de leurs connaissances traditionnelles, j’ai le souvenir que le Conseil national de la transition écologique, le CNTE, avait appelé au mois de décembre 2013, à propos de la notion de communautés autochtones et locales, à une « transcription en droit français […] la moins restrictive possible pour couvrir l’ensemble des détenteurs de connaissances traditionnelles qui doivent bénéficier d’un partage des avantages ».

Par ailleurs, il est dommageable que cette mise en cohérence se fasse par une segmentation artificielle et injustifiée des compétences.

J’en viens au titre V, relatif aux outils de préservation de la biodiversité. Celui-ci traite bien du milieu marin, du littoral et de la biodiversité terrestre, mais je regrette une distinction qui, manifestement, méconnaît les réalités de nos territoires insulaires.

Je rappelle enfin que, dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité du mois de septembre 2006, le plan outre-mer développe, pour la première fois dans l’histoire de la conservation de la biodiversité ultramarine, des orientations transversales à l’outre-mer.

Je conclurai avec cette citation : « il ne faut pas attendre du droit des conséquences qu’il ne peut pas avoir ou lui infliger un programme qu’il ne peut pas réaliser ».

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par saluer, à mon tour, le travail colossal réalisé par le rapporteur, Jérôme Bignon. Celui-ci a su écouter tous les acteurs, au travers d’auditions qui ont été nombreuses. Au stade de l’examen en commission – c’était en juillet dernier, voilà près de six mois –, il a opéré des aménagements bienvenus pour tâcher d’équilibrer le texte et, ainsi, de satisfaire les nombreux acteurs de la biodiversité.

Je salue également l’excellence du travail effectué par Sophie Primas, la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, dont les propositions ont d’ailleurs toutes été reprises.

Quel plus beau concept que celui de préservation de la biodiversité ? Le capital vert s’érode de jour en jour ; beaucoup trop d’espèces sont menacées ou ont déjà disparu. La violence du progrès, le pillage de certaines matières premières, la pollution des sols et des océans, la réduction des espaces, le réchauffement climatique : tous les indicateurs de la biodiversité sont au rouge et nous nous demandons tous ce que nous allons léguer à nos descendants.

Près de quarante ans après la loi de protection de la nature de 1976, nous avions besoin de faire évoluer notre perception de la biodiversité pour renouveler les grands principes structurant la politique de conservation de cette biodiversité.

Ce sujet aurait dû faire consensus, à l’image de ce que nous avons connu avec le Grenelle de l’environnement, dont l’esprit, inspiré par Jean-Louis Borloo, soulevait des débats rassemblant bien au-delà des convictions politiques.

Le texte sur la biodiversité aurait dû être ce moment privilégié pour la République où l’ensemble des citoyens se retrouvent sur l’essentiel. Rien de tel, hélas ! En laissant libre cours à un acharnement idéologique contre ceux qui vivent et travaillent dans les territoires ruraux, le Gouvernement, avec sa majorité à l’Assemblée nationale, n’a pas su faire consensus.

Pour être durable, le développement devrait reposer sur trois piliers fondamentaux – l’économie, l’environnement et la société –, et non découler d’une vision idéologique d’une nature préservée, mise sous cloche ! Pourquoi opposer l’homme à la nature, et l’agriculture à l’environnement ?

Je n’entrerai pas dans le détail technique qu’impose le sujet – nous y viendrons lors de la discussion des articles –, mais concentrerai mon propos sur quelques traits saillants.

Un mot, tout d’abord, sur les instances de gouvernance de la biodiversité.

L’article 5 du projet de loi crée deux institutions relatives à la biodiversité : le Comité national de la biodiversité et le Conseil national de la protection de la nature.

Le rapporteur a proposé une modification sensible de cet article que nous avons reprise avec mes collègues de la commission du développement durable, dans le sens d’un renforcement de la composition du Comité national de la biodiversité. Il a précisé ses missions, en lien avec la nouvelle Agence française pour la biodiversité.

Parmi les acteurs concernés, je tiens beaucoup à ce que l’on rappelle les agriculteurs, particulièrement leur rôle en matière de biodiversité.

Ce projet de loi, c’est un boulet supplémentaire aux chevilles des agriculteurs de notre pays ! Quelle sera la compétitivité d’un secteur déjà submergé de contraintes administratives, sociales et environnementales ? Pourtant, ce sont bien les agriculteurs qui entretiennent la nature et les paysages. Ce sont eux qui maintiennent les prairies, les haies, les bosquets, autant d’habitats pour les oiseaux et les batraciens. Plutôt que de reconnaître leur rôle de gestionnaires des espaces naturels, le Gouvernement a choisi de les soumettre à de nouvelles tracasseries administratives.

Par la voix de leurs organisations syndicales et de leurs chambres consulaires, les agriculteurs ont rappelé qu’ils étaient d’accord pour agir en faveur de la biodiversité, mais pas telle que définie par le projet de loi.

J’entends bien que le rapporteur se préoccupe de conserver un équilibre, afin que le texte puisse progresser sans risquer d’être immédiatement retoqué par nos collègues de l’Assemblée nationale. Pour autant, j’ai cosigné les amendements déposés par Rémy Pointereau, ici présent, pour que les agriculteurs, qui sont aux prises avec tant d’autres contraintes et soucis, soient davantage entendus. Il est criminel, madame la ministre, de leur imposer de nouvelles contraintes, au vu de ce qu’est déjà leur quotidien.

Je veux aussi saluer – et vous me rejoindrez peut-être sur ce point – le travail réalisé par les chasseurs, notamment en milieu rural, pour préserver la nature, faire connaître la vie sauvage et transmettre un certain nombre de savoirs.

Je pense également aux pêcheurs, qui, pour évoluer quotidiennement dans des espaces naturels remarquables et souvent dégradés, sont parfaitement au fait de la question de la gestion de l’eau. Ce sont eux qui conservent la mémoire de l’évolution des paysages, de nos vallées et de nos rivières.

Jean-Noël Cardoux, également présent sur ces travées, qui préside le groupe d’études Chasse et pêche, a annoncé tout à l’heure qu’il présenterait des amendements. J’en ai cosigné un certain nombre, comme beaucoup de mes collègues.

Enfin, peut-on considérer que la reconquête de la biodiversité est en marche avec ce texte ?

On le sait, la France a une responsabilité particulière en la matière. Elle dispose en effet de territoires d’outre-mer – ils viennent d’être évoqués par notre collègue Jacques Cornano –, qui sont très riches en biodiversité, notamment en espèces endémiques. Elle possède également le deuxième domaine maritime mondial.

Or il faut bien constater que ce projet de loi se cantonne à des avancées mineures. Pour tout dire, avec ce minimum que constitue la création d’une Agence française pour la biodiversité, nous sommes même loin des simples objectifs du Grenelle de l’environnement !

De plus, comme bien souvent, les objectifs fixés demeureront du simple affichage, faute de moyens financiers.

De nombreux observateurs ont fait valoir que, face à l’érosion de la biodiversité, des financements étaient nécessaires pour agir. En même temps, je le comprends bien, les temps sont durs, et si des arbitrages doivent être rendus, je ne sais s’ils doivent l’être en faveur d’ambitions écologiques.

Pour ma part, à l’instar de tous les Français, j’attends des traductions concrètes, dans ce domaine comme dans d’autres.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale commune est close.

Mes chers collègues, en raison de la tenue de la conférence des présidents, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.