Intervention de Guillaume Arnell

Réunion du 19 janvier 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Discussion d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Guillaume ArnellGuillaume Arnell :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprimerai sur un autre ton…

Le Sénat examine aujourd’hui un projet de loi crucial et attendu relatif à la protection de notre biodiversité et à la simplification de sa gouvernance. Dans la lignée des engagements internationaux contraignants fournis par les États à l’issue de la 21e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies contre le changement climatique, la COP 21, notre gouvernement érige une nouvelle fois les enjeux environnementaux au premier rang de ses priorités.

Au mois d’août dernier, l’ONG Global Footprint Network, créatrice du concept d’« empreinte écologique », célébrait amèrement ce qu’elle a nommé « le jour du dépassement », date de l’année à laquelle l’ensemble des ressources renouvelables de la planète disponibles pour une année ont été entièrement consommées. Au-delà de cette date, fixée en 2015 au 13 août, notre humanité vivrait ainsi « à crédit », puisant pour les quatre mois restants ses besoins en ressources dans des réserves non renouvelables. Ce décalage entre nos besoins et les possibilités de notre planète font encourir l’épuisement des ressources et, par voie de conséquence, la dégradation de notre biodiversité. Le constat est donc le suivant : il faudrait aujourd’hui à l’humanité une planète et demie pour absorber l’ensemble de ses besoins. À ce rythme, il lui en faudra deux d’ici à 2030. Avec ces quelques chiffres, nous prenons la mesure de l’ampleur du défi qui s’ouvre devant nous et qui devient de jour en jour plus urgent.

Nous le savons, la France possède un patrimoine naturel extrêmement riche. Elle est le deuxième espace maritime du monde et possède, grâce aux outre-mer, une biodiversité marine d’exception. Elle est aussi le seul pays européen à posséder une triple façade maritime. Pour autant, et comme le souligne notre collègue Jérôme Bignon dans son excellent rapport, elle est le cinquième pays du monde hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées.

Comme nous l’ont rappelé les nombreuses personnes auditionnées cette année, cette richesse commune est particulièrement menacée par la surexploitation, la destruction des habitats naturels, la pollution ou l’introduction d’espèces envahissantes. Nous sommes vulnérables non seulement à l’érosion croissante de nos réserves, mais aussi à la dégradation des écosystèmes et au dérèglement climatique.

Cette responsabilité est globale, elle dépasse le cadre de notre pays, voire de notre continent : à l’échelle de la planète, ce sont 30 % des espèces mondiales qui sont menacées de disparition d’ici à 2050. Dans les territoires ultramarins, qui abritent plus de 90 % de la faune invertébrée et des plantes spécifiques à la France, ce sont plus de 15 % des espèces qui sont en danger.

Actant l’urgence du défi à relever, la France, par la voix de son gouvernement, amorce un tournant majeur en matière de prise de conscience environnementale, comme en témoignent les aboutissements contraignants de la conférence de Paris pour le climat. Le présent projet de loi vient former, avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, un dispositif législatif ambitieux en faveur de l’avènement d’un modèle économique et social plus respectueux de notre planète.

En tentant de fournir des alternatives concrètes à nos modes actuels de production et de consommation, ces deux textes nous permettent de mettre en œuvre dans les meilleures conditions une transition écologique. Ils ont vocation à faire de la France un modèle d’excellence environnementale pour la croissance verte et bleue. Je salue donc un texte transversal liant le concept de biodiversité à un ensemble d’enjeux globaux, à commencer par le changement climatique et la croissance économique.

Il n’est nul besoin de le rappeler, la préservation de notre biodiversité conditionne nos possibilités futures d’approvisionnement en ressources naturelles, particulièrement en matières premières. Elle ne se limite pas à une volonté, certes importante, de préservation des espaces naturels et des espèces vivantes, car la détérioration de nos écosystèmes menace également notre accès à l’eau potable, aux matières premières alimentaires et, à terme, notre bien-être. La biodiversité est également un vivier pour la recherche et l’innovation, avec potentiellement, à la clé, des emplois et des activités durables. En somme, la conservation de notre biodiversité est un maillon indispensable du processus économique et social de transition écologique.

Le présent projet de loi tente ainsi de faire face à un enjeu clé en matière de biodiversité, celui de la gouvernance. Nous saluons à ce titre la création d’un interlocuteur unique doté de moyens considérables, l’Agence française pour la biodiversité, destinée à porter d’une seule voix la stratégie nationale pour la biodiversité. Nous rappelons néanmoins les nécessités de consolider le périmètre de ses missions et de lui assurer un réel pouvoir de décision.

La protection de la biodiversité est un devoir auquel nul ne peut se soustraire, ni les instances gouvernementales, ni les associations, ni les citoyens. La genèse d’une instance inclusive et participative, le Comité national de la biodiversité, est à nos yeux également positive.

En ma qualité d’animateur du pôle « développement durable » de ma collectivité, j’insiste fortement sur l’indispensable représentation de tous les territoires d’outre-mer dans ces deux instances, ces territoires abritant une part considérable de la biodiversité de notre pays.

Compte tenu de la richesse que représentent les territoires ultramarins, la prise de conscience les concernant doit être plus forte. En effet, leur biodiversité est confrontée quotidiennement aux aléas du climat et de l’activité humaine.

La dégradation des mangroves nous rend plus vulnérables aux catastrophes naturelles. Les dégâts causés à Saint-Martin par les ouragans Luis et Marilyn en 1995, plus récemment par Gonzalo, nous l’ont amèrement rappelé.

Dans un autre registre, la prolifération des algues sargasses sur nos littoraux et l’arrivée d’espèces invasives dans nos eaux, tel le poisson-lion, sont autant de menaces pour la préservation de notre biodiversité.

Nos îles, isolées, sont également fortement exposées à l’acidité accrue de nos eaux et à la montée du niveau des mers.

Le groupe du RDSE, conscient de la nécessité de simplifier la gouvernance des politiques en faveur de la biodiversité, salue l’initiative de ce texte. La richesse de nos écosystèmes est un atout social, économique et environnemental pour notre pays. Il est de notre devoir de parlementaires de sensibiliser sans relâche nos concitoyens à l’urgence de ces problématiques.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons pouvoir approuver le plus largement possible ce texte mardi prochain. Son adoption dépendra bien évidemment de nos travaux et de nos échanges cette semaine dans cet hémicycle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion